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                                                  IMM-2721-95

 

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 16 DÉCEMBRE 1996

 

 

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE HEALD

 

 

ENTRE

 

                 CESAR AGUSTO CANEL DE LEON,

                CLAUDIA PATRICIA ARA ARRIOLA,

 

                                                  requérants,

 

                             et

 

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                      intimé.

 

 

                         ORDONNANCE

 

 

 

          VU le contrôle judiciaire de la décision en date du 15 septembre 1995 d'un agent chargé de la révision des revendications refusées;

 

          ET VU les observations des avocats des parties et après avoir pris connaissance des documents déposés;

 

          IL EST ORDONNÉ :

 

1. que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

 

2. que la question suivante soit certifiée comme  question grave de portée générale :

 

     Un agent d'immigration procédant à une révision en vertu du règlement sur la CDNRSRC viole-t-il le principe d'équité énoncé par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Shah1 lorsqu'il examine la preuve documentaire sur la situation générale du pays d'origine du requérant ne figurant pas dans le dossier d'immigration de ce dernier sans l'aviser de son intention de le faire, et sans lui donner la possibilité d'y répondre?

 

 

 

 

                                      Darrel V. Heald   

                                           J.S.

 

Traduction certifiée conforme                          

                                 Tan Trinh-viet

 

 

 

 

 

 

 

1Shah c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1994), 170 N.R. 238.


 

 

 

 

 

                                                  IMM-2721-95

 

 

 

 

 

ENTRE

 

                 CESAR AGUSTO CANEL DE LEON,

                CLAUDIA PATRICIA ARA ARRIOLA,

 

                                                  requérants,

 

                             et

 

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                      intimé.

 

 

                   MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

 

 

LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 15 septembre 1995 par laquelle T.D. Venerus, agent chargé de la révision des revendications refusées (A.C.R.R.R.), a conclu que les requérants n'appartenaient pas à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (C.D.N.R.S.R.C.).

 

          La requérante Arriola est le conjoint de fait du requérant De Leon.  Ils sont tous les deux des demandeurs du statut de réfugié originaires du Guatemala dont ils sont citoyens.  Leur revendication du statut de réfugié au sens de la Convention a été, le 2 juin 1993, rejetée par la section du statut de réfugié (S.S.R.) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (C.I.S.R.).  Leur demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée.  Ils ont alors demandé à être inclus dans la C.D.N.R.S.R.C., ce que l'A.C,R.R.R. Venerus a refusé ainsi qu'il est noté ci-dessus.


 

 

Les faits

 

          Les requérants déclarent qu'en 1991, le requérant a été enlevé et battu par des guérilleros.  Des menaces ont été proférées contre la femme et la famille du requérant.  La femme avait été enlevée par des guérilleros en 1986 parce qu'elle était la fille d'un officier supérieur de l'armée du Guatemala.  Les requérants prétendent que leur vie serait en danger, qu'ils s'exposeraient à un traitement inhumain et à des sanctions sévères aux mains des guérilleros.  À leur avis, le risque qu'ils couraient existerait dans toutes les parties du pays.

 

 

La décision de l'A.C.R.R.R.

 

          L'A.C.R.R.R a examiné le F.R.P. des requérants, la décision de la S.S.R., ainsi que les observations approfondies de l'avocat des requérants.  Ces observations comprenaient une preuve documentaire abondante, ainsi qu'un nombre de rapports provenant d'organisations gouvernementales (É.-U.) et non- gouvernementales.  Après un examen détaillé de la preuve documentaire, l'A.C.R.R.R. a fait les remarques suivantes[1] :

 

[TRADUCTION] À l'époque de la résidence du requérant, tant l'armée que les guérilleros étaient connus pour leur recrutement forcé de jeunes gens.  Dans l'examen du FRP du requérant et de la décision de la SSR, il n'a jamais été reconnu de façon concluante que c'étaient les guérilleros qui l'avaient battu et menacé.  Aucune preuve n'a été produite pour établir que les guérilleros en étaient responsables.  Le motif de l'attaque n'a pas non plus été révélé, et il n'existe aucune preuve que l'attaque a été inspirée en conséquence de la relation du requérant avec son beau-père.  Si, en fait, les guérilleros étaient responsables, la preuve documentaire confirme que les pratiques de recrutement forcé n'existent plus.  Depuis le départ du requérant du Guatemala, la preuve documentaire confirme une guérilla affaiblie qui est passée de la violence contre le gouvernement à une participation politique.

 

 

 

          Pour ce qui est de la requérante, l'A.C.R.R.R. a fait remarquer qu'elle avait convenu que les autorités étaient disposées à faire enquête sur son enlèvement, mais que sa famille ne voulait pas que l'affaire se poursuive.  Il a également noté qu'entre 1986 et 1991, la requérante n'a pas connus d'autres problèmes.  Après examen de la preuve documentaire disponible, l'A.C.R.R.R. a conclu que les requérants ne satisfaisaient pas aux critères d'appartenance à la C.D.N.R.S.R.C. parce qu'il y avait eu un changement important dans les conditions du pays d'origine après leur départ.

 

 

Les points litigieux

 

          Les requérants soulèvent deux principales questions dans la présente demande :

 

1)La C.D.N.R.S.R.C. ne fait pas partie des raisons d'ordre humanitaire figurant au paragraphe 114(2) de la Loi.  En conséquence, les décisions prises relativement à la C.D.N.R.S.R.C. sont sujettes à une norme de contrôle plus élevée.

 

2)L'A.C.R.R.R. a mal interprété ou n'a pas tenu compte des éléments de preuve.

 

Analyse

 

     1)   La norme de contrôle

 

          Selon les requérants, un requérant, pour faire partie de la C.D.N.R.S.R.C., doit démontrer qu'il ferait l'objet d'un risque objectivement identifiable dans le pays vers lequel il serait renvoyé, risque auquel ne s'exposeraient généralement pas d'autres individus dans ce pays.   Les requérants soutiennent que la C.D.N.R.S.R.C. n'est pas visée par les dispenses prévues au paragraphe 114(2)[2] et, en conséquence , n'est pas sujette au contrôle et aux [TRADUCTION] «propositions fondamentales» articulées par la Cour relativement à l'exercice du pouvoir discrétionnaire sur la base des raisons d'ordre humanitaire exceptionnelles, mais qu'elle est plutôt assujettie au contrôle de la Cour en tant que décideur quasi-judiciaire.

 

          Selon l'intimé, les «propositions fondamentales» ci-dessus concernant les contrôles fondés sur le paragraphe 114(2) s'appliquent également à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du fait des raisons d'ordre humanitaire exceptionnelles dans un contrôle relatif à la C.D.N.R.S.R.C.

 

          L'intimé s'appuie sur l'affaire Vidal c. Ministre de l'Emploi et de l'immigration[3] pour préconiser l'idée que les exceptions prévues au paragraphe 114(2) sont faites au bénéfice de ceux en faveur desquels elles sont faites et ne portent pas atteinte à l'application normale des règles générales à d'autres.  Un tribunal ne devrait pas intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire par un agent ou un organisme ayant le pouvoir légal d'exercer ce pouvoir à moins que celui-ci n'ait été clairement exercé de mauvaise foi ou pour des motifs qui n'ont aucun rapport avec la fin pour laquelle il est conféré.

 

          Le règlement sur la C.D.N.R.S.R.C. a été pris en vertu du pouvoir de prendre des règlements prévu à l'alinéa 114(1)e) de la Loi sur l'immigration.  Cet alinéa, lui, s'appuie sur le paragraphe 6(5) de la Loi qui porte sur l'octroi du droit d'établissement au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire ou d'intérêt public.

 

          Le règlement sur la C.D.N.R.S.R.C. offre au requérant à l'instance une dispense d'application de la loi d'immigration canadienne qui exige d'un individu qui demande l'établissement permanent au Canada qu'il le fasse à l'extérieur du Canada. Toutefois, une décision défavorable de l'A.C.R.R.R. ne prive pas un requérant de son droit auparavant acquis, celui de présenter une demande d'établissement à l'extérieur du Canada.  À mon avis, la Cour ne devrait annuler les décisions discrétionnaires des A.C.R.R.R. à moins qu'il ne soit établi que ce pouvoir discrétionnaire a été exercé à des fins inappropriées, en tenant compte de considérations non pertinentes, en faisant preuve de mauvaise foi, ou de toute autre façon manifestement déraisonnable[4].  Ce dossier n'indique aucune de ces faiblesses dans l'exercice par l'A.C.R.R.R. de son pouvoir discrétionnaire.  En conséquence, je conclus que cet argument n'est pas fondé.

 

     2) Mauvaise interprétation ou méconnaissance des éléments de preuve

 

          Je ne saurais souscrire à l'argument des requérants selon lequel l'A.C.R.R.R. s'est appuyé sur la preuve documentaire qui ne leur a pas été révélée.  Il n'existait aucune preuve extrinsèque invoquée par l'A.C.R.R.R. à part la preuve documentaire objective concernant la situation du Guatemala.  Ainsi qu'il a été noté dans la décision Kouchek c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration[5], il est loisible à l'A.C.R.R.R. de s'appuyer sur ces renseignements par rapport à la preuve documentaire produite par les requérants.  Le dossier n'indiquait nullement qu'on avait refusé aux requérants la possibilité de répondre à la preuve documentaire sur laquelle s'était appuyé l'A.C.R.R.R.  De plus, celui-ci n'est nullement tenu de se référer à chaque argument des requérants dans sa décision[6].

 

          En dernier lieu, je ne peux conclure de ce dossier que la décision de l'A.C.R.R.R. a été prise de mauvaise foi.  Je conclus également que l'A.C.R.R.R. n'a pas tenu compte de considérations non pertinentes, et que sa décision n'était pas poussée par des motifs inappropriés.

 

Conclusion

 

          Par tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

          À la suite de la requête des requérants et avec l'accord de l'avocat de l'intimé, la question suivante est certifiée comme question grave de portée générale :

 

 

     Un agent d'immigration procédant à une révision en vertu du règlement sur la CDNRSRC viole-t-il le principe d'équité énoncé par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Shah[7] lorsqu'il examine la preuve documentaire sur la situation générale du pays d'origine du requérant ne figurant pas dans le dossier d'immigration de ce dernier sans l'aviser de son intention de le faire, et sans lui donner la possibilité d'y répondre?

 

 

 

 

 

                                            Darrel V. Heald                                                     J.S.

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 16 décembre 1996

 

Traduction certifiée conforme                          

                                 Tan Trinh-viet


                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                 SECTION DE PREMIER INSTANCE

 

          AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :IMM-2721-95

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :Cesar Agusto Canel De Leon et autre c. M.C.I.

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :Le 10 décembre 1996

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE SUPPLÉANT HEALD

 

 

EN DATE DU16 décembre 1996

 

 

 

ONT COMPARU :

 

M. Robin Morch                    pour les requérants

 

Godwin Friday                     pour l'intimé

                                

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

M. Robin Morch

Toronto (Ontario)                 pour les requérants

 

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                                  pour l'intimé

 

 

 

                  



    [1]Dossier d'analyse et de décision de l'ACRRR - 15 septembre 1995, page 5.

    [2]Le gouverneur en conseil peut, par règlement, autoriser le ministre à accorder, pour des raisons d'ordre humanitaire, une dispense d'application d'un règlement pris aux termes du paragraphe (1) ou à faciliter l'admission de toute autre manière.

    [3](1991) 13 Imm. L.R. (2d) 123 (C.F.1re inst.).

    [4]Comparer Chaudhry c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994) 83 F.T.R. 81.

Voir également Gharib c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (3 septembre 1995), IMM-180-95 (C.F.1re inst.).

    [5]27 février 1995, IMM-410-95 (C.F.1re inst.).

    [6]Comparer Agada c. M.C.I., (26 septembre 1995), IMM-414-95 (C.F.1re inst.).

    [7]Shah c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1994), 170 N.R. 238.

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