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Date : 19991019

Dossier : T-1900-98

Ottawa (Ontario), le 19 octobre 1999

En présence de monsieur le juge Pelletier   

ENTRE :

RAJNI SUD, KARAN SUD, RHEA SUD

demandeurs,

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         Le 10 mars 1989, Mme Rajni Sud, la demanderesse, son époux Rajiv Sud et leur fils Karan Sud sont entrés au Canada en tant que résidents permanents. Après un séjour de 10 jours, pendant lequel ils sont restés chez des amis, Mme Sud a quitté le Canada pour retourner aux Émirats arabes unis et en Indes pour mettre de l'ordre dans leurs affaires et rencontrer de la parenté. Elle s'est absentée du pays pendant 337 jours. Après son retour, elle est restée environ un mois au Canada, habitant chez des amis, avant de repartir pour les Émirats arabes unis et l'Indes pour accompagner son époux, en voyage pour son travail. Elle s'est absentée 338 jours, revenant en février 1991. Elle paraît être restée au Canada pendant environ neuf mois avant de repartir en novembre 1991 pour une période de 308 jours. Après un séjour d'environ 10 jours, elle est repartie pour une période de 215 jours.

[2]         Cette façon de faire s'est poursuivie plus ou moins de la même manière jusqu'en janvier 1996 où ses périodes de présence au Canada se sont sensiblement allongées et ses périodes d'absence sont devenues beaucoup plus courtes. Elle a fait une demande de citoyenneté le 30 avril 1997. Elle a été physiquement présente au Canada pendant 672 jours au cours des 1460 jours qui ont précédé sa demande. Il lui manquait 423 jours pour atteindre les 1095 jours de résidence exigés par l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29.

[3]         De 1989 à novembre 1994, Mme Sud est restée chez des amis chaque fois qu'elle était au Canada. En novembre de cette année-là, elle a loué une maison à Oshawa jusqu'à ce que la famille ait acheté une maison à Oakville, en novembre 1995. Pendant la période de location (environ un an), Mme Sud a été absente du Canada pendant 312 jours.

[4]         Le juge de la citoyenneté a conclu que Mme Sud n'a pas rempli les conditions de résidence prévues par la Loi. La lettre de refus indique que le juge s'est demandé comment Mme Sud, compte tenu des ses absences, pouvait avoir établi sa résidence au Canada entre sa date d'établissement et le 30 avril 1993. Elle indique ensuite que le juge de la citoyenneté est convaincu que [TRADUCTION] « pendant les deux dernières années qui précède votre demande, vous avez maintenu votre résidence à Oakville (Ontario). » La lettre n'étant pas un modèle de clarté, elle donne à entendre que le juge de la citoyenneté a conclu que la résidence n'avait pas été établie avant une date se situant dans les quatre ans précédant la date de la demande. Cela ne pouvait guère être en 1995 puisque Mme Sud n'a été présente au Canada que pendant 34 jours cette année-là. Vu son retour au Canada le 6 janvier 1996 et son séjour jusqu'au 16 avril 1996, on pourrait raisonnablement conclure que la date d'établissement de la résidence était le mois de janvier 1996, ce qui est en fait moins de deux ans avant la date de la demande.

[5]         La résidence ne commence à s'accumuler que lorsqu'elle a été établie. Ce principe a été confirmé par la Cour d'appel fédérale peu après la décision du juge Thurlow dans Re Papadogiorgakis [1978] 2 R.C.F. 208, dans une affaire appelée Re Pattni [1980] A.C.F. no 1017. Dans Papadogiorgakis, le juge Thurlow a établi le principe de résidence par déduction par lequel les périodes d'absence du Canada pourraient entrer dans le calcul de l'exigence de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi. Il est implicite dans Papadogiorgakis que la résidence doit d'abord être établie avant que des périodes d'absence puissent compter à titre de périodes de résidence. Cela a été rendu explicite dans Pattni :

Pour que les absences physiques du Canada puissent quand même être assimilées à une résidence au pays, le requérant doit d'abord avoir établi une telle résidence au Canada.

[6]         En l'espèce, la date d'établissement de la résidence n'est pas clairement établie par le juge de la citoyenneté, mais il est clair que le juge croyait qu'elle se situait dans les quatre ans précédant la date de la demande de citoyenneté; la date paraît se situer dans les deux dernières années de cette période. Si c'est le cas, la période minimale de trois ans n'aurait pris fin qu'après la date de la demande. En conséquence, la demande était prématurée. La résidence par déduction ne s'applique pas en l'espèce parce que même si tous les jours après la date d'établissement sont comptés, ils ne totalisent pas 1095. Dans la situation habituelle de résidence par déduction, la présence physique réelle est inférieure à 1095 jours, mais lorsqu'on y ajoute les jours d'absence, l'exigence de 1095 jours est satisfaite. En l'espèce, cette exigence ne pouvait pas être satisfaite parce qu'il y avait moins de 1095 jours entre la date d'établissement, pour autant qu'elle puisse être déterminée, et la date de la demande.

[7]         Il était loisible au juge de la citoyenneté de conclure que la résidence avait été établie pendant le séjour de neuf mois au Canada de Mme Sud en 1991. Cependant, si l'on examine la preuve de l'attachement au Canada, toute la participation active dans la vie canadienne s'est produite après janvier 1996, même si tous les indices statiques ou certains d'entre-eux (permis de conduire, numéro d'assurance sociale, compte en banque, etc.) ont été acquis avant cette date. Bien qu'un autre juge aurait pu arriver à une autre conclusion, je ne vois aucun motif d'infirmer la présente décision du juge.


ORDONNANCE

            La demande d'annulation de la décision du juge de la citoyenneté Pamela Appelt, datée du 3 août 1998, est rejetée.

« J.D. Denis Pelletier »   

__________________________

Juge                     

Traduction certifiée conforme

Philippe Méla


SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :T-1900-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :Rajni Sud et autres c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :le 18 mai 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :monsieur le juge Pelletier

EN DATE DU :19 octobre 1999

ONT COMPARU :

M. Stephen W. Green                           pour les demandeurs

Mme Leena Jaakkimainen                                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegelpour les demandeurs

Avocats

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg    pour le défendeur

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)

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