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Date : 20040308

Dossier : IMM-4634-03

Référence : 2004 CF 347

Ottawa (Ontario), le 8 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

                                                                  MURAT DACI

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La demande d'asile de Murat Daci, un citoyen de l'Albanie âgé de 28 ans, repose sur sa crainte alléguée de persécution du fait de ses activités politiques. Le demandeur fonde également sa demande sur un autre motif prévu par la Convention, soit son appartenance à un groupe social, c'est-à-dire une famille de militants politiques. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande, concluant qu'il n'avait pas fourni d'éléments de preuve crédibles quant aux actes de persécution qu'il prétendait avoir subis en raison de ses convictions politiques.

[2]                M. Daci demande l'annulation de cette décision, affirmant que la Commission n'a examiné qu'une partie de sa demande et qu'elle n'a pas traité de la partie de sa demande relative à son appartenance à un groupe social. Il soutient également que les conclusions de la Commission quant à la crédibilité sont manifestement déraisonnables.

CONTEXTE

[3]                M. Daci soutient que sa famille et lui ont été persécutés en Albanie, et ce, tant par l'ancien gouvernement communiste que par l'actuel gouvernement socialiste. Le grand-père maternel de M. Daci a été exécuté en tant qu'ennemi du gouvernement communiste et les membres de sa famille ont été internés. En outre, M. Daci, son père et son frère étaient tous membres du Parti démocratique. Selon M. Daci, les actes de persécution subis par les membres de sa famille résultaient de leur participation aux activités de ce parti.

[4]                Le frère de M. Daci, Riza, travaillait pour le Parti démocratique durant les élections de 1997, mais il a été remplacé lorsque le Parti socialiste a pris le pouvoir après l'élection. Ayant été menacé par les autorités, Riza s'est enfui en Allemagne. Suivant la preuve non contredite dont était saisie la Commission, Riza a depuis obtenu le statut de réfugié en Allemagne. Plusieurs autres frères de M. Daci auraient également été exposés à des menaces ou à des actes de violence physique en raison de leur appartenance à la famille.

[5]                M. Daci dit avoir participé à la campagne électorale de 1997 comme tenant du Parti démocratique. Alors qu'il travaillait à un bureau de scrutin, il a noté des irrégularités dans le vote, irrégularités qu'il a signalées à ses supérieurs. Après les élections, la police a arrêté M. Daci, l'a menacé et lui a conseillé de cesser ses activités politiques.

[6]                M. Daci prétend aussi avoir été détenu et battu alors qu'il faisait campagne dans le cadre des élections locales en 2000. Ces agressions ont nécessité son hospitalisation pendant deux semaines. Neuf jours après avoir obtenu son congé de l'hôpital, il a reçu de l'argent de son frère, ce qui lui a permis de quitter le pays. M. Daci est arrivé au Canada le 22 août 2000 et a présenté sa demande d'asile peu de temps après.

DÉCISION DE LA COMMISSION

[7]                La Commission a interprété la demande de M. Daci comme alléguant une crainte justifiée de persécution fondée sur ses opinions politiques. Elle a par la suite rejeté la demande de M. Daci, concluant qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention, parce qu'il n'avait pas une crainte justifiée de persécution en Albanie fondée sur un motif prévu par la Convention. La Commission a également conclu qu'il n'était pas une personne à protéger, parce que, selon elle, son renvoi en Albanie ne l'exposait pas à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités.

[8]                Seule la preuve que M. Daci a soumise quant à son identité personnelle a été acceptée. La Commission a relevé un certain nombre de contradictions dans le témoignage de M. Daci en ce qui concerne la date à laquelle il est devenu membre du Parti démocratique, le fait qu'il n'a pas pu produire certains documents et la description qu'il a donnée des auteurs des agressions qu'il aurait subies. En conséquence, la Commission n'a pas accepté la preuve suivant laquelle M. Daci était lui-même un membre du Parti démocratique ou qu'il avait été victime d'actes de persécution en raison de ses convictions politiques. La Commission a donc rejeté sa demande.

QUESTIONS

[9]                M. Daci soulève deux questions en l'espèce :

1.          Le tribunal a-t-il commis une erreur en interprétant mal la nature de la demande du demandeur, ayant omis de se demander si celui-ci craignait avec raison d'être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social? et

2.          L'appréciation qu'a faite la Commission de la crédibilité du demandeur était-elle manifestement déraisonnable?

ANALYSE

[10]            Je suis convaincue que la décision de la Commission devrait être annulée, parce que celle-ci n'a tenu aucun compte de la partie de la demande de M. Daci relative à son appartenance à un groupe social, savoir une famille de militants politiques.

[11]            Un examen des motifs de la Commission indique que celle-ci a jugé que la demande reposait uniquement sur des allégations de persécution fondée sur les opinions politiques personnelles de M. Daci. La Commission a examiné en détail le témoignage qu'a produit M. Daci relativement à ses allégations de persécution fondées sur ses opinions politiques personnelles. La Commission était disposée à accepter les éléments de preuve soumis par M. Daci quant à son identité personnelle, mais elle n'a pas accepté le témoignage qu'il a produit relativement aux actes de persécution qu'il aurait subis dans le passé en raison de ses opinions politiques personnelles. Les motifs justifiant le rejet de cette preuve sont clairement exposés dans la décision de la Commission.

[12]            La Commission ne parle toutefois pas dans sa décision des nombreux éléments de preuve produits par M. Daci relativement aux actes de persécution qu'auraient subis les membres de sa famille - en particulier son frère Riza . Elle n'y traite pas non plus de la question de savoir si M. Daci lui-même risquait d'être persécuté en raison de ses liens de famille.

[13]            La Commission pouvait accepter ou rejeter l'allégation de M. Daci suivant laquelle il risquait d'être persécuté en raison de son appartenance à un groupe social, savoir sa famille. Toutefois, vu que ces éléments de preuve étaient essentiels quant à cette partie de la demande de M. Daci, la Commission ne pouvait tout simplement ne pas en tenir compte.

[14]            Compte tenu de mes conclusions sur ce point, il n'est pas nécessaire que j'examine la question de l'appréciation de la crédibilité par la Commission.

CERTIFICATION

[15]            Ni l'une ni l'autre des parties n'a proposé une question à certifier. En conséquence, aucune question ne sera certifiée.

                                                           O R D O N N A N C E

                             

LA COUR ORDONNE :

1.          Pour les motifs exposés précédemment, la présente demande est accueillie, et la demande d'asile de M. Daci est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu'il rende une nouvelle décision.

2.          Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.           

« A. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-4634-03

INTITULÉ :                                                    MURAT DACI

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 25 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                   LE 8 MARS 2004

COMPARUTIONS :

J. Norris Ormston                                              POUR LE DEMANDEUR

Lorne McClenaghan                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ormston, Bellissimo, Younan                 POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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