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Date : 20040406

Dossier : IMM-632-03

Référence : 2004 CF 529

Ottawa (Ontario), le 6 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH                                  

ENTRE :

                                                       HILARIO MANILAY REYNA

                                                                                                                                        demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Hilario Reyna est âgé de 49 ans. Il est citoyen des Philippines, il est marié et a quatre enfants. M. Reyna souffre d'un handicap mental. Il a demandé l'asile parce qu'il prétend qu'en raison de ses capacités mentales diminuées, il a été la cible de politiciens corrompus et de membres d'une organisation criminelle et que ceux-ci pourraient l'extorquer. Il avance de plus qu'il s'exposerait à un grave danger s'il devait rentrer aux Philippines.


[2]                La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande, et a conclu que M. Reyna n'avait pas fourni d'éléments de preuve crédibles pour démontrer qu'il était soit un réfugié au sens de la Convention soit une personne à protéger. Il cherche maintenant à contester cette décision, et prétend que les conclusions tirées par la Commission sur la crédibilité étaient manifestement déraisonnables. Il affirme de plus que la Commission a commis une erreur en tirant la conclusion qu'il avait été victime d'un acte criminel, et qu'il n'y avait pas de lien entre les difficultés qu'il avait connues aux Philippines et un motif de la Convention.

Historique

[3]                Même si on ne m'a pas fourni de diagnostic précis, il ressort du dossier que M. Reyna accuse un retard mental considérable. Il s'est présenté à l'audience sur le statut de réfugié mais a été incapable de témoigner. Sa soeur Marlyn a été nommée sa représentante désignée, et a témoigné pour son compte.

[4]                Selon Marlyn Reyna, son frère était propriétaire d'une ferme à Batangas, aux Philippines. À cause de son handicap, M. Reyna ne pouvait accomplir des tâches agricoles que d'une variété très limitée, et c'est sous la supervision d'un voisin qu'il les accomplissait.


[5]                 C'est en grande partie à cause de son handicap mental que M. Reyna a subi des traitements abusifs aux mains de la mafia locale et de politiciens corrompus. À de nombreuses occasions, M. Reyna a fait l'objet de menaces et on lui a dit que toute sa famille serait tuée s'il ne se pliait pas aux exigences des extorqueurs. En 1999, on a convaincu M. Reyna d'emprunter des sommes d'argent importantes de personnages politiques. On l'a forcé à signer des documents reflétant des ententes de prêt, et de remettre les fonds empruntés à des politiciens et à des personnalités de la mafia. Selon Mme Reyna, le but ultime de ces individus était d'obtenir la ferme de M. Reyna et, en bout de ligne, il a effectivement été obligé de céder son droit de propriété. La police locale était apparemment impliquée dans l'arnaque, et refusait d'aider M. Reyna.

[6]                Aucun membre de la famille de M. Reyna ne réside présentement aux Philippines. C'est un voisin qui a communiqué avec eux et qui les a mis au courant de la situation. Eden Reyna Ong, une autre des soeurs de M. Reyna, s'est rendue aux Philippines pour tenter de régler la situation, mais n'a pas eu de succès. Mme Ong a alors emmené son frère et sa famille immédiate sur l'île philippine de Mindano, située dans une région éloignée. Peu de temps après leur arrivée à Mindano, on dit que l'épouse de M. Reyna a aperçu un des extorqueurs de Batangas.

[7]                En juillet 2000, les membres de la famille de M. Reyna l'ont amené au Canada parce qu'ils craignaient que les extorqueurs ne le pourchassent. Il a demandé le statut de réfugié en avril 2001. Son épouse et ses enfants sont demeurés à Mindano.


La décision de la Commission

[8]                La Commission avait de sérieux doutes concernant la crédibilité de Marlyn Reyna, et a conclu que son témoignage « regorgeait d'incohérences et d'omissions, et n'étais pas précis » . Par conséquent, la Commission a conclu que M. Reyna n'avait pas fourni d'éléments de preuve crédibles au soutien de sa demande.

[9]                La Commission a tiré plusieurs conclusions de fait dont il est question dans la présente demande :

1.        La Commission a trouvé contradictoire et nébuleuxle témoignage de Mme Reyna concernant ltat d'une poursuite en justice intentée par la famille relativement à la vente de la ferme familiale.

2.        La Commission a conclu qu'il était étrange que la famille de M. Reyna n'ait pas tenté d'obtenir une aide à la vie autonome de remplacement pour M. Reyna et sa famille à Mindano.

3.        La Commission a conclu qu'il ntait pas crédible que les extorqueurs poursuivent M. Reyna à Mindano ou ailleurs, puisqu'ils lui avaient déjà enlevé tous ses biens et son argent.

4.        La Commission a qualifié d'invraisemblable la description faite par Mme Reyna des tâches que M. Reyna accomplissait sur la ferme familiale, compte tenu de ses propres observations concernant ltendue du handicap de M. Reyna. Plus particulièrement, la Commission a noté qu'il a fallu que quelqu'un dise à M. Reyna d'enlever son manteau, quand la salle d'audience s'est réchauffée.

[10]            La Commission a également conclu que la demande de M. Reyna n'avait pas de lien avec un motif de la Convention. De l'avis de la Commission, M. Reyna a été la victime d'un crime, et non l'objet de persécution pour un motif énuméré dans la Convention sur les réfugiés.


Questions en litige

[11]            M. Reyna soulève deux questions dans la présente demande :

1.          La Commission a-t-elle commis une erreur en décidant que Mme Reyna n'était pas crédible, parce que la Commission n'a pas bien compris, a mal interprété ou a mal rapporté la preuve? et

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur en décidant qu'il n'y avait pas de lien entre les difficultés éprouvées par M. Reyna et un motif de la Convention?

Analyse

La Commission a-t-elle commis une erreur en décidant que Mme Reyna n'était pas crédible, parce que la Commission n'a pas bien compris, a mal interprété ou a mal rapporté la preuve?

[12]            Pour ce qui est des conclusions de la Commission sur la crédibilité, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié possède une expertise bien établie pour décider de questions de fait, y compris de l'appréciation de la crédibilité des demandeurs d'asile. En effet, de telles décisions sont au coeur même de la compétence de la Commission. En tant que juge des faits, la Commission est en droit de tirer des conclusions raisonnables concernant la crédibilité du récit d'un demandeur, en se fondant sur les invraisemblances, le bon sens, et la raison. Par conséquent, pour que la Cour puisse annuler une conclusion de fait tirée par la Commission, il doit être démontré que cette conclusion est manifestement déraisonnable : Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 1982, au paragraphe 40, et Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).


[13]            Je ne suis pas convaincue que les conclusions de la Commission sur la crédibilité étaient manifestement déraisonnables.

[14]            J'ai examiné la transcription du témoignage de Mme Reyna relativement à l'état des procédures judiciaires par lesquelles la famille tentait de récupérer la ferme familiale. Je vois très clairement pourquoi la Commission a conclu que le témoignage de Mme Reyna à ce sujet n'était pas satisfaisant. En effet, le choix par la Commission du mot « nébuleux » pour décrire la situation provient directement du témoignage de Mme Reyna elle-même.

[15]            M. Reyna prétend aussi qu'on doit tenir compte du fait que Marlyn ne s'est pas rendue aux Philippines pendant la période en question, et se fiait aux renseignements que lui fournissait un autre membre de la famille relativement à l'état des procédures judiciaires. Quoi qu'il en soit, M. Reyna a le fardeau de fournir des éléments de preuve satisfaisants au soutien de sa demande.

[16]            Malgré la prétention de Mme Reyna que M. Reyna avait besoin d'aide, aucun élément de preuve n'a été présenté à la Commission démontrant que la famille avait fait des efforts pour obtenir de l'aide pour M. Reyna à Mindano. Par conséquent, la conclusion de la Commission sur cette question était appropriée.

[17]            De la même façon, je ne puis qualifier de manifestement déraisonnable la conclusion de la Commission selon laquelle il était invraisemblable que les extorqueurs, après l'avoir dépouillé de ses biens, poursuivraient M. Reyna àMindano.

[18]            Enfin, la dernière contestation de M. Reyna dirigée contre l'évaluation de la Commission sur la crédibilité vise la conclusion de cette dernière quant à savoir jusqu'à quel point le demandeur est diminué par son handicap. Le commissaire a eu la possibilité d'observer M. Reyna dans la salle d'audience et de décider si la description de ses responsabilités offerte par Mme Reyna était plausible, eu égard au niveau apparent du handicap de M. Reyna. Dans les circonstances, je ne puis affirmer que la conclusion de la Commission sur cette question était manifestement déraisonnable.

La Commission a-t-elle commis une erreur en décidant qu'il n'y avait pas de lien entre les difficultés éprouvées par M. Reyna et un motif de la Convention?

[19]            Puisque je n'ai pas trouvé manifestement déraisonnable la conclusion de la Commission selon laquelle M. Reyna n'avait pas fourni d'éléments de preuve crédibles au soutien de sa demande, il n'est pas nécessaire d'étudier les arguments reliés à la question de savoir si la demande avait un lien avec un motif de la Convention.


Certification

[20]            Ni l'une ni l'autre des parties n'a soumis de question pour certification et, par conséquent, aucune question ne sera certifiée.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question grave de portée générale n'est soulevée.

                                                                                                                          « Anne L. Mactavish »          

                                                                                                                                                     Juge                         

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-632-03

INTITULÉ :                                                   HILARIO MANILAY REYNA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                            TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 1ER AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                 LE 6 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Alex Billingsley                                                 POUR LE DEMANDEUR        

Catherine Vasilaros                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cintosun & Associate                                       POUR LE DEMANDEUR

Toronto

Morris Rosenberg                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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