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Date : 20050125

Dossier : IMM-2163-04

Référence : 2005 CF 108

Ottawa, Ontario, le 25ième jour de janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

ENTRE :

                                                     Nelson Horacio DE-ROBLES

Pablo Sergio GONZALEZ

                                                                                                                                       Demandeurs

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                          Défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                La présomption, non réfutée, de la protection de l'État domine le sujet de la décision de la première instance à tel point qu'elle, seule, a maintenu la décision. Néanmoins, l'étude de la décision entière ne peut pas passer inaperçue le fait que l'évaluation de la crédibilité a ses propres règles et normes bien établies, qui ne devraient pas être négligées, une fois que cette évaluation soit entreprise ! Donc, la décision de la première instance demeure uniquement à cause de la présomption de la protection de l'État.


NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]                La présente demande de contrôle judiciaire, introduite en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés[1](Loi), porte sur une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Commission), rendue le 12 février 2004. Dans cette décision, la Commission a conclu que les demandeurs ne satisfont pas à la définition de « réfugié au sens de la Convention » à l'article 96 ni à celle de _ personne à protéger _ au paragraphe 97(1) de la Loi.

FAITS

[3]                Citoyens de l'Argentine, le demandeur principal, Monsieur Pablo Sergio Gonzalez et son conjoint Monsieur Nelson Horacio De-Robles, allèguent avoir une crainte fondée de persécution en raison de leur appartenance à un groupe social, les homosexuels, et de leurs opinions politiques imputées.


[4]                Voici les faits allégués, tels que décrits par la Commission. M. Gonzalez a déclaré avoir été un activiste politique au cours des années 1973 à 1975, année où il aurait été arrêté et emprisonné jusqu'au 31 décembre 1980. Les responsables d'un massacre survenu à la prison de Le Chaco, le 12 décembre 1996, auraient obtenu l'indulgence à deux reprises, mais en juillet 2002, l'enquête relative à ce massacre aurait été réouverte, et M. Gonzalez aurait offert de comparaître comme témoin, et l'un des inculpés serait le Général Ricardo Guillermo Brinzoni. Dès août 2002, M. Gonzalez aurait reçu des menaces de mort de la part des militaires, qui lui auraient dit : « Si tu vas au Chaco témoigner, on va t'écraser, toi et ton petit pédé » . Devant ces menaces, M. Gonzalez et M. De-Robles ont quitté l'Argentine le 27 octobre 2002 pour venir au Canada et faire une demande d'asile le 7 novembre 2002.

[5]                M. Gonzalez a également affirmé qu'ayant perdu son emploi en septembre 2001, il lui était impossible de trouver du travail en Argentine en raison du fait qu'il était porteur du VIH.

DÉCISION CONTESTÉE

[6]                La Commission a rejeté la demande d'asile au motif que le témoignage des demandeurs n'était pas crédible. Elle a également déclaré que, même si elle avait cru l'histoire lui ayant été présentée, elle aurait tout de même rejeté la demande d'asile parce qu'il existait une protection étatique disponible pour M. Gonzalez et M. De-Robles en Argentine.

QUESTIONS EN LITIGE

[7]                1. La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en concluant que les demandeurs n'ont pas réfuté la présomption de la capacité de l'État argentin de les protéger ?


2. La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en omettant de se pencher sur le risque de persécution découlant de la maladie du demandeur principal ?

3. La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en concluant que les demandeurs n'étaient pas crédibles ?

ANALYSE

1. La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en concluant que les demandeurs n'ont pas réfuté la présomption de la capacité de l'État argentin de les protéger ?


[8]                Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward,[2] la Cour suprême du Canada a déclaré qu'en l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger ses citoyens. En raison de cette présomption, « ...il faut confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection. » Il appartenait donc à M. Gonzalez de renverser cette présomption en démontrant, par une preuve claire et convaincante, que l'État argentin était incapable de le protéger. M. Gonzalez n'a pas présenté une telle preuve devant la Commission.

[9]                La Commission a cité, dans ses motifs, des extraits de plusieurs preuves documentaires (Yahoo! News du 29 juillet 2003, Workers World du 12 juin 2003, Le Devoir du 25 juillet 2003, nouvelle de la BBC du 26 juillet 2003) établissant que l'État argentin n'est pas incapable de protéger ses citoyens puisque, depuis l'arrivée au pouvoir du nouveau président Kirchner, ce dernier a pris les moyens pour assurer la protection des citoyens. Plus particulièrement, elle a constaté que le président Kirchner a accepté d'extrader 46 personnes réclamées par l'Espagne pour violations des droits de la personne pendant la dictature militaire en Argentine (1976-1983), qu'il a remplacé le chef d'État-major de l'armée, le général Ricardo Brinzoni, par un autre général et qu'il a forcé plus de la moitié des militaires de haut rang à prendre une retraite anticipée. Il a déclaré qu'il mettrait fin à l'impunité des anciens criminels de la dictature. La Commission a conclu que ces preuves documentaires indiquent que l'État argentin a pris des moyens pour protéger ses citoyens et qu'en l'espèce, il y a une possibilité pour M. Gonzalez d'obtenir la protection de l'État s'il devait éventuellement témoigner contre un dénommé Casco, qui aurait participé à l'assassinat en 1976 de prisonniers politiques détenus à la même prison que M. Gonzalez.


[10]            M. Gonzalez et M. De-Robles n'ont pas substantiellement abordé la question de la protection étatique devant la Cour. Il s'ensuit que les conclusions tirées par la Commission à ce sujet sont incontestées. La Cour elle-même conclut des extraits de la preuve documentaire cités par la Commission qu'il n'existe pas, en l'espèce, d'effondrement complet de l'appareil étatique argentin. La preuve semble plutôt démontrer que le système de justice argentin fonctionne et que le président Kirchner s'efforce, dans la mesure du possible, de veiller à ce que la justice soit rendue et respectée. Il n'était donc nullement déraisonnable que la Commission voit une « possibilité pour le demandeur principal d'obtenir de la protection s'il devait éventuellement témoigner contre Casco » .

[11]            Le fait que l'État soit reconnu comme capable de protéger ses citoyens, comme en l'espèce, est suffisant en soi pour entraîner le rejet d'une demande de protection. Ayant conclu que la Commission n'a pas erré en effectuant ce prononcé dans la présente affaire, point n'est besoin de poursuivre l'analyse des autres questions en litige. La Cour le fera néanmoins.

2. La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en omettant de se pencher sur le risque de persécution découlant de la maladie du demandeur principal ?


[12]            M. Gonzalez et M. De-Robles soutiennent que la Commission a commis une erreur en n'analysant que le risque de persécution fondé sur leur orientation sexuelle, sans analyser le risque de persécution fondé sur la maladie du demandeur. Selon eux, ce dernier risque de persécution se manifeste en une discrimination systématique envers les porteurs du VIH dans le milieu de travail. Les demandeurs allèguent, autrement dit, qu'il est impossible pour un porteur du VIH de se trouver un emploi. Sans décider si la discrimination en l'espèce équivaut à de la persécution, la Cour constate que la Commission a traité de la question de la discrimination en milieu de travail à la page 11 de ses motifs :

Monsieur Gonzalez a témoigné à l'effet qu'après avoir perdu son emploi en septembre 2001, il aurait tenté d'obtenir sans succès du travail dans le domaine journalistique à deux reprises en décembre 2001 et que par la suite il n'a pas recherché d'autre emploi dans ce domaine. Toutefois, il aurait obtenu un emploi dans un bar-restaurant. Il n'est donc pas vrai de dire qu'il ne lui est pas possible de trouver du travail en Argentine et ceci mine sa crédibilité.

[13]            La Commission a non seulement traité de la question, mais l'a également fait de façon juste. M. Gonzalez s'est trouvé un emploi, peut-être pas celui qu'il aurait espéré mais un emploi tout de même. Sans compter qu'il n'a fait que deux tentatives pour se trouver un emploi dans le milieu journalistique. La Commission n'a fait aucune erreur relativement à la présente question en litige.

3. La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en concluant que les demandeurs n'étaient pas crédibles ?


[14]            Il est bien établi qu'en ce qui a trait à des questions de crédibilité, comme en l'espèce, l'erreur de la Commission doit être manifestement déraisonnable pour que la Cour intervienne [Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (C.A.F.)[3]; Pissareva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[4]; Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[5]].


[15]            La Commission a relevé bon nombre de contradictions et d'incohérences dans le témoignage des demandeurs. Celles qui portent sur la crainte de persécution qu'éprouvaient M. Gonzalez et M. De-Robles sont particulièrement révélatrices. À la question de son procureur de savoir ce qui a amené M. Gonzalez à quitter l'Argentine, ce dernier a répondu spontanément qu'il n'avait pas d'autres choix à cause du sida, et il a ajouté par la suite que c'était à cause des menaces de mort reçues. Selon la Commission, ces menaces devenaient une raison secondaire, car la première réponse a été donnée de façon très spontanée. Cet aveu de M. Gonzalez n'est aucunement démenti par celui-ci et affecte de façon importante la crédibilité de l'histoire présentée par M. Gonzalez et M. De-Robles, montrant particulièrement que ce ne serait pas principalement par crainte de persécution que ces hommes ont quitté leur pays. La Commission a d'ailleurs précisé avec raison que la menace ou le risque ne doit pas résulter de l'incapacité de l'État de fournir des soins médicaux et de santé adéquats (sous-alinéa 97(1)b)(iv) de la Loi). Pour ce qui est de la crainte subjective de persécution, la Commission a noté que M. Gonzalez et M. De-Robles ont demandé un visa de visiteur à l'ambassade du Canada à Buenos Aires le 14 ou le 15 août 2002, soit après deux des cinq menaces de mort, la première menace de mort ayant été reçue le 2 août 2002 selon le témoignage de M. Gonzalez à l'audience. La Commission a également observé que M. Gonzalez avait son billet d'avion en main depuis le 5 septembre 2002 mais que ce n'est que le 29 octobre 2002 qu'il aurait finalement quitté l'Argentine.

[16]            D'autres contradictions ou incohérences relevées par la Commission n'ont pas été contestées par M. Gonzalez et M. De-Robles. M. Gonzalez a déclaré s'être rendu au bureau de la Croix-Rouge dans le but d'avoir de l'aide relativement aux menaces reçues. Toutefois, il a déclaré ne pas avoir tenté d'obtenir un document confirmant qu'il se serait rendu à ce bureau. La Commission en a donc conclu qu'il ne s'est pas rendu au bureau de la Croix-Rouge. M. Gonzalez a également déclaré ne pas avoir été demander de l'aide auprès d'organismes tels que le Centre d'Études Légales et Sociales parce que sa santé ne lui permettait pas de commencer à se battre pour obtenir de l'aide. Par ailleurs, aucun élément au dossier n'indique que M. Gonzalez ait reçu une citation à comparaître dans le cadre du procès, ce qui a amené le tribunal à conclure que les menaces téléphoniques ont été inventées car il est plutôt invraisemblable que l'on menace quelqu'un qui n'est pas appelé à témoigner. M. Gonzalez a affirmé que le procès pourrait s'instruire dans quatre à cinq ans s'il venait à avoir lieu.


[17]            Six autres éléments ont également amené la Commission à conclure au manque de crédibilité de M. Gonzalez et de M. De-Robles. La Cour commentera sur ces éléments. Premièrement, puisque les prisonniers transférés de la prison le 12 décembre 1976 étaient cagoulés, la Commission a conclu qu'il était impossible que M. Gonzalez ait reconnu le prisonnier Salas parmi ces prisonniers. La Commission a commis une erreur en ne statuant ni lors de l'audience ni dans ses motifs sur l'admissibilité de la pièce P-38 (courriel d'un autre ex-prisonnier politique détenu à la même prison que M. Gonzalez et qui confirme que les prisonniers ont pu voir les hommes avant que ces derniers ne soient amenés). Qu'importe l'analyse que la Commission aurait faite de cette pièce et la valeur probante qu'elle y aurait accordé, la Commission se devait de statuer sur son admissibilité de façon explicite puisqu'il s'agit d'une pièce qui porte directement sur plusieurs aspects du témoignage de M. Gonzalez et qui constitue une corroboration du témoignage de ce dernier par un tiers. Bien qu'importante, cette erreur n'est toutefois pas déterminante car l'issue finale de la cause serait la même, très certainement en raison de la conclusion incontestée de la Commission selon laquelle la présomption de la protection de l'État argentin n'a pas été réfutée [Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 2002, Yassine c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 27 Imm. L.R. (2e) 135 (C.A.F.)].

[18]            Deuxièmement, la Commission a conclu qu'il était invraisemblable que les portes des cellules aient été ouvertes lors de l'embarquement des prisonniers le 12 décembre 1976. Pourtant, la Cour est d'accord avec M. Gonzalez, qu'il aurait été suspect de changer l'horaire des prisonniers pour soi-disant effectuer un simple transfert de prisonniers d'un établissement à un autre. Par ailleurs, le commentaire quant à la pièce P-38, dont l'admissibilité n'a pas été tranchée par la Commission, s'applique également à la conclusion quant aux cellules ouvertes.


[19]            Troisièmement, la Commission a conclu qu'il n'y avait pas de raison de croire que les prisonniers transférés d'établissement avaient été assassinés (plutôt que tués parce qu'ils tentaient de s'évader lors de leur transfert) puisque « les paroles des uns valent celles des autres » . La Cour comprend que, comme le procès des personnes accusées d'avoir tué ces prisonniers n'a pas encore eu lieu et que manifestement aucun tribunal n'a encore déclaré ces personnes coupables, la Commission est justifiée de penser que la culpabilité de ces personnes n'a pas été prouvée de façon définitive. D'ailleurs, la Commission a mentionné avoir considéré un élément de preuve au dossier, le Human Rights Watch Publication 2001 pour l'Argentine, selon lequel le général Brinzoni aurait admis qu'il s'agissait d'exécutions extrajudiciaires. La Cour aimerait toutefois souligner l'importance, par respect pour les personnes touchées et leurs proches, de faire attention à la formulation utilisée lorsque des événements tragiques, en l'occurrence la mort de prisonniers politiques, sont impliqués et cela, même si la cause de ces événements n'est pas connue de façon certaine.    

[20]            Quatrièmement, M. Gonzalez a hésité lorsque la Commission l'a questionné sur le troisième appel de menaces et a hésité entre deux dates (14 et 15 août 2002) quant au moment où il a fait des démarches auprès de la Croix-Rouge dans le but de recevoir de l'aide relativement aux menaces reçues. La Commission est en droit d'accorder la valeur qu'elle estime appropriée à ces hésitations puisque c'est elle qui a vu et entendu le témoin et qu'une grande latitude doit lui être accordée quant à l'évaluation de la crédibilité. La Cour note toutefois qu'il semble y avoir une contradiction dans les motifs de la Commission quant à l'importance de ces hésitations. À la page 2 de ses motifs, la Commission a écrit ce qui suit :

Toutefois, tant au mois de juillet 2003, qu'au mois de janvier 2004, le tribunal considère que M. Gonzalez a très bien témoigné sauf lorsqu'il fut question des dates des téléphones de menaces, de sa visite à la Croix Rouge et de celle à l'ambassade du Canada pour obtenir un visa, mais ceci n'a aucun poids sur la décision.                                                                                 (La Cour souligne)


Toutefois, à la page 5 des motifs, la Commission indique autre chose :

Quant au troisième appel, il l'aurait reçu ou le 14 août 2002 ou le 4 septembre 2002. Le demandeur principal a longuement hésité quant à cet appel et ceci mine sa crédibilité.

Le demandeur principal a témoigné s'être rendu le 15 août 2002 aux bureaux de la Croix-Rouge, puis il change son témoignage pour dire que c'était le 14 août 2002, et que le 15 août 2002 il aurait fait des démarches pour obtenir un visa pour venir au Canada, et encore une fois ces hésitations minent la crédibilité du demandeur.                                                                              (La Cour souligne)

La Commission doit s'assurer d'écrire de façon claire et précise, pour éviter des ambiguïtés et des apparences de contradiction. Cela dit, cette erreur n'est pas déterminante car d'autres éléments ont miné de façon importante la crédibilité des demandeurs.

[21]            Par ailleurs, M. Gonzalez soutient que ses hésitations sont dues aux effets secondaires des médicaments qu'il prenait et que ces effets secondaires n'ont pas été pris en considération par la Commission dans l'évaluation du témoignage de M. Gonzalez. La Cour est d'accord avec lui que la Commission a mal compris le document déposé en preuve qui traitait des effets secondaires du nouveau médicament. La Commission a compris que le nouveau médicament permettait d'éviter les effets secondaires. En réalité, le nouveau médicament augmentait les effets secondaires comme la perte de mémoire, la somnolence et le coma. Cette erreur n'est toutefois pas déterminante car la Commission a traité des médicaments dans sa décision et a noté que M. Gonzalez avait très bien témoigné lors de tous les jours d'audience sauf en ce qui a trait à trois points précis, ce qui indique implicitement que de vraies pertes de mémoire se seraient manifestées de façon plus généralisée que sur trois points très précis.

[22]            Cinquièmement, M. Gonzalez a porté plainte à la police le 17 octobre 2002 mais il s'était déjà procuré un billet d'avion le 5 septembre 2002 pour quitter l'Argentine. La Cour estime que rien ne permet d'effacer les doutes sérieux de la Commission suite à un tel comportement de la part de M. Gonzalez.

[23]            Sixièmement, dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), M. De-Robles a indiqué ne craindre que le général Brinzoni et non également Casco, qui était à la prison Chaco. La Commission en a conclu que les demandeurs ont changé leur histoire après que le général Brinzoni a été démis de ses fonctions. La Cour estime qu'il est raisonnable de penser à une autre explication, soit le fait que c'est à titre de figure de proue du scandale sur le massacre à la prison Chaco que le général Brinzoni a été indiqué par les demandeurs dans leur FRP et que ceux-ci prévoyaient témoigner de façon plus détaillée sur les personnes impliquées lors de l'audience. Le fait que le général Brinzoni ait été démis de ses fonctions entre la rédaction du FRP de M. Gonzalez et de celui de M. De-Robles et l'audience ne change rien au fait qu'il a été ou n'a pas été impliqué dans la mort des prisonniers politiques. Cela dit, la Cour ne peut aller jusqu'à dire que la conclusion de la Commission sur ce point et sur la crédibilité générale de M. Gonzalez était manifestement déraisonnable, et c'est là la norme à appliquer en l'espèce.

[24]            De toute façon, il aurait pu être disposé du présent dossier, tel qu'indiqué précédemment, en ne traitant que de la présomption de la capacité de l'État argentin à protéger ses citoyens, présomption qui n'a pas été renversée ni contestée.


CONCLUSION

[25]            Sous réserve des précisions apportées en réponse à la troisième question en litige, la Cour répond par la négative aux trois questions en litige. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

_ Michel M.J. Shore _

                                                                                                                                                     Juge                          


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2163-04

INTITULÉ :                                                    NELSON HORACIO DE ROBLES et

PABLO SERGIO GONZALEZ

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 17 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE    

ET ORDONNANCE :                                    MONSIEUR LE JUGE SHORE

DATE DE L'ORDONNANCE         

ET ORDONNANCE :                                    LE 25 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

Me Sébastien Dubois                                         POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Lucie St-Pierre                                           POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SAINT-PIERRE, GRENIER                             POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

JOHN H. SIMS                                                POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada



[1]L.C. 2001, c. 27.

[2][1993] 2 R.C.S. 689, [1993] A.C.S. no 74 (QL) au para. 50.

[3](1993) 160 N.R. 315, _1993_ A.C.F. no 732 (QL).

[4] (2001) 11 Imm. L.R. (3e) 233, _2000_ A.C.F. no 2001 (1ère inst.) (QL).

[5](2000) 173 F.T.R. 280, _1999_ A.C.F. no 1283 (1ère inst.) (QL).


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