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Date : 20060329

Dossier : T-416-05

Référence : 2006 CF 385

Ottawa (Ontario), le 29 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

 

ENTRE :

PURDUE PHARMA

demanderesse

et

 

NOVOPHARM LIMITED et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une requête par laquelle la demanderesse interjette appel d’une ordonnance discrétionnaire de la protonotaire Tabib en date du 13 février 2006 (ordonnance frappée d’appel). Dans l’ordonnance frappée d’appel, la protonotaire Tabib :

a)      a rejeté la requête de la demanderesse visant à obtenir une ordonnance interdisant à la défenderesse Novopharm Limited (Novopharm) de s’appuyer sur certains passages de ses affidavits;

b)      a rejeté la requête de la demanderesse visant à obtenir l’autorisation de déposer de nouveaux éléments de preuve;

c)      a accordé les dépens à la défenderesse.

 

[2]               La demanderesse allègue que la protonotaire Tabib a commis une erreur de droit dans sa décision et que la Cour devrait donc réexaminer les questions en litige.

 

I.          Questions en litige

[3]               La demanderesse soulève les questions suivantes :

a)         La protonotaire Tabib a‑t‑elle commis une erreur de droit en appliquant le critère énoncé dans l’arrêt Canadian Tire Corp. c. P.S. Partsource Inc., 2001 CAF 8, [2001] A.C.F. no 181 (C.A.F.) (QL), pour déterminer si la défenderesse devrait être autorisée à s’appuyer sur certains passages de ses affidavits?

b)         La protonotaire Tabib a‑t‑elle commis une erreur de droit en exigeant que la demanderesse établisse que la contre‑preuve qu’elle avait l’intention de déposer « irait dans le sens des intérêts de la justice » au lieu de déterminer s’il était « dans l’intérêt de la justice de déposer une contre‑preuve »?

c)         La protonotaire Tabib a‑t‑elle commis une erreur de droit en accordant des dépens à la défenderesse?

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, la réponse aux trois questions est négative et l’appel est rejeté.


 

II.        Norme de contrôle

[5]               La décision frappée d’appel est une ordonnance discrétionnaire rendue par une protonotaire. Les décisions des protonotaires ne peuvent être modifiées par un juge des requêtes que dans les cas suivants :

a)      le protonotaire a mal exercé son pouvoir discrétionnaire relativement à une question ayant une influence déterminante sur la décision finale quant au fond;

b)      la décision est entachée d’une erreur flagrante en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits (voir Z.I. Pompey Industrie c. ECU-Line N.V., [2003] 1 R.C.S. 450, à la page 461, et Merck & Co. c. Apotex Inc. (2003), 30 C.P.R. (4th) 40, à la page 53 (CAF)).

 

[6]               La demanderesse n’a pas fait valoir que l’ordonnance frappée d’appel a trait à des questions ayant une influence déterminante sur la décision finale quant au fond. Il lui incombe donc d’établir que la décision de la protonotaire Tabib était entachée d’une erreur flagrante.

 

III.       Analyse

            a)         La protonotaire Tabib a‑t‑elle commis une erreur de droit en appliquant le critère énoncé dans l’arrêt Canadian Tire Corp. c. P.S. Partsource Inc., 2001 CAF 8, [2001] A.C.F. no 181 (C.A.F.) (QL), pour déterminer si la défenderesse devrait être autorisée à s’appuyer sur certains passages de ses affidavits?

 

[7]               La demanderesse fait valoir que le critère qu’il convient d’appliquer à une requête visant à écarter des éléments de preuve dans le cadre d’une action intentée en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement), a été énoncé clairement par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social) (2000), 7 C.P.R. (4th) 272.

 

[8]               En ce qui concerne les observations de la demanderesse, je ne vois pas de « critère clair » dans l’arrêt AB Hassle qui soit moins rigoureux que celui qui est énoncé dans l’arrêt Partsource au sujet des requêtes en radiation. Les principes formulés dans ces deux arrêts ne sont pas incompatibles et ils peuvent, et devraient même, être lus ensemble.

 

[9]               Il est pratiquement impossible de faire une distinction entre une requête visant à écarter des éléments de preuve et une requête en radiation. Il convient de souligner que, dans une action similaire intentée en vertu du Règlement, la Cour d’appel fédérale s’est appuyée sur l’arrêt Partsource dans AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2003 CAF 487, [2004] 2 R.C.F. 364 (C.A.), et qu’elle a cité les arrêts Partsource et A.B. Hassle dans Mayne Pharma (Canada) Inc. c. Aventis Pharma Inc., 2005 CAF 50, [2005] A.C.F. no 215 (C.A.F.) (QL). La juge Eleanor Dawson a également invoqué Partsource et A.B. Hassle dans la décision GlaxoSmithKline Inc. c. Genpharm Inc., (23 avril 2002) T‑1755‑01 (C.F. 1re inst.)).

 

[10]           Je conclus donc que la protonotaire Tabib n’a pas commis d’erreur en appliquant le critère énoncé dans l’arrêt Partsource.

 

            b)         La protonotaire Tabib a‑t‑elle commis une erreur de droit en exigeant que la demanderesse établisse que la contre‑preuve qu’elle avait l’intention de déposer « irait dans le sens des intérêts de la justice » au lieu de déterminer s’il était « dans l’intérêt de la justice » de déposer une contre‑preuve?

 

[11]            La demanderesse allègue que la protonotaire Tabib a commis une erreur en exigeant qu’elle convainque la Cour que les éléments de preuve qu’elle avait l’intention de produire « iraient dans le sens des intérêts de la justice ». Elle affirme qu’il lui fallait seulement démontrer qu’il était dans l’intérêt de la justice d’autoriser la contre‑preuve et que ce critère est nettement moins exigeant que celui que suppose le critère appliqué par la protonotaire.

 

[12]           L’article 312 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire d’autoriser les parties à déposer des éléments de preuve complémentaires. Dans la décision Mazhero c. Canada (Conseil canadien des relations industrielles), 2002 CAF 295, [2002] A.C.F. no 1112 (C.A.F.) (QL), le juge John M. Evans a écrit que les demandes de contrôle judiciaire sont des procédures sommaires dont la décision ne devrait pas souffrir de retard injustifié et que le pouvoir discrétionnaire de la Cour de permettre le dépôt de documents additionnels devrait être exercé avec une grande circonspection.

 

[13]           Dans la décision Atlantic Engraving Ltd. c. Lapointe Rosenstein, 2002 CAF 503, [2002] A.C.F. no 1782 (C.A.F.) (QL), le juge Marc Nadon a dit que la Cour peut autoriser le dépôt d’éléments de preuve complémentaires lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a)      Les éléments de preuve vont dans le sens des intérêts de la justice.

b)      Les éléments de preuve aideront la Cour.

c)      Les éléments de preuve ne causeront pas de préjudice grave à la partie adverse.

d)      Les éléments de preuve n’étaient pas disponibles auparavant.

 

[14]           Je suis en désaccord avec la demanderesse à cet égard et je conviens avec la défenderesse que la demanderesse essaie d’établir une distinction là où il n’y en a pas. La protonotaire Tabib ne lui a pas demandé de produire les affidavits qu’elle avait l’intention de déposer, mais elle a rejeté sa requête parce qu’elle ne pouvait pas indiquer de façon satisfaisante ce que ces éléments de preuve permettraient d’établir.

 

[15]           Quoi qu’il en soit, les mots du juge Nadon dans la décision Atlantic Engraving me portent à conclure que la protonotaire Tabib n’a pas commis d’erreur en exigeant que la demanderesse établisse les éléments de preuve complémentaires qu’elle voulait produire « iraient dans le sens des intérêts de la justice ».

 

            c)         La protonotaire Tabib a‑t‑elle commis une erreur de droit en accordant des dépens à la défenderesse?

 

[16]           La demanderesse soutient que la protonotaire Tabib a commis une erreur en accordant des dépens à la défenderesse parce qu’elle a conclu que la demanderesse n’avait pas informé la défenderesse des éléments de preuve qu’elle avait l’intention de déposer. La demanderesse fait valoir que, d’après la jurisprudence de la Cour, elle n’était pas tenue de le faire.

 

[17]           Après avoir lu les motifs de la protonotaire Tabib, je ne peux pas être d’accord avec la demanderesse. Les motifs montrent clairement que des dépens ont été accordés à la défenderesse parce que la Cour désapprouvait le comportement de la demanderesse au cours de la procédure, notamment le fait que la demanderesse n’avait pas fourni de renseignements suffisants sur le contenu des éléments de preuve complémentaires qu’elle avait demandé l’autorisation de produire. Compte tenu de mes conclusions au sujet de la deuxième question en litige en l’espèce, je ne pense pas que la protonotaire Tabib ait commis une erreur en accordant des dépens à la défenderesse.

 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE que l’appel soit rejeté avec dépens.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑416‑05

 

INTITULÉ :                                       PURDUE PHARMA

                                                            et

                                                            NOVOPHARM LIMITED et

                                                            LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 9 MARS 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 29 MARS 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

James Mills                                           POUR LA DEMANDERESSE

 

Mark Edward Davis                             POUR LA DÉFENDERESSE,

                                                            NOVOPHARM LIMITED

                                                                                               

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GOWLING LAFLEUR                       POUR LA DEMANDERESSE

HENDERSON LLP

Ottawa (Ontario)

 

HEENAN BLAIKIE LLP                    POUR LA DÉFENDERESSE,

Toronto (Ontario)                                 NOVOPHARM LIMITED

 

John H. Sims, c.r.                                 POUR LE DÉFENDEUR,

Sous‑procureur général             LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

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