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Date : 20001109


Dossier : IMM-356-00

TORONTO (Ontario), le jeudi 9 novembre 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN


ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

demandeur



et



ABDULLAH GHAFOUR SALEH


défendeur



ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'ordonnance rendue en faveur du défendeur le 17 janvier 2000 est annulée et son appel est renvoyé à la Section d'appel pour qu'une formation différemment constituée l'entende et le tranche à son tour.


« E. Heneghan »

                                         J.C.F.C.




Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.




Date : 20001109


Dossier : IMM-356-00


ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

demandeur



et



ABDULLAH GHAFOUR SALEH



défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE HENEGHAN


[1]      Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le demandeur) cherche à obtenir le contrôle judiciaire d'une décision, prise le 17 janvier 2000, dans laquelle R. Hoare, de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section d'appel) a accueilli l'appel que Abdullah Ghafour Saleh (le défendeur) a formé contre la mesure de renvoi prise contre lui le 4 mai 1999.

[2]      Le demandeur cherche à obtenir une ordonnance annulant la décision et prévoyant que l'appel soit entendu et tranché de nouveau par une formation différente de la Section d'appel, et enjoignant à la Section d'appel de déterminer sa compétence au regard de la conclusion que R. Hoare avait tirée, selon laquelle le défendeur n'est pas un résident permanent.

[3]      Le défendeur est un citoyen de l'Iraq. Il est venu au Canada en août 1995 en compagnie de son épouse et ses enfants. À cette époque, le défendeur et les autres membres de sa famille avaient en leur possession des visas d'immigrants valides. Après un séjour au Canada d'environ cinq semaines, la famille est rentrée au Moyen-Orient, où elle a vécu jusqu'à son retour au pays en juillet 1997.

[4]      Le défendeur, son épouse et ses enfants sont revenus au Canada en juillet 1997, après une absence de plus de 183 jours. Ils n'avaient pas de visas d'immigrants valides en leur possession ni de permis de retour pour résidents permanents. Leur entrée au Canada a donné lieu à une enquête qui a mené à l'établissement d'un rapport en vertu de l'alinéa 20(1)a) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée (la Loi). Ce rapport faisait état de l'avis de l'agent au point d'entrée selon lequel l'entrée du défendeur (et des autres membres de sa famille) au Canada serait contraire à la Loi et son règlement d'application. Ce rapport a donné lieu à une enquête au sujet du statut du défendeur conformément à l'alinéa 23(4.2)a) de la Loi.

[5]      Par suite d'une audition devant A. Maartens, l'arbitre, une décision a été rendue le 4 mai 1999 dans laquelle on concluait que le défendeur n'était pas un résident permanent. Une mesure d'exclusion a été prise contre le défendeur le 4 mai 1999. Cette mesure d'exclusion s'appliquait également aux trois enfants du défendeur, dont ce dernier était le représentant autorisé. Une mesure d'exclusion distincte a également été prise contre l'épouse du défendeur le 4 mai 1999.

[6]      Le 9 mai 1999, le défendeur et son épouse ont présenté des avis d'appel conformément à l'article 70 de la Loi en vue de former un appel devant la Section d'appel contre les mesures d'exclusion dont ils faisaient l'objet.

[7]      L'appel a été entendu le 12 janvier 2000 par R. Hoare, un membre de la Section d'appel. Dans une décision qu'elle a prise le 17 janvier 2000, la Section d'appel a accueilli l'appel et ordonné que les mesures d'exclusion soient annulées. La Section d'appel a rendu l'ordonnance suivante :

[TRADUCTION] ... Les mesures de renvoi prises le 4 mai 1999 sont conformes à la loi, mais, compte tenu de l'existence de motifs d'ordre humanitaire, les appelants ne doivent pas être renvoyés du Canada1.

[8]      Le demandeur cherche à obtenir le contrôle de cette ordonnance au motif que la Section d'appel a commis une erreur lorsqu'elle a déterminé sa compétence en vertu de l'article 70 de la Loi en considérant que l'appel était visé par le paragraphe 70(2), de sorte que les appelants pouvaient chercher à obtenir la réparation en equity que prévoit le paragraphe 70(3).

[9]      Le demandeur dit que la Section d'appel devait d'abord déterminer le statut du défendeur avant de trancher l'appel en fonction de l'equity, comme le prévoit l'alinéa 70(3)b).

[10]      Le défendeur a déposé un avis de comparution à l'égard de la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur. Il a également déposé un dossier de requête comprenant des observations. Cependant, il n'a pas comparu à l'audition de la présente demande, et des observations orales ont été faites seulement pour le compte du demandeur.

[11]      Il ressort clairement des motifs que la Section d'appel a agi en vertu du paragraphe 70(2) de la Loi. Il est également clair qu'elle n'aurait pas dû agir ainsi étant donné que ce paragraphe ne s'applique à un appel que lorsque l'intéressé est un réfugié au sens de la Convention ou encore une personne qui a en sa possession un visa canadien valide en tant qu'immigrant ou visiteur au Canada. À l'époque où ils sont revenus au Canada en juillet 1997, ni le défendeur, ni son épouse et ses enfants n'avaient de visas valides en leur possession. Le défendeur n'a jamais cherché à entrer au Canada en tant que réfugié au sens de la Convention, et l'alinéa 70(1)c) ne s'applique pas.

[12]      À mon avis, les observations du demandeur sur la question de la compétence sont fondées. La Section d'appel aurait dû d'abord examiner le statut du défendeur afin de déterminer comment l'appel serait traité. À cet égard, je renvoie à la décision Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Brendon Leeson Selby (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 161. Comme le défendeur ne remplissait pas les conditions préalables en vue de former un appel en vertu du paragraphe 70(2), la Section d'appel n'avait pas compétence pour entendre son appel aux termes de ce paragraphe. La Section d'appel n'avait pas le pouvoir d'accorder la réparation en equity que prévoit l'alinéa 70(3)b) étant donné que le paragraphe 70(3) ne s'applique qu'aux appels formés en vertu du paragraphe 70(2).

[13[      La Section d'appel aurait dû traiter de la question du statut du défendeur afin de déterminer quelles dispositions de l'article 70 s'appliquaient en l'espèce. La question préjudicielle est de savoir si le défendeur était un « résident permanent » à l'époque où la mesure d'exclusion a été prise, soit le 4 mai 1999. La réponse à cette question dépend de l'application de l'article 2 de la Loi, c'est-à-dire la définition de l'expression « résident permanent » , et des articles 24 et 25 de la Loi, qui exigent qu'il soit tenu compte de l'intention du défendeur pour ce qui est de son statut au Canada à l'époque où il a quitté le pays, en 1995.

[14]      L'appel aurait dû être traité sur la base du paragraphe 70(1) de la Loi. Ce paragraphe fournit également à l'appelant, à l'alinéa 70(1)b), une protection contre le renvoi automatique :

le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada.

[15]      Comme je l'ai déjà mentionné, le défendeur dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire est le principal représentant de ses trois enfants, qui l'ont accompagné au Canada. L'avis d'expulsion et l'appel ultérieurement formé visent le défendeur et ses enfants. L'issue de la présente demande s'appliquera également aux enfants du défendeur. Cependant, comme l'a souligné le demandeur à l'audition de la présente affaire, la présente demande ne mentionne pas l'épouse du défendeur en tant que défenderesse.

[16]      En l'absence d'une demande de contrôle judiciaire de la décision que la Section d'appel a prise au sujet de l'épouse du défendeur, la décision favorable qui a été rendue à son égard paraît toujours valide.

[17]      Pour conclure, j'estime que la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie. L'ordonnance qui a été rendue en faveur du défendeur le 17 janvier 2000 est annulée et son appel est renvoyé à la Section d'appel pour qu'une formation différemment constituée l'entende et le tranche à son tour. Je m'abstiendrai de donner des directives qui pourraient entraver l'exercice, par cette formation, de sa compétence, lorsqu'elle examinera le statut de « résident permanent » du défendeur au sens de la Loi.

[18]      L'avocate était d'avis que la présente demande de contrôle judiciaire ne soulève pas de question qui mérite d'être certifiée.

                                 « E. Heneghan »

                                     J.C.F.C.

Toronto (Ontario)

Le 9 novembre 2000.







Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Avocats inscrits au dossier


NO DU GREFFE :              IMM-356-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                     ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

                     et

                     ABDULLAH GHAFOUR SALEH


défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :          LE MARDI 7 NOVEMBRE 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE HENEGHAN

EN DATE DU :              JEUDI 9 NOVEMBRE 2000


ONT COMPARU :             

Mme A. Leena Jaakkimainen                      POUR LE DEMANDEUR

Aucune comparution                          POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

M. Morris Rosenberg                          POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada


Abdullah Ghafour Saleh

3655, Aristaway, pièce 1601

Mississauga (Ontario)

L5A 4A3                              POUR LE DÉFENDEUR

__________________

1      Dossier du tribunal , à la p. 10.

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