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     IMM-4524-96

ENTRE

     KANAGALINGAM RAMALINGAM,

     JEYAKUMARY KANAGALINGAM,

     SINDUJAY KANAGALINGAM,

     requérants

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MACKAY

         Voici les brefs motifs d'une ordonnance rendue le

5 septembre 1997 par lesquels j'ai accueilli la demande de contrôle judiciaire des requérants, et j'ai annulé la décision en date du 4 novembre 1996 de la section du statut de réfugié, qui a conclu que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. La demande a été entendue à Toronto, le 3 septembre; le prononcé de la décision a été remis à plus tard et, par la suite, l'ordonnance du 5 septembre a été rendue.

         Les faits peuvent être décrits sommairement. Les requérants sont une famille composée du requérant maintenant âgé de 40 ans, de sa femme âgée de 33 ans et de leur fille de 10 ans. Ils sont des Tamouls originaires du nord du Sri Lanka, dans la région Jaffna. Harcelés par les L.T.T.E. et plus tard par l'armée sri-lankaise, ils ont quitté la région Jaffna à la fin d'octobre 1992 pour gagner Colombo, où ils sont arrivés le

2 novembre 1992. En route pour Colombo, lorsqu'ils ont été arrêtés par un poste de contrôle, ils ont reçu une note qui, selon le revendicateur, (cette note était écrite en cingalais et il ne pouvait la lire) les autorisait à s'en aller et à demeurer à Colombo pendant un mois pour obtenir des soins médicaux pour leur fille.

         Le 5 novembre 1992, alors qu'il se trouvait dans une auberge, le requérant a été arrêté et détenu pendant 4 jours au cours desquels il a été interrogé, sévèrement battu et agressé et mis dans une chambre noire parce qu'il n'a pas répondu à des questions posées pour qu'il identifie les militants des L.T.T.E. Il a été mis en liberté seulement après avoir versé à la police un pot-de-vin de 35 000 roupies. À sa libération, on lui a conseillé de ne pas demeurer à Colombo, de retourner plutôt à Jaffna. Si on le trouve à Colombo, selon l'avertissement de la police, il serait arrêté et remis à l'armée.

         Le 19 novembre 1992, deux semaines après l'arrestation du revendicateur, la famille a été aidée à quitter Colombo et le Sri Lanka. Les requérants se sont rendus à Singapour, au Japon, aux É.-U. et puis au Canada où, à leur arrivée le 29 novembre 1992, un mois après avoir quitté leur maison à Jaffna, ils ont revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention.

         Dans sa décision, le tribunal s'est concentré sur la question de savoir si les requérants avaient une PRI à Colombo. Le tribunal a commis une erreur, ainsi que le reconnaît l'intimé, en mal interprétant la preuve concernant la note donnée aux requérants par l'armée au poste de contrôle alors qu'ils étaient en route pour Colombo. Selon le témoignage du requérant, la note a été retenue par le guide qui a amené la famille à Colombo, et le requérant a eu la note seulement après leur arrivée à Colombo. Dans sa décision, le tribunal, discutant de l'arrestation alléguée par le requérant, a trouvé [TRADUCTION] "inexplicable le fait que le revendicateur ne montrerait pas à la police la note qu'il a reçue de l'Armée sri-lankaise autorisant la présence des revendicateurs à Colombo".

         De plus, bien que le requérant ait témoigné qu'il avait été sévèrement battu, harcelé et torturé lorsqu'il avait été arrêté et détenu, et qu'il avait été détenu dans une chambre noire, la décision du tribunal fait état de sa détention, du fait qu'il avait été battu et torturé. Alors, à mon avis, le tribunal a dénigré la description faite par le requérant en insistant sur l'incapacité de ce dernier de décrire ce qu'il entendait par "torture". Lorsqu'on lui a demandé de la décrire

         [TRADUCTION] ...il a dit qu'on l'avait mis dans une chambre noire, mais rien d'autre ne lui est arrivé.
         Le tribunal trouve que la description orale par le revendicateur de sa "torture" alléguée était très vague. Lorsqu'on l'a interrogé, il a seulement pu dire qu'on l'avait mis dans une chambre noire. Le tribunal ne croit pas que l'arrestation et la détention alléguées aient eu lieu. Même si le tribunal devait croire que le revendicateur avait été arrêté et mis dans une chambre noire, le tribunal trouve que ce témoignage était loin de valoir la persécution.

         Le fondement sous-jacent de cette conclusion, tel qu'il a été exposé par le tribunal, est l'erreur de ce dernier dans la compréhension du témoignage sur la note et sa description étroite du mauvais traitement infligé au requérant pendant qu'il était détenu en se concentrant sur l'omission de celui-ci de décrire ce qu'il voulait dire par torture, ce qui a amené le tribunal à ne pas croire que le requérant avait été arrêté. Dans ces circonstances, il était seulement logique de dire que même si le requérant avait été arrêté et "mis dans une chambre noire", il n'avait pas été persécuté. Le tribunal méconnaît le fait que le requérant a été sévèrement battu et harcelé au cours de son interrogatoire pendant quatre jours.

         La conclusion du tribunal selon laquelle il n'y a pas eu persécution pourrait être partagée par d'autres, mais non sur la base du raisonnement dans sa décision. À mon avis, les conclusions selon lesquelles il n'y a pas eu d'arrestation, ou si le requérant a été arrêté, il n'y a pas eu persécution, ne sauraient être confirmées.

         L'avocat de l'intimé fait valoir que même si le tribunal a eu tort dans son appréciation du témoignage et même si le requérant était persécuté en 1992 à Colombo, la note dominante de la décision du tribunal est que les circonstances ont tellement changé depuis 1992 qu'il n'existe plus aucune preuve objective pour étayer une crainte de persécution si les requérants devaient être renvoyés à Colombo. Ils ont donc une PRI au sein du Sri Lanka. Je reconnais qu'un autre tribunal entendant le témoignage pourrait tirer une telle conclusion, mais il n'appartient pas à la Cour de se demander si tel serait l'inévitable résultat.

         Dans les circonstances, lorsque le tribunal a conclu en premier lieu qu'il n'y avait pas eu persécution du requérant en 1992, la Cour ne saurait être certaine que si le tribunal avait conclu qu'il y avait eu des persécutions antérieures, il aurait tiré la même conclusion puisqu'il existait dans les rapports sur la situation du pays d'origine la preuve que, depuis lors, l'arrestation des Tamouls continuait, bien que moins fréquemment qu'il y a quelques années.

         En bref, j'estime que le tribunal a commis une erreur dans sa décision sur les facteurs de base sous-tendant son appréciation du mauvais traitement infligé au requérant à Colombo en 1992, ce qui l'a amené à conclure qu'il n'y a pas eu persécution dans le passé. C'était la clef de sa conclusion que les requérants avaient une P.R.I. à Colombo. La décision du tribunal relative au requérant, ainsi que sa décision relative à la mère et à la fille dans cette famille dont les revendications respectives dépendent de celle du requérant, devraient, à mon avis, être annulées.

         Par ces motifs, une ordonnance est rendue pour accueillir la demande de contrôle judiciaire, annuler la décision rendue le 4 novembre 1996 et renvoyer ces revendications à la S.S.R. pour qu'un tribunal de composition différente procède à un nouvel examen conforme à la loi.

         Aucune question n'ayant été proposée aux fins de la certification prévue par le paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration pour que la Cour d'appel l'examine, il n'y a donc pas lieu à certification.

                                 "W. Andrew MacKay"

                                         Juge

Toronto (Ontario)

le 5 septembre 1997

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                      IMM-4524-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :             
                             KANAGALINGAM RAMALINGAM
                             JEYAKUMARY KANAGALINGAM
                             SINDUJAY KANAGALINGAM
                     et
                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 3 septembre 1997
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge MacKay

EN DATE DU                      5 septembre 1997

ONT COMPARU :

Lorne Waldman                  pour les requérants

David Tyndale                  pour l'intimé

                    

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

LORNE WALDMAN

Avocat

281, avenue Eglinton est

Toronto (Ontario)

M4P 1L3                      pour les requérants

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                             pour l'intimé

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     IMM-4524-96

ENTRE

     KANAGALINGAM RAMALINGAM,

     JEYAKUMARY KANAGALINGAM,

     SINDUJAY KANAGALINGAM,

     requérants

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

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