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     Date : 19980113

     T-29-97

ENTRE :

     ROBERT C. HENDERSON,

     requérant,

     - et -

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ

[1]      Le requérant demande le contrôle judiciaire d'une décision par laquelle le Tribunal des anciens combattants (Révision et appel) du Canada (le Tribunal) a refusé, le 30 septembre 1996, de réexaminer sa décision en date du 7 juillet 1995.

[2]      Le requérant, qui a plaidé lui-même sa cause, a accompli du service dans la Gendarmerie royale du Canada du 21 août 1964 au 24 juillet 1978. Au cours de son entraînement à Regina, en 1964, il s'est blessé au genou droit. Le 24 janvier 1991, il a demandé pour la première fois des prestations d'invalidité à la Commission canadienne des pensions en vertu du paragraphe 32(1) de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-11, affirmant souffrir d'une tendinite rotulienne au genou droit. Il s'appuyait sur une opinion médicale du Dr Robert G. Grey, un spécialiste en orthopédie, qui avait diagnostiqué sa tendinite rotulienne.

[3]      L'opinion médicale de la Division des consultations médicales en matière de pensions du ministère des Anciens combattants, datée du 1er août 1991, portait que [Traduction] " ...l'affection à l'étude, diagnostiquée pour la première fois longtemps après la libération de l'intéressé, n'a aucun lien avec la douleur au genou transitoire qu'il a éprouvée au début de sa période de service. " La Commission a rendu sa décision le 29 août 1991. Elle a souligné que l'affection à l'étude du requérant n'avait été diagnostiquée que plus de douze ans après sa libération de la G.R.C. (et quelque vingt-six ans après l'accident) et elle a conclu que cette affection n'ouvrait pas droit à pension.

[4]      Par la suite, le requérant a porté sa plainte devant le Comité d'examen de la Commission canadienne des pensions, qui a conclu que son affection ne lui donnait pas droit à pension, le 16 novembre 1992. Après avoir obtenu une preuve médicale additionnelle du Dr Grey, le requérant a porté cette décision en appel devant le Tribunal d'appel des anciens combattants (devenu le Tribunal des anciens combattants (Révision et appel)) qui a confirmé la décision du Comité d'examen, le 2 décembre 1993.

[5]      Le requérant a alors obtenu une opinion médicale du Dr Peter King, un généraliste diplômé en médecine sportive, le 17 février 1994. Dans sa lettre, le Dr King a conclu que le requérant " ...pouvait souffrir des conséquences de sa blessure initiale subie en 1964. " Fort de cette opinion médicale, le requérant a présenté une nouvelle demande, le 30 mai 1994, au Tribunal d'appel des anciens combattants, qui a réexaminé sa décision antérieure. Le 16 décembre 1994, le Tribunal a confirmé sa décision antérieure.

[6]      Le 20 mars 1995, le Dr King a rédigé un deuxième rapport médical dans lequel il soulignait l'importance de reconnaître que le tendon rotulien fait partie de l'appareil fémoro-rotulien. Dans cette lettre, le Dr King affirme : [Traduction] " Je demeure convaincu que M. Henderson souffre du syndrome fémoro-rotulien douloureux et que cette affection résulte de sa blessure initiale. " S'appuyant sur ce deuxième rapport, le requérant a présenté une troisième demande de réexamen au Tribunal d'appel des anciens combattants, lui demandant de substituer un diagnostic de " syndrome fémoro-rotulien " au diagnostic de " tendinite rotulienne ". Le 7 juillet 1995, le Tribunal d'appel des anciens combattants a conclu que la nouvelle preuve émanant du Dr King ne changeait rien au fait que la douleur que le requérant éprouvait au genou n'était pas liée à son service dans la G.R.C.

[7]      Enfin, le 15 août 1995, le requérant a présenté sa quatrième demande au Tribunal, devenu alors le Tribunal des anciens combattants (Révision et appel), et le Tribunal a confirmé sa décision du 7 juillet 1995, le 30 septembre 1996. C'est cette dernière décision qui est contestée.

[8]      La demande de contrôle judiciaire s'appuie sur l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale et porte que le Tribunal a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments dont il disposait. Le principal moyen invoqué par le requérant, exprimé avec plus de précision, porte que le Tribunal n'a pas tenu compte des deux opinions du Dr King.

[9]      Dans sa décision, qui comporte 15 paragraphes, le Tribunal a relaté les demandes et appels déposés par le requérant et il a affirmé qu'il [Traduction] " ...ne voit pas la nécessité de récapituler le fondement factuel de la demande, compte tenu que l'affaire a été examinée à de nombreuses reprises. " Il a ensuite mentionné de façon assez détaillée le diagnostic et l'opinion du conseiller médical en matière de pensions, énoncés dans son rapport du 1er août 1991. La seule remarque faite par le Tribunal concernant le Dr Peter King se trouve dans le paragraphe suivant :

         [Traduction] L'avocat régional a attiré l'attention du Tribunal sur la remarque du Comité d'examen portant qu'aucune preuve médicale ne tendait à établir un lien entre l'incident survenu en 1964 et l'incapacité actuelle. L'avocat régional a remis au Tribunal le Rapport du Dr Peter King en date du 20 mars 1995 (qui se trouve à la page 17 du Mémoire), et il a attiré l'attention du Tribunal sur le fait que ce rapport trouvait appui dans celui rédigé par le Dr Grey, le 8 septembre 1993 (qui se trouve à la page 38 du Mémoire)." (non souligné dans le texte original)                 

Le Tribunal a ensuite conclu, dans le dernier paragraphe :

         [Traduction] Quoi qu'il en soit, le Tribunal a examiné et évalué minutieusement les décisions antérieures. Il est convaincu que le Tribunal a examiné l'affaire qui lui était soumise de la façon la plus consciencieuse et en conformité avec les dispositions pertinentes en vertu de la Loi. Certes, certains des termes utilisés et certaines des conclusions tirées auraient pu être énoncés différemment. Toutefois, il n'en résulte pas une erreur de fait. De toute évidence, le Tribunal a traité l'affaire dont il était saisi de façon très consciencieuse et notre Tribunal conclut à l'absence d'erreur de fait, selon la Loi, qui commanderait l'annulation de la décision. En conséquence, la décision rendue par le Tribunal d'appel des anciens combattants le 7 juillet 1995 est confirmée.                 

[10]      Il faut souligner que le Tribunal mentionne expressément le deuxième rapport du Dr Peter King en date du 20 mars 1995, mais ne fait aucune allusion à son premier rapport daté du 17 février 1994. La véritable question à trancher est donc celle de savoir si cette omission porte atteinte à la validité de la décision du Tribunal.

[11]      Malheureusement pour le requérant, ce n'est pas le cas. Il est bien établi qu'un tribunal n'est pas tenu de tirer expressément une conclusion par écrit sur chacun des éléments qui l'ont mené à sa conclusion finale. Voir les arrêts Union internationale des employés des services, Local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Association of Nipawin et al., [1974] 1 W.W.R. 653 (C.S.C.) et Maclean Hunter Limited c. Sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise, [1988] 1 C.T.C. 174 (C.A.F.). Un tribunal n'est pas tenu d'énumérer tous les documents qu'il a consultés ni tous les faits dont il a tenu compte. Il existe une présomption selon laquelle le Tribunal a examiné tous les documents qui lui ont été soumis et, en l'espèce, le dossier indique que les deux rapports du Dr King étaient inclus dans les documents soumis au Tribunal. De plus, dans les deux derniers paragraphes de sa décision, précitée, le Tribunal déclare avoir " examiné et évalué minutieusement les décisions antérieures. " Les décisions antérieures du Tribunal renvoyaient expressément aux deux opinions du Dr King.

[12]      Dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un tribunal, il ne revient pas à la Cour de substituer sa propre décision à celle du tribunal inférieur, à moins que cette décision soit déraisonnable et, dans le cas d'un tribunal spécialisé comme le Tribunal en l'espèce, à moins qu'elle soit manifestement déraisonnable. La Cour ne peut intervenir en l'espèce, car le Tribunal pouvait de toute évidence rendre la décision qu'il a rendue. Après tout, le Tribunal n'était pas tenu d'accepter l'opinion du Dr King en lui donnant préséance sur les autres opinions et décisions déjà versées au dossier. Par conséquent, malgré toute la sympathie que j'ai pour le requérant, qui a eu le courage de plaider lui-même sa cause, je ne puis conclure que la décision du Tribunal n'était pas raisonnable dans les circonstances.

[13]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire ne peut être accueillie.

                                         (Signé) " J.E. Dubé "

                                         Juge

13 janvier 1998

Vancouver (Colombie-Britannique)

Traduction certifiée conforme :

François Blais, LL.L.


     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DATE :                  9 janvier 1998
NUMÉRO DU GREFFE :          T-29-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      ROBERT C. HENDERSON
                     c.
                     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDITION :          Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE DUBÉ

                         en date du 13 janvier 1998

ONT COMPARU :

     M. Robert Henderson          pour le requérant
     Me Stacey Silber              pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Donald W. Skogstad          pour le requérant
     Nelson, C.-B.
     Farris, Vaughn, Wills
     & Murphy                  pour l'intimé
     Vancouver (C.-B.)
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