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Date : 20010216

Dossier : IMM-361-00

Référence : 2001 CFPI 89

ENTRE :

PAWEN KAUR KHALON

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

A - Introduction


[1]         Pawen Kaur Khalon (la demanderesse), qui est une jeune femme sikhe âgée de 21 ans venant du Panjab, en Inde, conteste au moyen d'une demande de contrôle judiciaire la décision par laquelle la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a rejeté, le 23 décembre 1999, la revendication qu'elle avait présentée en se fondant sur sa race, sa religion et son appartenance à un groupe social : à savoir, une femme dans sa situation, c'est-à-dire une femme qui avait été arrêtée et dont le nom figurait sur une liste de la police à cause des relations qu'elle entretenait avec un militant sikh.

[2]         La demanderesse soutient que le tribunal n'a pas tenu compte du motif fondé sur l'appartenance à un groupe social particulier prévu par la Convention qu'elle avait invoqué, soit le sexe.

[3]         Dans sa décision, le tribunal a libellé la revendication sur le plan des [TRADUCTION] « opinions politiques (qu'on lui imputait) du fait de sa présumée association à un membre actif de l'All India Sikh Students Federation (l'AISSF), que la police soupçonnait en outre d'être membre de la Force du commando du Khalistan » .

[4]         Le tribunal a rejeté la revendication en concluant que la demanderesse n'était pas un témoin crédible [TRADUCTION] « en ce qui concerne ses relations avec Manjit Singh, soit le fondement de sa revendication » .

[5]         Le tribunal n'a pas cru le témoignage selon lequel la demanderesse était tombée amoureuse de Manjit Singh lorsqu'ils étaient au collège, qu'elle avait été arrêtée au mois de septembre 1994 pendant qu'elle se rendait à pied à ses cours avec lui et que la police l'avait menacée d'agression sexuelle si elle ne l'aidait pas à interroger son ami.


[6]         La demanderesse a également témoigné qu'après que Manjit Singh eut abandonné ses études au collège au mois d'avril 1996, elle ne l'avait revu qu'au mois d'octobre 1997 lorsqu'il avait laissé à sa maison familiale une note dans laquelle il l'invitait à s'enfuir avec lui aux États-Unis ou au Canada (où la soeur de la demanderesse vivait, à Surrey). La demanderesse a témoigné qu'ils se sont rendus à Seattle où ils sont restés six semaines et qu'ils ont rompu parce que Manjit Singh voulait reprendre ses activités auprès de l'AISSF. Manjit Singh a quitté la demanderesse. L'agent que Manjit Singh avait embauché a ensuite conduit la demanderesse au Canada.

[7]         Le tribunal a conclu ce qui suit :

[TRADUCTION]

Compte tenu de la preuve dans son ensemble, la section du statut est d'avis que l'intéressée a fabriqué l'histoire selon laquelle elle entretenait des relations avec un présumé membre de l'AISSF, Manjit Singh. Étant donné que la revendication de la demanderesse dépend entièrement de sa présumée association à cet homme, il s'ensuit qu'il n'existe aucune preuve crédible à l'appui de la revendication.

Étant donné que les conclusions précitées relatives à la crédibilité sont déterminantes, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres questions qui ont été mentionnées.

B. - Analyse

[8]         L'avocat de la demanderesse n'a pas sérieusement contesté les conclusions de crédibilité tirées par le tribunal, selon lesquelles les relations que la demanderesse entretenait avec Manjit Singh étaient une histoire fabriquée de toutes pièces, c'est-à-dire que cela n'était jamais arrivé.


[9]         La contestation de la demanderesse était plutôt fondée sur le fait que le tribunal n'avait pas examiné l'allégation selon laquelle elle craignait avec raison d'être persécutée du fait de son sexe même si pareil motif était clairement mentionné dans la section 10 de l'addenda joint au FRP et même si le FRP et le témoignage de la demanderesse renfermaient des éléments de preuve montrant que celle-ci était persécutée parce qu'elle était une femme. Dans son FRP, la demanderesse a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « [L]es mauvais traitements dont j'ai été victime, lorsque la police m'a détenue, qu'elle m'a interrogée et qu'elle s'est livrée à des actes de torture physique m'ont humiliée, m'ont découragée et m'ont effrayée. J'avais énormément honte et j'estime avoir souffert parce que je suis une femme dans la société indienne. »

[10]       Je ne suis pas prêt à reconnaître que, dans le domaine du droit des réfugiés, le sexe peut constituer une appartenance à un groupe social. Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, à la page 739, le juge La Forest a mentionné le sexe comme exemple de la première des trois catégories englobées dans la notion de « groupe social » . Voir également le jugement que la Chambre des lords a récemment rendu dans l'affaire Islam (A.P.) v. Secretary of State [1999] H.L.J. no 16.

[11]       À mon avis, la véritable question qui se pose est de savoir si, au fond, la demanderesse a invoqué l'allégation relative au sexe comme motif indépendant.

[12]       Je ne retiens pas la prétention de la demanderesse selon laquelle simplement parce que le sexe a été mentionné comme motif à l'appui de la revendication, cette allégation a été avancée à l'audience. Retenir pareille proposition serait reconnaître la forme plutôt que le fond.


[13]       J'ai examiné le FRP de la demanderesse, j'ai passé en revue la transcription du témoignage que la demanderesse a présenté devant le tribunal et j'ai tenu compte des arguments invoqués devant le tribunal; je suis convaincu que la demanderesse n'a pas invoqué le sexe comme motif indépendant de revendication.

[14]       À mon avis, le FRP et, comme le tribunal l'a conclu, le coeur de la revendication, s'ils sont considérés dans leur ensemble, montrent clairement que la revendication était liée à la crainte d'être persécutée que la demanderesse avait à cause de son association à Manjit Singh, un présumé militant sikh. Les mentions du motif fondé sur le sexe, dans le FRP, lorsqu'elles sont considérées dans le contexte du FRP lui-même et du témoignage de la demanderesse, ne peuvent pas être interprétées comme un élément de preuve montrant qu'une allégation indépendante a été invoquée, mais comme un élément se rapportant aux conséquences (l'arrestation) de sa présumée association avec Manjit Singh qui, selon le tribunal, était une histoire fabriquée.

[15]       La lecture du témoignage confirme cette opinion. Plus précisément, lorsqu'on lui a demandé si elle craignait de retourner en Inde, la demanderesse n'a pas mentionné qu'elle serait persécutée à cause de son sexe, mais qu'elle serait persécutée par la police et par l'AISSF et qu'elle craignait Manjit Singh lui-même.


[16]       Enfin, lorsqu'il a interrogé sa cliente, l'avocat de la demanderesse n'a pas du tout mis l'accent sur la preuve liée à la crainte d'être persécutée en Inde que celle-ci avait en sa qualité de femme qui avait eu une aventure amoureuse avec un individu soupçonné d'être militant. L'avocat n'a pas non plus présenté de plaidoiries sur ce point.

Dispositif

[17]       Pour tous ces motifs, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question certifiée n'est proposée.

                                                                                                                                (Sign.) F. Lemieux                             

                                                                                                                                                     Juge                                           

Le 16 février 2001

Vancouver (Colombie-Britannique)

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                                        IMM-361-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Pawen Kaur Khalon c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 12 février 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE LEMIEUX EN DATE DU 16 FÉVRIER 2001.

ONT COMPARU :

Paul Sandhu                                                     pour le demandeur

Emilia Pech                                                       pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Paul Sandhu                                                     pour le demandeur

Avocat

Surrey (C.-B.)

Morris Rosenberg                                             pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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