Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                              Date : 20040406

                                                                                                                  Dossier : IMM-4761-03

                                                                                                              Référence : 2004 CF 510

ENTRE :

                                              SARBJEET SINGH GILL, résidant au

                                             33, Maria, LaSalle (Québec) H8R 3Z7

                                                                                                                                        demandeur

                                                                             et

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                 ET DE L'IMMIGRATION, a/s ministère de la Justice,

                            complexe Guy-Favreau , 200, boul. René-Lévesque Ouest,

                                     Tour Est, 5e étage, Montréal (Québec) H2Z 1X4

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 28 mai 2003 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), qui a statué que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention ni une « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.


[2]         Sarbjeet Singh Gill (le demandeur) est un citoyen de l'Inde. Il allègue craindre avec raison dtre persécuté par la police de l'Inde du fait des opinions politiques qu'on lui attribue.

[3]         La Commission a conclu que le demandeur ntait pas un réfugié au sens de la Convention ni une « personne à protéger » parce qu'elle a conclu que sa demande ntait pas crédible.


[4]         En l'espèce, la Commission a très grandement mis en doute les allégations du demandeur quant aux circonstances dans lesquelles son père aurait été tué. En effet, la décision de la Commission s'appuie solidement sur des conclusions de fait relatives aux incohérences du récit du demandeur. Par exemple, le demandeur s'est contredit sur la date à laquelle la famille a reçu le corps du père. En réponse aux questions de la Commission, le demandeur a été incapable d'expliquer ces incohérences de façon satisfaisante. Le demandeur s'est aussi contredit en ce qui a trait au camion qui avait été saisi. Dans une partie de son récit, le demandeur affirme que le camion n'a jamais été récupéré et, dans une autre partie, il affirme que le camion a été récupéré près de Bangalore. Dans ce cas aussi, le demandeur n'a pas été capable de fournir une explication satisfaisante. La Commission a aussi noté le manque de familiarité du demandeur avec les faits entourant ses allégations de même que son incapacité de fournir des détails à l'appui de sa demande, et elle en a conclu que le demandeur ntait pas crédible. Finalement, la Commission n'a accordé aucune valeur probante à la plupart des documents déposés en raison des nombreuses incohérences qu'ils comportaient. Toutes ces incohérences relevées par la Commission avaient une importance cruciale pour la demande du demandeur parce qu'elles mettent en doute le fondement même de sa crainte de persécution, c'est-à -dire qu'elles jettent un doute sur les faits entourant la mort de son père et la disparition de son frère. La Commission a expliqué de façon claire ses motifs de douter de la crédibilité du demandeur en raison de ces incohérences et, par conséquent, je suis convaincu que la Commission a agi raisonnablement en concluant que le demandeur ntait pas crédible et que sa demande du statut de réfugié devait être rejetée.

[5]         Le demandeur soutient que les erreurs et les incohérences dans sa demande sont le résultat d'un problème inhérent aux demandes du statut de réfugié, soit le problème de l'interprétation. Dans Mohammadian c. Canada (M.C.I.), [2000] 3 C.F. 371, le juge Pelletier, maintenant juge à la Cour d'appel fédérale, a fait les commentaires suivants sur toute allégation du demandeur selon laquelle l'interprétation pendant l'audience, ou pendant toute autre procédure préliminaire, aurait été de mauvaise qualité :

[27]     [...] les plaintes portant sur la qualité de l'interprétation doivent être présentées à la première occasion, savoir devant la SSR, chaque fois qu'il est raisonnable de s'y attendre.

[28]     La question de savoir s'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'une plainte soit présentée est une question de fait, qui doit être déterminée dans chaque cas. Si l'interprète a de la difficulté à parler la langue du demandeur ou à se faire comprendre par lui, il est clair que la question doit être soulevée à la première occasion. Par contre, si les erreurs se trouvent dans la langue dans laquelle a lieu l'audience, que le demandeur ne comprend pas, il ne peut être raisonnable de s'attendre à ce qu'il y ait eu plainte à ce moment-là .

[6]         En l'espèce, le problème de l'interprétation aurait dû être soulevé devant la Commission. Au cours du témoignage que le demandeur a livré devant elle, la Commission lui a mis devant les yeux les incohérences de son récit et il a été incapable de fournir une réponse cohérente et crédible. Ce qui est encore plus important, c'est que le demandeur n'a pas soulevé le problème de l'interprétation devant la Commission alors même qu'on lui mettait sous les yeux ses propres contradictions. Logiquement, le demandeur aurait dû alors se plaindre à la Commission au cours de l'audience, et il ne peut pas maintenant s'attendre à ce que la Cour se contente de cette allégation pour toute explication des nombreuses incohérences de sa demande.


[7]         Pour les motifs exposés ci-dessus, je suis d'avis que la Commission n'a commis aucune erreur manifestement déraisonnable dans sa façon de traiter l'affaire. La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée.

« Yvon Pinard »

                                                                    

       Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 6 avril 2004

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-4761-03

INTITULÉ :                                                     SARBJEET SINGH GILL

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                           19 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                                  LE 6 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Jean-François Bertrand                                POUR LE DEMANDEUR

Daniel Latulippe                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bertrand Deslauriers                                                 POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.