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Date: 20001003

Dossier : IMM-3813-00

Ottawa (Ontario), le 3 octobre 2000

DEVANT :      MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

STEVE DAVIS ET

ANDREA TAYLOR

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER

[1]         Il s'agit de la transcription des motifs de jugement qui ont été prononcés oralement le 21 juillet 2000, lesquels ont été révisés sur le plan de la syntaxe ainsi qu'en vue d'une lecture plus facile.


[2]         Le demandeur, M. Steve Davis (ci-après le demandeur), est frappé d'une mesure d'expulsion qui a été prise en 1992, laquelle a fait l'objet d'un appel, cet appel ayant ensuite été abandonné. En 1996, il a été conclu que le demandeur constituait un danger pour le public, conclusion qui n'a pas été contestée. À la suite de la prise de la mesure d'expulsion en 1992, le demandeur a été reconnu coupable d'autres infractions graves.

[3]         La décision qui fait l'objet de l'avis de demande se rapporte au refus de l'agent chargé du renvoi de surseoir à l'exécution de la mesure d'expulsion de façon à permettre au demandeur de présenter une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire conformément au paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration (la Loi). Il est soutenu pour le compte du demandeur que l'agent chargé du renvoi a porté atteinte à son pouvoir discrétionnaire en appliquant un critère qui n'a aucun fondement légal et qu'il a pris une décision de nature conjecturale en ce qui concerne les relations que le demandeur entretenait avec ses enfants. En outre, il est allégué que la question de savoir si le demandeur peut être expulsé avant qu'il soit tenu compte de l'intérêt de ses enfants est en litige. Il est soutenu que la dislocation de la famille et le fait qu'il est en pratique peu probable que le demandeur puisse revenir au Canada constituent un préjudice irréparable. Enfin, il est déclaré qu'étant donné que le demandeur est détenu et qu'il continuera probablement à l'être, la prépondérance des inconvénients favorise le sursis, puisque l'intérêt public est protégé.


[4]         En ce qui concerne l'existence d'une question sérieuse à trancher, j'estime que certaines des questions qui ont été soulevées seraient des questions sérieuses si elles étaient soulevées devant un arbitre ou devant un agent désigné chargé de statuer sur une demande en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi. Je ne crois pas qu'il existe des questions sérieuses sur lesquelles l'agent chargé du renvoi doit statuer. J'adopte les motifs que Monsieur le juge Nadon a prononcés dans la décision Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 936, que je ne reproduirai pas ici. Je ferai toutefois les remarques suivantes. La Loi sur l'immigration et la jurisprudence de cette cour ont établi une série de points de repère permettant d'apprécier et de soupeser les différents intérêts. À la fin de ce processus, il y a la procédure de renvoi elle-même. À mon avis, en prévoyant que la mesure de renvoi est exécutée dès que les circonstances le permettent, le législateur ne voulait pas nécessairement que l'agent chargé du renvoi soit tenu de prendre en considération tous les facteurs qui doivent être invoqués et examinés dans le cadre des mesures préalables au renvoi. Aux fins qui nous occupent, il n'est pas nécessaire de déterminer les limites du pouvoir discrétionnaire que possède l'agent chargé du renvoi; il suffit de dire qu'il n'a été statué qu'une seule fois qu'il fallait notamment faire preuve de retenue de façon à permettre la présentation d'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Dans la décision Naredo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. 1250, le sursis a été accordé de façon à permettre la présentation d'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire parce que le demandeur était un ancien membre de la police secrète qui risquait d'être torturé et tué par ses anciens collègues s'il retournait au Chili. Il n'existe en l'espèce aucun fait de ce genre.


[5]         Dans la décision Saini c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 4 C.F. 325, (1998), 150 F.T.R. 148, Monsieur le juge Gibson a conclu que l'agent chargé du renvoi avait le pouvoir discrétionnaire de déterminer si une évaluation du risque avait été effectuée. Cette décision était également fondée sur le risque de torture et de traitement inhumain. En l'espèce, les questions qui se posent pourraient à juste titre être soulevées devant l'agent chargé d'examiner les raisons d'ordre humanitaire. Le fait que le demandeur n'a pas pris de mesures en vue de saisir l'agent chargé d'examiner les raisons d'ordre humanitaire de la question n'exige pas l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire de la part de l'agent chargé du renvoi, en vue de permettre au demandeur de présenter maintenant la demande.

[6]         Quant au fait que l'intérêt des enfants est en cause avant même qu'il soit statué au fond sur l'affaire, cette question se pose également puisque le demandeur n'a pas pris les mesures nécessaires en vue de soumettre la question à l'agent compétent. Il est malheureux que les enfants subissent un préjudice par suite de la conduite des parents, mais comme le juge Nadon l'a souligné dans la décision Simoes, supra, la Convention relative aux droits des enfants elle-même n'interdit pas la séparation des enfants et de leurs parents résultant d'une mesure prise par l'État, mais elle prévoit de fait pareille séparation. L'intérêt des enfants considérés isolément ne peut pas plus faire obstacle à l'expulsion qu'il ne peut faire obstacle à l'emprisonnement. Dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, (1999), 243 N.R. 22, il n'a pas été statué que l'intérêt des enfants l'emportait, mais uniquement que l'agent chargé d'examiner les raisons d'ordre humanitaire doit tenir compte de cet intérêt. Dans la mesure où l'agent chargé du renvoi devait tenir compte de l'intérêt des enfants, question sur laquelle je ne me prononcerai pas, je conclus qu'il en a de fait tenu compte.


[7]         Quant à l'allégation selon laquelle l'agent chargé du renvoi a porté atteinte à son pouvoir discrétionnaire en appliquant un critère non fondé sur la loi, j'adopte les arguments de l'avocate du défendeur. En fin de compte, étant donné que le critère applicable est de nature conjonctive, je n'ai pas à examiner la question du préjudice irréparable ou celle de la prépondérance des inconvénients.

[8]         La demande de sursis est rejetée.

          J.D. Denis Pelletier

__________________________

                  Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                   IMM-3813-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 STEVE DAVIS ET AUTRE c. MCI

REQUÊTE ENTENDUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA ET TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                     LE 21 JUILLET 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Pelletier en date du 3 octobre 2000

ONT COMPARU :

Barbara Jackman                                                 POUR LES DEMANDEURS

Cheryl Mitchell                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman et associés                          POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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