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Date : 20040915

Dossier : T-1622-01

Référence : 2004 CF 1243

ENTRE :

OLOF A. HALLSTROM fils et

HALLCO MANUFACTURING COMPANY, INC.

demandeurs

et

TRANS-ISLE FREIGHTWAYS INC.

défenderesse

ET ENTRE :

Dossier : T-1623-01

OLOF A. HALLSTROM fils et

HALLCO MANUFACTURING COMPANY, INC.

demandeurs

et

DCT CHAMBERS TRUCKING LTD.

défenderesse

ET ENTRE :

Dossier : T-1624-01

OLOF A. HALLSTROM fils et

HALLCO MANUFACTURING COMPANY, INC.

demandeurs

et

ARROW TRANSPORTATION SYSTEMS INC.

défenderesse


MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HUGESSEN

Introduction

[1]               La Cour est saisie de trois requêtes en jugement sommaire qui sont présentées par les défenderesses et qui, à l'exception du nom des requérants, sont identiques et reposent sur les mêmes faits. Les parties s'entendent sur les faits suivants.

Les faits

[2]               Il y a trois défenderesses nommément désignées dans les présentes actions, à savoir Trans-Isle Freightways, DCT Chambers Trucking Ltd. et Arrow Transportation Systems Inc. Il s'agit de compagnies de transport utilisant des remorques de transport qui sont munies d'un plancher animé d'un mouvement alternatif parfois appelé « transporteur à mouvement alternatif » . Les remorques des défenderesses sont dotées de convoyeurs de marque « Running Floor II » qui sont fabriqués et distribués par Keith Manufacturing Company, Inc. (Keith), dont la tête dirigeante est un dénommé Raymond Keith Foster (Foster). Les demandeurs dans la présente action sont Olof A. Hallstrom fils (Hallstrom), et sa compagnie, Hallco Manufacturing Company Inc. (Hallco). Les demandeurs Hallstrom et Hallco multiplient les procès aux États-Unis contre Keith et Foster au sujet des transporteurs à mouvement alternatif.


[3]               Hallstrom est le titulaire du brevet canadien no 1224740 concernant un « transporteur à mouvement alternatif » , ainsi que du brevet américain équivalent portant le numéro 4691819. Hallco a déjà intenté aux États-Unis une action en contrefaçon de ce brevet 819 correspondant pour le même appareil Running Floor II de Keith. Keith a contesté l'action avec succès et la revendication no 9 a été invalidée. Les demandeurs invoquent maintenant le brevet canadien équivalent no 740 et la revendication no 9 de ce brevet, laquelle est libellée en des termes identiques à ceux de la revendication no 9 du brevet américain.

[4]               Dans les présentes actions, au lieu de poursuivre le fabricant Keith, Hallco poursuit les compagnies de transport défenderesses en tant qu'utilisatrices canadiennes du transporteur à mouvement alternatif Running Floor II de Keith. C'est pourtant Keith qui conteste en fin de compte les présentes actions par le jeu des garanties et ententes d'indemnisation qui ont été conclues avec les défenderesses nommément désignées. À l'ouverture de l'audience portant sur les présentes requêtes en jugement sommaire, j'ai fait droit à une requête en réunion des requêtes et des actions elles-mêmes, le tout pour faciliter l'instruction des requêtes et des actions et le déroulement du procès subséquent. Les présents motifs portent donc sur les trois requêtes.


[5]               Dans le cadre des différends qui opposent les parties depuis longtemps devant les tribunaux, une action introduite aux États-Unis devant la Cour de district de l'Oregon entre Foster et Hallstrom (cause civile no 95-1236-PA) a, avec d'autres différends, fait l'objet d'un règlement avant les conclusions finales, le 6 février 1998. Les pourparlers entourant ce règlement ont par la suite été transcrits (la transcription) et une copie de la transcription a été versée au présent dossier. Les modalités de ce règlement ont par la suite été précisées dans un document intitulé [traduction] « transaction confidentielle » (la transaction) qui porte la date du 20 février 1998 (qui a également été versé au dossier). Les principales dispositions de la transaction sont reproduites plus loin. La transaction comporte six paragraphes numérotés exposant en détail les modalités du règlement et de l'octroi d'une licence. Suivent une série de paragraphes non numérotés, dont le premier commence avec deux phrases qui constituent la renonciation, laquelle fait l'objet de la requête en jugement sommaire.

[6]               Les dispositions relatives au règlement et l'octroi d'une licence que l'on trouve dans les paragraphes numérotés de la transaction ont été complétées par la confirmation d'un rejet définitif de l'action prononcé par la cour de district américaine dans le dossier CV95-1236-PA en vertu du paragraphe no 1 et de la signature d'un rejet définitif par la cour de district américaine dans le dossier no 89-161-FR en vertu du paragraphe no 2 de la transaction, et de la signature d'un rejet définitif de l'action canadienne intentée par Fabrex devant notre Cour (T-2445-95) en vertu du paragraphe no 3 de la transaction, ainsi que de la signature d'un accord de licence non exclusive limitée en vertu du paragraphe no 4 de la transaction et d'une licence réciproque de brevet en vertu des paragraphes nos 5 et 6 de la transaction.

[7]               Le procès canadien de Fabrex, qui s'est soldé par un rejet définitif en vertu du paragraphe no 3 de la transaction, concernait aussi les systèmes Running Floor II de Keith ainsi qu'une allégation de contrefaçon d'un autre brevet détenu par Hallstrom, le brevet canadien 1091911.

[8]               Voici les passages pertinents de la transaction :

[traduction]

1.              L'affaire intitulée Raymond Keith Foster v. Hallco Mfg. Co., Inc., and Olof Hallstrom, dossier no CV 95-1236 PA de la Cour de district des États-Unis est par les présentes réglée pour la somme de 300 000 $ (trois cent mille dollars) payables au plus tard le 8 mars 1998. L'affaire a été rejetée définitivement.


2.              La somme réclamée dans l'affaire Raymond Keith Foster, Keith Mfg. Co., Inc., and Keith Sales Co. v. Hallco Manufacturing Co., Inc., Olof A. Hallstrom and Robert Snellman, dossier no 89-161-FR de la cour de district des États-Unis sera payée intégralement, y compris tous les frais judiciaires et les intérêts courus jusqu'à la date du présent accord. Les parties verseront au dossier un projet de rejet définitif de l'appel ainsi qu'un certificat d'exécution de jugement sur réception des fonds en exécution du jugement en la forme ci-jointe.

3.           Hallstrom déposera un rejet définitif dans l'affaire Olof A. Hallstrom and Hallco Manufacturing compagnie, Inc. c. Fabrex Inc., Cour fédérale du Canada, Section de première instance, dossier no T-2445-95 dans les quinze (15) jours de la date du présent accord.

4.              Foster octroiera à Hallstrom une licence non exclusive lui permettant d'utiliser le brevet américain no 35022. Cette licence se limitera aux réalisations du convoyeur présentement connues sous le nom de Hallco 4000 et Hallco 6000 de même qu'aux modules sur lesquels se trouvent des numéros de série ou qui auraient reçu des numéros de série avant le présent règlement. Le montant de la licence sera de 300 $ l'unité et s'appliquera aux unités auxquelles est attribué un numéro de série après le 5 février 1998. Les parties s'entendront mutuellement sur une formule de déclaration de redevances. Foster rédigera une lettre à l'intention de ses clients pour les informer du droit de Hallco d'utiliser le brevet no 35022 de Foster. Hallstrom accepte que ses employés et consultants qui sont mis au courant des modalités essentielles du règlement signent une entente protégeant le caractère confidentiel du contrat de licence et de ses modalités.

5.         Foster convient d'octroyer à Hallstrom une licence libre de redevances lui permettant d'utiliser le brevet américain no 5315916 qui fera l'objet d'un contrat écrit de licence.

6.         Hallstrom accepte d'accorder à Foster une licence libre de redevances lui permettant d'utiliser le brevet américain no 4966275 qui fera l'objet d'un contrat écrit de licence.

[5]               À la suite des paragraphes numérotés de la transaction se trouve une série de paragraphes non numérotés dont le premier, et surtout les deux premières phrases, sont à l'origine de la présente contestation. En voici le texte :

[traduction]


Les parties conviennent que Foster et Hallstrom renoncent par la présente l'un envers l'autre, ainsi qu'envers leurs clients et utilisateurs, à toute réclamation existant présentement au sujet des brevets en litige dans les actions susmentionnées et des brevets pour lesquels des licences sont octroyées sous réserve des modalités susmentionnées. Les parties renoncent aussi l'une envers l'autre ainsi qu'envers leurs clients et utilisateurs, à toute réclamation concernant l'équivalent étranger de leurs brevets américains pour lesquels les parties se sont affrontées en justice et qui sont visés par les licences décrites aux présentes.

La question en litige

[6]               Les deux parties conviennent que la transaction doit être interprétée selon les lois de l'Oregon, où elle a été signée.

[7]               Les défenderesses soutiennent qu'elles sont déchargées par la deuxième phrase citée du premier paragraphe non numéroté de la transaction puisque le brevet 740 est l'équivalent du brevet américain 819 qui a déjà fait l'objet d'un procès entre les parties et qui a été jugé invalide; comme il s'agit d'une pure question d'interprétation de la transaction, il n'y a pas matière à procès et la requête en jugement sommaire devrait être accueillie et les actions devraient être rejetées. En revanche, les demandeurs expliquent que l'affaire doit être instruite parce qu'il y a un différend au sujet des lois de l'Oregon et que la Cour doit considérer la loi comme un « fait » .

Analyse

[8]               Les questions qui feraient l'objet d'un différend au sujet des lois de l'Oregon sont, premièrement, celle de savoir si les deux phrases citées seraient jugées ambiguës selon les lois de l'Oregon, en deuxième lieu, si pour répondre à cette question, les lois de l'Oregon tiendraient compte d'éléments de preuve extrinsèques et, troisièmement, si l'on tenait compte de ces éléments de preuve pour dissiper une telle ambiguïté.


[9]               D'entrée de jeu, je dois dire que, selon la manière dont je conçois l'affaire, je considère que les lois de l'Oregon ne sont pas très différentes des lois canadiennes en ce qui concerne les principes à appliquer pour résoudre ces questions. Il ne s'ensuit pas bien sûr qu'un tribunal de l'Oregon et un tribunal canadien trancheraient nécessairement ces questions de la même manière mais tout simplement qu'ils appliqueraient des principes semblables lorsqu'ils s'attaqueraient à la tâche d'interpréter ce document. En d'autres termes, je ne considère pas que le témoignage des avocats de l'Oregon sur le résultat auquel en arriverait probablement une juridiction de l'Oregon constitue une preuve de la loi de l'Oregon ou un élément utile à ma décision. J'estime toutefois que, dans la mesure où il est démontré qu'un tribunal de l'Oregon appliquerait des principes différents, je devrais en faire autant.

[10]           Les défenderesses soutiennent que, lorsqu'on la lit en tenant compte de l'ensemble de la transaction, la seconde phrase de la clause de renonciation ne comporte aucune ambiguïté. Les défenderesses soutiennent qu'il est évident que le présent litige concerne une réclamation qui est visée par la renonciation, en l'occurrence une action en contrefaçon du brevet 740, qui est l'équivalent étranger du brevet américain 819, pour lequel les parties ont déjà été en procès. Les défenderesses expliquent que la mention « toute réclamation » doit nécessairement viser la réclamation en cause dans la présente action, étant donné que Hallco était alors bien au courant du Running Floor II de Keith et de sa distribution au Canada et que ceux-ci faisaient l'objet du procès intenté par Fabrex devant notre Cour.


[11]           Pour ce qui est de la première des questions que je viens de reproduire, je crois comprendre que tant les lois de l'Oregon que celles du Canada exigeraient que j'examine d'abord la transaction en fonction de son objet et en tenant compte de tout son contexte pour en cerner le sens. Suivant certains des affidavits, le fait que la première phrase restreigne la portée de la clause aux réclamations « existantes » crée une ambiguïté, étant donné que la phrase qui suit ne renferme pas une telle restriction. Je ne perçois aucune ambiguïté. Lorsqu'on le situe dans son contexte, le mot « existant » que l'on trouve dans la première phrase s'entend des droits d'action exercés dans le cadre d'un procès déterminé ou en vertu des brevets en cause, qui sont tous énumérés et décrits en détail dans les paragraphes numérotés qui la précède. À mon avis, il serait superflu et inutile d'ajouter le mot « existant » à la deuxième phrase. Bien qu'il soit possible de renoncer à des réclamations à venir, c'est-à-dire à des réclamations qui ne pouvaient même pas donner ouverture à une action en justice au moment de la renonciation, il faudrait des termes beaucoup plus forts et explicites que ceux que l'on trouve ici. À mon avis, l'emploi du mot « existant » s'accorde avec le fait que la renonciation visée à la première phrase se limite aux questions énumérées dans les six paragraphes numérotés qui précèdent, tandis que son exclusion de la deuxième phrase témoigne de la volonté des parties de se libérer réciproquement de tous les droits d'action que l'une ou l'autre pourrait exercer sous le chef applicable. La seule source possible d'ambiguïté est l'emploi du mot « réclamations » dans un sens légèrement différent dans chacune de ces deux phrases, mais cette ambiguïté est rapidement dissipée dans le contexte de ce document lorsqu'on recourt aux principes habituels d'interprétation.


[12]           Selon mon interprétation de la clause de renonciation, la première phrase vise à protéger les parties contre toute réclamation formulée dans le cadre des actions énumérées ou en vertu des brevets énumérés. La seconde phrase vise à protéger les parties contre toutes les autres réclamations qui pourraient être présentées en vertu de l'équivalent étranger des brevets américains pour lesquels elles ont déjà été en procès au cours de leurs nombreuses contestations judiciaires. Conformément à cet objectif, cette clause protège les parties contre tous les droits d'action étrangers, qu'ils se traduisent ou non par une action en justice, lorsque la question sous-jacente a été tranchée dans le cadre d'un procès américain avant la date de la transaction.

[13]           Mais même si je devais passer à la deuxième et à la troisième question, la cause des demandeurs ne s'en trouverait pas pour autant renforcée. Je répète que je ne crois pas que les lois de l'Oregon diffèrent beaucoup de celles du Canada et je crois que les deux systèmes permettent de recourir à des éléments de preuve extrinsèques pour déterminer si un texte qui semble à première vue clair ne renferme pas une ambiguïté latente. Aucun système logique ne pourrait prévoir autre chose car, si une ambiguïté ne saute pas aux yeux à la lecture même du document, elle ne peut être révélée qu'en se reportant à des éléments qui débordent le cadre du document. Et si les éléments de preuve extrinsèques peuvent servir à démontrer l'existence d'une ambiguïté, ils peuvent également être utilisés en vertu des lois de l'Oregon ou du Canada pour aider à éliminer cette ambiguïté.

[14]           Les lois de l'Oregon semblent parfaitement claires à cet égard et, sauf erreur, les lois canadiennes vont dans le même sens :

[traduction]

En supposant que des éléments de preuve extrinsèques ont été admis, quelles conséquences cette admission peut-elle entraîner? Le juge en chef de l'Ontario Gale a examiné cette question dans l'affaireLeitch Gold Mines Ltd. et al. v. Texas Gulf Sulphur Co. (Inc.) et al., [1969] 1 O.R. 469, aux pages 536 et 537, 3 D.L.R. (3d) 161, aux pages 228 et 229. Je fais miennes ses conclusions minutieusement motivées et je vais tenter de les paraphraser :

(1)           Les éléments de preuve extrinsèques qui ont été admis peuvent établir que le document relatif à la question en litige ne recèle pas d'ambiguïté latente. En pareil cas, de toute évidence, c'est le document qui s'applique.


(2)            Les éléments de preuve extrinsèques peuvent démontrer que le libellé du document en litige comporte une ambiguïté latente. Néanmoins, en tenant compte des circonstances de l'espèce, il faut opter pour le sens de l'accord qui se dégage de la lecture du document dans son ensemble sans recourir à des éléments de preuve extrinsèques pour démontrer qu'il existe une ambiguïté.

(3)            Les éléments de preuve extrinsèques démontrent qu'il existe une ambiguïté latente. Toutefois, si l'on tient compte des circonstances de l'espèce, il y a lieu de retenir le sens qui s'accorde avec le libellé du document mais qui s'écarte de son sens manifeste. La partie qui affirme qu'il y a une ambiguïté latente doit non seulement établir l'existence de cette ambiguïté latente, mais aussi résoudre cette ambiguïté au moyen d'éléments de preuve permettant à la Cour de déterminer quel accord est intervenu et quel devrait être le choix de solutions de rechange. La partie qui affirme qu'il existe une ambiguïté latente doit démontrer que les éléments de preuve extrinsèques commandent d'opter pour un sens qui s'accorde généralement avec le libellé du document mais qui s'écarte de son sens manifeste.

(4)            Les éléments de preuve extrinsèques démontrent qu'il existe une ambiguïté latente d'une telle ampleur que la véritable entente survenue entre les parties diffère de celle qui est exprimée dans le document. Autrement dit, les éléments de preuve extrinsèques démontrent qu'il s'agit d'un cas d'erreur.

(5)            Les éléments de preuve extrinsèques démontrent qu'il existe une ambiguïté latente et ils vont plus loin en établissant que les parties ne se sont en réalité jamais vraiment entendues sur l'objet de leur entente. En d'autres termes, il n'y a en fait aucune entente sur les modalités qui permettrait de trancher le différend qui oppose les parties. La Cour ne peut donc pas, compte tenu de la prépondérance des probabilités, tirer la conclusion indispensable qu'il y avait entre les parties consensus ad idem.

(Transcanada Pipelines Ltd. v. Northern & Central Gas Corp. Ltd., [1983]

146 D.L.R. (3d) 293, aux pages 298 et 299.)


[15]           En l'espèce, deux catégories d'éléments de preuve extrinsèques ont été présentées. La première regroupe les faits dont se souviennent les divers avocats qui postulaient pour les parties lors des négociations qui ont débouché sur la signature de la transaction. Je leur accorde peu de valeur. Les avocats sont rémunérés et ils sont utiles lorsqu'ils prennent acte d'ententes et les consignent par écrit, mais ils sont moins utiles lorsqu'ils essaient de les interpréter six ans plus tard. Je doute d'ailleurs que ce genre d'élément de preuve soit admissible au procès, mais même si c'était le cas - et la Cour a eu l'occasion de voir et d'entendre les témoins -, cela n'y changerait rien car ce genre de preuve est intrinsèquement peu fiable. Elle ne révèle tout simplement pas l'existence d'une ambiguïté dans la transaction et elle ne soulève par ailleurs pas de véritable question à juger.

[16]           La seconde catégorie d'éléments de preuve extrinsèques est la transcription. Il s'agit là d'une question fort différente. Ainsi qu'il a déjà été précisé, la transcription a été rédigée par un sténographe au cours des négociations qui ont débouché sur la rédaction et la signature de la transaction. Cet élément de preuve ne souffre d'aucune des lacunes inhérentes aux souvenirs actuels des avocats dont les pourparlers ont été ainsi consignés. Il est contemporain à la transaction elle-même et est à la fois pertinent et admissible. Le passage suivant est particulièrement instructif. Le premier interlocuteur occupait alors pour les présents demandeurs, alors que le second représentait Keith :

[traduction]

Me ESLER :             Je voudrais que la transaction vise aussi les réclamations connues que les parties ont l'une envers l'autre en ce moment.

Ce que nous allons faire, c'est de les libérer l'une l'autre des réclamations dont nous connaissons l'existence à ce moment-ci ou qui sont fondées sur l'un ou l'autre des brevets dont nous avons parlé. Et nous convenons tous les deux que l'entente ne couvre pas toute nouvelle technologie que les parties peuvent mettre au point. Seule la technologie existante est visée.

[...]

Me STEWART :    Et ce que j'aimerais faire, après que nous nous serons entendus sur cette stipulation, c'est de la consigner par écrit.

Me ESLER :          Oui.

Me STEWART :    Je m'en charge. Je vais demander une copie de la transcription. Et la seule chose que je peux dire, Me Esler, c'est que nous connaissons les brevets qui font l'objet d'un procès, nous connaissons les brevets visés par l'état antérieur de la technologie, et voilà... nous nous sommes entendus sur ces points.


Mais je ne puis me prononcer sur les autres réclamations que les parties peuvent avoir entre elles, parce qu'elles sont toutes les deux à la tête de grandes sociétés en ce moment et que je n'ai aucune idée des autres réclamations qui peuvent exister à ce moment-ci, mais je ne peux lier Me Foster à ce sujet et ce, parce que nous parlons seulement de brevets.

[17]           Lors des négociations qui ont débouché sur la transaction, on connaissait toutes les réclamations formulées dans les présentes actions, à savoir celles voulant que la technologie du Running Floor II de Keith contreferait la revendication no 9 du brevet américain 819 de Hallco et, par voie de conséquence, qu'elle contreferait nécessairement la revendication no 9 du brevet canadien 740 équivalent. Hallco avait intenté un procès au sujet de cette technologie tant aux États-Unis, où son brevet 819 a été jugé invalide, qu'au Canada, où la question de son procès, fondé sur la même technologie (bien qu'il s'agisse d'un brevet canadien différent qui n'est plus pertinent) a été réglée au paragraphe no 3 de la transaction. En bref, la technologie que les défenderesses auraient utilisée était « vieille » ou était « connue » de Hallco. Le brevet lui-même avait déjà fait l'objet d'un procès aux États-Unis et Hallco avait perdu son procès.

Dispositif

[18]           Je conclus, suivant une interprétation téléologique de la seconde phrase du premier paragraphe numéroté de la transaction, située dans son contexte, et après examen de la transcription, que les seuls éléments de preuve extrinsèques pertinents et admissibles conduisent inévitablement au même résultat, en l'occurrence que les demandeurs ont dégagé tant Keith que les présentes défenderesses, qui en sont les clientes et les utilisateurs finaux, des réclamations pouvant découler du brevet 740. La seule question en litige dans les présentes actions peut et devrait être tranchée de façon équitable et seulement au vu des éléments contenus au dossier et sans qu'il soit nécessaire de tenir un procès.                                   


[19]           Les requêtes en jugement sommaire seront accueillies et les dépens d'une seule requête seront accordés. Les actions seront rejetées; si les avocats ne peuvent s'entendre sur la façon appropriée de régler la question des dépens des trois actions, les défenderesses peuvent présenter une requête fondée sur l'article 369 des Règles en vue d'obtenir l'ordonnance qui convient.                                                     

ORDONNANCE

Les requêtes en jugement sommaire sont accueillies avec dépens.

Les actions sont rejetées.                                                                      

       « James K. Hugessen »       

           Juge

Ottawa (Ontario)

Le 15 septembre 2004

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                           T-1622-01, T-1623-01 et T-1624-01

INTITULÉ :                            Olof A. Hallstrom, JR. et Hallco Manufacturing Company, Inc.

c. Trans-Isle Freightways, Inc.

c. DCT Chambers Trucking Ltd.

c. Arrow Transportation Systems, Inc.

DATE DE L'AUDIENCE :       2 septembre 2004

LIEU DE L'AUDIENCE :      Ottawa (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE HUGESSEN

DATE DES MOTIFS :           15 septembre 2004                              

COMPARUTIONS :

Bruce M. Green                                                POUR LES DEMANDEURS

Bruce E. Morgan                                               POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Oyen Wiggs Green & Mutala                 POUR LES DEMANDEURS

Vancouver (Colombie-Britannique)       

Gowling Lafleur Henderson s.r.l.                        POUR LES DÉFENDERESSES

Ottawa (Ontario)

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