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Date : 20210909


Dossier : IMM-6005-21

Référence : 2021 CF 936

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]

Ottawa (Ontario), le 9 septembre 2021

En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond

ENTRE :

JOSHUA OBASEKI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] M. Obaseki demande qu’il soit sursis à son renvoi vers le Nigéria prévu le 11 septembre 2021. J’accueille la requête du demandeur puisque je ne suis pas convaincu que les nouveaux éléments de preuve relatifs aux risques auxquels il s’exposerait au Nigéria ont fait l’objet d’un examen adéquat.

[2] M. Obaseki est citoyen du Nigéria. Il est venu au Canada et a demandé l’asile. Il soutient être homosexuel ou bisexuel et qu’il risquerait d’être persécuté s’il retournait au Nigéria. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande. Elle a conclu qu’il n’était pas un témoin crédible et que sa demande ne reposait sur aucun fondement crédible. M. Obaseki a présenté à la Cour une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, mais l’autorisation a été refusée.

[3] M. Obaseki a reçu l’ordre de se présenter en vue de son renvoi le 11 septembre 2021. Le 30 juillet 2021, il a sollicité le report de son renvoi. Il a affirmé souffrir d’une forme particulière de diabète dont le traitement ne lui serait pas accessible ni abordable au Nigéria, et qu’il y serait davantage à risque de contracter la COVID‑19. Il a également présenté des éléments de preuve démontrant qu’il s’était engagé dans une relation avec un autre homme. Le 31 août 2021, un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] a rejeté la demande de report. Il a conclu que la preuve de M. Obaseki concernant sa relation homosexuelle avait trait à un risque ayant déjà été examiné par la SPR. En ce qui concerne le diabète, bien qu’il ait reconnu que le système de santé nigérian [traduction]« faisait face à certains défis », l’agent a conclu que M. Obaseki était en mesure de soigner sa maladie. L’agent a aussi examiné le risque associé à la COVID‑19 et n’a pas été convaincu que le demandeur s’exposerait à un plus grand risque au Nigéria qu’au Canada.

[4] M. Obaseki a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire visant la décision défavorable de l’agent de l’ASFC. Il a aussi présenté une requête en sursis d’exécution de la mesure de renvoi.

[5] Dans la décision Gill v Canada (Public Safety and Emergency Preparedness), 2020 FC 1075, j’ai examiné le cadre juridique régissant les demandes de report et les requêtes en sursis d’exécution d’une mesure de renvoi. J’invite le lecteur à consulter cette décision et je ne reprendrai pas la discussion en l’espèce. En résumé, le demandeur doit établir que : 1) la demande sous‑jacente de contrôle judiciaire énonce « des arguments assez solides »; 2) son renvoi causerait un préjudice irréparable; 3) la prépondérance des inconvénients lui est favorable.

[6] La question précise soulevée dans la présente affaire porte sur la preuve présentée à l’agent des renvois pour réfuter les conclusions antérieures selon lesquelles le demandeur ne risquerait pas d’être persécuté à son retour au Nigéria. Il est bien établi que l’agent doit reporter le renvoi lorsque survient un nouveau risque n’ayant pas été examiné par les précédents décideurs en matière d’immigration : Savunthararasa c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 51 au paragraphe 7, [2017] 1 RCF 318; Atawnah c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 144 au paragraphe 22, [2017] 1 RCF 153.

[7] Aux paragraphes 15 et 16 de la décision Abdulrahman c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 842 [Abdulrahman], mon collègue le juge William F. Pentney a signalé que ce principe vise non seulement les nouveaux événements (par exemple un coup d’État dans le pays de renvoi), mais aussi les nouveaux éléments de preuve se rapportant à des risques ayant déjà été examinés. En l’espèce, la preuve concernait une nouvelle relation qui étayait les déclarations du demandeur relatives à son orientation sexuelle. Voir aussi Nayeb Pashaei c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CF 212 aux paragraphes 15 et 16; Mohammadpour v Canada (Citizenship and Immigration), 2021 CanLII 11764 (CF) [Mohammadpour].

[8] Je suis conscient que le simple fait de présenter de nouveaux éléments de preuve à l’étape du renvoi ne sera pas toujours suffisant pour écarter de précédentes conclusions défavorables en matière de risques : Akagunduz v Canada (Citizenship and Immigration), 2021 CanLII 11762; Osagie v Canada (Public Safety and Emergency Preparedness), 2021 CanLII 34149; Abu Aldabat v Canada (Citizenship and Immigration), 2021 FC 277.

[9] En l’espèce, cependant, il semble que l’agent ait rejeté les arguments de M. Obaseki parce qu’ils ne portaient pas sur un nouveau risque. L’agent a simplement déclaré que [traduction] « le risque allégué a été examiné dans les décisions défavorables de la SPR et de la Cour fédérale ». Ce faisant, l’agent n’a pas envisagé la possibilité que la nouvelle preuve puisse réfuter les conclusions antérieures relatives à l’absence de risque. C’est exactement ce qui est arrivé dans la décision Abdulrahman. Puisque l’affaire devra être examinée par d’autres décideurs, je dirai simplement que la demande soulève une question suffisamment sérieuse, ou « des arguments assez solides », pour justifier qu’il soit sursis à la mesure de renvoi.

[10] En outre, puisque la question sérieuse se rapporte à l’examen du risque, je conclus également que M. Obaseki a montré que son renvoi l’exposerait à un préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients joue en sa faveur : voir, par exemple, Abdulrahman, aux paragraphes 22 à 27; Mohammadpour. Le critère à trois volets relatif à l’octroi d’un sursis est donc rempli.

[11] Par conséquent, je n’ai pas à examiner les autres questions soulevées par M. Obaseki.


ORDONNANCE dans le dossier IMM-6005-21

LA COUR ORDONNE qu’il est sursis au renvoi du demandeur vers le Nigéria jusqu’à ce qu’une décision définitive sur la demande de contrôle judiciaire soit rendue.

« Sébastien Grammond »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM-6005-21

 

INTITULÉ :

JOSHUA OBASEKI c LE MINISTE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VISIOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 SEPTEMBRE 2021

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

DATE DES MOTIFS :

LE 9 SEPTEMBRE 2021

COMPARUTIONS :

Kingsley Jesuorobo

POUR LE DEMANDEUR

 

Jocelyn Espejo-Clarke

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kingsley Jesuorobo

Avocat

North York (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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