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     Date: 20000524

     Dossier: IMM-1086-99

Ottawa (Ontario), le 24 mai 2000

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O"KEEFE

ENTRE :

MOHAMMAD AFZAL CHAUDHRY

connu sous le nom de MOHMAD CHOHDRI

auprès du ministère de la Citoyenneté et de l"Immigration


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION

défendeur


MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O"KEEFE

[1]      Il s"agit d"une demande que Mohammad Afzal Chaudhry (le demandeur) a présentée en vue du contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 9 février 1999, qu"il n"était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le demandeur est un citoyen du Pakistan; il est arrivé au Canada le 1er juillet 1997 et a revendiqué le statut de réfugié. Il a affirmé qu"au Pakistan, il craignait d"être persécuté du fait de ses opinions politiques, à savoir, son affiliation au Parti populaire pakistanais (le PPP). Les présumés persécuteurs étaient la police et des bandits de la Ligue musulmane (la ML). Les activités politiques auxquelles le demandeur se livrait auprès du PPP comprenaient la distribution de feuillets, l"ouverture d"un bureau du PPP dans son village et le fait de faire de la propagande en vue de recueillir des suffrages.

[3]      Dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP), le demandeur a allégué les actes de persécution ci-après énoncés :

     (1)      Des bandits de la ML avaient proféré des menaces à son endroit pendant tout le temps où il s"était livré à des activités politiques;
     (2)      Des partisans de la ML l"ont battu après qu"il eut ouvert le bureau local du PPP;
     (3)      Des partisans de la ML avaient proféré des menaces de mort à son endroit au cours des élections de 1977;
     (4)      Des bandits de la ML l"avaient attaqué dans les bureaux du PPP après que la ML eut remporté les élections.

[4]      Le demandeur a également déclaré que la police avait dit à des membres de sa famille qu"un député local avait déposé une plainte contre lui. La police a refusé de fournir des renseignements au sujet des accusations. L"avocat de sa famille n"a pas pu obtenir le [TRADUCTION] " Premier rapport d"information " (le PRI) (la plainte).

[5]      La famille du demandeur a décidé que celui-ci n"était pas en sécurité s"il restait au Pakistan; elle a pris des dispositions pour qu"il vienne au Canada en avion.

[6]      La Commission a conclu que le demandeur n"avait pas raison de craindre d"être persécuté au Pakistan.

[7]      La Commission s"est fondée sur la preuve documentaire en vue de tirer les conclusions suivantes :

     (1)      Les fonctions et le profil du demandeur au sein du PPP étaient semblables à ceux des autres membres réguliers du PPP;
     (2)      La famille du demandeur a obtenu le PRI et le mandat d"arrestation afin d"étayer la revendication et la Commission n"a accordé aucune importance à ces documents;
     (3)      Le demandeur n"avait pas raison de craindre d"être persécuté par la ML ou par la police et il n"y avait aucune possibilité raisonnable qu"il soit persécuté pour l"un des motifs prévus par la Convention s"il devait retourner au Pakistan.

[8]      La formation a déclaré qu"elle était au courant de certaines représailles exercées contre des membres et des représentants du PPP à la suite de la destitution du gouvernement Bhutto. Une liste de contrôle des sorties a été dressée et affichée dans tous les aéroports. La liste renfermait les noms des personnes qui n"étaient pas autorisées à quitter le pays. La Commission a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur n"était pas inscrit sur cette liste.

Le point litigieux

[9]      La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que le demandeur n"était pas un réfugié au sens de la Convention?

Les dispositions législatives applicables

[10]      L"expression " réfugié au sens de la Convention " est définie au paragraphe 2(1) de la Loi sur l"immigration :

"Convention refugee"means any person who

"réfugié au sens de la Convention"Toute personne :

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) qui, craignant avec raison d"être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

(i) is outside the country of the person"s nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person"s former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

(ii) soit, si elle n"a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2), but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article 1 thereof, which sections are set out in the schedule to this Act;

b) qui n"a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2). Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l"application de la Convention par les sections E ou F de l"article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l"annexe de la présente loi.

[11]      Selon la jurisprudence de cette cour, le demandeur doit craindre subjectivement de solliciter la protection de son pays et cette crainte doit être objectivement fondée.

[12]      La norme de contrôle à appliquer aux décisions de la Commission portant sur des questions de droit est celle de la décision correcte (voir Pushpanathan c. Canada [1998] 1 R.C.S. 982). Dans cet arrêt, on n"a pas établi une norme de contrôle à l"égard des questions de fait ou des questions de fait et de droit, mais dans l"arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc. [1997] 1 R.C.S. 748, la Cour suprême du Canada a statué que les questions de fait et de droit doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable simpliciter. À mon avis, la même norme devrait s"appliquer à l"examen des conclusions de fait.

[13]      Selon la jurisprudence relative aux décisions défavorables qui sont prises au sujet de la crédibilité, si la Commission rejette une revendication parce que le demandeur n"est pas crédible, elle doit le dire clairement et elle doit fournir des motifs à l"appui de ses conclusions. (Voir Ababio c. Canada (MEI) (1985), 5 Imm. L.R. (2d) 174 (C.A.F.) et Armson c. Canada (1989), 9 Imm L.R. (2d) 150 (C.A.F.)). En outre, si la Commission retient la preuve documentaire plutôt que le témoignage oral du demandeur, elle doit fournir des motifs à l"appui de cette conclusion (voir Sidhu c. Canada (MEI) (1993) 70 F.T.R. 104).

[14]      En l"espèce, la Commission a entendu le témoignage oral du demandeur selon lequel un député local avait déposé une plainte contre lui auprès de la police; elle avait également la copie du PRI et le mandat d"arrestation à sa disposition mais elle n"y a pas accordé d"importance. Si la Commission a rejeté le témoignage oral du demandeur au sujet de la visite effectuée par les policiers ainsi qu"au sujet du PRI et du mandat, elle était tenue de le dire clairement et de donner des motifs à l"appui. Elle ne l"a pas fait et elle a donc commis une erreur de droit. De plus, il semble que la Commission ait retenu d"autres éléments de la preuve documentaire plutôt que le témoignage oral du demandeur pour s"assurer qu"il n"y avait [TRADUCTION] " aucune possibilité raisonnable que le demandeur soit persécuté pour l"un des motifs énumérés dans la définition de " réfugié au sens de la Convention " s"il retournait au Pakistan ". Encore une fois, la Commission n"a pas fourni de motifs à l"appui. Il s"agit d"une autre erreur de droit. J"estime que la Commission a commis des erreurs de droit susceptibles de révision; la demande de contrôle judiciaire doit donc être accueillie et la décision de la Commission annulée. L"affaire est renvoyée pour réexamen devant une formation différente de la Commission.

[15]      Ni l"une ni l"autre partie n"a voulu énoncer une question grave de portée générale conformément au paragraphe 83(1) de la Loi sur l"immigration :


ORDONNANCE

[16]      IL EST ORDONNÉ QUE la demande de contrôle judiciaire soit accueillie.


                             " John A. O"Keefe "

                         ___________________________

                             J.C.F.C.

OTTAWA (Ontario)

le 24 mai 2000.

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-1086-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Mohammad Afzal Chaudhry
     connu sous le nom de Mohmad Chohdri auprès du ministère de la Citoyenneté et de l"Immigration

    

LIEU DE L'AUDIENCE :      Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 19 janvier 2000

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE O"KEEFE EN DATE DU 24 MAI 2000


ONT COMPARU :

Satnam S. Aujla                  POUR LE DEMANDEUR

Tracy J. King                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Yanko & Company

Calgary (Alberta)                  POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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