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Date : 19990827


Dossier : IMM-1293-99



ENTRE :

     PAVANI SABESAN

     et BIRUNTHABAN SABESAN,

     demandeurs,


     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON



[1]      Les demandeurs ont obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention par une décision de la Section du statut de réfugié, selon l'affidavit du demandeur principal, signé à Montréal le 9 avril 1999, mais l'affaire ne s'est pas terminée là-dessus. Le défendeur a demandé l'autorisation, en vertu du paragraphe 69.2(3) de la Loi sur l'immigration, de demander à la Section de réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention qui avait été refusée et d'annuler cette décision, et l'a obtenue en application du paragraphe 69.2(2) de cette loi. L'affaire est donc revenue devant la Section du statut de réfugié, le ministre étant demandeur cette fois; les deux demandeurs veulent maintenant obtenir l'autorisation d'interjeter appel de cette seconde décision et en demandent le contrôle judiciaire.

[2]      Les deux demandeurs, la mère et son fils mineur, veulent obtenir l'annulation de la décision défavorable leur refusant le statut de réfugié au sens de la Convention. Les motifs de cette décision, rendue par un tribunal formé de trois membres de la Section du statut de réfugié, ont été certifiés par le greffier de la Commission le 25 février 1999. Les numéros d'enregistrement de la SSR étaient M97-05784 et M97-05847. La seconde fois que l'affaire a été instruite, aux dates indiquées ci-dessus, la Commission a approuvé la demande du ministre. Cela amène la mère et son fils à former la présente demande.

[3]      À la page 10 de ses motifs, la SSR a relevé ce fait frappant :

[traduction] Mme Sabesan a concédé avoir dissimulé des renseignements et donné de fausses indications au sujet de son séjour avec son enfant mineur en Angleterre entre 1991 et 1994 et de la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention qu'ils y avaient faite au cours de cette période. La défenderesse a reconnu qu'elle avait donné de faux renseignements dans sa réponse aux questions 15, 18, 22, 23, 31, 35 et dans une partie de sa réponse à la question 37 du formulaire de renseignements personnels. L'avocat a fait observer que la dissimulation ne portait que sur la revendication du statut de réfugié en Grande-Bretagne; cependant, pour dissimuler ces renseignements, il a fallu dissimuler aussi d'autres renseignements.
     (dossier des demandeurs, p. 10)

À la page 22, paragraphe 100 de son affidavit, la demanderesse principale a déclaré sous la foi du serment :

[traduction]
100.      Il est vrai que j'ai dissimulé des éléments et donné de fausses indications à la Section du statut de réfugié;
101.      Cela était dû aux craintes que j'éprouvais, à la violence que moi et mon fils avions soufferte de la part de mon mari au Sri Lanka et au Royaume-Uni;
102.      Cela était dû à la terreur que m'inspirait la perspective d'être retournée au Sri Lanka;
103.      Cela était dû au fait que j'ai suivi à tort le conseil de l'agent qui m'a amenée, l'interprète de l'avocat, sans recevoir d'assistance à une période si difficile;
104.      Toutefois, je crois que j'étais en danger quand je me suis enfuie du Sri Lanka en 1991;
105.      Lorsque j'ai demandé le statut de réfugié en 1994, je craignais la persécution au Sri Lanka pour moi et pour mon fils;
106.      D'après la preuve non contredite présentée au tribunal qui l'a acceptée, je crois vraiment soutiens [sic ] que la décision favorable de la Section du statut de réfugié n'aurait pas dû être annulée;
     (dossier des demandeurs, pp. 22 et 23)

[4]      Il est clair que les demandeurs étaient pleinement disposés à mentir et à donner de fausses indications pour obtenir au Canada le statut de réfugié au sens de la Convention. Le législateur a prévu une telle faute lorsqu'il a édicté les paragraphes 69.2(2), (3) et (5). Ils sont ainsi conçus :

69.2(2) Avec l'autorisation du président, le ministre peut, par avis, demander à la section du statut de réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou des règlements et d'annuler cette reconnaissance, au motif qu'elle a été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important, même si ces agissements sont le fait d'un tiers.
69.2(3) [...] le président peut l'accorder s'il est convaincu qu'il existe des éléments de preuve qui, portés à la connaissance de la section du statut, auraient pu modifier la décision.
69.2(5) La section du statut peut rejeter toute demande bien fondée au regard de l'un des motifs visés au paragraphe 69.2(2) si elle estime par ailleurs qu'il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut.
     (dossier des demandeurs, pp. 10 et 11)

[5]      La SSR a analysé la demande et a abouti aux conclusions suivantes :

[traduction] Dans la présente demande, nous concluons que les défendeurs ont dissimulé des faits importants lorsqu'ils ont comparu devant la SSR le 20 mars 1995 -- à savoir que les défendeurs avaient vécu en Grande-Bretagne du 3 juillet 1991 à mai 1994 et qu'ils y avaient présenté une demande de statut de réfugié au sens de la Convention au cours de cette période.
     Dans sa réponse à la question 37 de son formulaire de renseignements personnels, la défenderesse indique que sa maison a subi des dommages en juin 1990, à l'occasion du bombardement, par le gouvernement du Sri Lanka, de la province du nord. *** Le reste de sa réponse à la question 37 raconte des événements qui sont survenus alors qu'elle était déjà en Grande-Bretagne. Le tribunal relève que la crainte alléguée d'être persécutée au Sri Lanka se limitait à une semaine de travail forcé de son mari pour la construction de bunkers. Elle a également rapporté deux autres cas d'attaque généralisée des militaires contre les civils tamouls. Le reste de son histoire est faux, puisque les événements qu'elle raconte se sont produits après son départ pour la Grande-Bretagne.
     Mme Sabesan a concédé avoir donné de fausses indications à la SSR au sujet de sa demande de statut de réfugié au sens de la Convention en Grande-Bretagne. ***
*** *** ***
     Le tribunal ne croit pas l'explication de la défenderesse, voulant qu'elle ait agi sur le conseil de l'interprète de son avocat antérieur. La pièce M-1 est le document établi au point d'entrée, comprenant notamment la transcription des réponses de la défenderesse aux questions de l'agent d'immigration à l'aéroport Lester B. Pearson. La transcription de l'entrevue montre clairement la tentative délibérée de la défenderesse en vue d'induire en erreur l'agent d'immigration, en niant son séjour en Grande-Bretagne ( « Je n'ai jamais vécu en Grande-Bretagne » ). Elle a présenté une histoire inventée, bien mise au point, concernant sa persécution au Sri Lanka et la raison alléguée de sa venue au Canada. Le tribunal est d'opinion que la défenderesse est venue au Canada avec l'intention bien arrêtée de dissimuler les renseignements au sujet de son séjour en Grande-Bretagne et de sa demande de statut de réfugié au sens de la Convention dans ce pays.
     Si l'on considère dans son ensemble tout ce qui a été dissimulé ou qui a fait l'objet d'indications fausses dans le témoignage de la défenderesse, le tribunal est d'avis que les indications fausses et la dissimulation étaient importantes et que la reconnaissance du statut de réfugié a été obtenue par des moyens frauduleux. Le tribunal conclut que la Section du statut ne disposait pas d'une preuve digne de foi suffisante qui justifiait cette reconnaissance.
     Dans son argumentation, son avocate a indiqué que le défendeur mineur n'était pas partie à la dissimulation de renseignements. Le tribunal rejette cet argument, puisque la mère de l'enfant a été désignée comme représentante de l'enfant lors de l'audience du 20 mars 1995 ainsi que lors de l'audience concernant la demande d'annulation.
     (dossier des demandeurs, p. 11 à 13)

[6]      Sans créer d'injustice, l'affaire peut être décidée sur le fondement de la crédibilité, puisque les demandeurs n'en ont aucune. Leur situation lamentable est tout à fait évidente et elle est même avouée. La SSR se ridiculiserait en acceptant un tel tissu de mensonges. Les demandeurs se sont également plaints de ce que la SSR avait manifesté de la partialité à leur endroit. De quelle partialité s'agit-il? On n'en cite aucun exemple tiré de la transcription. Pour que la partialité puisse être prouvée, il faut qu'elle soit visible et qu'elle ait été condamnée par celui qui s'en plaint dès le moment où elle s'est manifestée au cours de la procédure : Canada c. Taylor [1990] 3 R.C.S. 892; et Kostyshyn c. West Region Tribal Council (décision non publiée, 7 avril 1992, dossier n T-493-92, C.F. 1re inst.). En l'espèce, la demanderesse et son avocate ne s'en sont aucunement plaintes à la première occasion, lors de l'audience même.

[7]      Il n'y a qu'une façon juste de trancher la présente affaire -- rejeter la demande. L'autorisation n'est pas accordée : la demande est rejetée. La décision de la SSR dans le présent dossier, rendue le 18 février 1999, est confirmée.


                             Juge

Ottawa (Ontario)

Le 27 août 1999


Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



N DU DOSSIER :              IMM-1293-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      PAVANI SABESAN et al.

                     c.

                     M.C.I.

DEMANDE D'AUTORISATION D'APPEL ET DE CONTRÔLE JUDICIAIRE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES


MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE MULDOON

EN DATE DU 27 AOÛT 1999



AVOCATS AU DOSSIER :

Joyce Kedid                      POUR LA DEMANDERESSE

Michel Pépin

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada          POUR LE DÉFENDEUR
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