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     Date : 19971117

     Dossier : T-2587-95

OTTAWA (ONTARIO), LE 17 NOVEMBRE 1997

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE LUTFY

Entre :

     WILLIAM BRUCE MCFARLANE,

     demandeur,

     - et -


SA MAJESTÉ LA REINE,

     défenderesse.

     JUGEMENT

SUR PRÉSENTATION d'une requête en vue d'obtenir un jugement sommaire par la défenderesse le 3 novembre 1997;

À L'ISSUE de l'audience par vidéo-conférence le 10 novembre 1997;

LA COUR ORDONNE :

1.      que la requête en vue d'obtenir un jugement sommaire de la défenderesse soit accueillie;
2.      que l'action du demandeur soit rejetée;
3.      que les frais de la requête soient adjugés à la défenderesse.

                             "Allan Lutfy"

                        

     Juge

Traduction certifiée conforme         

                             François Blais, LL.L.

     Date : 19971117

     Dossier : T-2587-95

Entre :

     WILLIAM BRUCE MCFARLANE,

     demandeur,

     - et -


SA MAJESTÉ LA REINE,

     défenderesse.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LUTFY

[1]      La défenderesse demande le rejet sommaire de l'action du demandeur au motif que sa réclamation en dommages-intérêts spéciaux, qui, selon lui, découle du fait que sa libération des Forces armées canadiennes en décembre 1981 n'a pas été faite conformément aux formalités de libération applicables1, est prescrite. Le demandeur a été libéré parce qu'il aurait donné une fausse réponse dans sa demande d'enrôlement.

[2]      Le demandeur n'a déposé aucun affidavit en réponse à la requête en vue d'obtenir un jugement sommaire de la défenderesse. Des extraits de son interrogatoire principal ont été déposés avec les documents de la défenderesse. Toutefois, pour les fins de la présente requête, j'accepte les arguments suivants du demandeur : a) il était [TRADUCTION] "presque certain [...] disons à 65 pour cent" d'avoir fourni des renseignements exacts de vive voix à la dernière étape de la procédure d'enrôlement; b) pour le libérer des Forces armées, la défenderesse aurait dû invoquer la déclaration frauduleuse au moment de l'enrôlement2 et non l'enrôlement irrégulier3; et c) il a été libéré sans bénéficier de l'entrevue requise et sans que les examens médicaux et dentaires exigés aient lieu.

[3]      La défenderesse fait valoir que la prescription au niveau de cette action est de six mois aux termes de l'article 269 de la Loi sur la Défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-4, ou de six ans aux termes de l'alinéa 2(1)e) de la Limitation of Actions Act, L.R.N.S. (1989), ch. 258. Les lois ayant trait à la prescription des actions, en vigueur en Nouvelle-Écosse où la cause d'action a pris naissance, sont applicables en vertu de l'article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50. La défenderesse fait de plus valoir que le pouvoir d'exercer le recours en equité permettant de refuser une défense basée sur la prescription aux termes de l'article 3 de la loi de Nouvelle-Écosse ne peut pas être exercé lorsque l'action est intentée plus de quatre ans après la prescription.

[4]      Le demandeur fait valoir qu'il a découvert par inadvertance, en 1995, sa cause d'action concernant sa libération qui a eu lieu en décembre 1981 quand, en réponse à une demande qu'il a présentée à d'autres fins, il a reçu des Archives nationales du Canada des documents qui renfermaient des renseignements attestant que les formalités de libération appropriées n'avaient pas été suivies. Le demandeur n'a déposé aucun affidavit pour appuyer cette affirmation. Toutefois, même s'il l'avait fait, cette tentative de s'appuyer sur la règle de la date à laquelle il est possible de découvrir le dommage pour s'opposer à la défense fondée sur la prescription doit être rejetée.

[5]      Dans l'arrêt Central Trust Co. c. Rafuse4, le juge Le Dain a réitéré au nom de la Cour suprême du Canada les termes généraux de la règle de la date à laquelle il est possible de découvrir le dommage : "[...] une cause d'action prend naissance, aux fins de la prescription, lorsque les faits importants sur lesquels repose cette cause d'action ont été découverts par le demandeur ou auraient dû l'être s'il avait fait preuve de diligence raisonnable [...]". Cet énoncé de la règle a de nouveau été confirmé dans M.(K.) c. M.(H.)5.

[6]      En l'espèce, le demandeur n'a apparemment rien fait pour contester sa libération en 1981. Il connaissait les faits importants en 1981. Il savait ce qu'il avait divulgué pendant la procédure d'enrôlement. Il savait qu'il n'y avait pas eu d'entrevue de libération ni d'examen médical et dentaire. En 1995, il a "découvert" les Ordonnances administratives des Forces canadiennes et les Ordonnances et Règlements royaux applicables aux Forces canadiennes sur lesquels il s'appuie dans la présente action. La règle de la date à laquelle il est possible de découvrir le dommage s'applique aux faits importants découverts en exerçant une diligence raisonnable. Elle ne s'applique au demandeur qui se renseigne sur le droit en vigueur. Cela est d'autant plus vrai dans les cas où le demandeur n'a pas fait preuve de diligence raisonnable et, ce qui est plus important, dans les cas où il avait l'obligation de se renseigner au sujet des dispositions de la Loi sur la défense nationale, des Ordonnances et Règlements royaux et d'autres règlements6.

[7]      En résumé, la défenderesse a réussi à prouver son moyen de défense fondé sur la prescription. Le demandeur n'a déposé aucun affidavit pour énoncer les circonstances au cours desquelles il a "découvert" sa cause d'action. Il n'a pas "présenté [sa] cause sous [son] meilleur jour"7. Même si le demandeur avait produit le fondement de ses arguments de façon appropriée devant la Cour, la règle de la date à laquelle il est possible de découvrir le dommage n'aurait pu s'appliquer aux renseignements concernant les formalités administratives qu'il a découvertes en 1995. De plus, le demandeur n'a pas établi qu'il a obtenu ces renseignements en faisant preuve de diligence raisonnable. Pour ces raisons, la requête en vue d'obtenir un jugement sommaire de la défenderesse est accueillie et l'action du demandeur est rejetée. Les dépens sont adjugés à la défenderesse.

                             "Allan Lutfy"

                        

     Juge

Ottawa (Ontario)

le 17 novembre 1997

Traduction certifiée conforme         

                             François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              T-2587-95

INTITULÉ DE LA CAUSE :      WILLIAM BRUCE MCFARLANE c.

                     SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE :      OTTAWA (ONTARIO) ET HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)
                     (PAR VIDÉO-CONFÉRENCE)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 10 NOVEMBRE 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DE M. LE JUGE LUTFY

DATE :                  LE 17 NOVEMBRE 1997

ONT COMPARU :

WILLIAM BRUCE MCFARLANE      EN SON PROPRE NOM

SANDRA MACPHERSON DUNCAN      POUR LA DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

BOYNE CLARKE

DARMOUTH (NOUVELLE-ÉCOSSE)      POUR LA DÉFENDERESSE

__________________

1      Ordonnances administratives des Forces canadiennes 15-2

2      Ordonnances et Règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, article 15.01, alinéa 1d) du tableau ajouté à l'article 15.01.

3      Ibid., alinéa 5e) du tableau ajouté à l'article 15.01.

4      [1986] 2 R.C.S. 147, p. 224.

5      [1992] 3 R.C.S. 6, p. 34.

6      Précité, note 2, article 5.01. Voir également l'article 19.26 concernant les réparations d'une injustice et les plaintes.

7      Voir Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le), [1995] 3 C.F. 68, p. 82 (C.A.F.).

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