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Date : 20210820

Dossier : T-1068-19

Référence : 2021 CF 847

Ottawa (Ontario), le 20 août 2021

En présence de la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

MARTIN DUCHARME

demandeur

Et

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Nature de l’affaire

[1] M. Martin Ducharme demande le contrôle judiciaire d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne [la Commission] refusant de statuer sur une plainte qu’il a formulée contre le Syndicat Canadien de la Fonction Publique [Syndicat], dont il a été membre de nombreuses années. La Commission a conclu que la plainte de M. Ducharme était vexatoire au sens de l’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H-6 [la Loi], puisque toutes les questions qu’elle soulève ont été préalablement traitées et rejetées par le Conseil canadien des relations industrielles [le Conseil].

[2] M. Ducharme conteste cette décision et affirme qu’au contraire, le Conseil n’a pas traité de ses allégations de discrimination fondées sur sa « déficience » et qu’il appartenait à la Commission de le faire.

II. Faits

[3] Les faits au cœur de cette demande de contrôle judiciaire résultent d’un long conflit de travail, d’abord entre le demandeur et son employeur de l’époque, Air Transat A.T. Inc. [Air Transat ou l’employeur], puis entre le demandeur et le Syndicat.

[4] Pendant plus de 20 ans, le demandeur a occupé les postes d’agent de bord puis de directeur de vol pour Air Transat. Avant les évènements de 2013-2014, son dossier disciplinaire était vierge et il occupait un rôle actif au sein du Syndicat.

[5] À compter du 28 mai 2013, le demandeur s’absente pour cause de maladie et il est en invalidité de courte durée pour cause d’anxiété jusqu’au 31 décembre 2013.

[6] Le 23 septembre 2013, l’employeur l’informe qu’on le soupçonne d’avoir un profil de consommation. On lui impose de se soumettre à une expertise médicale visant à déterminer la cause réelle de son arrêt de travail et à détecter tout problème de consommation. Le demandeur refuse de se soumettre à un test de dépistage ou de donner accès à son dossier médical antérieur.

[7] Le 13 novembre 2013, le demandeur rencontre sa conseillère syndicale pour demander l’intervention du Syndicat afin de contrecarrer les demandes de l’employeur qu’il juge abusives.

[8] S’en suivent plusieurs demandes de la part de l’employeur et refus de la part du demandeur, lesquels mènent à son congédiement le 14 mai 2014 pour manque de collaboration.

[9] En marge de ce conflit, le Syndicat dépose quatre griefs distincts contre l’employeur :

23 janvier 2014 : premier grief contestant le refus de l’employeur de permettre le retour de travail du demandeur alors que son médecin traitant le recommandait depuis le 1er janvier;

11 mars 2014 : second grief contestant les demandes de l’employeur d’avoir accès au dossier médical antérieur du demandeur;

1er mai 2014 : troisième grief contestant les demandes d’évaluation médicale, de tests et de prélèvements exigées du demandeur; et,

14 mai 2014 : quatrième grief contestant le congédiement du demandeur.

[10] Suite à leur rejet par l’employeur, tous ces griefs sont joints et soumis à l’arbitrage.

[11] Parallèlement à la progression du dossier d’arbitrage, le 8 août 2014, le demandeur dépose une première plainte contre le Syndicat devant le Conseil, au titre de l’article 97(1) du Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2. Il y allègue un manquement de la part du Syndicat aux obligations qui lui incombent aux termes de l’article 37 de la Loi, lequel se lit comme suit:

37 Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

37 A trade union or representative of a trade union that is the bargaining agent for a bargaining unit shall not act in a manner that is arbitrary, discriminatory or in bad faith in the representation of any of the employees in the unit with respect to their rights under the collective agreement that is applicable to them.

[12] Le 26 septembre 2014, M. Ducharme dépose sa plainte auprès de la Commission, alléguant qu’entre septembre 2013 et septembre 2014, le Syndicat a fait preuve de harcèlement syndical à son endroit et de discrimination fondée sur son état de santé.

[13] Le 10 juin 2015, la Commission suspend provisoirement le traitement de la plainte au motif qu’elle pourrait avantageusement être instruite dans un premier temps selon des procédures prévues par une autre loi fédérale. La Commission ayant constaté que la plainte dont elle est saisie comporte les mêmes allégations que celles formulées devant le Conseil, la décision du Conseil est donc susceptible de mener à une résolution du conflit entre le demandeur et le Syndicat. La Commission invite toutefois le demandeur à s’adresser de nouveau à elle dans les 30 jours suivants la fin de l’autre processus s’il croit que les questions des droits de la personne n’ont pas été adéquatement considérées et s’il veut toujours que la Commission se saisisse de sa plainte.

[14] Le Conseil rend sa décision le 23 octobre 2015. Il y résume ainsi les allégations du demandeur :

Il allègue que le Syndicat a agi de manière arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi dans le traitement de plusieurs griefs;

Il allègue être victime de harcèlement syndicale; et,

Il allègue que par son inaction, le Syndicat a contribué à son congédiement.

[15] D’entrée de jeu, le Conseil précise que lorsqu’il est saisi d’une plainte fondée sur l’article 37 du Code canadien du travail, il n’est pas appelé à examiner le bien-fondé des décisions stratégiques du Syndicat, mais doit plutôt s’assurer que le Syndicat n’a pas agi de mauvaise foi ou d’une manière arbitraire ou discriminatoire dans sa défense des droits du salarié.

[16] En ce qui concerne les allégations de harcèlement syndical, le demandeur faisait valoir que certains membres du comité exécutif du Syndicat se seraient placés en position de conflit d’intérêts et auraient agi de façon répréhensible à son égard en raison de sa dissidence et d’opinions divergentes. Le Conseil note que bien que l’article 37 du Code canadien du travail ne lui permette pas de s’immiscer au sein de conflits syndicaux internes, il lui permet d’examiner les allégations afin de déterminer si le conflit d’intérêts allégué a influencé le processus suivi par le Syndicat dans la défense des droits du salarié.

[17] Or, le Conseil conclut que le Syndicat n’a pas agi d’une façon arbitraire puisque: 1) le Syndicat a obtenu la version des faits du demandeur; 2) il s’est penché sur le fond des questions soulevées par le demandeur; 3) il a informé le demandeur des diverses démarches entreprises; et, 4) dans ses communications écrites avec le demandeur, il a démontré une connaissance approfondie de son dossier.

[18] Le Conseil conclut également que le Syndicat n’a pas agi de mauvaise foi puisque: 1) les méthodes et la stratégie employées par le Syndicat ont évolué avec la situation; et, 2) le traitement du dossier du demandeur par ses conseillères syndicales ne démonte pas qu’elles étaient impliquées dans les conflits syndicaux du demandeur.

[19] Finalement, quant aux allégations de discrimination, le demandeur faisait valoir que le Syndicat le représentait sans conviction et le défavorisait. Le Conseil conclut toutefois que rien au dossier n’indique que le demandeur ait été traité de façon discriminatoire. Au contraire, le Syndicat a suivi tous les étapes pour faire avancer les divers griefs et les a renvoyés à l’arbitrage avec l’intention de défendre les intérêts du demandeur.

[20] Le demandeur n’a pas demandé le contrôle judiciaire de la décision du Conseil rejetant sa plainte.

[21] Par ailleurs, le 5 avril 2017, l’arbitre a rejeté les 4 griefs déposés par le Syndicat.

[22] Au début du mois de février 2018 (soit près de 2 ans et demi après la décision du Conseil et 10 mois après celle de l’arbitre), le Syndicat est informé que le demandeur a réactivé sa plainte auprès de la Commission.

[23] Le 30 mai 2019, la Commission rend sa décision sous étude et refuse de statuer sur la plainte de M. Ducharme au motif qu’elle est vexatoire au sens de l’article 41(1)f) de la Loi. La Commission est d’avis que toutes les questions soulevées dans la plainte de M. Ducharme ont été examinées par le Conseil et qu’elle se doit de respecter le caractère définitif de la décision du Conseil. Le Rapport de l’agente souligne finalement ce qui suit :

En dernier lieu, le plaignant était invité à s’adresser à la Commission « dans les 30 jours suivant la fin de l’autre processus s’il croit que les questions des droits de la personne n’ont pas été adéquatement soulevées et s’il veut toujours que la Commission se saisisse de sa plainte ». Cependant, le plaignant a plutôt laissé s’écouler 26 mois entre la date de la décision du [Conseil] quand [sic] a demandé à la Commission de réactiver sa plainte le 29 décembre 2017. Pour cela, il appert que cette plainte est un abus de ressources de la Commission du fait que le plaignant n’est pas revenu à la Commission 30 jours après avoir reçu la décision du [Conseil] et du fait que cette plainte est vexatoire.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[24] Cette demande de contrôle judiciaire ne soulève qu’une seule question : La Commission a-t-elle erré en refusant de se prononcer sur la plainte du demandeur?

[25] La norme applicable au processus de filtrage prévu à la Loi, et à la décision de la Commission de ne pas statuer sur une plainte, est celle de la décision raisonnable. À ce titre, la Cour n’interviendra que si la décision n’est pas intrinsèquement logique et qu’elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des contraintes factuelles et légales. La Cour doit faire preuve de déférence à l’égard de la Commission et porter une attention respectueuse à la décision et aux motifs sous-jacents (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 85).

IV. Analyse

[26] Contrairement à la position mise de l’avant par le défendeur, je ne crois pas que la plainte du demandeur soit limitée aux évènements survenus entre septembre 2013 et septembre 2014. Dans son formulaire de plainte, le demandeur y inscrit effectivement que la discrimination aurait eu lieu entre septembre 2013 et septembre 2014. Toutefois, il a également coché la case : « persistent », afin d’indiquer le caractère persistant de la discrimination. De plus, dans ses observations écrites soumises à la Commission, le demandeur fait référence à des évènements postérieurs à septembre 2014 et aux interactions qu’il a eues avec son Syndicat dans le cadre de l’arbitrage de griefs.

[27] Cela dit, dans l’affaire Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board) c Figliola, 2011 CSC 52 [Figliola], la Cour suprême encadre le pouvoir discrétionnaire d’un tribunal des droits de la personne « de refuser d’entendre une plainte sur le fond de laquelle un décideur s’est déjà prononcé de façon appropriée » (au para 2). Voici comment la Cour s’exprime :

[37] En s’appuyant sur ces principes sous-jacents, le Tribunal est appelé à se demander s’il existe une compétence concurrente pour statuer sur les questions relatives aux droits de la personne, si la question juridique tranchée par la décision antérieure était essentiellement la même que celle qui est soulevée dans la plainte dont il est saisi et si le processus antérieur, qu’il ressemble ou non à la procédure que le Tribunal préfère ou utilise lui‑même, a offert la possibilité aux plaignants ou à leurs ayants droit de connaître les éléments invoqués contre eux et de les réfuter. Toutes ces questions visent à déterminer s’il [TRADUCTION] « a été statué de façon appropriée » sur le fond de la plainte. Il s’agit, en définitive, de se demander s’il est logique de consacrer des ressources publiques et privées à la remise en cause de ce qui est essentiellement le même litige.

[28] Dans ses observations auprès de la Commission, le demandeur était appelé à identifier les questions relatives aux droits de la personne qui n’auraient pas été examinées par le Conseil. Il énumère les éléments qui, à son avis, n’ont pas été traités dans la décision du Conseil, incluant les déficiences alléguées dans les représentations du Syndicat devant la Commission d’accès à l’information et devant l’arbitre de griefs.

[29] Il est évident que certains faits allégués par le demandeur n’ont pas pu être considérés par le Conseil et traités dans sa décision du 23 octobre 2015, puisque postérieurs à cette décision.

[30] Cependant en juin 2017, soit entre le moment où l’arbitre a rejeté les griefs du demandeur et le moment où le demandeur a réactivé la plainte sous étude devant la Commission, le demandeur a déposé une seconde plainte contre le Syndicat devant le Conseil. Les agissements du Syndicat en cause se rapportaient alors à l’arbitrage des griefs devant l’arbitre et à une audition devant la Commission d’accès à l’information qui s’est soldée par un règlement entre les parties. Le Syndicat contestait la recevabilité de cette nouvelle plainte au motif qu’une plainte antérieure avait déjà été rejetée (la décision du 23 octobre 2015 dont il est question au paragraphe 14 des présents motifs), argument qui n’a pas été retenu par le Conseil. Le Conseil a toutefois conclu que la preuve n’établissait pas un manquement du Syndicat à ses obligations en vertu de l’article 37 du Code Canadien du travail mais illustrait plutôt des efforts considérables pour aider le demandeur.

[31] Cette fois, le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision du Conseil devant la Cour d’appel fédérale (la demande visait deux plaintes contre l’employeur et une contre le Syndicat). Dans sa décision rendue peu de temps avant l’audience de la présente demande (Ducharme c Air Transat A.T. Inc., 2021 CAF 34), la Cour d’appel fédérale a rejeté la demande du demandeur. La Cour s’est dite d’avis que le Conseil avait procédé à un examen méticuleux de la preuve et des observations des parties avant de conclure que le Syndicat avait déployé des efforts considérables pour aider le demandeur à contester les mesures prises par l’employeur ainsi que son congédiement. La décision était bien motivée et présentait tous les attributs de justification, d’intelligibilité et de transparence auxquels un justiciable est en droit de s’attendre.

[32] Cela dit, il n’est pas contesté que le Conseil a la compétence pour statuer sur toute question relative aux droits de la personne qui lui est soumise. L’article 37 du Code canadien du travail impose d’ailleurs au Syndicat de ne pas agir de manière discriminatoire dans la défense des droits des salariés.

[33] En ce qui concerne les allégations de discrimination du demandeur, les arguments qu’il a soulevés devant le Conseil et ceux soulevés devant la Commission sont essentiellement les mêmes; ils oscillent entre la discrimination fondée sur l’état de santé et la discrimination fondée sur la divergence d’idéologie politico-syndicale. Il y a également une certaine confusion entre la discrimination alléguée et ce que le demandeur a qualifié de harcèlement syndical.

[34] Le Conseil était donc appelé à se prononcer sur les mêmes faits et arguments et il a eu l’occasion de le faire à deux reprises. Dans sa première décision, le Conseil résume ainsi les arguments du demandeur sur la question de discrimination :

Le plaignant soutient que son syndicat a agi de manière discriminatoire en l’empêchant de reprendre son travail de directeur de vol, ainsi que ses postes occupés au sein du syndicat. De plus, le plaignant soutient que c'est en raison d'une série d'événements qui perdurent depuis plusieurs années entre lui et certains membres de la section locale 4041 et du comité exécutif de la composante, que le syndicat agit de façon discriminatoire en ne prenant pas les démarches nécessaires afin d'empêcher les demandes de l'employeur. Le plaignant soutient que le comportement discriminatoire du syndicat se traduit par une distinction fondée sur un « principe de discordance syndicale » et une représentation sans conviction. Le plaignant allègue que Mme Rainville a agi de façon discriminatoire en lui demandant, par l’entremise du courriel du 22 avril 2014, de collaborer avec l'employeur pour les tests exigés et par la teneur de ses communications avec l’employeur qu’il qualifie de subjectives, comme lorsqu’elle fait référence à « l’éventualité où le test du plaignant s'avérerait négatif ». Le plaignant soutient que la conduite discriminatoire est d'ailleurs aussi confirmée par le message texte et le courriel de Mme Gauthier qui a suivi. Le plaignant réaffirme que les commentaires négatifs à son égard sèment ainsi le doute que les agents du syndicat, qu'ils soient membres du comité exécutif de la composante, de la section locale ou conseiller, agissent de façon discriminatoire à son endroit.

[35] Lorsqu’il analyse cet argument, le Conseil s’appuie sur une de ses décisions antérieures (McRaeJackson, 2004 CCRI 290) où il décrit ce qu’est un comportement discriminatoire de la part d’un Syndicat :

[28] Le syndicat ne doit pas faire de discrimination fondée sur l’âge, la race, la religion, le sexe ou l’état de santé. Chaque membre a droit à un traitement individuel et seuls des facteurs pertinents et légaux doivent influencer la décision de porter un grief à l’arbitrage ou non. Il devrait être souligné qu’un traitement différent n’est pas toujours considéré comme de la discrimination. Par exemple, il n'y a pas discrimination si le syndicat décide de porter le grief d'un employé à arbitrage et de ne pas en faire autant pour celui d'un autre employé, s'il y a des raisons pertinentes pour justifier cette distinction. Le syndicat ne se rend pas coupable de discrimination lorsqu'il s'entend avec l'employeur pour qu'un groupe d'employés aient des conditions de travail différentes ou meilleures que les autres, pour des raisons liées à leur milieu de travail (voir Mario Souffre et autres, [2002] CCRI no 205, et 94 CLRBR (2d) 307).

[Emphase mise par le Conseil]

[36] Après avoir analysé l’ensemble de la preuve et considéré tous les arguments du demandeur, le Conseil a exercé sa compétence à l’intérieur des paramètres décrits ci-haut, et il conclut comme suit :

Or, une simple allégation voulant que le syndicat ait agi d'une manière discriminatoire n'est pas suffisante. En l’espèce, le Conseil est d'avis que rien au dossier n'indique que M. D. a été traité de façon différente. Dans toute la chronologie détaillée et les multiples allégations formulées dans sa plainte, le plaignant n'a pas démontré que son syndicat a agi de façon discriminatoire. Comme il est indiqué ci-dessus, le syndicat a suivi toutes les étapes de règlement des griefs et, depuis, a même renvoyé les griefs à l’arbitrage avec l'intention de défendre les intérêts du plaignant.

[37] Dans son analyse de la décision du Conseil, la Commission n’était pas appelée à déterminer si elle serait parvenue aux mêmes conclusions que le Conseil, mais bien si le processus suivi était équitable et si la position du plaignant avait été pleinement considérée. Je fais miens les propos tenus récemment par le juge Barnes dans l’affaire Gunn c Halifax Longshoremen’s Association, section locale 269, 2020 CF 341 :

[11] Il est également important de souligner qu’en l’espèce M. Gunn n’a pas contesté la décision du [Conseil], mais qu’il a plutôt cherché à obtenir un résultat différent dans le contexte d’une plainte relative aux droits de la personne. Comme l’a fait observer le juge Thomas Cromwell dans l’arrêt Figliola, précité, au paragraphe 94 :

« [...] L’omission de se prévaloir des voies de révision appropriées militera généralement contre la remise en cause du fond d’une plainte devant un autre forum. »

[12] Je reconnais que la Commission a le pouvoir discrétionnaire de renvoyer une plainte au Tribunal même si un autre forum décisionnel a statué sur cette plainte. Ce pouvoir discrétionnaire doit toutefois être exercé méthodiquement surtout en effectuant une comparaison des deux processus (voir Bergeron, précité, para 46). Au cœur de cette comparaison, figure la question de l’équité procédurale, et non celle de savoir si le décideur précédent a pris la bonne décision ou s’il avait l’expertise requise (voir Figliola, précité, para 49 à 53).

[38] Dans la mesure où la même preuve, les mêmes faits et les mêmes arguments ont été présentés au Conseil qui les a pleinement considérés, je suis dans l’impossibilité de conclure que la Commission a erré dans l’exercice de sa discrétion de ne pas disposer du mérite de la plainte de discrimination du demandeur.

[39] Finalement, je suis également d’avis qu’il était loisible à la Commission de considérer l’impact négatif du défaut du demandeur de réactiver sa plainte auprès d’elle dans les 30 jours de la décision du Conseil. Le demandeur a plutôt choisi d’attendre 26 mois et son absence de diligence soutient également la conclusion de la Commission.

V. Conclusion

[40] Puisque je ne vois aucune erreur dans l’exercice du large pouvoir discrétionnaire accordé à la Commission de ne pas se saisir d’une plainte de discrimination déjà traitée par une autre instance décisionnelle, la demande de contrôle judiciaire du demandeur sera rejetée. Je suis toutefois d’avis d’exercer ma discrétion de ne pas accorder de dépens.


 

JUGEMENT dans T-1068-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Aucun dépens n’est accordé.

blanc

« Jocelyne Gagné »

blanc

Juge en chef adjointe


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1068-19

 

INTITULÉ :

MARTIN DUCHARME c SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 MARS 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :

LE 20 août 2021

 

COMPARUTIONS :

Martin Ducharme

 

Pour le demandeur

 

Sylvain Beauchamp

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Melançon Marceau Grenier Cohen s.e.n.c.

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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