Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision






Date : 20000420


Dossier : T-1733-99



ENTRE :


     HIGHLINE MFG. INC.,

                                     demanderesse,

     - et -

     CONVEY-ALL INDUSTRIES INC.,

                                     défenderesse

                         (demanderesse reconventionnelle),

     - et -

     RICHARD J. EPP et DWAYNE S. EPP

                     défendeurs

                         (défendeurs reconventionnels).


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON


[1]      Par un avis de requête déposé le 13 avril 2000, la demanderesse à la présente action en contrefaçon de brevet demande à la Cour de la relever, à l"égard de la défenderesse Convey-All Industries Inc. (Convey-All), de l"application complète de la règle 206 des Règles de la Cour fédérale (1998)1 relativement au contrat qui établit que Richard J. Epp et Dwayne S. Epp, les inventeurs et titulaires du brevet en litige, lui ont accordé une licence exclusive. Les parties ne contestent pas que la licence est un document que la demanderesse a mentionné dans sa déclaration.

[2]      La règle 206 est ainsi rédigée :

206. A copy of every document referred to in a pleading shall be served with the pleading or within 10 days after service of the pleading, unless

(a) the party being served waives its right to the copy; or

(b) the Court orders otherwise.

206. Une copie de chaque document mentionné dans un acte de procédure est signifiée soit avec l"acte de procédure, soit dans les 10 jours suivant la signification de celui-ci, à moins que, selon le cas :

a) la partie qui en reçoit signification ne renonce à son droit de recevoir cette copie;

b) la Cour n"en ordonne autrement.


[3]      Le texte de la règle qui a précédé la règle 206, la règle 407(2) des anciennes Règles de la Cour fédérale2, était essentiellement le même, si ce n"est qu"il prévoyait un délai de 30 jours plutôt que 10 pour signifier une copie d"un document mentionné dans un acte de procédure et que le pouvoir discrétionnaire de la Cour d"en ordonner autrement se limitait aux cas où cette mesure était justifiée par un " motif spécial ".

[4]      L"avocat de la demanderesse a fourni à l"avocat de Convey-All, apparemment pour se conformer à la règle 206 et pour répondre à une demande formulée par ce dernier, les [traduction] " éléments pertinents du contrat de licence mentionné dans la déclaration ". De grandes parties de ce contrat, dont toutes les dispositions traitant des redevances, ont été masquées. L"avocat de Convey-All a insisté pour avoir un accès illimité et sans réserve à l"ensemble du contrat de licence. En conséquence, la demanderesse a saisi la Cour de la présente requête.

[5]      Dans une ordonnance par consentement prononcée le 15 mars 2000, la Cour a ordonné de régler séparément, après l"instruction des questions restant en litige, tous les points litigieux concernant l"étendue de la violation d"un droit, les dommages-intérêts découlant de la violation d"un droit ainsi que les profits tirés de la violation d"un droit. La question de la responsabilité est manifestement la plus importante " question restant en litige ". L"avocat de la demanderesse fait valoir que toutes les dispositions du contrat de licence qui concernent la question de la responsabilité ont été divulguées ou, autrement dit, que seules les dispositions du contrat de licence qui ne se rapportent pas à la responsabilité ont été occultées. Dans de telles circonstances, l"avocat soutient que, compte tenu de la nature délicate et de l"importance commerciale de certaines ou de toutes les dispositions occultées, la demanderesse ne devrait pas être obligée de les divulguer, à tout le moins à l"heure actuelle.

[6]      Dans la décision United States Surgical Corp. c. Downs Surgical Canada Ltd.3, le juge Mahoney, qui siégeait alors à la Division de première instance de la Cour, écrit aux pages 735 et 736 :

         La jurisprudence dominante penche nettement du côté de l"obligation de produire, en application de la règle 407(2), l"intégralité de tout document visé dans une plaidoirie. Cette règle investit cependant la Cour d"un pouvoir discrétionnaire en la matière. La défenderesse soutient que ce pouvoir discrétionnaire ne s"applique qu"aux cas où il serait matériellement difficile, sinon impossible, de produire un document tout entier, par exemple un document si fragile et si long qu"il est impossible de le photocopier ou de le reproduire de toute autre manière. Je ne saurais accueillir cette interprétation restrictive. Il pourrait bien y avoir des cas où, par exemple, la Cour conclut qu"une partie d"un document n"a rien à voir avec l"affaire et que l"intéressé a de bonnes raisons de vouloir garder cette partie par-devers soi.

                         [Non souligné dans l"original]

[7]      Manifestement, le juge Mahoney envisageait alors un critère comportant deux éléments : un élément de pertinence et un élément de justification. Il est intéressant de remarquer que le juge Mahoney se prononçait alors dans le contexte de l"ancienne règle 407(2) qui prévoyait que la Cour devait avoir un motif spécial pour exercer le pouvoir discrétionnaire lui permettant de modifier la règle générale de production.

[8]      Un peu plus tard, mais toujours dans le cadre de l"ancienne règle 407(2), la même question s"est posée au juge Joyal dans l"affaire Kimberly-Clark Corp. c . Procter & Gamble Inc.4 Il écrit à la page 208 :

         L"examen du texte intégral m"amène à conclure que la suppression est justifiable dans presque tous les cas. En effet, les passages en cause contiennent des renseignements qui n"ont absolument rien à voir avec l"affaire dont la Cour est saisie et qui, à mon avis, n"aideraient pas la défenderesse à défendre sa cause.

Par conséquent, le juge Joyal a approuvé la version très élaguée des contrats en litige en l"espèce. Malgré la limite de la " raison spéciale " applicable au pouvoir discrétionnaire de la Cour, le juge Joyal n"a pas cherché de " bonnes raisons de vouloir garder cette partie par-devers soi ", comme l"a fait le juge Mahoney.

[9]      J"ai examiné une version intégrale du contrat de licence en litige en l"espèce. Je suis convaincu que toutes les parties de ce contrat qui ont été occultées par la demanderesse dans la version qu"elle a produite conformément à la règle 206 ne sont pas pertinentes à la question de la responsabilité, la principale question dont la Cour sera saisie à la première étape de l"action en contrefaçon de brevet. Même s"il est possible que certains de ces renseignements se rapportent à la question dont la Cour sera saisie à la deuxième étape de l"action, advenant le cas où il serait établi que la défenderesse a contrefait le brevet, je suis convaincu qu"il s"agit d"une question qui devrait être examinée plus tard. Compte tenu du pouvoir discrétionnaire absolu qui a été conféré à la Cour pour lui permettre de relever une partie du fardeau que lui impose la règle 206 des Règles de la Cour fédérale (1998) , je suis convaincu que, pour le moment du moins, la non pertinence des renseignements occultés constitue un motif suffisant pour que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire.

[10]      En conséquence, la Cour rendra une ordonnance relevant la demanderesse de l"obligation que lui impose la règle 206 de divulguer les parties de son contrat de licence qu"elle a occultées jusqu"à ce que la question de la responsabilité de la défenderesse relativement à la contrefaçon soit définitivement tranchée ou jusqu"à ce que la Cour n"en ordonne autrement.


                         " Frederick Gibson "

                             J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

20 avril 2000


Traduction certifiée conforme



Suzanne Bolduc, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


N" DU GREFFE :                      T-1733-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Highline Mfg. Inc. c. Convey-All Industries Inc. et Richard J. Epp et Dwayne S. Epp
LIEU DE L"AUDIENCE :                  Ottawa (Ontario)                             

                            

DATE DE L"AUDIENCE :                  18 avril 2000


MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE GIBSON en date du 20 avril 2000


ONT COMPARU :                 

Brian P. Isaac                      pour la demanderesse         

Kevin K. Graham

Robert A. Kallio                      pour la défenderesse

(par téléphone)                          (Convey-All Industries Inc.)


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

Smart & Biggar                      pour la demanderesse

Ottawa (Ontario)

Furman & Kallio                      pour la défenderesse

Saskatoon (Saskatchewan)                      (Convey-All Industries Inc.)


Date : 20000419


Dossier : T-1733-99

Ottawa (Ontario), le jeudi 20 avril 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON


ENTRE :


     HIGHLINE MFG. INC.,

                                     demanderesse,

     - et -

     CONVEY-ALL INDUSTRIES INC.,

                                     défenderesse

                         (demanderesse reconventionnelle),

     - et -

     RICHARD J. EPP et DWAYNE S. EPP

                     défendeurs

                         (défendeurs reconventionnels).


ORDONNANCE

     VU la requête présentée par la demanderesse afin d"obtenir :

1.      Une ordonnance portant que la demanderesse s"est conformée à la règle 206 des Règles de la Cour fédérale (1998) ;
2.      Les dépens de la requête, suivant la colonne V du tarif B;
3.      Toute autre ordonnance que la Cour estime juste.

     ET APRÈS avoir examiné les pièces déposées et avoir entendu les observations de l"avocat de la demanderesse, comparaissant devant la Cour, et de l"avocat de la défenderesse Convey-All Industries Inc. par téléconférence, les défendeurs Richard J. Epp et Dwayne S. Epp n"ayant pas comparu;

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.      Jusqu"à ce que la Cour ait définitivement tranché la question de la responsabilité en l"espèce ou jusqu"à ce qu"elle ait rendu une autre ordonnance, selon la première de ces éventualités, la signification faite par la demanderesse à la défenderesse Convey-All Industries Inc. d"une version expurgée du contrat de licence, faisant partie de la pièce B de l"affidavit de Jeannie L. Hart, souscrit le 12 avril 2000, et faisant partie du dossier de la requête de la demanderesse déposé le 13 avril 2000, constitue l"exécution complète par la demanderesse des obligations qui lui incombent en vertu de la règle 206 relativement au contrat de licence, lequel est un document mentionné dans la déclaration en l"espèce.
2.      Sous réserve de toute autre ordonnance de la Cour, le contrat de licence non expurgé qui a été fourni pour permettre de trancher la requête qui donne lieu à la présente ordonnance sera conservé au registre de la Cour séparément de tous les autres dossiers de la Cour en l"espèce, sous pli cacheté, et ne sera ouvert ou vu que par un juge, un protonotaire ou un officier de la Cour et uniquement pour une fin liée à la présente action.
3.      Les dépens de la requête suivront l"issue de la cause.

" Frederick E. Gibson "

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


__________________

1      DORS/98-106.

2      C.R.C. 1978, ch. 663.

3      [1982] 1 C.F. 733.

4      (1990), 31 C.P.R. (3d) 207 (C.F.1re inst.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.