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                                                     T-1428-96

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 9 JUILLET 1997

 

 

EN PRÉSENCE DU JUGE ROULEAU

 

 

        AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

                   L.R.C. (1985), ch. C-29,

 

              un appel de la décision d'une juge

                     de la citoyenneté et

 

                        SAI WING CHIR,

 

                                                     appelant.

 

 

 

 

 

 

                           JUGEMENT

 

     L'appel de la décision par laquelle une juge de la citoyenneté a refusé la demande de citoyenneté de l'appelant le 24 mai 1996 est accueilli.

 

 

 

 

 

 

                                        PAUL U.C. ROULEAU            

                                           JUGE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                 

 

                                      François Blais, LL.L.


                                                     T-1428-96

 

 

        AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

                   L.R.C. (1985), ch. C-29,

 

              un appel de la décision d'une juge

                     de la citoyenneté et

 

                        SAI WING CHIR,

 

                                                     appelant.

 

 

 

                      MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE ROULEAU

 

     Il s'agit d'un appel de la décision d'une juge de la citoyenneté qui a refusé la demande de citoyenneté de l'appelant le 24 mai 1996.  La juge a statué que M. Chir ne respectait pas le critère de la résidence énoncé à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, qui prévoit qu'une personne qui demande la citoyenneté canadienne doit avoir accumulé au moins trois années de résidence au Canada au cours des quatre années précédant immédiatement sa demande.  La juge de la citoyenneté a conclu que l'appelant avait été présent au Canada 322 jours seulement au cours de la période de 1 285 jours qui a suivi la date à laquelle il a obtenu le droit d'établissement, soit 773 jours de moins que la période minimale prescrite de 1 095 jours.

 

     La juge de la citoyenneté n'a décelé aucun motif permettant de recommander à la ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu des paragraphes 5(3) et (4).  Voici les extraits de la décision de la juge de la citoyenneté qui m'apparaissent pertinents :

 

[TRADUCTION] ... Au cours de la première année, vous avez dû vous absenter parce que vous vous estimiez tenu d'aider votre ancienne entreprise à exécuter les contrats conclus précédemment et que vous vouliez également trouver d'autres possibilités d'affaires, étant donné que vous n'aviez plus l'intention de créer une entreprise spécialisée dans la construction au Canada, la perte de votre investissement au Manitoba ayant ébranlé votre confiance.  Les dernières absences s'expliquent par le fait que vous travailliez à l'époque pour la société Enfield Construction de Hong Kong, à la demande d'une société canadienne située à Edmonton, soit Euromax, qui vous a envoyé là-bas.  Cet arrangement vous a permis de rendre visite à votre famille au Canada environ quatre fois par année pour une période de trois semaines chaque fois et de recevoir un salaire annuel d'environ 13 000 $.  Toute votre famille croyait que c'était la meilleure façon pour vous de subvenir à ses besoins.  Vous avez déclaré que vous aviez fermement l'intention de rester au Canada dès que ce serait possible.

 

Cependant, l'intention de rester au Canada ne suffit pas pour respecter le critère de la résidence de la Loi sur la citoyenneté.  Ce critère vise à faire en sorte que les personnes qui demandent la citoyenneté établissent des liens importants avec le Canada.  Même si je reconnais que la présence physique au Canada pendant toute la période de 1 095 jours n'était pas nécessaire, je ne puis passer sous silence le fait que la citoyenneté comporte des droits importants, comme le droit de voter, le droit de présenter sa candidature à une charge publique et le droit de voyager partout dans le monde sans contrainte comme représentant du Canada.  Elle permet également de bénéficier à l'étranger des protections qu'offre le gouvernement canadien.  À mon avis, le législateur a imposé le critère de la résidence pour assurer l'existence d'un certain engagement envers le Canada ainsi que d'un lien important avec notre pays.  À mon sens, vous ne pouvez créer ce lien tout en restant en dehors du Canada dans le même milieu d'où vous venez.  C'est spécialement vrai dans votre cas, puisqu'aucune période prolongée n'a été passée au Canada pour compenser ces longues absences.

 

            Étant donné que les appels interjetés devant la Cour fédérale en application du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté sont des instructions de novo, je suis autorisé à examiner l'ensemble de la preuve dont je suis saisi, y compris le témoignage de l'appelant et celui de tout autre témoin. 

 

            Dans le présent avis d'appel, l'appelant invoque les motifs suivants :

 

[TRADUCTION] «

1.             La juge de la citoyenneté n'a pas tenu compte des dispositions impératives de l'article 14 de la Loi sur la citoyenneté et a donc perdu compétence en l'espèce.

 

2.             La lettre de refus datée du 24 mai 1996 est nulle et non avenue.

 

3.             La juge de la citoyenneté n'a pas compris ma situation.

 

4.             La juge de la citoyenneté n'a pas compris les règles de droit applicables à la résidence conformément à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

 

5.             La juge de la citoyenneté a mal appliqué les règles de droit à ma situation

 

6.             La juge de la citoyenneté a été trop sélective dans son choix de décisions antérieures et n'a pas tenu compte de toutes les décisions qui ont été rendues ainsi que des articles de doctrine qui ont été publiés après l'arrêt Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208.

 

            L'appelant a comparu devant moi à Toronto le 6 mai 1997.  Son avocat soutient que la juge de la citoyenneté a commis une erreur de droit en exigeant la présence physique au Canada, compte tenu de l'arrêt Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208, et l'ensemble des décisions qui ont été rendues dans le même sens par la suite.

 

            L'appelant est un homme de 49 ans qui est né à Hong Kong le 27 août 1947 et qui est un spécialiste dans le domaine de drainage en matière de construction. Il est arrivé au Canada avec son épouse et ses deux enfants à Vancouver le 31 août 1991 et a obtenu le statut de résident permanent le même jour.  La famille a déménagé dans une maison que l'appelant avait achetée avant d'immigrer au Canada et les enfants ont été inscrits à une école de la région.  M. Chir a fait l'acquisition d'un véhicule automobile, ouvert des comptes bancaires et souscrit une police d'assurance-vie.  Son épouse est maintenant citoyenne canadienne.

 

            L'appelant est arrivé au Canada à titre d'entrepreneur dans le but de fonder une entreprise oeuvrant dans le domaine de la construction en Colombie-Britannique.  À son arrivée, il a acheté un entrepôt à Surrey, où il avait l'intention d'exploiter son entreprise.  Au cours de la première année où il a vécu au Canada, le requérant a dû retourner à Hong Kong pour aider son ex-employeur à exécuter des contrats conclus précédemment.  En 1991, le requérant a perdu un montant de 150 000 $ qu'il avait investi dans une entreprise manitobaine.  Il s'est subséquemment rendu à Hong Kong à maintes reprises pour trouver des possibilités d'affaires afin de compenser la perte qu'il avait subie.  Il a subséquemment été engagé par Euromax Enterprises Ltd., d'Edmonton, et a continué à aller à Hong Kong pour le compte de cette entreprise.

 

            À son arrivée, il a constaté qu'il n'avait pas suffisamment d'expérience au Canada pour travailler dans le domaine qu'il avait choisi et a reporté sa décision de fonder une entreprise spécialisée dans la construction.  Après la faillite de l'entreprise manitobaine dans laquelle il avait investi un montant considérable, il a tenté de se trouver du travail au Canada.

 

            Même si sa famille habite encore à Vancouver, il s'est trouvé un emploi en octobre 1992 auprès d'une société d'Edmonton, qui l'a engagé pour surveiller ses projets de construction à Hong Kong.

 

            Il a fait plusieurs longs voyages pour le compte de cette entreprise, mais il est toujours revenu au Canada et vers sa famille chaque fois qu'il pouvait le faire.

 

            Depuis qu'il a obtenu le droit de s'établir au Canada, son épouse et ses enfants sont toujours restés ici.  Le requérant est d'abord retourné à Hong Kong pour régler les derniers détails et pour tenter de trouver une source de financement afin de compenser l'investissement qu'il avait perdu au Canada.  Il a compris que l'expérience qu'il avait accumulée à l'étranger dans le domaine de la construction avait peu de valeur au Canada et a tenté de se trouver un emploi.  Il a finalement trouvé un emploi pour une société d'Edmonton qui l'a envoyé à Hong Kong afin de la représenter.  C'est la principale raison pour laquelle il s'est absenté.

 

            Pendant toute la période en question, les enfants poursuivaient leurs études à une école canadienne et le requérant a continué à payer de l'impôt sur le revenu au Canada.

 

            Lorsque la preuve indique qu'un immigrant reçu a établi une résidence et maintenu un pied-à-terre au Canada et qu'il a manifestement l'intention de vivre ici, il n'est pas nécessaire qu'il ait été physiquement présent pendant toute la période de 1 090 jours.  Même s'il a dû s'absenter du Canada en raison de son travail, il a conservé les liens importants qui l'unissaient à sa famille.  Bien qu'il se soit absenté à maintes reprises, je suis convaincu qu'il a établi une résidence au Canada.  L'appel est accueilli.

 

 

                                                                                                Paul U.C. Rouleau      

                                                                                                            JUGE

 

 

OTTAWA (Ontario)

9 juillet 1997

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                 

 

                                                                                                François Blais, LL.L.


                                                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                 SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


 

                                   AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

No DU GREFFE :                                  T-1428-96

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :       LOI SUR LA CITOYENNETÉ et SAI WING CHIR

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                       TORONTO (ONTARIO)

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :                     6 MAI 1997

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE ROULEAU

 

EN DATE DU :                         9 JUILLET 1997

 

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Me PETER K. LARGE                           INTERVENANT BÉNÉVOLE

 

 

Me SHELDON M. ROBINS       POUR L'APPELANT

 

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Me PETER K. LARGE

AVOCAT                                              INTERVENANT BÉNÉVOLE

 

 

Me SHELDON M. ROBINS                    POUR L'APPELANT

AVOCAT

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