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     Date : 19980420

     Dossier : T-366-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 20 AVRIL 1998

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE TEITELBAUM

Entre :

     AB HASSLE, ASTRA AB et ASTRA PHARMA INC.,

     requérantes,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

     ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, RHOXALPHARMA INC. ET

     TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,

     intimés.

     O R D O N N A N C E

     Pour les motifs énoncés dans les Motifs de l'ordonnance, la requête en vue d'une ordonnance de protection est accueillie de même que le calendrier déposé par l'intimée RhoxalPharma Inc. ; les dépens suivront l'issue de la cause.


     L'avocat de l'intimée RhoxalPharma Inc., rédigera une ordonnance de protection conforme aux motifs de mon ordonnance, ainsi qu'une ordonnance fixant le calendrier pour l'échange des pièces pertinentes dans cette affaire, qui devront être communiquées à l'avocat de la requérante pour approbation. La version finale sera transmise au soussigné pour qu'il y appose sa signature.

                         "Max M. Teitelbaum"

                     ___________________________________         

                         Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     Date : 19980420

     Dossier : T-366-98

Entre :

     AB HASSLE, ASTRA AB et ASTRA PHARMA INC.,

     requérantes,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

     ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, RHOXALPHARMA INC. ET

     TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,

     intimés.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[1]      Il s'agit d'une requête présentée au nom de l'intimée Rhoxalpharma Inc. (ci-après Rhoxal) en vue d'obtenir une ordonnance de protection afin de préserver la confidentialité de divers documents, renseignements et transcriptions qui devront être communiqués par les parties dans le cours de la présente instance et en vue d'obtenir une ordonnance fixant le calendrier pour l'échange des pièces pertinentes, calendrier qui prorogerait les délais au-delà de ceux stipulés dans les règles.

[2]      Les motifs à l'appui de cette requête sont les suivants : la requérante a déposé un avis introductif de requête afin d'empêcher le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, qui n'a pas pris part à la présente instance, d'émettre un avis de conformité à Rhoxal. La procédure de prohibition a été déposée en réponse à l'avis d'allégation de Rhoxal dans lequel celle-ci alléguait qu'aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seront contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente de ses comprimés d'oméprazole. Il y a, d'après ce que je comprends, neuf brevets en cause dans la présente instance.

[3]      Rhoxal déclare ce qui suit aux pages 4 et 5 de son avis de requête :

         [TRADUCTION]                 
         6. Les détails de ce procédé qui ne constitue pas une contrefaçon, ou la composition pharmaceutique et toutes les autres distinctions pertinentes à l'appui de l'avis d'allégation de RhoxalPharma pour ses comprimés d'oméprazole, y compris les renseignements sur le fournisseur de RhoxalPharma, constituent des secrets industriels importants et des renseignements commerciaux et scientifiques d'une grande valeur qui appartiennent en exclusivité à RhoxalPharma et à son fournisseur. RhoxalPharma a toujours traité ces renseignements sous le sceau de la plus stricte confidentialité. La communication publique de ces renseignements portera préjudice à RhoxalPharma et à son fournisseur puisqu'elle permettra à leurs concurrents d'en faire usage pour favoriser leurs propres intérêts commerciaux qui sont contraires aux intérêts de RhoxalPharma et de son fournisseur. RhoxalPharma s'est engagée envers son fournisseur à préserver la confidentialité des renseignements confidentiels qu'elle reçoit de lui. Par conséquent, elle demande à la présente Cour de délivrer une ordonnance de non-divulgation avant qu'elle communique ces renseignements confidentiels.                 
         7. RhoxalPharma a identifié certains des experts à qui elle demandera de venir témoigner dans la présente instance et elle a communiqué avec eux.                 
         8. RhoxalPharma sera en mesure de déposer cette preuve d'expert au plus tard le 5 juin 1998.                 

[4]      En même temps que son avis de requête, Rhoxal a déposé les affidavits de Marie Lafleur et de Mark Lachovsky, qui ont été tous deux établis sous serment le 25 mars 1998. À l'audition de la présente requête, Rhoxal a déposé un deuxième affidavit de Marie Lafleur, qui a été établi sous serment le 3 avril 1998.

[5]      Marie Lafleur et Mark Lachovsky ont été contre-interrogés relativement aux affidavits établis le 25 mars 1998.

[6]      Pour ce qui a trait à la question de l'ordonnance de protection demandée et à la nécessité d'une telle ordonnance, il faut lire le paragraphe 4 de l'affidavit de Mark Lachovsky dans lequel il déclare ceci :

         [TRADUCTION]                 
         4. Les détails de ce procédé qui ne constitue pas une contrefaçon, ou la composition pharmaceutique et toutes les autres distinctions pertinentes à l'appui de l'avis d'allégation de RhoxalPharma pour ses comprimés d'oméprazole, y compris les renseignements sur le fournisseur de RhoxalPharma, constituent des secrets industriels importants et des renseignements commerciaux et scientifiques d'une grande valeur qui appartiennent en exclusivité à RhoxalPharma et à son fournisseur. RhoxalPharma a toujours traité ces renseignements sous le sceau de la plus stricte confidentialité. La communication publique de ces renseignements portera préjudice à RhoxalPharma et à son fournisseur puisqu'elle permettra à leurs concurrents d'en faire usage pour favoriser leurs propres intérêts commerciaux qui sont contraires aux intérêts de RhoxalPharma et de son fournisseur. RhoxalPharma s'est engagée envers son fournisseur à préserver la confidentialité des renseignements confidentiels qu'elle reçoit de lui. Par conséquent, elle demande à la présente Cour de délivrer une ordonnance de non-divulgation avant qu'elle communique ces renseignements confidentiels.                 

[7]      D'après ce que je comprends, M. Lachovsky déclare que les détails de " ce " (pas nécessairement le procédé de Rhoxal) procédé qui ne constitue pas une contrefaçon " constitue des secrets industriels importants et des renseignements commerciaux et scientifiques d'une grande valeur qui appartiennent en exclusivité " à Rhoxal et à son fournisseur. Rhoxal a également déclaré que la communication de ces renseignements portera préjudice à elle-même et à son fournisseur " puisqu'elle permettra à leurs concurrents d'en faire usage ".

[8]      Les requérantes AB Hassle et al. (ci-après Hassle) déclarent qu'elles ne contestent pas le fait que, dans le cas de secrets industriels, la délivrance d'une ordonnance de protection est parfois nécessaire, mais pour obtenir de la Cour qu'elle délivre une telle ordonnance, la partie qui la demande doit en démontrer la nécessité. En l'espèce, Hassle laisse entendre que la preuve qui établirait la nécessité d'une ordonnance de protection serait un affidavit du fournisseur de Rhoxal.

[9]      Bien entendu, cela ferait échec à la nécessité de protéger l'identité du fournisseur de Rhoxal.

[10]      Je suis disposé à autoriser la délivrance de l'ordonnance de protection demandée par Rhoxal.

[11]      Je ne peux faire mieux que de me référer à la décision de M. le juge MacKay dans l'affaire Apotex Inc. et al. c. Wellcome Foundation Ltd., 51 C.P.R. (3d) 305 aux pages 309, 310, 311 et 312 (T-3197-90, pages 5, 7 et 8), étant donné que les déclarations du juge MacKay sont tout à fait pertinentes en l'espèce.

         Le principe général de la publicité de la justice et des procédures judiciaires, qui s'entend aussi de l'accès public aux documents judiciaires, est un principe fondamental de notre système de justice. La recherche d'un juste équilibre entre ce principe et les intérêts judiciaires des parties, dont leurs droits commerciaux et leurs droits exclusifs légitimes, a abouti à la pratique, observée par cette Cour et par d'autres juridictions, des ordonnances de protection ou de non-divulgation afin que des documents obtenus en vue de la préparation au procès soient gardés confidentiels, non accessibles au public, dans les procédures devant la Cour.                 
         [...]                 
         À mon avis, il y a démonstration suffisante de la nécessité d'une ordonnance de non-divulgation des renseignements à produire si le requérant pense que ses droits exclusifs, commerciaux et scientifiques seraient gravement compromis par la production des renseignements sur lesquels sont fondés ces droits. Je pense que cela est d'autant plus vrai aux stades préliminaires de l'instance. Si cette affaire passe en jugement, le juge de première instance pourrait envisager différemment les considérations relatives au principe de la publicité de la justice, car il contrôlera la procédure au procès, y compris la question de savoir quels documents produits au procès doivent être tenus confidentiels.                 
         En outre, il y a trois considérations qui engagent à rendre une ordonnance essentiellement basée sur le dispositif proposé. En premier lieu, celui-ci va dans le même sens que les ordonnances de non-divulgation rendues par consentement des parties dans les instances parallèles aux États-Unis, auxquelles les parties en l'espèce sont directement ou indirectement parties. Dans les cas où une instance parallèle est en cours aux États-Unis, il est justifié de rendre des ordonnances de non-divulgation raisonnablement comparables, à condition que le dispositif n'en soit pas contraire aux principes ou aux pratiques de cette Cour (V. Foseco International Ltd. et al. v. Bimac Canada et al. (1981), 51 C.P.R. 51, motifs prononcés par le juge Walsh, en pages 53-59 (C.F. 1re inst.) et Proctor & Gamble Co. et al. v. Kimberley-Calrk of Canada Ltd. (1987), 26 C.P.R. (3d) 114, motifs prononcés par le juge Muldoon, en page 119 (C.F. 1re inst.)).                 
         En deuxième lieu, si le dispositif de l'ordonnance est suffisamment général pour s'appliquer aux renseignements de toutes sortes et laisser à la partie qui produit ces derniers l'initiative de désigner ceux qui sont confidentiels, ce même motif permet à la partie qui reçoit les renseignements de s'opposer à la désignation de tel ou tel renseignement comme confidentiel. Si l'objection n'est pas résolue par les parties elles-mêmes, la Cour la résoudra sur requête, et elle peut, de son propre chef, refuser le statut confidentiel à tel ou tel renseignement désigné comme tel par une des parties. Ainsi la Cour décidera en dernier ressort de la " déclassification " de renseignements classés confidentiels par la partie qui les a produits.                 
         La troisième considération militant en faveur d'une ordonnance de non-divulgation est, à mon avis, la pratique suivie par cette Cour, qui consiste à rendre des ordonnances de non-divulgation à l'égard des renseignements divulgués au stade de la communication des pièces dans les cas où une partie pense en toute bonne foi que ses intérêts commerciaux et scientifiques liés aux secrets industriels pourraient être gravement compromis par une divulgation publique (V. Foseco et Proctor Gamble, supra ; Deprenyl Research Ltd., v. Canguard Health Technologies Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 228 (C.F. 1re inst.) ; et aussi Molson Breweries c. Labatt Brewing Co., décision en date du 3 juin 1992, numéro du greffe A-550-92, non publiée (C.A.F.)). Cette pratique provient de ce que la Cour reconnaît que dans une affaire comme celle-ci, et en particulier en cet état de la cause, il revient principalement aux parties de décider de la mise en état de l'instance.                 
         À l'audience, l'avocat des demanderesses soutient que l'ordonnance telle que la demande la défenderesse, vise principalement à protéger cette action, et non pas d'autres intérêts des parties, étant donné les autres actions intentées par la défenderesse contre les demanderesses, lesquelles actions sont également en instance devant la Cour. Bien que l'ordonnance de non-divulgation déjà rendue interdise l'utilisation dans toute autre action des renseignements confidentiels produits en l'espèce, cette disposition, comme toutes les autres dispositions de l'ordonnance, peut être, le cas échéant, modifiée par la Cour.                 

[12]      Comme je l'ai déclaré, le paragraphe 4 de l'affidavit de Lachovsky énonce la raison pour laquelle Rhoxal estime avoir besoin de l'ordonnance de protection. Après avoir pris connaissance de l'interrogatoire de Lachovsky, j'en déduis qu'il ne connaît peut-être pas lui-même personnellement le procédé complet mais, néanmoins, je suis convaincu qu'il a suffisamment de connaissances pour déclarer, à l'étape actuelle de l'instance, qu'une ordonnance de protection est nécessaire.

[13]      Bien entendu, s'il devient nécessaire de revoir la question de l'ordonnance de protection, chacune des parties pourra se pourvoir devant la Cour pour en obtenir la modification.

[14]      En conclusion, je suis convaincu que, d'après les principes énoncés dans l'affaire Apotex (précitée), l'ordonnance de protection demandée devrait être accordée.

[15]      Pour ce qui a trait au calendrier préparé par l'avocat de Rhoxal sur la façon de procéder, je suis convaincu qu'il est dans l'intérêt de la justice d'accorder un délai supplémentaire pour permettre à Rhoxal d'obtenir de ses experts la totalité de la preuve par affidavit nécessaire.

[16]      La demande d'ordonnance de protection est accueillie, de même que le calendrier préparé par Rhoxal ; les frais suivront l'issue de la cause.


[17]      L'avocat de Rhoxal préparera une ordonnance de protection conforme aux présents motifs de même qu'une ordonnance fixant le calendrier pour l'échange des pièces pertinentes dans la présente affaire.

                         "Max M. Teitelbaum"

                     ___________________________________         

                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

le 20 avril 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-366-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      AB Hassle, Astra AB et Astra Pharma Inc.
                     c. Le ministre de la Santé nationale et du Bien-Être social, Rhoxalpharma Inc. et Takeda Chemical Industries, Ltd.

LIEU DE L'AUDIENCE :      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 6 avril 1998


MOTIFS DE L'ORDONNANCE


PRONONCÉE PAR M. LE JUGE TEITELBAUM


LE 20 AVRIL 1998

ONT COMPARU :

J. Sheldon Hamilton                          pour les requérantes

Jean-François Buffoni                      pour l'intimée                                  (RhoxalPharma Inc.)

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggard

Toronto (Ontario)                          pour les requérantes

George Thomson

Sous-procureur général du Canada                  pour l'intimé (le ministre

Ottawa (Ontario)                          de la Santé nationale et

                                 du Bien-être social)

Martineau, Walker                          pour l'intimée

Montréal (Québec)                          (RhoxalPharma Inc.)

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