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Date : 20000609


Dossier : IMM-684-99

Ottawa (Ontario), le vendredi 9 juin 2000

En présence de Madame le juge Dawson


ENTRE :


YOUNUS MANN CHOUDHARY,

requérant,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


intimé.



     JUGEMENT

     LA COUR STATUE COMME SUIT :

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


                         « Eleanor R. Dawson »

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

____________________________

Martine Brunet, LL.B






Date : 20000609


Dossier : IMM-684-99



ENTRE :


YOUNUS MANN CHOUDHARY,

requérant,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


intimé.



     MOTIFS DU JUGEMENT


MADAME LE JUGE DAWSON


[1]          Le 23 décembre 1998, M. Choudhary s'est présenté au bureau de l'immigration de Windsor en compagnie de son épouse et de ses six enfants afin d'obtenir le droit de s'établir au Canada. Tous avaient en mains un visa d'immigrant valable qui devait expirer le 24 décembre 1998.

[2]          L'agente principale en poste au point d'entrée a refusé l'entrée à M. Choudhary et à sa famille. L'agente n'était pas convaincue que deux des enfants étaient les enfants de M. Choudhary ou que celui-ci avait suffisamment d'argent pour s'établir avec sa famille au Canada.

[3]          Bien que M. Choudhary ait signé au soutien de la présente demande un affidavit dans lequel il déclare être insatisfait de la façon dont il a été traité par l'agente principale, la présente demande ne vise pas à contester la décision de celle-ci.

[4]          La demande de contrôle judiciaire de M. Choudhary concerne plutôt ce qui serait une décision de Mme Robin Oprean, agente des visas alors en poste au Consulat général du Canada à Buffalo (New York), qui a été communiquée dans une lettre adressée en ces termes à M. Choudhary le 13 janvier 1999 :

     [TRADUCTION] La présente fait suite à votre télécopie en date du 11 janvier 1999 au sujet de votre demande de résidence permanente au Canada.
     Le 27 novembre 1996, des visas d'immigrant ont été établis à votre nom et au nom de votre épouse et de quatre enfants. Après avoir reçu de vous un avis nous informant que vous aviez vos deux autres enfants dont vous ne nous aviez pas parlé précédemment, nous avons mis en branle les procédures qui auraient mené à la délivrance de nouveaux visas d'immigrant en votre nom et au nom de votre épouse et de vos quatre enfants aînés ainsi qu'à la délivrance de visas d'immigrant en faveur de vos deux enfants nés en Amérique.
     Le traitement des données médicales relatives aux huit membres de la famille a été retardé et compliqué par le fait que les examens médicaux ont été faits à différents moments, ce qui a donné lieu à différentes dates de validité. Lorsque nous avons finalement reçu les résultats des examens médicaux concernant tous les membres de la famille, les résultats relatifs à Yusra et Ambreen avaient à nouveau expiré. Afin d'éviter la nécessité de recommencer les tests médicaux, une brève prorogation de la validité des résultats concernant Yusra et Ambreen a été accordée (pour la deuxième fois). Il est malheureux que vos visas d'immigrant n'aient été valables que pour une courte période, mais cette solution semblait préférable à celle de recommencer les examens médicaux.
     Lorsque vous vous êtes présentés au point d'entrée pour demander le droit d'établissement le 23 décembre 1998, l'agente d'immigration avait des préoccupations au sujet de l'identité de vos enfants nés en Amérique ainsi que du montant d'argent dont vous disposiez pour vous établir au Canada. Comme nous l'avons mentionné dans notre lettre jointe à vos visas d'immigrant, à votre arrivée à un point d'entrée canadien, il se pourrait que vous soyez tenu de prouver que vous avez en mains suffisamment d'argent pour vous établir au Canada. Vous avez été prévenu que l'omission de fournir ce renseignement pourrait toucher votre admissibilité au Canada et retarder votre établissement ou vous empêcher de vous établir. L'agente d'immigration craignait que vous n'ayez pas suffisamment d'argent pour couvrir les frais d'établissement.
     L'agente m'a téléphoné et nous avons discuté longuement de votre situation. En définitive, ce sont les fonctionnaires du point d'entrée qui décident si une personne peut être admise ou non en qualité d'immigrant ou de visiteur. De plus, lorsque des visas d'immigrant sont délivrés, ils ne sont valables que pour une période prescrite. Nous ne sommes nullement tenus de prolonger cette période de validité ou de prendre d'autres mesures qui donneraient lieu à la délivrance de nouveaux visas d'immigrant.
     Étant donné que votre demande initiale a été reçue ici en mars 1996, voilà près de trois ans, et que les visas d'immigrant initiaux délivrés en votre nom et au nom de cinq des membres de votre famille ont été établis en novembre 1996, je ne suis pas disposée à permettre un autre traitement, Si vous voulez encore immigrer au Canada, vous devrez présenter de nouveaux formulaires de demande et verser les frais de traitement prescrits. Toute demande reçue ultérieurement sera évaluée selon les critères en vigueur à la date de réception de cette demande.
     Les droits exigés pour l'établissement et payés en votre nom et en celui de votre épouse vous seront remboursés dès que nous serons informés de votre adresse actuelle.

[5]          Le dossier ne renferme aucun renseignement indiquant les circonstances dans lesquelles cette lettre a été rédigée.

[6]          Dans son affidavit de quarante et un paragraphes qu'il a déposé au soutien de la présente demande, M. Choudhary a déclaré uniquement ce qui suit :

[TRADUCTION] 37. Je suis donc disposé à transférer avant de m'établir au Canada le montant qu'ils jugent raisonnable pour cet établissement. Je jure également que mes deux plus jeunes enfants, Ambreen et Yusra, sont mes propres enfants naturels et que je suis disposé à me soumettre à des tests sanguins pour le prouver. Je déclare également que, lorsque nous avons été renvoyés, l'agente d'immigration nous a fait savoir que nous aurions l'occasion d'éclaircir ces questions. Une copie de ses notes à ce sujet est jointe en annexe E.
38. Plutôt que de nous fournir l'occasion de régler ces préoccupations, Mme Oprean a annulé nos visas IMM1000. Je crois que cette décision était inéquitable [non souligné dans l'original].

[7]          Aucun affidavit visant à contester la présente demande n'a été déposé.

[8]          Voici les extraits pertinents du rapport de l'agente principale en poste au point d'entrée qui a été produit conformément au paragraphe 20(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et ses modifications :

[Traduction] Le Consulat du Canada à Buffalo a été joint et j'ai parlé à R. Oprean. Elle a obtenu toutes les explications et nous a demandé de lui retourner les formules IMM 1000 afin qu'elle communique avec le requérant principal et fixe un rendez-vous avec lui pour clarifier les incohérences.
...
M. Choudhary a dû donner une adresse aux États-Unis afin que R. Oprean, du Consulat du Canada à Buffalo, puisse communiquer avec lui et l'aviser de la date à laquelle il devrait joindre le Consulat pour régler le problème.

[9]          Voici un extrait pertinent des notes consignées dans le CAIPS que Mme Oprean a prises au sujet de la conversation qu'elle a eue le 23 décembre avec l'agente en poste au point d'entrée :

[TRADUCTION] Dès que j'obtiendrai son adresse actuelle, j'examinerai la situation. Il semble que, si je décide de faire quoi que ce soit pour lui (eu égard aux préoccupations concernant les fonds qu'il possède, ses emplois antérieurs, son identité, etc.), une entrevue sera nécessaire. Compte tenu de la validité des tests médicaux et du fait que nous serions tenus de recommencer ces examens, il semble que la meilleure solution serait de les aviser qu'ils doivent tout recommencer.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[10]          Au cours des plaidoiries, l'avocat de M. Choudhary ne s'est attardé qu'à deux arguments. Il a d'abord soutenu que son client aurait dû avoir la possibilité d'examiner les préoccupations de l'agente en poste au point d'entrée, ce qui n'a pas été le cas, contrairement à l'obligation d'équité qui lui était due.

[11]          L'avocat a ensuite fait valoir qu'un fonctionnaire peut, dans certains cas, être tenu responsable des promesses qu'il a faites.

[12]          En réponse, l'intimé a souligné que Mme Oprean n'a rendu aucune décision que la Cour peut réviser. Selon l'intimé, la lettre du 13 janvier 1999 n'était qu'une réponse de courtoisie semblable à celle que la Cour a examinée dans l'affaire Brar et al. c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. 1690 (C.F. 1re inst.).

ANALYSE

[13]          J'ai examiné attentivement la lettre du 13 janvier 1999.

[14]          Cette lettre comportait un compte rendu des événements entourant la demande de résidence permanente du requérant ainsi que des préoccupations de l'agente en poste au point d'entrée. Selon cette lettre, le requérant avait été prévenu qu'il pourrait se faire demander là-bas de prouver qu'il avait suffisamment d'argent pour s'établir et que la décision concernant l'admissibilité au Canada est prise par les fonctionnaires du point d'entrée.

[15]          Dans Dumbrava c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 101 F.T.R. 230 (C.F. 1re inst.), le juge Noël, de la Cour fédérale, s'est demandé quelles sont les décisions qui constituent des décisions susceptibles de révision et s'est exprimé comme suit :

[15] ... Chaque fois qu'une autorité décisionnaire qui y est habilitée accepte de revoir une décision à la lumière de faits nouveaux, il en résultera une nouvelle décision, que la décision initiale soit changée, modifiée ou maintenue. [Comparer avec Peplinski c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1993), 58 F.T.R. 247 (C.F. 1re inst.)]. La question qui se pose est de savoir s'il y a nouvel exercice du pouvoir discrétionnaire, et il en sera toujours ainsi lorsque l'autorité décisionnaire accepte de revoir sa décision à la lumière de faits et d'arguments dont elle n'avait pas été saisie au moment de la décision initiale.

[16]          Compte tenu des faits mis en preuve en l'espèce, j'estime que Mme Oprean n'a pris aucune décision susceptible de révision dans sa lettre du 13 janvier 1999 concernant le refus du droit d'entrée. Pour en arriver à cette conclusion, je souligne qu'aucun fait nouveau ne devait être examiné ou n'a été examiné en ce qui a trait au refus en question et je souligne surtout que Mme Oprean n'était nullement habilitée à rendre une décision ayant pour effet d'accorder le droit d'établissement ni n'a soutenu qu'elle avait ce pouvoir. Cette décision relevait du pouvoir du fonctionnaire en poste à un point d'entrée et aucune révision n'est demandée en ce qui concerne la décision du 23 décembre.

[17]          Le problème est plus complexe dans le cas de la question de savoir si les mots [TRADUCTION] « je ne suis pas disposée à permettre un autre traitement » utilisés dans la lettre du 13 janvier 1999 donnent lieu à une réparation, soit parce qu'ils traduisent une décision susceptible de révision, soit parce qu'ils dénotent un manquement à un devoir d'équité qui était dû au requérant.

[18]          Il appert de la preuve dont je suis saisie que, lorsque l'agente en poste au point d'entrée a décidé de refuser le droit d'entrée, M. Choudhary a été avisé qu'il devait fournir une adresse aux États-Unis afin que Mme Oprean puisse le joindre pour lui dire quant communiquer avec le Consulat général du Canada à Buffalo. Ce contact avait apparemment pour but d'éclaircir d'une façon non précisée les incohérences de la documentation qui permettaient de se demander si les six enfants étaient tous de M. Choudhary.

[19]          Les notes du CAIPS en date du 13 janvier 1999 indiquent que M. Choudhary a fait parvenir une télécopie le 11 janvier 1999 afin de demander un avis au Consulat. Il n'a donné aucune adresse de retour ou numéro de téléphone. Par conséquent, la lettre de Mme Oprean en date du 13 janvier 1999 a été envoyée à l'ancienne adresse de M. Choudhary.

[20]          Dans cette lettre, il était mentionné que les visas alors expirés ne seraient pas révisés ou renouvelés et qu'il serait nécessaire de remplir d'autres formulaires pour en obtenir de nouveaux.

[21]          Même si je présume, sans me prononcer à ce sujet, que la décision d'exiger la présentation d'une nouvelle demande était une décision susceptible de révision, je ne puis conclure, à la lumière de la preuve ténue dont j'ai été saisie, que cette décision était déraisonnable au point de constituer une erreur susceptible de révision.

[22]          Je ne puis conclure non plus que la décision portant qu'une nouvelle demande serait nécessaire constituait un manquement à un devoir d'équité. La preuve ne me convainc tout simplement pas que cette exigence quant à la présentation d'une nouvelle demande irait à l'encontre de la possibilité pour M. Choudhary d'éclaircir les questions préoccupantes ou aurait pour effet de nier pareille possibilité.

[23]          En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[24]          En ce qui concerne la certification d'une question de portée générale, l'avocat de M. Choudhary a demandé la certification de la question de savoir si les représentants du ministre sont liés lorsqu'un représentant de celui-ci formule un engagement. L'intimé n'a demandé la certification d'aucune question.

[25]          À mon sens, la preuve présentée en l'espèce n'appuie pas la question formulée par l'avocat de M. Choudhary; en conséquence, aucune question ne sera certifiée.


                                 « Eleanor R. Dawson »      _______________________________

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 9 juin 2000


Traduction certifiée conforme

___________________________

Martine Brunet, LL.B

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :                  IMM-684-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          YOUNUS MANN CHOUDHARY

                                 et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              10 mai 2000

JUGEMENT ET MOTIFS DE MADAME LE JUGE DAWSON

EN DATE DU :                  9 juin 2000


ONT COMPARU :

Me David Morris                  POUR LE REQUÉRANT

Me Patricia Johnston                  POUR L'INTIMÉ


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Bell, Unger, Morris                  POUR LE REQUÉRANT

Ottawa (Ontario)

Me Morris Rosenberg              POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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