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Date : 19980414


Dossier : IMM-2222-97

Ottawa (Ontario), le 14 avril 1998

EN PRÉSENCE DU JUGE MULDOON

ENTRE :

     MARGARET MARY BRAGANZA,

     requérante,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

     VU la demande de contrôle judiciaire qui a été entendue à Toronto le 25 mars 1998, en présence des avocats de chaque partie;

     APRÈS avoir entendu les allégations des avocats et reporté le prononcé de sa décision,


     LA COUR STATUE COMME SUIT :

1)      la décision de refus en date du 11 février 1998 (dossier B032994323 - Colombo) qui a été communiquée à la requérante des mois plus tard est annulée;

2)      la demande du droit d'établissement (résidence permanente) au Canada de la requérante devra être réexaminée par un agent des visas différent conformément à la Loi sur l'immigration de 1985, au Règlement sur l'immigration de 1978 et aux principes d'interprétation énoncés dans les motifs joints à la présente ordonnance;

3)      le nouvel agent mentionné ci-dessus devra, en plus de ce qui précède, a) réexaminer le dossier de la demande de la requérante qui a été déposé aux présentes, b) informer la requérante de ses préoccupations au sujet de la demande en question, le cas échéant, afin de lui permettre d'y répondre entièrement, c) appliquer les règles de droit en vigueur à la date à laquelle la demande était admissible, avant les modifications apportées aux exigences, conformément auxdits motifs, d) accorder une attention particulière à tous les facteurs qui favorisent la requérante en ce qui a trait à l'"expérience", à l'"éducation" et à la "personnalité", e ) interroger patiemment la requérante à un moment et à un endroit qui lui conviennent (et lui payer les frais qu'elle doit engager pour cet interrogatoire), f) évaluer la


demande de résidence permanente dans toute autre catégorie pour laquelle la requérante demande une évaluation et dont elle estime l'examen utile à sa cause.

                             F.C. Muldoon

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


Date : 19980414


Dossier : IMM-2222-97

ENTRE :

     MARGARET MARY BRAGANZA,

     requérante,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 82.1(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, à l'égard d'une décision d'un agent des visas (BO32994323) en date du 11 février 1997 qui a été communiquée à la requérante le 5 mai 1997 et qui avait pour effet de refuser la demande de résidence permanente de celle-ci.

[2]      La requérante demande une ordonnance portant annulation de la décision et renvoi de l'affaire à un autre agent des visas pour nouvel examen.

[3]      Le 5 décembre 1995, la requérante a présenté une demande de résidence permanente à titre de coordonnatrice d'activités parascolaires (CCDP 2339-114). La requérante a obtenu un diplôme de l'université de Calcutta en 1984 et est titulaire d'un certificat en enseignement. Après avoir terminé ses études, la requérante a travaillé à la Calcutta School of Music (école de musique) de Calcutta comme enseignante en musique. De plus, elle a travaillé à la Loreto Day School (école de jour) de Calcutta comme coordonnatrice des activités de 1981 jusqu'à 1992. À ce titre, elle devait coordonner les assemblées spéciales, les événements culturels ainsi que les activités parascolaires. En 1992, la requérante a quitté l'Inde pour travailler dans les Emirats arabes unis à la Modern High School (collège moderne) comme enseignante, chef d'orchestre et coordonnatrice d'activités parascolaires. La requérante exerce toujours ces fonctions au collège moderne.

[4]      Le 23 janvier 1996, la demande a fait l'objet d'une sélection administrative. Au cours de l'évaluation initiale de sa demande, la requérante a obtenu 69 points, dont six pour le facteur de l'expérience.

[5]      La requérante a été convoquée à une entrevue qui a eu lieu le 12 mars 1996. Au cours de l'entrevue, l'agent des visas, Michael MacKenzie, a conclu que, même si la requérante était une enseignante expérimentée, elle ne respectait pas les exigences de la description de poste de la CCDP en ce qui a trait au poste de "coordonnateur d'activités parascolaires", lequel est défini comme suit dans la CCDP :

     Planifie et organise des activités d'ordre social, culturel ou récréatif de concert avec des groupes d'étudiants.         
     S'entretient avec les étudiants et les représentants des facultés pour organiser certaines activités. Examine les programmes et suggère des modifications. Établit le calendrier de manière à éviter le chevauchement avec les réunions sportives prévues et les autres activités de l'établissement. Prend contact avec des traiteurs, des artistes, des décorateurs ou d'autres personnes afin d'organiser les manifestations envisagées. Participe à la réalisation de programmes d'accueil et d'orientation pour les nouveaux étudiants. Conseille les organisations étudiantes sur l'état de leurs finances et leur suggère des améliorations. Encourage les étudiants à prendre part aux activités d'ordre social, culturel ou récréatif. Prépare et diffuse un calendrier des affaires étudiantes. Conseille les étudiants, individuellement ou en groupe, sur l'organisation de leurs loisirs et le choix de leurs activités sociales.         

[6]      L'agent des visas a demandé à la requérante de lui fournir les descriptions de poste de son employeur précédent et de son employeur actuel. Même si elle a accepté de fournir une description de poste de son employeur précédent, la requérante ne voulait pas que son employeur actuel sache qu'elle avait présenté une demande en vue d'obtenir le droit de s'établir au Canada, afin de ne pas mettre en péril son emploi à Dubaï.

[7]      Le 16 mai 1996, l'agent des visas a reçu la description de poste de l'école de jour Loreto. Après avoir lu la lettre, il a conclu que la requérante ne respectait pas la définition du coordonnateur d'activités parascolaires figurant dans la CCDP. Au paragraphe 17 de son affidavit (page 4 du dossier de l'intimé), l'agent s'exprime comme suit :

     [TRADUCTION] Le 16 mai 1996, j'ai reçu d'Inter-Connections Canada Inc. la description de poste que j'avais demandée à l'école de jour Loreto. Le 17 mai 1997 [sic], j'ai lu attentivement la description de poste fournie par l'école en question et j'ai conclu qu'elle ne permettait pas de dire que la requérante respectait les exigences du poste de "coordonnateur d'activités parascolaires". La description de l'école ne renfermait aucun des éléments clés de la définition de la CCDP, comme : "Participe à la réalisation de programmes d'accueil et d'orientation pour les nouveaux étudiants", "Conseille les organisations étudiantes sur l'état de leurs finances et leur suggère des améliorations" et "Prépare et diffuse un calendrier des affaires étudiantes". Par conséquent, dans l'ensemble, j'en suis arrivé à la conclusion que la requérante ne respectait pas les exigences de la profession qu'elle envisageait d'exercer au Canada.         

[8]      Même s'il a conclu que la requérante n'était pas visée par la définition du coordonnateur d'activités parascolaires, l'agent des visas a décidé de ne pas envoyer la lettre de refus immédiatement, parce qu'il attendait la décision que devait rendre la Section de première instance dans l'affaire Jetha c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, IMM-1049-96 (3 octobre 1996), qui concernait un enseignant ayant demandé le droit de s'établir au Canada comme agent d'activités parascolaires.

[9]      En juin 1996, l'agent des visas a quitté Colombo et n'est nullement intervenu par la suite dans le dossier, sauf pour signer un affidavit aux fins de la demande de contrôle judiciaire.

[10]      Madame le juge McGillis a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée dans l'affaire Jetha le 3 octobre 1996. Un autre agent des visas, Alain Gingras, a examiné le dossier de la requérante et conclu que le premier agent des visas avait l'intention de refuser à la requérante le droit de s'établir au Canada parce que celle-ci n'était en réalité qu'une enseignante qui tentait de s'établir au Canada comme coordonnatrice d'activités, compte tenu de la décision qui avait été rendue dans l'affaire Jetha. En se fondant sur ce raisonnement, l'agent des visas Gingras a préparé la lettre de refus le 21 janvier 1997. Cette lettre a été signée le 11 février 1997 et postée à la requérante le 21 avril de la même année. Voici l'extrait pertinent de cette lettre (pages 49 et 50, DD) :

     [TRADUCTION] La présente évaluation est préparée à l'aide des notes que l'agent des visas avait inscrites dans le système informatique lors de l'entrevue. Vous avez été évaluée pour le poste de "coordonnatrice d'activités parascolaires" (CCDP 2339-114) et vous avez obtenu les points d'appréciation suivants :         

     Âge                          10

     Demande dans la profession              05

     Préparation professionnelle spécifique          11

     Expérience                      00

     Emploi réservé                      00

     Facteur démographique                  08

     Éducation                      13

     Connaissance de l'anglais              09

     Connaissance du français                  00

     Personnalité                      06

     Points bonis                      05

     Total                          67

     Vous n'avez obtenu aucun point pour le facteur de l'expérience étant donné que vos fonctions, d'après la description qui en a été faite au cours de l'entrevue et dans votre lettre de références, ne correspondaient pas, dans l'ensemble, à celles qui figurent dans la CCDP sous le numéro 2339-114. De l'avis de l'agent qui vous a interrogée, vos fonctions correspondent davantage à celles de l'instituteur d'école primaire, en général (CCDP 2731-110), occupation pour laquelle il n'y a aucune demande.         

[11]      Par suite de ce refus, la requérante soulève les questions suivantes dans la présente demande de contrôle judiciaire :

     [TRADUCTION]         
     1.      L'agent des visas a-t-il commis une erreur de droit en concluant que la requérante n'était pas une coordonnatrice d'activités parascolaires parce que la description de ses tâches ne faisait pas état des éléments clés de la description de la CCDP, comme l'a soutenu l'agent?         
     2.      Y a-t-il eu manquement aux principes d'équité procédurale du fait que l'agent des visas qui a rendu la décision n'a pas interrogé la requérante?         
     3.      Le retard de l'intimé à poster la décision a-t-il causé un préjudice irréparable à la requérante du fait que la profession qu'elle envisage d'exercer, soit coordonnatrice d'activités parascolaires, ne figure plus dans la CCDP (aujourd'hui la Classification nationale des professions)?         

1.      Erreur de droit : interprétation rigoureuse de la définition de la CCDP

[12]      Le principal argument de la requérante est le fait que l'agent des visas a commis une erreur lorsqu'il a conclu qu'elle ne respectait pas la définition du "coordonnateur d'activités parascolaires" qui figure dans la CCDP. Selon l'avocat de la requérante, l'agent des visas a "catalogué" celle-ci en se fondant sur la décision rendue dans l'affaire Jetha simplement parce que les faits étaient similaires, sans évaluer séparément les qualités de la requérante. En effet, dans son affidavit, Michael MacKenzie a déclaré que la requérante ne respectait pas toutes les exigences du poste. Plus précisément, voici comment Michael MacKenzie s'est exprimé dans son affidavit :

     [TRADUCTION] Même s'il m'a semblé qu'elle exerçait quelques-unes des tâches, notamment "Établit le calendrier de manière à éviter le chevauchement avec les réunions sportives prévues et les autres activités de l'établissement" et "Prend contact avec des traiteurs, des artistes, des décorateurs ou d'autres personnes, afin d'organiser les manifestations envisagées", ces activités ne couvrent pas l'ensemble des activités de la description. Aucune activité liée à des organisations étudiantes n'a été mentionnée. Je ne crois pas que la documentation fournie prouve que Mme Braganza respectait les exigences du poste de "coordonnateur d'activités parascolaires".         

Plus loin, il a ajouté ce qui suit :

     [TRADUCTION] La description de l'école ne renfermait aucun des éléments clés de la définition de la CCDP comme "Participe à la réalisation de programmes d'accueil et d'orientation pour les nouveaux étudiants", "Conseille les organisations étudiantes sur l'état de leurs finances et leur suggère des améliorations" et "Prépare et diffuse un calendrier des affaires étudiantes". Par conséquent, dans l'ensemble, j'en suis arrivé à la conclusion que la requérante ne respectait pas les exigences de la profession qu'elle envisageait d'exercer au Canada.         

     La requérante soutient que c'est là une interprétation trop "littérale" de la définition énoncée dans la CCDP. Au soutien de cet argument, elle invoque l'arrêt Muntean c. Canada (1995), 103 F.T.R. 12, où le juge Cullen a formulé les remarques suivantes à la page 16 :

     Je conviens avec le requérant qu'il faut interpréter littéralement les descriptions CCDP et qu'il n'est pas nécessaire d'être en mesure de s'acquitter des tâches énumérées dans telle ou telle description pour réunir les conditions requises pour une profession donnée. Si l'agent des visas applique de façon mécanique les descriptions CCDP et exige que le requérant ait fait chacune des tâches énumérées, on pourrait dire qu'il a limité de son propre chef l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en la matière.         

[13]      Dans l'arrêt Muntean, le juge Cullen a décidé que l'agente des visas n'avait pas commis d'erreur en évaluant le requérant comme mécanicien d'automobiles même s'il avait la formation académique d'un ingénieur. Dans l'arrêt Nunes c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, IMM-2749-96, décision datée du 9 avril 1997, le juge McKeown a cité et approuvé l'arrêt Muntean. Toutefois, ce jugement portait sur la question de savoir si un agent des visas est tenu d'évaluer un requérant dans la catégorie d'emploi qu'il avait choisie. Dans cette affaire, l'agent des visas n'avait pas évalué le requérant relativement à la profession qu'il envisageait d'exercer, soit agent d'administration, parce qu'il croyait à tort que l'expérience de travail du requérant se limitait à des fonctions de commis aux écritures. L'agent a donc évalué celui-ci comme commis de bureau général. Faisant droit à la demande, le juge McKeown a cité l'arrêt Muntean pour affirmer à son tour qu'il n'est pas nécessaire qu'un agent des visas applique à la lettre la définition d'une profession qui figure dans la CCDP.

[14]      Sur ce point, la requérante ajoute que l'agent des visas n'a pas tenu compte du fait qu'elle exerçait les principales fonctions d'un coordonnateur d'activités parascolaires. Elle invoque la lettre fournie par l'école de jour Loreto, laquelle prouve qu'elle exerçait les fonctions essentielles de ce poste (pages 35 à 37 du dossier de la demande).

[15]      L'intimé réplique qu'il n'appartient pas à un juge siégeant en révision de disséquer les éléments de l'expérience d'une partie requérante et de les comparer avec la définition de la CCDP. L'intimé cite l'arrêt Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 1, où le juge McIntyre a formulé les commentaires suivants aux pages 7 et 8 :

     C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.         

[16]      Même si la règle citée par l'intimé énonce sans doute le critère qu'un juge de révision doit respecter, elle n'interdit certainement pas d'examiner la façon dont un pouvoir discrétionnaire est exercé. Compte tenu de l'arrêt Muntean, l'agent des visas doit procéder à une évaluation lui permettant de décider si la partie requérante respectait les exigences essentielles du poste pour pouvoir conclure, d'après la prépondérance de la preuve, que ses fonctions correspondent à celles de ce poste. Dans la présente affaire, il semble que cette évaluation n'a pas été faite. L'affidavit de l'agent des visas indique que celui-ci a appliqué la définition de façon mécanique sans évaluer les qualités de la requérante. De plus, en attendant le résultat de l'affaire Jetha, laquelle concernait un enseignant qui cherchait à obtenir le droit de s'établir au Canada comme coordonnateur d'activités parascolaires, l'agent des visas semble avoir présumé qu'aucune personne dont les tâches comportent un élément d'enseignement n'est admissible à entrer au Canada comme coordonnateur d'activités parascolaires, que ses qualités respectent ou non la définition de ce poste.1

[17]      Bien que cette lettre soit longue, la Cour reproduit en entier la lettre en date du 17 avril 1996 reçue de l'école de jour Loreto et signée par Soeur Bernadette, I.B.V.M., principale de l'établissement :

     [TRADUCTION] Mme Margaret Mary Braganza était membre actif du personnel de l'école de jour Loreto, située à Elliot, Road à Calcutta. Elle était responsable du développement général de l'école et du développement des enfants de tous les niveaux. À titre de coordonnatrice, elle s'occupait d'organiser, de surveiller et de coordonner les activités de l'école.         
     Voici une description détaillée des fonctions qu'elle exerçait :         
     ORGANISATION DES JOURS DE FÊTE ET DES JOURNÉES IMPORTANTES.         
    

Journée nationale, journée de l'indépendance, journée des enseignants et festivals indiens

A coordonné les assemblées spéciales, les événements culturels et les expositions et s'est occupée des décors et des mesures relatives à la disposition des sièges de la grande salle.


Journée portes ouvertes

A surveillé les loisirs et les expositions présentées par les enfants, a rencontré les parents et les enseignants et a organisé les goûters.


Journée annuelle des sports

A coordonné les épreuves d'adresse et les épreuves athlétiques, a conçu une brochure du programme et a acheté les prix et les certificats.


Fête annuelle

A participé aux activités de financement et a organisé toute la fête, notamment en ce qui a trait à la nourriture, aux loisirs et au kiosque d'artisanat.

     ACTIVITÉS CULTURELLES.         
     .      A coordonné les activités scolaires des élèves plus âgés faisant partie d'organisations scolaires, notamment dans les domaines de l'art dramatique, de la musique, de l'art oratoire, de la littérature, de l'art culinaire, du tricot, de l'artisanat et des jeux, y compris le basketball, le tennis de table, le "throw-ball", le hockey et les jeux d'intérieur; a organisé des compétitions entre les organisations et les écoles ainsi que des jeux.         
     .      A mis sur pied un comité d'enseignants et d'étudiants et organisé un festival inter-écoles offrant plusieurs compétitions, notamment dans les domaines de la musique (musique occidentale et musique orientale), des jeux-questionnaires, de l'art dramatique et de l'art oratoire. A aidé et conseillé d'autres écoles (St. Xaviers, St. James et Loreto) relativement à la préparation de leurs festivals.         
     .      A planifié et organisé des sorties à des endroits comportant un intérêt spécial, que ce soit en raison de leur importance ou de leur beauté naturelle, ainsi qu'à des endroits champêtres, et a préparé le budget s'y rapportant.         
     .      A organisé des camps de deux semaines pendant les vacances d'été, notamment quant aux jeux, aux excursions et aux activités de baignade, de karaté et de musique.         
     .      A surveillé les activités parascolaires après les heures de cours et coordonné un programme de cette nature notamment dans les domaines de la natation, de la dactylographie, du tricot et de la musique.         
     MUSIQUE         
     .      A dirigé des spectacles de musique et un programme de Noël chaque année.         
     .      A conseillé d'autres écoles relativement à l'organisation de jeux ainsi que de festivals et de concours de musique.         
     .      Était responsable de la chorale de l'école et a enseigné la musique et le chant.         
     .      A organisé des concours pour les élèves de tous les niveaux.         
     ASPECTS SOCIAUX         
     .      A encouragé les enfants à rester à l'étude le soir.         
     .      A organisé une aide spéciale à l'intention des enfants ayant des difficultés d'apprentissage.         
     .      A guidé les enfants qui avaient besoin d'aide et de conseils sur le plan académique et a recommandé les enfants à certains pensionnats.         
     .      A participé au programme de parrainage de l'école et assuré la liaison avec des donateurs de l'Australie, de la Belgique et du SCF (Save the Children Fund); a également travaillé en collaboration avec la ISSA (Indian Society for Adoption - société d'adoption de l'Inde).         
     ASPECTS ADMINISTRATIFS         
     .      A participé à l'admission et au recrutement du personnel.         
     .      A participé à la planification du calendrier scolaire en y intégrant les activités susmentionnées et d'autres activités liées aux examens et aux congés.         
     .      A élaboré et planifié les horaires et programmes de cours.         
     .      A planifié les séminaires et les cours de l'établissement dans des domaines comme les méthodes d'enseignement progressif, la lecture et l'écriture ainsi que le développement de la personnalité.         
     .      A travaillé en collaboration avec le centre d'enseignants -- "A Progressive Educational Techniques Society" de Calcutta.         
     .      A participé à l'établissement général du budget, a obtenu des fonds de différentes sociétés pour les activités parascolaires et a utilisé les fonds en question pour acheter le matériel pédagogique nécessaire.         
     Margaret a généralement exercé ses fonctions avec sincérité et conviction. Son dévouement constant et son grand sens de l'organisation étaient remarquables.         

     Une comparaison de la définition du coordonnateur d'activités parascolaires de la CCDP avec la description de tâches de l'école Loreto démontre à quel point l'évaluation de l'agent des visas était rigide, peu judicieuse et fondamentalement erronée. Les paragraphes 13 et 17 indiquent que l'agent a mal compris les exigences de la CNP.

[18]      Ainsi, l'omission d'accorder des points pour l'expérience frôle la mauvaise foi et est fondamentalement inéquitable. La requérante avait et a droit à une évaluation juste et raisonnable et non à une évaluation qui fait intervenir de facteurs "non pertinents et externes" par une exclusion rigide des facteurs pertinents et internes, suivie d'un examen de facteurs incomplets! L'agent des visas a examiné les éléments des tâches de façon isolée sans tenir compte de l'ensemble des fonctions. L'évaluation attaquée est contraire à la logique et découle d'une faute de prévarication.

Manquement aux principes d'équité procédurale

[19]      La requérante soutient qu'elle a également été victime d'un manquement aux exigences de l'équité procédurale, étant donné que l'agent des visas qui l'a interrogée n'était pas celui qui a signé la lettre de refus.

[20]      Au soutien de cet argument, la requérante invoque les arrêts Sorkhabi c. Canada (Secrétariat d'État) (1994), 26 Imm. L.R. (2d) 287, et Pangli c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1987) 4 Imm L.R. (2d) 266 (C.A.F.). Dans l'arrêt Pangli, la Cour d'appel a statué qu'il y avait eu déni de justice fondamentale aux termes de l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, étant donné que l'agent d'immigration qui a refusé la demande de parrainage du père de l'appelante ne l'avait jamais interrogé. L'avocat de la requérante a soutenu à tort que, compte tenu de cette décision, il était nécessaire dans tous les cas que l'agent des visas qui interroge une partie requérante soit la personne qui signe la lettre de refus. Ce que l'avocat ne mentionne pas, c'est que, dans l'arrêt Pangli, une preuve contradictoire avait été présentée quant aux intentions du père de la requérante, de sorte qu'une évaluation de la crédibilité devait être faite. La Cour d'appel a décidé que, dans ces circonstances, il était nécessaire que l'agent des visas appelé à rendre la décision soit aussi la personne ayant interrogé le requérant. Aux pages 272 et 273, le juge Heald s'est exprimé comme suit :

     Étant arrivé à cette conclusion, je souligne que je l'ai tirée compte tenu des circonstances plutôt particulières de l'espèce. Dans la plupart des cas, il est possible pour le fonctionnaire de l'immigration de prendre une décision en se fondant sur le dossier dont il dispose et sur ses entrevues avec les gens concernés. Toutefois, dans des circonstances comme celles-ci où le dossier écrit n'est pas décisif mais est plutôt très ambigu, je ne vois pas comment l'agent ou les agents d'immigration tenus de prendre la décision visée au paragraphe 79(1) pourraient le faire en conformité avec les principes de justice fondamentale sans tenter de tirer au clair la contradiction ou l'ambiguïté en cause.         

[21]      Dans l'arrêt Sorkhabi, le juge Gibson a infirmé une décision d'un agent d'immigration, mais non pour les motifs invoqués par la requérante. Dans cette affaire, l'agente d'immigration qui a refusé la demande de la requérante n'était pas la personne qui avait interrogé celle-ci. Aux pages 290 et 291 de cette décision, le juge Gibson a formulé les remarques suivantes :

     Je voudrais commenter une autre question soulevée dans les documents dont je dispose mais qui n'a pas été débattue devant moi. Compte tenu de la lettre de notification signée par une personne autre que l'agente d'immigration qui a soumis la requérante et son avocat à une entrevue, l'avocat de la requérante a soulevé l'idée qu'il y avait eu violation du principe selon lequel [TRADUCTION] "celui ou celle qui est saisi d'une affaire doit décider". Dans son affidavit déposé à la Cour, l'agente d'immigration qui a soumis la requérante à une entrevue a déclaré solennellement que c'était elle qui décidait. Toutefois, la lettre de notification signée par un autre agent dit notamment [TRADUCTION] "... J'ai décidé qu'il n'existait pas suffisamment de considérations humanitaires pour justifier qu'une telle exemption soit demandée". Je n'ai aucune raison de douter de la déposition sous serment selon laquelle celle qui était saisie de l'affaire décidait. Cela étant, il est bien malheureux que la lettre de notification dise autrement.         

[22]      Compte tenu de ces deux décisions, la requérante fait valoir que l'agent d'immigration qui interroge la partie requérante doit, dans tous les cas, être la personne qui prend la décision. Cependant, aucune des deux décisions citées ne permet de tirer cette conclusion. Ce qui ressort de l'arrêt Pangli, c'est que, lorsque la preuve est contradictoire ou que la crédibilité d'une personne est contestée, l'agent d'immigration qui interroge une partie requérante doit être la personne qui rendra la décision. Dans la même veine, il appert de l'arrêt Sorkhabi que, lorsque des raisons d'ordre humanitaire doivent être évaluées, l'agent qui interroge la partie requérante doit également rendre la décision. Apparemment, lorsqu'il est nécessaire de faire une évaluation de la personne elle-même et non de ses qualités, l'agent qui l'interroge doit aussi être celui qui se prononce. Cela étant dit, il ne semble pas que la personne qui signe la lettre de refus doive automatiquement être celle qui a interrogé la partie requérante.

[23]      Dans le cas sous étude, il existe un problème que la requérante n'a pas soulevé. En effet, il n'y a aucune allusion, dans le dossier du tribunal, aux points que l'agent a attribués pour le "facteur de la personnalité" dont il est fait mention dans la SIICI. Pourtant, la requérante a obtenu six points pour ce facteur lors de son évaluation. Le facteur de la personnalité est décrit comme suit :

     [TRADUCTION] Des points d'appréciation seront accordés par suite d'une entrevue menée auprès de la personne en fonction de la mesure dans laquelle celle-ci et les personnes à sa charge peuvent s'établir avec succès au Canada, compte tenu de qualités comme la facilité d'adaptation, la motivation, l'esprit d'initiative et l'ingéniosité.         

[24]      La personnalité doit être évaluée au cours d'une entrevue. Cette évaluation semble être trop faible, mais un autre agent des visas aura l'occasion de la réexaminer. Cependant, la décision attaquée n'est pas annulée pour ce motif. Dans son affidavit, l'agent des visas qui a signé la décision contestée n'accepte aucune responsabilité quant à l'attribution des points et soutient plutôt que c'est l'agent de l'entrevue qui en est responsable.

3.      Date de la décision

[25]      La requérante soutient en dernier lieu que le retard de l'intimé à poster la décision lui a causé un tort irréparable, étant donné que la profession qu'elle envisage d'exercer ne figure plus dans la Classification nationale des professions, qui est entrée en vigueur le 1er mai 1997. La requérante allègue que, si l'agent des visas avait fait parvenir la décision en temps opportun, elle aurait pu déposer à nouveau sa demande.

[26]      La requérante invoque l'arrêt Campos c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, IMM-1431-96, décision en date du 30 janvier 1997, où le juge Gibson a rejeté la demande de contrôle judiciaire relative à une décision de la SSR. La SSR avait rendu sa décision 20 mois après l'audience. Le juge Gibson s'est exprimé en ces termes :

     Le retard dans le prononcé de la décision du tribunal était en fait malheureux. Toutefois, le retard en soi, en l'absence d'un préjudice pour les requérantes, ne justifie pas qu'il soit accordé une réparation aux requérantes.         

[27]      La requérante affirme qu'elle a été lésée par suite de ce retard. Cependant, la situation de l'arrêt Campos est différente de celle de la présente affaire, puisque cette décision portait sur le statut des requérantes comme réfugiées au sens de la Convention. Il se peut que, par suite du retard, les membres de la SSR n'aient pu se rappeler correctement le témoignage de la partie requérante ni examiner le statut de cette personne avant un long moment.

[28]      Même si le retard était considérable dans la présente affaire, il n'a pas empêché la requérante d'entrer au Canada; c'est plutôt la profession qu'elle envisage d'exercer qui n'est plus demandée au Canada. Si la requérante avait été préoccupée par le délai, elle aurait pu demander un bref de mandamus, comme la partie requérante l'a fait dans l'arrêt Bhatnager c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 2 CF 315 (C.F. 1re inst.), afin de contraindre l'intimé à prendre une décision. Cependant, il est déraisonnable de lui reprocher une insouciance quelconque, puisqu'elle ne pouvait savoir d'avance que l'intimé modifierait de cette façon la CCDP et les exigences.

[29]      La requérante a prouvé qu'elle avait été lésée et ce troisième argument est donc bien fondé.

[30]      De l'avis de la Cour, la requérante a prouvé que l'agent des visas avait appliqué d'une façon trop littérale la définition de la CCDP et a donc exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon inéquitable. De plus, la requérante a été lésée par le délai sans avoir commis de faute à cet égard et n'avait pas été informée des modifications imminentes qui pouvaient l'empêcher de présenter sa demande du droit d'établissement (dossier de la demande, pages 57 et 58). Par conséquent, la demande de la requérante devrait être accueillie pour ces motifs. Les réparations qu'elle a demandées seront accordées et la requérante bénéficiera d'options dans le cadre d'une toute nouvelle évaluation ab initio de sa demande de résidence permanente, en raison du retard qui lui a nui.

[31]      Compte tenu de l'ensemble de la cause, la Cour veut s'assurer que l'intimé aura de très bonnes raisons d'envisager la possibilité de rejeter à nouveau la demande de la requérante. Cependant, après tout, tel est l'état du droit.

                            

                                 Juge

Ottawa (Ontario)

Le 14 avril 1998

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-2222-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MARGARET MARY BRAGANZA C.

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                     ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      25 mars 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE MULDOON

EN DATE DU :              14 avril 1998

ONT COMPARU :

Me M. Max Chaudhary          POUR LA REQUÉRANTE

Me Lori Hendriks              POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Chaudhary Law Office

North York (Ontario)          POUR LA REQUÉRANTE

Me George Thomson

Sous-procureur général

du Canada                  POUR L'INTIMÉ

__________________

     1      Dans son affidavit, Michael MacKenzie souligne que la requérante n'a pas participé "à la réalisation de programmes d'accueil et d'orientation pour les nouveaux étudiants". Cependant, il ne mentionne pas que l'école où elle travaillait était une école de jour pour les élèves de la deuxième à la douzième année. À quel point les élèves devaient-ils être "nouveaux" pour avoir besoin d'un programme d'orientation?

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