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Date : 20001103


Dossier : T-801-93


OTTAWA (Ontario), le vendredi 3 novembre 2000

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE W. ANDREW MacKAY


ENTRE

     EILEEN (BALLANTYNE) LINKLATER,

     représentant certains membres de la

     NATION CRIE PETER BALLANTYNE

     demandeurs


     - et -



     LE CHEF RONALD MICHEL et le CONSEIL de

     la NATION CRIE PETER BALLANTYNE

     défendeurs



JUGEMENT


     SUR PRÉSENTATION d'une action par les demandeurs par voie de déclaration, remplaçant un avis introductif de requête déposé au Greffe, et par suite d'une ordonnance rendue par la Cour pour que les instances traitant de questions similaires dans les dossiers T-1006-93 et T-1009-93 de la Cour, et après qu'une ordonnance eut été rendue pour que ces trois actions soient entendues ensemble sur la base d'un exposé conjoint des faits et des questions en litige;

     APRÈS AVOIR ENTENDU les avocats des demandeurs et des défendeurs à Saskatoon, le 23 août 1999, date à laquelle la Cour a réservé sa décision, et après avoir examiné les observations écrites préparées aux fins de l'audience, les arguments oraux présentés au cours de celle-ci, ainsi que d'autres prétentions écrites des demandeurs en septembre 1999 et des défendeurs en novembre 1999;

     LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES CE QUI SUIT :


  1. )      Les questions soumises par consentement à l'examen de la Cour, et une question soulevée par les demandeurs à l'audience, qui revêt une importance primordiale pour eux, sont décidées de la façon suivante :
     (i)      Concernant les points 1 et 2 des questions conjointes, y compris les questions détaillées concernant la coutume de la bande défenderesse et l'élection partielle du 24 février 1993, la Cour refuse de répondre au motif que les questions, tant au moment de l'audience que depuis ce temps, sont théoriques, et qu'il n'y a pas de circonstances exceptionnelles qui justifient de répondre à l'heure actuelle à ces questions.
     (ii)      Concernant le point 3 des questions conjointes - « Le chef et le conseil peuvent-ils ignorer les résultats d'une élection partielle locale qui ne respecte pas la « coutume » de la bande concernant la procédure électorale ? » - La réponse est affirmative.
     (iii)      Concernant le deuxième référendum, tenu en février 1993, les défendeurs n'ont pas commis d'erreur de droit en ne suivant pas les exigences du Règlement sur les référendums des Indiens.

  1. )      L'action des demandeurs est rejetée.
  2. )      Les défendeurs ont droit aux frais dont les parties conviendront entre elles ou, si elles ne parviennent pas à s'entendre, aux dépens entre parties conformément à la colonne 3 du Tarif B des Règles de la Cour, les frais de l'audience et des procédures préalables à l'instruction n'étant accordés qu'une seule fois pour les trois actions entendues ensemble.

     « W. Andrew MacKay »

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.






Date : 20001103


Dossier : T-1006-93


OTTAWA (Ontario), le vendredi 3 novembre 2000

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE W. ANDREW MacKAY


ENTRE

     EILEEN (BALLANTYNE) LINKLATER, OVIDE RATT

     et FRED BALLANTYNE représentant certains membres de la

     NATION CRIE PETER BALLANTYNE

     demandeurs


     - et -



     LE CHEF RONALD MICHEL et le CONSEIL de

     la NATION CRIE PETER BALLANTYNE

     défendeurs


JUGEMENT


     SUR PRÉSENTATION d'une action par les demandeurs par voie de déclaration, remplaçant un avis introductif de requête déposé au Greffe, et par suite d'une ordonnance rendue par la Cour pour que les instances traitant de questions similaires dans les dossiers T-1006-93 et T-1009-93 de la Cour, et après qu'une ordonnance eut été rendue pour que ces trois actions soient entendues ensemble sur la base d'un exposé conjoint des faits et des questions en litige;

     APRÈS AVOIR ENTENDU les avocats des demandeurs et des défendeurs à Saskatoon, le 23 août 1999, date à laquelle la Cour a réservé sa décision, et après avoir examiné les observations écrites préparées aux fins de l'audience, les arguments oraux présentés au cours de celle-ci, ainsi que d'autres prétentions écrites des demandeurs en septembre 1999 et des défendeurs en novembre 1999;

     LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES CE QUI SUIT :


  1. )      Les questions soumises par consentement à l'examen de la Cour, et une question soulevée par les demandeurs à l'audience, qui revêt une importance primordiale pour eux, sont décidées de la façon suivante :
     (i)      Concernant les points 1 et 2 des questions conjointes, y compris les questions détaillées concernant la coutume de la bande défenderesse et l'élection partielle du 24 février 1993, la Cour refuse de répondre au motif que les questions, tant au moment de l'audience que depuis ce temps, sont théoriques, et qu'il n'y a pas de circonstances exceptionnelles qui justifient de répondre à l'heure actuelle à ces questions.
     (ii)      Concernant le point 3 des questions conjointes - « Le chef et le conseil peuvent-ils ignorer les résultats d'une élection partielle locale qui ne respecte pas la « coutume » de la bande concernant la procédure électorale ? » - La réponse est affirmative.
     (iii)      Concernant le deuxième référendum, tenu en février 1993, les défendeurs n'ont pas commis d'erreur de droit en ne suivant pas les exigences du Règlement sur les référendums des Indiens.

  1. )      L'action des demandeurs est rejetée.
                                             Page : 3

  1. )      Les défendeurs ont droit aux frais dont les parties conviendront entre elles ou, si elles ne parviennent pas à s'entendre, aux dépens entre parties conformément à la colonne 3 du Tarif B des Règles de la Cour, les frais de l'audience et des procédures préalables à l'instruction n'étant accordés qu'une seule fois pour les trois actions entendues ensemble.

     « W. Andrew MacKay »

                                     JUGE


Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.






Date : 20001103


Dossier : T-1009-93


OTTAWA (Ontario), le vendredi 3 novembre 2000

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE W. ANDREW MacKAY


ENTRE

     EILEEN (BALLANTYNE) LINKLATER,

     représentant certains membres de la

     NATION CRIE PETER BALLANTYNE

     demandeurs


     - et -



     LE CHEF RONALD MICHEL et le CONSEIL de

     la NATION CRIE PETER BALLANTYNE,

ROSE DORION et HENRY MORIN

     défendeurs



JUGEMENT


     SUR PRÉSENTATION d'une action par les demandeurs par voie de déclaration, remplaçant un avis introductif de requête déposé au Greffe, et par suite d'une ordonnance rendue par la Cour pour que les instances traitant de questions similaires dans les dossiers T-1006-93 et T-1009-93 de la Cour, et après qu'une ordonnance eut été rendue pour que ces trois actions soient entendues ensemble sur la base d'un exposé conjoint des faits et des questions en litige;

     APRÈS AVOIR ENTENDU les avocats des demandeurs et des défendeurs à Saskatoon, le 23 août 1999, date à laquelle la Cour a réservé sa décision, et après avoir examiné les observations écrites préparées aux fins de l'audience, les arguments oraux présentés au cours de celle-ci, ainsi que d'autres prétentions écrites des demandeurs en septembre 1999 et des défendeurs en novembre 1999;

     LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES CE QUI SUIT :


  1. )      Les questions soumises par consentement à l'examen de la Cour, et une question soulevée par les demandeurs à l'audience, qui revêt une importance primordiale pour eux, sont décidées de la façon suivante :
     (i)      Concernant les points 1 et 2 des questions conjointes, y compris les questions détaillées concernant la coutume de la bande défenderesse et l'élection partielle du 24 février 1993, la Cour refuse de répondre au motif que les questions, tant au moment de l'audience que depuis ce temps, sont théoriques, et qu'il n'y a pas de circonstances exceptionnelles qui justifient de répondre à l'heure actuelle à ces questions.
     (ii)      Concernant le point 3 des questions conjointes - « Le chef et le conseil peuvent-ils ignorer les résultats d'une élection partielle locale qui ne respecte pas la « coutume » de la bande concernant la procédure électorale ? » - La réponse est affirmative.
     (iii)      Concernant le deuxième référendum, tenu en février 1993, les défendeurs n'ont pas commis d'erreur de droit en ne suivant pas les exigences du Règlement sur les référendums des Indiens.

  1. )      L'action des demandeurs est rejetée.
  2. )      Les défendeurs ont droit aux frais dont les parties conviendront entre elles ou, si elles ne parviennent pas à s'entendre, aux dépens entre parties conformément à la colonne 3 du Tarif B des Règles de la Cour, les frais de l'audience et des procédures préalables à l'instruction n'étant accordés qu'une seule fois pour les trois actions entendues ensemble.


     « W. Andrew MacKay »

                                     JUGE


Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.






Date : 20001103


Dossier : T-801-93

ENTRE

     EILEEN (BALLANTYNE) LINKLATER,

     représentant certains membres de la

     NATION CRIE PETER BALLANTYNE

     demandeurs

     - et -

     LE CHEF RONALD MICHEL et le CONSEIL de

     la NATION CRIE PETER BALLANTYNE

     défendeurs

______________________________________________________________________________

     Dossier : T-1006-93


ENTRE

     EILEEN (BALLANTYNE) LINKLATER, OVIDE RATT et

     FRED BALLANTYNE représentant certains membres de la

     NATION CRIE PETER BALLANTYNE

     demandeurs

     - et -

     LE CHEF RONALD MICHEL et le CONSEIL de

     la NATION CRIE PETER BALLANTYNE

     défendeurs

______________________________________________________________________________



     Dossier : T-1009-93





ENTRE

     EILEEN (BALLANTYNE) LINKLATER,

     représentant certains membres de la

     NATION CRIE PETER BALLANTYNE

     demandeurs

     - et -

     LE CHEF RONALD MICHEL et le CONSEIL de

     la NATION CRIE PETER BALLANTYNE,

ROSE DORION et HENRY MORIN


défendeurs



MOTIFS DES JUGEMENTS


LE JUGE MacKAY

[1]      Les présents motifs et les jugements qui les accompagnent portent sur trois actions qui doivent, sur ordonnance de la Cour, être entendues ensemble, sur la base d'un exposé conjoint des faits et des questions en litige. En 1995, les trois actions ont été intentées par voie de déclaration conformément à l'ordonnance du juge Jerome, qui était alors juge en chef adjoint, afin de remplacer les instances initialement introduites en 1993 par voie d'avis introductif de requête demandant un contrôle judiciaire. Quand l'audience s'est ouverte à Saskatoon en août 1999, l'exposé conjoint des faits et des questions en litige portait sur des questions soulevées concernant certains, mais non pas la totalité, des faits allégués dans les déclarations au sujet d'une supposée élection partielle et des activités du chef et du conseil de la nation crie Peter Ballantyne en février 1993.

[2]      De façon assez surprenante, les trois déclarations et les trois défenses dans ces actions sont semblables, en fait identiques, y compris pour ce qui concerne les conclusions relatives aux redressements demandés et aux moyens de défense présentés. Les décisions du chef et du conseil, qui sont contestées dans les déclarations, étaient également incluses dans les trois avis introductifs de requête déposés en 1993. Ces avis sont décrits de façon assez détaillée dans l'exposé conjoint des faits et des questions en litige. Chacun de ces avis réclamait des redressements quelque peu différents, mais collectivement, ils demandaient les redressements réclamés dans les trois déclarations.

Les parties et les actions

[3]      Dans l'exposé conjoint des faits et des questions en litige, les parties sont décrites non seulement pour ce qui a trait aux trois actions en cause dans la présente instance mais, à ce qu'il semble, pour ce qui a trait également à une quatrième action, soit le dossier T-2574-93. Cette action met en cause les mêmes parties que celles désignées dans la présente instance ainsi que d'autres demandeurs désignés, et elle inclut, à titre de défendeurs, outre le chef Ronald Michel et le conseil, Sa Majesté la Reine et un fonctionnaire au service du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le juge Campbell a ajourné l'examen de l'action T-2574-93, qui reste en suspens en attendant le règlement de la présente instance.

[4]      Ainsi, ce ne sont pas toutes les personnes qui sont désignées comme demandeurs ou défendeurs dans l'exposé conjoint des faits et des questions en litige qui sont parties devant la Cour dans les trois actions faisant l'objet du présent examen. Je confirme que Eileen (Ballantyne) Linklater est demanderesse dans les trois actions, soit dans les actions T-801-93 et T-1009-93 à titre de « [représentante de] certains membres de la nation crie Peter Ballantyne » (qui ne sont pas désignés) et dans l'action T-1006-93, avec Ovide Ratt et Fred Ballantyne également désignés comme demandeurs. Dans les trois actions, comme il est indiqué dans les trois intitulés au début des présents motifs, le chef Ronald Michel et le conseil de la nation crie Peter Ballantyne sont défendeurs, et avec eux, dans l'action T-1009-93, Rose Dorion et Henry Morin, deux membres du conseil, de Pelican Narrows, qui ont été élus pour des mandats de deux ans en 1991. Le chef et le conseil, élus selon la coutume, sont le chef et le conseil au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5 (la Loi).

[5]      Je note, d'après l'exposé conjoint des faits et des questions en litige et une modification apportée à cet exposé que le chef Ronald Michel a été élu pour la première fois en 1985 et qu'il a depuis été réélu comme chef tous les deux ans, c'est-à-dire en 1987, 1989, 1991, 1993, 1995, 1997 et 1999.

[6]      La nation crie Peter Ballantyne occupe les terres de réserve situées principalement à Pelican Narrows, ainsi que dans les collectivités environnantes de Sandy Bay, Sturgeon Landing, Southend, Deschambault Lake, Amisk Lake et Prince Albert, toutes en Saskatchewan. Comme un certain nombre d'autres premières nations de cette province, leurs revendications territoriales, en vertu du traité indien pertinent, ne sont pas encore réglées bien qu'il ait été reconnu que la nation a droit à d'autres terres de réserve en vertu du Traité n 6. Les efforts en vue de régler ces revendications se poursuivent depuis de nombreuses années. Le dernier effort important dans ce sens a mené à une entente en septembre 1992 entre les gouvernements du Canada et de la Saskatchewan et les premières nations de la province, notamment la nation crie Peter Ballantyne. Cette entente, connue sous le nom de Saskatchewan Treaty Land Entitlement Framework Agreement (l'entente), doit entrer en vigueur par l'adhésion formelle des bandes ou des nations concernées, la ratification subséquente de l'entente et finalement par l'adoption d'ententes distinctes avec chacune des bandes ou des nations qui sont parties à l'entente.

Le contexte

[7]      Pour situer les actions dans leur contexte, je me suis abondamment appuyé sur les faits dont ont convenu les parties et qui sont énoncés dans l'exposé conjoint des faits et des questions en litige.

[8]      La nation crie Peter Ballantyne a participé avec d'autres bandes indiennes aux discussions avec les fonctionnaires provinciaux de la Saskatchewan et le gouvernement fédéral, discussions qui ont mené à l'entente.

[9]      D'après l'entente, certaines bandes individuelles, désignées sous le nom de « bandes ayant droit à des terres » , devaient suivre une procédure bien définie pour la signature de l'entente. La première étape était l'adhésion de la bande, signifiée par la signature du chef de chacune des bandes, autorisée par une résolution du conseil de bande donnant au chef le pouvoir d'adhérer à l'entente.

[10]      L'entente n'exigeait pas la tenue d'un référendum auprès des membres de la bande pour que le chef y adhère, mais la bande Peter Ballantyne en a tenu un le 23 novembre 1992 à cette fin. Certains membres de la bande, notamment les demandeurs en l'espèce, ont fait campagne contre l'entente. Le résultat du référendum ne favorisait pas l'adhésion; 45 % des votants se sont prononcés en faveur de la signature du document par le chef et 53 %, contre.

[11]      Par la suite, le chef de la bande et d'autres personnes, notamment certains membres du conseil de bande, ont rencontré les représentants des gouvernements fédéral et provincial pour discuter de la possibilité de modifier l'entente. Les gouvernements ont refusé de renégocier l'entente que plusieurs autres bandes jugeaient acceptable.

[12]      Le 15 février 1993, le chef et le conseil se sont réunis et ont décidé de tenir un deuxième référendum auprès des membres de la bande. Un deuxième référendum a donc été organisé et s'est tenu le 23 février 1993; la majorité des électeurs admissibles (64 %) qui se sont prévalus de leur droit de vote se sont prononcés en faveur de la signature de l'entente par le chef, afin de signifier l'adhésion de la bande. Deux jours après ce référendum, soit le 25 février 1993, le chef et le conseil ont adopté, au cours d'une réunion, une résolution autorisant le chef à signer le document, signifiant ainsi son adhésion à l'entente. C'est ce qu'il a fait le 25 février 1993.

[13]      L'adhésion à l'entente, résultant de cette signature, ne liait pas la bande et il devait y avoir un vote de ratification par les électeurs admissibles dont une majorité devait se prononcer en faveur de l'entente. Le vote de ratification a eu lieu le 5 novembre 1993. Soixante-sept pour cent (67 %) des électeurs admissibles ont alors participé au scrutin, et 51,46 % de la totalité des électeurs admissibles se sont prononcés en faveur de la ratification. Par la suite, le 10 décembre 1993, une cérémonie de signature a eu lieu et le chef défendeur, avec l'appui du conseil, par voie d'une résolution de la bande, a signé l'entente indiquant que la nation crie Peter Ballantyne la ratifiait.

[14]      J'ai reproduit ci-dessous certaines parties de l'exposé conjoint des faits et des questions en litige pour ce qui a trait à l'élection du chef et du conseil et aux événements qui se sont déroulés en février 1993. (Les caractères gras figuraient dans l'exposé.)

     E.      ÉLECTION DU CHEF ET DU CONSEIL
     35.      Avant 1969, le poste de chef était un poste plus ou moins permanent. En 1940, les électeurs admissibles ont présenté une requête informelle au ministère pour démettre Joe Highway de ses fonctions parce qu'il passait tout son temps à faire du piégeage à Reindeer Lake [voir le dossier historique ci-joint sous l'annexe A-6]. À l'exception de ce cas particulier, le chef est demeuré en poste jusqu'à sa démission ou son décès. En cas de démission, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien reconnaissait la démission et tenait une autre élection.
     36.      La nation crie Peter Ballantyne tient ses élections en fonction de la coutume et de la pratique de la bande. Des élections se sont tenues tous les deux ans depuis 1969, traditionnellement au cours de la Semaine du Traité. Selon la coutume de la bande, un avis de deux semaines [14 jours] est habituellement donné avant l'assemblée de mise en candidature et il s'écoule au moins quatre semaines (28 jours) entre celle-ci et le début de l'élection [ « le protocole électoral coutumier » ]. En raison de la présente action judiciaire et pour éviter des problèmes futurs, ces conventions ont été consignées par écrit dans un document intitulé [TRADUCTION] Loi et formalités concernant l'élection coutumière de la nation crie Peter Ballantyne, 1994 [ci-joint sous l'annexe A-5]. Les formalités qui y sont énoncées ont été suivies pour les élections de la bande en 1995 et 1997.
     37.      Les électeurs admissibles sont les Indiens visés par un traité :
         a.      qui sont membres inscrits de la nation crie Peter Ballantyne, et
         b.      qui ont 18 ans révolus [âge de la majorité] à la date de l'élection, et
         c.      qui
             i.      résident habituellement dans l'une des collectivités, des réserves ou des régions avoisinantes de la nation crie Peter Ballantyne, ou
             ii.      fréquentent un établissement d'enseignement à l'extérieur de leur collectivité ou réserve, ou
             iii.      travaillent à l'extérieur de leur lieu habituel de résidence dans une réserve ou dans une collectivité de la nation crie, ou
             iv.      pour des raisons de santé ou de logement, résident à La Ronge, Saskatoon, Creighton, Flin Flon ou Wanless, ou à proximité de ces collectivités.
     38.      Pour les fins du vote, les réserves, collectivités et régions avoisinantes suivantes sont reconnues comme des lieux de résidence désignés : Pelican Narrows, Sandy Bay, Sturgeon Landing, Southend, Deschambault Lake, Amisk Lake et Prince Albert.

     . . .

     40.      Deux élections partielles ont eu lieu depuis 1969, chacune ayant pour but de combler un poste créé par la démission volontaire du conseiller de bande sortant. En1992, Bernard Jobb a démissionné comme conseiller de Sturgeon Landing et Gertie Budd a été élu en novembre1992. En 1993, George Morin a démissionné comme conseiller de Sandy Bay et Norman Nateweyes a été élu en janvier 1993. Au cours de chacune de ces élections partielles, le protocole électoral coutumier de la bande a été respecté.
     41.      Rose Dorion et Henry Morin ont été dûment élus en juin 1991 pour occuper deux des cinq postes de conseillers représentant la nation crie Peter Ballantyne à Pelican Narrows. Il y avait à cette époque plus de 800 électeurs admissibles à Pelican Narrows.
     42.      Ni Rose Dorion ni Henry Morin n'ont démissionné ultérieurement de leur poste de conseiller de la nation crie Peter Ballantyne.
     43.      Le chef et le conseil ont le droit de destituer les conseillers en suivant les directives énoncées à l'alinéa 78(2)a) de la Loi sur les Indiens qui est rédigé dans les termes suivants :
         78(2) Le poste de chef ou de conseiller d'une bande devient vacant dans les cas suivants :
             a)      le titulaire, selon le cas :
                 (i)      est déclaré coupable d'un acte criminel,
                 (ii)      meurt ou démissionne,
                 (iii)      est ou devient inhabile à détenir le poste aux termes de la présente loi;
             b)      le ministre déclare qu'à son avis le titulaire, selon le cas :
                 (i)      est inapte à demeurer en fonctions parce qu'il a été déclaré coupable d'une infraction,
                 (ii)      a, sans autorisation, manqué la réunion du conseil trois fois consécutives,
                 (iii)      à l'occasion d'une élection, s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses, de malhonnêteté ou de méfaits, ou a accepté des pots-de-vin.

     44.      Ni Rose Dorion ni Henry Morin n'ont fait quoi que ce soit qui puisse entraîner leur destitution par la bande et le conseil aux termes de l'alinéa 78(2)a) de la Loi sur les Indiens ou par le ministre aux termes de l'alinéa 78(2)b) de la Loi sur les Indiens.

     F. LES ÉVÉNEMENTS PARTICULIERS DE FÉVRIER 1993
     45.      Le 22 février 1993, une assemblée a été convoquée à Pelican Narrows par certains membres de la bande. La réunion avait pour but de discuter du second référendum, prévu pour le lendemain, le 23 février 1993, et d'exprimer le mécontentement des membres à l'égard du leadership de la nation crie Peter Ballantyne, plus particulièrement du leadership des deux conseillers de Pelican Narrows qui avaient signé la résolution du conseil de bande autorisant le chef Ronald Michel à adhérer à l'entente. La réunion n'a été ni convoquée ni approuvée par le chef et le conseil. Avant l'ouverture de la réunion, le chef Ronald Michel a quitté la salle. Le chef était en droit d'assister à une réunion locale concernant les affaires de la bande non seulement en sa qualité officielle, mais également en sa qualité de membre résidant habituellement à Pelican Narrows. D'après le procès-verbal de la réunion [ci-joint sous l'annexe A-7], 84 des personnes encore présentes ont convenu [TRADUCTION¸ « de destituer les deux conseillers du conseil plutôt que les autres conseillers » . Il est présumé que les « deux conseillers » dont il est fait mention sont Rose Dorion et Henry Morin, bien que le procès-verbal indique, dans une proposition ultérieure, que 71 personnes ont voté pour que Henry Morin soit démis de ses fonctions. Selon le procès-verbal [Annexe 7], il convient de noter qu'il n'y a pas eu de proposition demandant précisément la destitution de Rose Dorion. [Nota : À l'audience en août 1999, il a été dit que cette dernière note était erronée puisque le procès-verbal auquel il est fait référence mentionnait que Mme Dorion devait être destituée.] À la même réunion, quatre personnes ont posé leur candidature aux postes de conseillers. Une liste a été établie et incluait sept noms. Il s'agissait des noms des trois conseillers dûment élus qui n'avaient pas été désignés dans le vote de non-confiance (Richard Highway, Graham Linklater et Melville Linklater) et les quatre candidats dont les noms ont été proposés à la réunion (Frederick [Fred] Ballantyne, Mary Ann Custer, Ivan Halcrow et Ovide Ratt).
     46.      Une élection pour « confirmer cinq conseillers » a été convoquée à l'assemblée de mise en candidature et a eu lieu entre 9 h et 18 h le 24 février 1993 au centre polyvalent de Pelican Narrows. Les trois conseillers dûment élus dont le nom figurait sur la liste électorale ont été confirmés, soit Richard Highway, Graham Linklater et Melville Linklater. Frederick Ballantyne et Ovide Ratt ont été « élus » .
     47.      Une « résolution du conseil de bande » [ci-jointe sous l'annexe A-8], en date du 25 février 1993 et signée par six personnes qui prétendaient toutes être conseillers, a confirmé le résultat de l'élection de Pelican Narrows. Il s'agissait de Cornelius Ballantyne, Richard Highway, Graham Linklater et Melville Linklater, Fred Ballantyne et Ovide Ratt. Personne n'a signé à titre de « chef » . La « résolution du conseil de bande » a été déposée au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Par convention et selon la coutume, le quorum exigé pour les résolutions du conseil de bande de la nation crie Peter Ballantyne est fixé à sept personnes dûment élues.
     48.      Le 24 février 1993, le chef Ronald Michel a fait parvenir une note de service [ci-jointe sous l'annexe A-9] à George McLeod, qui était alors l'administrateur de la bande, aux gestionnaires de programme, ainsi qu'aux conseillers et employés de la nation crie Peter Ballantyne en leur ordonnant de ne pas reconnaître les résultats de l'élection qui avait eu lieu le même jour. Ses raisons étaient les suivantes :
         a.      les habitants de Pelican Narrows et des autres collectivités qui composent la nation crie Peter Ballantyne n'avaient pas été correctement avisés, et
         b.      l'assemblée de mise en candidature a empêché les conseillers en cours de mandat d'expliquer leurs gestes et a été convoquée pour tenter de battre l'entente sur les droits territoriaux.

     49.      Le 25 février 1993, le chef et sept conseillers, y compris Rose Dorion et Henry Morin, ont rédigé une résolution [TRADUCTION] « rejetant toutes les activités ayant pour but de destituer illégitimement » Rose Dorion et Henry Morin [Annexe A-4].


Les questions en litige

[15]      Les parties conviennent que les points suivants sont les questions en litige entre elles dans les trois actions faisant l'objet de la présente instance.

     I.      Quelle est la « coutume de la bande » de la nation crie Peter Ballantyne concernant les élections ?
         A.      Quelle est la « coutume de la bande » de la nation crie Peter Ballantyne concernant les élections générales ?
         B.      Quelle est la « coutume de la bande » de la nation crie Peter Ballantyne concernant les élections partielles ?
         C.      Les membres de la bande peuvent-ils destituer des personnes dûment élues qui ont fait l'objet d'un vote de non-confiance au cours d'une réunion locale quand ces membres n'ont rien fait pour provoquer leur destitution par la bande et le conseil aux termes de l'alinéa 78(2)a) de la Loi sur les Indiens ou par le ministre aux termes de l'alinéa 78(2)b) de la Loi sur les Indiens ?
         D.      Y a-t-il une procédure pour destituer des membres du conseil dûment élus avant la fin de leur mandat quand ces membres n'ont rien fait qui puisse entraîner leur destitution par la bande et le conseil aux termes de l'alinéa 78 (2)a) de la Loi sur les Indiens ou par le ministre aux termes de l'alinéa 78(2)b) de la Loi sur les Indiens ?

     II.      L'élection locale du 24 février 1993 constitue-t-elle une élection générale ou une élection partielle appropriée ?
         A.      L'assemblée de mise en candidature du 22 février 1993 a-t-elle été convoquée de façon appropriée ?
         B.      Les conseillers Rose Dorion et Henry Morin ont-ils été traités selon les principes de justice naturelle et d'équité procédurale ?
                 Ont-ils reçu un avis suffisant concernant la convocation de la réunion ?
                 Ont-ils été pleinement informés de ce qui leur était reproché ?
                 Ont-ils eu la possibilité de répondre aux questions ou d'expliquer leurs gestes ?
                     Chaque partie a-t-elle eu une possibilité appropriée de présenter sa cause ?
                 b.      Chaque partie a-t-elle eu la possibilité de contredire ou de réfuter la preuve préjudiciable ?
             4.      Les règles de procédure ont-elles été suivies sans préjugé ?
             Qui a le pouvoir de convoquer une élection ou une élection partielle ?
             Les électeurs admissibles peuvent-ils être évincés avant l'ouverture d'une réunion portant sur les affaires de la bande ?
             Le protocole électoral coutumier a-t-il été suivi ?
         Le chef et le conseil peuvent-ils ignorer les résultats d'une élection partielle locale qui ne suit pas la « coutume » de la bande concernant la procédure électorale ?


[16]      Les questions énoncées ci-dessus n'incluent pas la question principale qui préoccupe les demandeurs, selon leur avocat qui a soulevé la question au cours de l'audience. Bien qu'à certains égards elle soit reliée aux questions portant sur l'élection des conseillers et sur l'effet que cette élection peut avoir sur la validité de la procédure du second référendum concernant l'adhésion à l'entente, la préoccupation principale des demandeurs se rapporte au second référendum et à l'adhésion subséquente à l'entente.

[17]      L'avocat des défendeurs prétend que la validité de la procédure du référendum et de l'adhésion est une question qui sous-tend les prétentions que les demandeurs ont fait valoir dans l'action T-2574-93, qui sera examinée ultérieurement. Les observations écrites des défendeurs déposées avant la tenue de l'audience portaient sur les questions énoncées dans l'exposé conjoint des faits et des questions en litige. Néanmoins, ils ne se sont pas fortement opposés à ce que la Cour examine la question fondamentale soulevée par les demandeurs, c'est-à-dire de savoir si le second référendum devait être tenu conformément au Règlement sur les référendums des Indiens, C.R.C., ch. 957, ce que contestent les défendeurs. La Cour a invité les parties à lui soumettre d'autres observations sur cette question après l'audience et elle a effectivement reçu des observations écrites des demandeurs en septembre 1999 et des défendeurs en novembre 1999.

[18]      L'analyse de ces questions et l'examen connexe des redressements demandés par les parties doivent à mon avis se faire en tenant compte de l'exposé conjoint des faits et des questions en litige, y compris des annexes qui y sont jointes. Les arguments des avocats peuvent bien entendu être utiles, mais ils ne constituent pas une preuve sur laquelle la Cour peut s'appuyer en l'espèce.

Analyse

[19]      Je traiterai d'abord des questions énoncées par les parties dans l'exposé conjoint des faits et des questions en litige. Les différentes questions réunies sous le point I concernant la « coutume de la bande » au sujet des élections, et le point II concernant la validité de l'élection du 24 février 1993, auxquels je ferai référence ci-après comme étant les « questions concernant l'élection partielle » , sont maintenant théoriques. L'avocat des demandeurs a concédé qu'elles faisaient maintenant partie de l'histoire, même s'il a instamment demandé à la Cour de les examiner parce qu'il s'agit de questions importantes concernant la coutume de la bande et les élections.

[20]      Dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, 57 D.L.R. (4th) 231, 75 Sask.R. 82, 92 N.R. 110, le juge Sopinka, s'exprimant au nom de la Cour suprême du Canada, a fait observer au paragraphe 16 qu'une affaire est théorique si elle ne répond pas au critère du « litige actuel » , c'est-à-dire que le litige entre les parties a disparu et que les questions sont devenues théoriques. Cette décision reconnaissait que même si une cause était théorique la Cour a le pouvoir discrétionnaire de décider des questions soulevées et peut le faire dans un cas exceptionnel.

[21]      À mon avis, les questions soulevées concernant l'élection partielle sont maintenant théoriques. Aucune des personnes directement touchées, soit les défendeurs Rose Dorion ou Henry Morin que l'on cherchait à remplacer à titre de conseillers par l'élection partielle, ou celles qui ont prétendument été élues à leur place, n'est maintenant membre du conseil. Un certain nombre d'élections normales ont depuis été tenues et au cours de ces élections en juin 1993, Rose Dorion et Henry Morin ont été remplacés en tant que conseillers. Le redressement demandé pour qu'ils ne siègent pas comme conseillers du 24 février jusqu'au mois de juin 1993, soit un bref de quo warranto, soit tout autre redressement extraordinaire ou jugement déclaratoire, ne serait pas accordé à l'heure actuelle même si les prétentions des demandeurs pouvaient généralement être accueillies, étant donné que ce redressement serait tout à fait inefficace.

[22]      En outre, aucune déclaration ou conclusion de la Cour concernant la coutume de la bande et l'élection partielle, ou la validité de l'élection partielle qui a eu lieu le 24 février 1993, ne résoudrait de litige actuel concernant le droit coutumier de la nation crie Peter Ballantyne. Il n'y a pas de question d'importance pour l'avenir, étant donné qu'en 1994, soit après les événements de 1993, la coutume électorale a été consignée par écrit par la bande et qu'elle a depuis été suivie dans les élections ultérieures.

[23]      Je suis conscient des observations écrites exhaustives et utiles soumises par les défendeurs en réponse aux questions détaillées qui ont été énoncées du consentement des parties. Je note que les demandeurs n'y ont pas répondu systématiquement ou en détail, ni par écrit ni à l'audience, bien qu'il s'agisse de questions que les parties ont convenu de soulever dans les trois instances dont je suis saisi et qui ont toutes été instituées par les demandeurs.

[24]      À mon avis, les questions regroupées sous les points I et II, bien que les parties aient accepté de les soumettre à l'examen de la Cour, sont maintenant théoriques. Bien qu'il puisse y avoir un intérêt général à les commenter, je ne suis pas convaincu qu'il existe des raisons exceptionnelles qui justifie la Cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire de les entendre. Discuter de ces questions sans bénéficier des arguments des demandeurs, compte tenu du fait que ces questions n'ont aucune portée dans la réalité, ne produirait que d'autres opinions incidentes et, à mon avis, ne serait d'aucune utilité.

[25]      Je suis toutefois d'un avis différent pour ce qui concerne la troisième question dont les parties ont convenu et qui a été énoncée de la façon suivante :

     III      Le chef et le conseil peuvent-ils ignorer les résultats d'une élection partielle locale qui ne suit pas la « coutume » de la bande concernant la procédure électorale ?


[26]      Traitant cette question comme une question générale, sans faire référence aux faits précis de l'espèce et sans me prononcer sur la question de savoir si la coutume a ou non été suivie par ceux qui ont organisé l'élection partielle, je réponds à cette question par l'affirmative. À mon avis, elle mérite une réponse puisque la question soulevée est fondamentale au régime légal en vertu duquel la nation crie Peter Ballantyne ou toute autre nation est gouvernée. Selon moi, il ne fait aucun doute que le chef et le conseil de la nation peuvent ignorer les résultats d'une élection partielle locale qui ne suit pas la « couture » applicable à cette élection. En agissant ainsi, le chef et le conseil exercent leurs responsabilités de maintenir la loi, c'est-à-dire la coutume, de la nation là où elle est applicable. S'ils interprètent la coutume d'une façon erronée, ils pourront être tenus d'en rendre compte, mais ils ne peuvent se soustraire à leurs responsabilités.

[27]      J'aborde maintenant la question du second référendum, qui est la question d'importance primordiale pour les demandeurs. Comme il a été noté, sa validité n'a pas été contestée dans l'exposé conjoint des faits et des questions en litige. Néanmoins, cette question est soulevée, non pas directement, mais dans le cadre des prétentions générales des demandeurs dans leurs trois déclarations. Dans celles-ci, on demande à la Cour d'examiner et d'infirmer un certain nombre de décisions du chef et du conseil. Il s'agit notamment des décisions suivantes : 1) la résolution du conseil de bande, en date du 15 février 1993, déposée auprès du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, indiquant la décision du chef et du conseil de tenir un second référendum le 23 février 1993, soit trois mois seulement après qu'une majorité d'électeurs, ayant voté au référendum du 23 novembre, s'était prononcée contre l'adhésion à l'entente; 2) la résolution du conseil de bande, en date du 25 février, déclarant nulle et non avenue l'élection partielle tenue la veille à Pelican Narrows, et 3) la résolution du conseil de bande, prise le même jour après le second référendum, pour autoriser le chef à signer une entente d'adhésion. Toutes ces décisions, selon les demandeurs, sont illégales et elles sont contestées dans chacune des actions.

[28]      L'argument des demandeurs se fonde sur l'opinion selon laquelle une fois que le chef et le conseil ont décidé de tenir un référendum auprès des électeurs concernant l'adhésion à l'entente, tout référendum, en l'espèce le premier comme le second, devait être tenu conformément au Règlement sur les référendums des Indiens, C.R.C. 1978, ch. 957. Les demandeurs soutiennent qu'il n'y a pas d'autre règlement concernant la tenue d'un référendum et aucune coutume n'établissant la procédure à suivre. Dans les circonstances, ils prétendent que le Règlement s'applique. Qui plus est, même si cela n'était pas le cas, le Règlement s'applique conformément aux articles 38 et 39 de la Loi sur les Indiens.

[29]      Ces articles portent sur les cessions ou désignations ayant trait aux droits d'une bande sur tout ou partie d'une réserve. Ils sont rédigés dans les termes suivants :

38. (1) Une bande peut céder à titre absolu à Sa Majesté, avec ou sans conditions, tous ses droits, et ceux de ses membres, portant sur tout ou partie d'une réserve.

38. (1) A band may absolutely surrender to Her Majesty, conditionally or unconditionally, all of the rights and interests of the band and its members in all or part of a reserve.

(2) Aux fins de les donner à bail ou de les démembrer, une bande peut désigner par voie de cession à Sa Majesté, avec ou sans conditions, autre qu'à titre absolu, tous droits de la bande, et ceux de ses membres, sur tout ou partie d'une réserve.

(2)A band may, conditionally or unconditionally, designate, by way of a surrender to Her Majesty that is not absolute, any right or interest of the band and its members in all or part of a reserve, for the purpose of its being leased or a right or interest therein being granted.

39. (1) Une cession à titre absolu ou une désignation n'est valide que si les conditions suivantes sont réunies:

39. (1)An absolute surrender or a designation is void unless

     (a) elle est faite à Sa Majesté;
     a) it is made to Her Majesty;
     (b)elle est sanctionnée par une majorité des électeurs de la bande_:
     b)it is assented to by a majority of the electors of the band
         (i)soit à une assemblée générale de la bande convoquée par son conseil,
         (i)at a general meeting of the band called by the council of the band,
         (ii) soit à une assemblée spéciale de la bande convoquée par le ministre en vue d'examiner une proposition de cession à titre absolu ou de désignation,
         (ii) at a special meeting of the band called by the Minister for the purpose of considering a proposed absolute surrender or designation, or
         (iii) soit au moyen d'un référendum comme le prévoient les règlements;
         (iii) by a referendum as provided in the regulations; and
     (c)elle est acceptée par le gouverneur en conseil.
     c) it is accepted by the Governor in Council.

(2) Lorsqu'une majorité des électeurs d'une bande n'ont pas voté à une assemblée convoquée, ou à un référendum tenu, selon le paragraphe (1), le ministre peut, si la proposition de cession à titre absolu ou de désignation a reçu l'assentiment de la majorité des électeurs qui ont voté, convoquer une autre assemblée en donnant un avis de trente jours, ou faire tenir un autre référendum comme le prévoient les règlements. [C'est moi qui souligne.]

(2) Where a majority of the electors of a band did not vote at a meeting or referendum called pursuant to subsection (1), the Minister may, if the proposed absolute surrender or designation was assented to by a majority of the electors who did vote, call another meeting by giving thirty days notice thereof or another referendum as provided in the regulations. [Underlining added.]

                


[30]      Le Règlement sur les référendums des Indiens, C.R.C. 1978, ch. 957 établit la procédure à suivre pour un référendum convoqué en vertu des articles précités de la Loi, et exige notamment la signification d'un avis de quatre semaines annonçant la tenue d'un référendum si celui-ci doit se dérouler par scrutin secret. L'article 30 du Règlement dispose également qu'un référendum subséquent doit être ordonné par le ministre si la majorité des électeurs n'a pas voté au premier référendum, et que la majorité qui a en fait voté s'est prononcée en faveur d'une cession proposée.

[31]      Au nom des défendeurs, on fait valoir que, comme il a été noté, l'entente n'exigeait pas que les bandes adhérant à l'entente l'approuvent autrement qu'en apposant la signature du chef et du conseil concerné, appuyée par une résolution du conseil de bande. Quelque 25 autres bandes ont adhéré à l'entente sans tenir de référendum ou sans fournir d'autres preuves de l'approbation de la bande, à l'exception de la résolution du conseil de bande. Qui plus est, ni la Loi sur les Indiens ni le Règlement sur les référendums des Indiens n'exigeait que le Règlement s'applique dans les circonstances de l'espèce. Ce Règlement s'applique manifestement quand une bande cherche à céder ou à désigner une portion ou la totalité des terres de réserve en faveur de Sa Majesté. Les défendeurs soutiennent que l'entente n'a pas donné lieu à une cession ou une désignation.

[32]      À mon avis, en l'absence d'un pouvoir législatif, réglementaire ou autre exigeant la tenue d'un référendum sur une question autre que celles qui sont énoncées dans les articles 38 et 39 de la Loi, c'est-à-dire une cession ou une désignation de terres de réserve, le chef et le conseil ne sont pas tenus de suivre le Règlement s'ils cherchent à évaluer l'appui des électeurs de la bande au moyen d'un référendum. L'inexistence de tout autre règlement, en l'absence de conditions ayant pour but d'exiger que le Règlement contesté en l'espèce s'applique, ne donne pas lieu à une obligation légale d'appliquer le Règlement sur les référendums des Indiens. Il n'y a pas non plus d'obligation de tenir le second référendum conformément au Règlement simplement parce qu'un premier référendum a eu lieu.

[33]      Le seul fondement à partir duquel le Règlement devrait nécessairement s'appliquer au référendum dont il est question en l'espèce viendrait de ce que l'entente serait interprétée comme constituant une cession ou une désignation aux termes des articles 38 et 39 de la Loi. Les parties ont soumis des observations écrites sur ce point après l'audience.

[34]      Après avoir examiné ces observations et l'entente elle-même, afin de me prononcer sur les conditions concernant la tenue d'un référendum dans la présente instance, je suis d'avis que l'entente ne constitue pas une cession ou une désignation aux termes des articles 38 et 39 de la Loi sur les Indiens. Par conséquent, le Règlement sur les référendums des Indiens n'était pas obligatoire en l'espèce et le chef et le conseil n'ont pas commis d'erreur en ne suivant pas le Règlement dans l'organisation et la tenue des référendums de novembre 1992 et de février 1993. Cette analyse ne tient pas compte du dossier T-2574-93, et n'a aucun effet sur cette instance qui ne nous concerne pas ici.

[35]      Les observations des demandeurs sont résumées de la façon suivante :

     [TRADUCTION]
     [...] la nation crie Peter Ballantyne, une fois qu'elle s'est engagée dans la voie de tenir des référendums au sein de la bande, était alors liée par le Règlement sur les référendums des Indiens que la Treaty Land Entitlement Agreement constitue ou non une cession des droits de la Bande, et une renonciation par le Canada concernant ces droits et qui constitue en tant que tel une cession, ce qui exigeait donc l'application du Règlement sur les référendums des Indiens.

[36]      Les droits qui, d'après les demandeurs, ont été cédés sont ceux que la nation entend revendiquer, en vertu du Traité n 6, concernant le droit à des terres promises en vertu de ce traité et non encore remises. Cependant, l'entente vise à mettre sur pied une procédure acceptée pour résoudre cette revendication de la bande et, qui plus est, elle ne prévoit pas la renonciation à une telle revendication. Elle prévoit plutôt une procédure de règlement de revendications précises des différentes bandes, y compris celles de la nation crie Peter Ballantyne. Ce n'est que lorsque ces revendications seront réglées par une autre entente, qui fera elle-même l'objet d'une ratification par la bande en question, que toute disposition concernant la cession, par exemple, pour l'administration des intérêts minéraux par la Couronne, sera exigée. À mon avis, l'entente ne prévoit pas de cession ou de désignation au sens des articles 38 et 39 de la Loi sur les Indiens.

[37]      Rien n'exige donc que le Règlement sur les référendums des Indiens s'applique. À mon avis, le chef et le conseil n'ont pas commis d'erreur en ne suivant pas les conditions prévues dans ce Règlement pour l'organisation et la tenue du second référendum en février 1993.

Conclusion

[38]      Je résume mes conclusions au regard des questions soulevées en l'espèce.

         Les questions énoncées du consentement des parties et regroupées sous les points I et II de l'exposé conjoint des faits, traitant toutes de l'application de la coutume et de l'élection partielle organisée et tenue à Pelican Narrows le 24 février 1993 sont à mon avis maintenant théoriques. En vertu du pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré, je refuse de trancher ces questions, étant donné que je ne suis pas persuadé qu'il existe des circonstances exceptionnelles ou qu'une décision sur ces questions, qui n'ont pas été débattues en détail par les demandeurs, serait utile.
     2)      En ce qui concerne le point III, soit la question de savoir si le chef ou le conseil pouvait ignorer les résultats d'une élection partielle locale qui ne suit pas la « coutume » de la bande concernant la procédure électorale, ma réponse est affirmative.
     3)      Pour ce qui a trait au second référendum, qui s'est tenu en février 1993, je conclus que le chef et le conseil n'ont pas commis d'erreur de droit en ne suivant pas les exigences du Règlement sur les référendums des Indiens.

Redressements

[39]      Dans ces actions, les demandeurs réclamaient des jugements pour casser les décisions du chef et du conseil prises en février 1993 de tenir un second référendum, de tenir ce référendum sans faire référence aux conditions du Règlement sur les référendums des Indiens, d'informer les autres membres de ne pas tenir compte des résultats de l'élection partielle à Pelican Narrows et d'autoriser, par une résolution du conseil de bande, l'adhésion à l'entente. Ils recherchaient également des redressements au moyen d'ordonnances de mandamus, de quo warranto, ainsi qu'une injonction pour empêcher l'adhésion à l'entente, mais ce redressement est théorique depuis longtemps.

[40]      Au vu de mes conclusions sur les questions soulevées par entente écrite ou à l'audience, je ne vois pas de motif d'accorder l'un ou l'autre des redressements recherchés par les demandeurs dans les trois actions dont je suis saisi. En fait, je conclus que ces actions devraient être rejetées.

[41]      Dans leurs défenses portant sur les trois actions et dans leurs observations écrites, les défendeurs recherchaient également des redressements, mais ils n'ont pas déposé de réclamation sous forme de demande reconventionnelle officielle. Dans leurs observations écrites, les défendeurs demandent un certain nombre de déclarations précises, dont certaines auraient pour but de répondre négativement aux prétentions avancées par les demandeurs. La plupart de ces demandes de déclarations précises vont au-delà des redressements réclamés dans les défenses déposées dans les trois actions. Les redressements réclamés dans les défenses sont une ordonnance déclaratoire attestant que le chef et le conseil avaient pleins pouvoirs et pleins droits d'adhérer à l'entente, une déclaration attestant que l'élection partielle du 24 février 1993 est nulle et non avenue et l'adjudication des dépens sur la base des frais entre procureur et client.

[42]      Comme j'ai décidé de ne pas trancher les questions concernant l'élection partielle qui, à mon avis, sont théoriques, je refuse de faire toute déclaration concernant l'élection partielle du 24 février 1993. Je refuse également de rendre des ordonnances déclaratoires qui auraient simplement pour but de répondre aux prétentions des demandeurs, puisque j'ai rejeté ces prétentions. Compte tenu de ce qui précède, il devrait être clair que je ne suis pas convaincu que le chef et le conseil ont agi contrairement au droit dans les décisions qu'ils ont prises en février 1993 de tenir un second référendum, en tenant ce référendum sans faire référence aux conditions du Règlement sur les référendums des Indiens, ou en autorisant l'adhésion à l'entente, ou en ignorant les résultats de l'élection partielle tenue à Pelican Narrows et en conseillant aux autres membres d'en faire autant.

Les frais

[43]      Dans les causes entendues par la Cour, les frais suivent habituellement l'issue de l'action et les défendeurs auraient droit à leurs dépens. Les défendeurs demandent les dépens sur la base des frais entre procureur et client, mais une telle décision n'est pas fondée en l'espèce..

[44]      J'ordonne que les frais des trois actions soient accordés en faveur des défendeurs pour un montant dont les parties conviendront ou, si elles n'arrivent pas à s'entendre, selon la taxation effectuée conformément à la Colonne III du Tarif B des Règles de la Cour, sur la base habituelle des frais entre parties. Les frais de l'audience et des audiences préalables à l'instruction seront inclus une fois seulement pour les trois actions entendues ensemble.



Directives concernant le dépôt

[45]      Des jugements distincts sont rendues pour chacun des dossiers T-801-93, T-1006-93 et T-1009-93 et une copie de ces motifs sera déposée dans chacun de ces dossiers.



     « W. Andrew MacKay »

                                     JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

le 3 novembre 2000


Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


N DU GREFFE :              T-801-93

INTITULÉ DE LA CAUSE :      EILEEN (BALLANTYNE) LINKLATER, représentant certains membres de la NATION CRIE PETER BALLANTYNE c. LE CHEF RONALD MICHEL et le CONSEIL de la NATION CRIE PETER BALLANTYNE

LIEU DE L'AUDIENCE :          Saskatoon (Saskatchewan)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 23 août 1999

MOTIFS DES JUGEMENTS DU JUGE MacKAY


DATE :                  le 3 novembre 2000


ONT COMPARU :

Peter V. Abrametz                      Au nom des demandeurs
Gerry Morin                          Au nom des défendeurs

Victoria Elliott-Erickson



PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Eggum, Abrametz, Eggum

Prince Albert (Saskatchewan)              Pour les demandeurs

Pandila Morin

Prince Albert (Saskatchewan)              Pour les défendeurs

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


N DU GREFFE :              T-1006-93

INTITULÉ DE LA CAUSE :      EILEEN (BALLANTYNE) LINKLATER, OVIDE RATT et FRED BALLANTYNE représentant certains membres de la NATION CRIE PETER BALLANTYNE c. LE CHEF RONALD MICHEL et le CONSEIL de la NATION CRIE PETER BALLANTYNE

LIEU DE L'AUDIENCE :          Saskatoon (Saskatchewan)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 23 août 1999

MOTIFS DES JUGEMENTS DU JUGE MacKAY


DATE :                  le 3 novembre 2000


ONT COMPARU :

Peter V. Abrametz                      Au nom des demandeurs
Gerry Morin                          Au nom des défendeurs

Victoria Elliott-Erickson



PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Eggum, Abrametz, Eggum

Prince Albert (Saskatchewan)              Pour les demandeurs

Pandila Morin

Prince Albert (Saskatchewan)              Pour les défendeurs

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


N DU GREFFE :              T-1009-93

INTITULÉ DE LA CAUSE :      EILEEN (BALLANTYNE) LINKLATER, représentant certains membres de la NATION CRIE PETER BALLANTYNE c. LE CHEF RONALD MICHEL et le CONSEIL de la NATION CRIE PETER BALLANTYNE, ROSE DORION et HENRY MORIN

LIEU DE L'AUDIENCE :          Saskatoon (Saskatchewan)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 23 août 1999

MOTIFS DES JUGEMENTS DU JUGE MacKAY


DATE :                  le 3 novembre 2000


ONT COMPARU :

Peter V. Abrametz                      Au nom des demandeurs
Gerry Morin                          Au nom des défendeurs

Victoria Elliott-Erickson



PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Eggum, Abrametz, Eggum

Prince Albert (Saskatchewan)              Pour les demandeurs

Pandila Morin

Prince Albert (Saskatchewan)              Pour les défendeurs
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