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Date : 20041103

Dossier : T-247-04

Référence : 2004 CF 1546

OTTAWA (ONTARIO) LE 3 NOVEMBRE 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON                           

ENTRE :

                                           DUANE EDWARD WORTHINGTON et

HELEN CHARLOTTE WORTHINGTON

                                                                                                                                    demandeurs

                                                                            et

                         MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]         Le 9 mars 1961, Duane Edward Worthington naît à Tacoma, dans ltat de Washington, aux États-Unis d'Amérique. Il est adopté par Frank et Helen Charlotte Worthington, qui le recueillent chez eux. L'adoption devient définitive le 20 mars 1962. M. et Mme Worthington sont inscrits sur le certificat de naissance de Duane en tant que père et mère. Frank Worthington, qui est depuis décédé, était citoyen canadien, étant né à Grand Forks (Colombie-Britannique). Mme Worthington, qui est née à Sandon, en Colombie-Britannique, est aussi une citoyenne canadienne. M. et Mme Worthington étaient tous deux domiciliés aux États-Unis mais ni l'un ni l'autre n'a jamais obtenu la citoyenneté américaine.


[2]         La famille de Frank et de Helen Worthington vit en Colombie-Britannique. Helen Worthington et - jusqu son décès survenu le 15 octobre 2002 - son mari avaient exprimé le souhait de revenir en Colombie-Britannique il y a quelques années. Ils n'ont pas réalisé ce projet parce que leur fils Duane purge une peine d'emprisonnement de 35 ans dans un établissement à sécurité moyenne d'Oxford, au Wisconsin, pour un vol qualifié et des infractions liées aux stupéfiants. Il devrait être remis en libertéen 2017. Mme Worthington - qui est maintenant âgée de 81 ans - souhaite aller s'installer en Colombie-Britannique. Son fils désire pour sa part purger le reste de sa peine en Colombie-Britannique pour se rapprocher de sa mère et de sa famille élargie. Pour être admissible au programme de transfèrement des prisonniers, Duane Worthington doit être un citoyen canadien.

[3]         Après avoir correspondu avec le Consulat général du Canada à Chicago (le Consulat) pendant environ quatre mois, Duane Worthington (que je vais désormais appeler M. Worthington) a soumis une demande de citoyenneté le 4 juillet 2002. Le 3 juillet 2003, l'honorable Denis Coderre, alors ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, a refuséde lui attribuer la citoyenneté canadienne en vertu du paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté. En décembre 2003, M. Worthington a demandé à la Cour fédérale de proroger le délai qui lui était imparti pour présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre. Le défendeur ne s'est pas opposé à cette requête et, par ordonnance datée du 7 janvier 2004, la Cour a prorogé le délai imparti à M. Worthington. La demande de contrôle judiciaire, dans laquelle les demandeurs sont M. Worthington et sa mère, a été déposée le 2 février 2004.


LES FAITS

[4]         Le 22 mars 2002, l'agent principal des programmes du Consulat a, probablement en réponse à une demande de renseignements de M. Worthington, dit à ce dernier qu'il lui était peut-être possible de revendiquer la citoyenneté canadienne par filiation. Le Consulat lui a également expliqué les formalités à suivre, en l'occurrence remplir une demande, produire certains documents et acquitter les droits applicables. Dans une lettre datée du 27 mars 2002, M. Worthington a précisé qu'il souhaitait se prévaloir de cette option et il a demandé si son incarcération faisait obstacle à sa demande de citoyenneté. Peu après, le 19 avril 2002, M. Worthington a informé le Consulat que son père et sa mère étaient tous deux des citoyens canadiens. Il semble qu'il ait d'abord pensé que seule sa mère avait la citoyenneté canadienne.

[5]         Par lettre datée du 29 avril 2002, le Consulat a transmis deux formules de demande de citoyenneté à M. Worthington en précisant qu'il devait remplir une demande de certificat de citoyenneté présentée à l'extérieur du Canada si son père avait encore la citoyenneté canadienne à sa naissance. Si son père ntait plus citoyen canadien lors de sa naissance et que sa mère avait conservé la citoyenneté canadienne, il devait alors remplir la demande de citoyenneté canadienne prévue à l'alinéa 5(2)b). M. Worthington a rempli la demande de certificat de citoyenneté présentée à l'extérieur du Canada. Il était précisé dans la formule que la demande était présentée en vertu de l'article 3 [de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (la Loi)]. Au point 9 de la demande, M. Worthington expliquait qu'il demandait l'enregistrement différé de sa naissance à ltranger [comme l'exigent l'alinéa 3(1)e) et le paragraphe 4(3) de la Loi].


[6]         D'autres échanges de lettres ont eu lieu, mais ils ne présentent dans l'ensemble pas d'intérêt en l'espèce. Il s'agissait surtout de questions posées par M. Worthington et des réponses fournies par le Consulat au sujet de la façon de remplir la formule de demande. Ainsi que je l'ai déjà signalé, la demande a été soumise le 4 juillet 2002 avec les documents requis et les droits exigés. Par lettre datée du 30 août 2002, le Consulat a accusé réception de la demande et a signalé que M. Worthington avait auparavant omis de mentionner qu'il était l'enfant adoptif d'une personne ayant la citoyenneté canadienne. Le Consulat a précisé qu la suite de modifications récemment apportées à la Loi, il était désormais possible aux enfants nés d'un parent canadien de revendiquer la citoyenneté. Il fallait pour ce faire produire les documents d'adoption et remplir une nouvelle formule de demande. À cette lettre était jointe la demande de citoyenneté canadienne - adultes (18 ans et plus) en vertu du paragraphe 5(1).

[7]         M. Worthington a rempli la demande conformément aux directives. Avant de la soumettre, il a transmis le 11 septembre 2002 au Consulat une autre lettre dans laquelle il faisait part au Consulat de son chagrin d'apprendre qu'il risquait de ne pas être vraiment considéré [traduction] « comme l'enfant de mes parents parce que n'avons pas le même ADN » . Après avoir brossé le tableau de sa famille immédiate et de sa famille élargie, il a ajouté :

[traduction] Je vous saurais gré, Monsieur, de bien vouloir donner suite à la présente lettre et de considérer les possibilités réelles et la déception auxquelles je suis confronté parce que mon adoption semble faire problème. Ma mère a nourri beaucoup d'espoirs à l'idée que j'avais d'excellentes chances d'obtenir la citoyenneté canadienne et je souhaite la tenir au courant des faits réels et de lvolution de la situation.

Par ailleurs, j'aimerais savoir s'il est possible de me communiquer le texte des nouvelles dispositions législatives applicables aux enfants adoptifs qui ont été insérées dans la Loi sur la citoyenneté, afin que je comprenne mieux ce qui s'est produit et quand ces modifications ont été adoptées.


Finalement, je suis curieux de savoir pourquoi la nouvelle formule de demande que vous m'avez envoyée ne mentionne pas mes parents canadiens, faisant ainsi vraisemblablement abstraction des rapports et des liens solides que j'entretiens avec le Canada.

Je vous remercie du temps et de l'attention que vous consacrez au présent dossier. Je suis en train de remplir la formule de demande que vous m'avez envoyée et ma mère attend de recevoir les documents d'adoption. Vous devriez donc recevoir les documents complémentaires et les frais de 20 $ d'ici deux semaines.

[8]         La formule de demande prévue au paragraphe 5(1) a été soumise le 17 septembre 2002. M. Worthington n'a reçu aucune réponse du Consulat en ce qui concerne sa lettre du 11 septembre. Le 17 septembre 2002, Mme Worthington a écrit au Consulat pour expliquer la raison qui les avait poussés, son mari et elle, à adopter un enfant, en l'occurrence l'incapacité d'avoir des enfants. Elle a également parlé de la nature de ses rapports avec son fils et du fait que sa famille était incapable de le considérer comme [traduction] « différent de quelque façon que ce soit d'un enfant biologique » .


[9]         Le 30 décembre 2002, un analyste de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a écrit à M. Worthington pour expliquer que des dispositions spéciales avaient été adoptées en juillet 2001 pour traiter du cas des enfants adoptifs de parents canadiens. Il a précisé que [traduction] « ces dispositions ont été adoptées pour supprimer la distinction que laLoi sur la citoyenneté établissait jusqu'alors entre les enfants naturels et les enfants adoptifs » . Il a poursuivi en expliquant que, dans le cas des adoptions ayant eu lieu entre le 31 décembre 1946 et le 15 février 1977, les interdictions prévues à l'article 22 de la Loi s'appliquaient. Après avoir donné des explications [pas entièrement exactes] au sujet de la teneur de l'article 22, il a informéM. Worthington que CIC ne pouvait donner suite à sa demande de citoyenneté canadienne et il lui a demandé de signer et de dater la formule de « demande de désistement » qui était jointe à la lettre et de la lui retourner dans l'enveloppe-réponse.

[10]       M. Worthington n'a pas signé la demande de désistement. Il a écrit à CIC pour faire part de sa perplexité au sujet de l'affirmation de CIC que les dispositions spéciales avaient été adoptées pour supprimer la distinction entre les enfants naturels et les enfants adoptifs nés à ltranger de parents canadiens, alors qu'il était de toute évidence visé par cette interdiction du fait de son adoption. Il a également exprimé plusieurs réserves au sujet du bien-fondé des affirmations de CIC. La phrase suivante résume l'essentiel de sa lettre du 12 janvier 2003 :

[traduction] J'ai du mal à croire qu'un ministère adhérerait à l'idée que les enfants adoptifs sont assujettis à un régime de citoyenneté différent de celui qui s'applique aux enfants biologiques.

Aucune autre correspondance n'a été échangée jusqu ce que M. Worthington reçoive la lettre que le ministre lui a fait parvenir le 3 juillet 2003.


[11]       Il ressort du dossier que, dans l'intervalle, il y a eu beaucoup d'effervescence au CIC au sujet de ce qu'il fallait faire. Plusieurs personnes, dont certaines n'avaient pas vu le dossier, ont participé à ce qu'on pourrait à juste titre appeler une séance de remue-méninges. Il semble que la plupart d'entre elles présumaient que M. Worthington avait demandé la citoyenneté en vertu du paragraphe 5(4) de la Loi. Certains se sont demandés s'il y avait lieu de soumettre la question à un juge de la citoyenneté, ce qui n'a pas été fait. Rien ne permet de penser qu'il y a eu consensus, mais le dossier renferme une recommandation formulée par la Direction générale de l'intégration au sujet de la demande d'attribution de la citoyenneté présentée par M. Worthington en vertu de la mesure intérimaire sur l'adoption (la recommandation). La recommandation exposait la question (celle de savoir si le ministre devrait rendre un avis favorable en recommandant une attribution spéciale de citoyenneté à la personne ayant présenté une demande en vertu de la mesure intérimaire sur l'adoption alors qu'elle est incarcérée à ltranger), les facteurs dont il y avait lieu de tenir compte et, finalement, la recommandation elle-même.

[12]       L'auteur de la note de service au ministre s'est appuyé sur la recommandation, laquelle était défavorable. La note de service suivait la même présentation que la recommandation. On y exposait la question et le contexte, de même que les facteurs à prendre en considération pour ensuite formuler des observations complémentaires sur les consultations fédérales-provinciales ainsi qu'une recommandation. Malheureusement, la note de service omettait des éléments d'information critiques - portant sur les facteurs à considérer - qui se retrouvaient dans la recommandation. Je ne puis savoir si cette omission était volontaire ou non. Voici le texte du synopsis, qui se trouve au début de la note de service :

[traduction] M. Duane Edward Worthington revendique la citoyenneté canadienne en vertu du paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté, conformément aux mesures intérimaires introduites en juillet 2001 pour les personnes adoptées par un citoyen canadien qui résident à l'extérieur du Canada. M. Worthington purge actuellement une peine de 35 ans d'emprisonnement à Oxford, au Wisconsin. Il demande qu'on lui attribue la citoyenneté pour lui permettre dtre admissible à un programme de transfèrement des prisonniers, ce qui pourrait lui permettre de purger le reste de sa peine dans une prison de la Colombie-Britannique. Nous recommandons au ministre de refuser cette demande et de ne pas recommander au gouverneur en conseil de lui attribuer la citoyenneté en vertu du paragraphe 5(4).


[13]       Ainsi, suivant les éléments d'information portés à la connaissance du ministre, la demande était présentée en vertu du paragraphe 5(4) de la Loi. Je répète que la rubrique de la note de service consacrée aux « facteurs à prendre en considération » ne faisait pas état d'un élément d'information critique, en l'occurrence le fait que M. Worthington ne tombe pas sous le coup des dispositions de l'article 22. Avant l'instruction de la présente demande, l'avocat du défendeur a convenu que les éléments d'information soumis au ministre étaient « erronés » et que la demande devait être accueillie et que l'affaire devait être renvoyée au ministre pour qu'il prenne une nouvelle décision en se fondant sur des éléments d'information exacts. L'avocat des demandeurs s'est dit d'avis qu'une nouvelle décision ne suffit pas. Il explique que M. Worthington réclame notamment un bref de mandamus obligeant le ministre à lui attribuer la citoyenneté canadienne.

QUESTION EN LITIGE

La question à trancher est celle de la nature de la réparation qu'il convient d'accorder.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[14]       Pour faciliter la compréhension des arguments des parties et de l'analyse de la Cour, les dispositions législatives applicables sont, par souci de commodité, reproduites ici. On trouvera à l'annexe A des présents motifs le texte intégral des notes de services sur les opérations de CIC (CP 01-05) intitulées « Mesure intérimaire concernant les personnes adoptées par un citoyen canadien résident à ltranger » .



Loi sur la citoyenneté

L.R.C. 1985, ch. C-39

3. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, a qualité de citoyen toute personne :

a) née au Canada après le 14 février 1977;

b) née à l'étranger après le 14 février 1977 d'un père ou d'une mère ayant qualité de citoyen au moment de la naissance;

c) ayant obtenu la citoyenneté - par attribution ou acquisition - sous le régime des articles 5 ou 11 et ayant, si elle était âgée d'au moins quatorze ans, prêté le serment de citoyenneté;

d) ayant cette qualité au 14 février 1977;

e) habile, au 14 février 1977, à devenir citoyen aux termes de l'alinéa 5(1)b) de l'ancienne loi.

(2) L'alinéa (1)a) ne s'applique pas à la personne dont, au moment de la naissance, les parents n'avaient qualité ni de citoyens ni de résidents permanents et dont le père ou la mère était :

a) agent diplomatique ou consulaire, représentant à un autre titre ou au service au Canada d'un gouvernement étranger;

b) au service d'une personne mentionnée à l'alinéa a);

c) fonctionnaire ou au service, au Canada, d'une organisation internationale - notamment d'une institution spécialisée des Nations Unies - bénéficiant sous le régime d'une loi fédérale de privilèges et immunités diplomatiques que le ministre des Affaires étrangères certifie être équivalents à ceux dont jouissent les personnes visées à l'alinéa a).

[...]

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

a) en fait la demande;

b) est âgée d'au moins dix-huit ans;

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

d) a une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada;

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

f) n'est pas sous le coup d'une mesure de renvoi et n'est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l'article 20.

(1.1) Est assimilé à un jour de résidence au Canada pour l'application de l'alinéa (1)c) et du paragraphe 11(1) tout jour pendant lequel l'auteur d'une demande de citoyenneté a résidé avec son époux ou conjoint de fait alors que celui-ci était citoyen et était, sans avoir été engagé sur place, au service, à l'étranger, des forces armées canadiennes ou de l'administration publique fédérale ou de celle d'une province.

(2) Le ministre attribue en outre la citoyenneté_:

a) sur demande qui lui est présentée par la personne autorisée par règlement à représenter celui-ci, à l'enfant mineur d'un citoyen qui est résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés;

b) sur demande qui lui est présentée par la personne qui y est autorisée par règlement et avant le 15 février 1979 ou dans le délai ultérieur qu'il autorise, à la personne qui, née à l'étranger avant le 15 février 1977 d'une mère ayant à ce moment-là qualité de citoyen, n'était pas admissible à la citoyenneté aux termes du sous-alinéa 5(1)b)(i) de l'ancienne loi.

(3) Pour des raisons d'ordre humanitaire, le ministre a le pouvoir discrétionnaire d'exempter :

a) dans tous les cas, des conditions prévues aux alinéas (1)d) ou e);

b) dans le cas d'un mineur, des conditions relatives soit à l'âge ou à la durée de résidence au Canada respectivement énoncées aux alinéas (1)b) et c), soit à la prestation du serment de citoyenneté;

c) dans le cas d'une personne incapable de saisir la portée du serment de citoyenneté en raison d'une déficience mentale, de l'exigence de prêter ce serment.

(4) Afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse ou de récompenser des services exceptionnels rendus au Canada, le gouverneur en conseil a le pouvoir discrétionnaire, malgré les autres dispositions de la présente loi, d'ordonner au ministre d'attribuer la citoyenneté à toute personne qu'il désigne; le ministre procède alors sans délai à l'attribution.

[...]

12. (1) Sous réserve des règlements d'application de l'alinéa 27i), le ministre délivre un certificat de citoyenneté aux citoyens qui en font la demande.

(2) Le ministre délivre un certificat de citoyenneté aux personnes dont la demande présentée au titre des articles 5 ou 8 ou du paragraphe 11(1) a été approuvée.

(3) Le certificat délivré en application du présent article ne prend effet qu'en tant que l'intéressé s'est conformé aux dispositions de la présente loi et aux règlements régissant la prestation du serment de citoyenneté.

[...]

22. (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, nul ne peut recevoir la citoyenneté au titre de l'article 5 ou du paragraphe 11(1) ni prêter le serment de citoyenneté :

a) pendant la période où, en application d'une disposition législative en vigueur au Canada :

(i) il est sous le coup d'une ordonnance de probation,

(ii) il bénéficie d'une libération conditionnelle,

(iii) il est détenu dans un pénitencier, une prison ou une maison de correction;

b) tant qu'il est inculpé pour une infraction prévue aux paragraphes 29(2) ou (3) ou pour un acte criminel prévu par une loi fédérale, autre qu'une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions, et ce, jusqu'à la date d'épuisement des voies de recours;

c) tant qu'il fait l'objet d'une enquête menée par le ministre de la Justice, la Gendarmerie royale du Canada ou le Service canadien du renseignement de sécurité, relativement à une infraction visée à l'un des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, ou tant qu'il est inculpé pour une telle infraction et ce, jusqu'à la date d'épuisement des voies de recours;

d) s'il a été déclaré coupable d'une infraction visée à l'un des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre;

e) s'il n'a pas obtenu l'autorisation requise préalablement à son retour au Canada par le paragraphe 52(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés;

f) si, au cours des cinq années qui précèdent sa demande, il a cessé d'être citoyen en application du paragraphe 10(1).

(2) Malgré les autres dispositions de la présente loi, mais sous réserve de la Loi sur le casier judiciaire, nul ne peut recevoir la citoyenneté au titre de l'article 5 ou du paragraphe 11(1) ni prêter le serment de citoyenneté s'il a été déclaré coupable d'une infraction prévue aux paragraphes 29(2) ou (3) ou d'un acte criminel prévu par une loi fédérale, autre qu'une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions :

a) au cours des trois ans précédant la date de sa demande;

b) entre la date de sa demande et celle prévue pour l'attribution de la citoyenneté ou la prestation du serment.

Citizenship Act,

R.S.C. 1985, c. C-39

3. (1) Subject to this Act, a person is a citizen if

(a) the person was born in Canada after February 14, 1977;

(b) the person was born outside Canada after February 14, 1977 and at the time of his birth one of his parents, other than a parent who adopted him, was a citizen;

(c) the person has been granted or acquired citizenship pursuant to section 5 or 11 and, in the case of a person who is fourteen years of age or over on the day that he is granted citizenship, he has taken the oath of citizenship;

(d) the person was a citizen immediately before February 15, 1977; or

(e) the person was entitled, immediately before February 15, 1977, to become a citizen under paragraph 5(1)(b) of the former Act.

(2) Paragraph (1)(a) does not apply to a person if, at the time of his birth, neither of his parents was a citizen or lawfully admitted to Canada for permanent residence and either of his parents was

(a) a diplomatic or consular officer or other representative or employee in Canada of a foreign government;

(b) an employee in the service of a person referred to in paragraph (a); or

(c) an officer or employee in Canada of a specialized agency of the United Nations or an officer or employee in Canada of any other international organization to whom there are granted, by or under any Act of Parliament, diplomatic privileges and immunities certified by the Minister of Foreign Affairs to be equivalent to those granted to a person or persons referred to in paragraph (a).

[...]

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

(a) makes application for citizenship;

(b) is eighteen years of age or over;

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

(1.1) Any day during which an applicant for citizenship resided with the applicant's spouse or common-law partner who at the time was a Canadian citizen and was employed outside of Canada in or with the Canadian armed forces or the public service of Canada or of a province, otherwise than as a locally engaged person, shall be treated as equivalent to one day of residence in Canada for the purposes of paragraph (1)(c) and subsection 11(1).

(2) The Minister shall grant citizenship to any person who

(a) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and is the minor child of a citizen if an application for citizenship is made to the Minister by a person authorized by regulation to make the application on behalf of the minor child; or

(b) was born outside Canada, before February 15, 1977, of a mother who was a citizen at the time of his birth, and was not entitled, immediately before February 15, 1977, to become a citizen under subparagraph 5(1)(b)(i) of the former Act, if, before February 15, 1979, or within such extended period as the Minister may authorize, an application for citizenship is made to the Minister by a person authorized by regulation to make the application.

(3) The Minister may, in his discretion, waive on compassionate grounds,

(a) in the case of any person, the requirements of paragraph (1)(d) or (e);

(b) in the case of a minor, the requirement respecting age set out in paragraph (1)(b), the requirement respecting length of residence in Canada set out in paragraph (1)(c) or the requirement to take the oath of citizenship; and

(c) in the case of any person who is prevented from understanding the significance of taking the oath of citizenship by reason of a mental disability, the requirement to take the oath.

(4) In order to alleviate cases of special and unusual hardship or to reward services of an exceptional value to Canada, and notwithstanding any other provision of this Act, the Governor in Council may, in his discretion, direct the Minister to grant citizenship to any person and, where such a direction is made, the Minister shall forthwith grant citizenship to the person named in the direction.

[...]

12. (1) Subject to any regulations made under paragraph 27(i), the Minister shall issue a certificate of citizenship to any citizen who has made application therefor.

(2) Where an application under section 5 or 8 or subsection 11(1) is approved, the Minister shall issue a certificate of citizenship to the applicant.

(3) A certificate issued pursuant to this section does not take effect until the person to whom it is issued has complied with the requirements of this Act and the regulations respecting the oath of citizenship.

[...]

22. (1) Notwithstanding anything in this Act, a person shall not be granted citizenship under section 5 or subsection 11(1) or take the oath of citizenship

(a) while the person is, pursuant to any enactment in force in Canada,

(i) under a probation order,

(ii) a paroled inmate, or

(iii) confined in or is an inmate of any penitentiary, jail, reformatory or prison;

(b) while the person is charged with, on trial for or subject to or a party to an appeal relating to an offence under subsection 29(2) or (3) or an indictable offence under any Act of Parliament, other than an offence that is designated as a contravention under the Contraventions Act;

(c) while the person is under investigation by the Minister of Justice, the Royal Canadian Mounted Police or the Canadian Security Intelligence Service for, or is charged with, on trial for, subject to or a party to an appeal relating to, an offence under any of sections 4 to 7 of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act;

(d) if the person has been convicted of an offence under any of sections 4 to 7 of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act;

(e) if the person has not obtained the authorization to return to Canada required under subsection 52(1) of the Immigration and Refugee Protection Act; or

(f) if, during the five years immediately preceding the person's application, the person ceased to be a citizen pursuant to subsection 10(1).

(2) Notwithstanding anything in this Act, but subject to the Criminal Records Act, a person shall not be granted citizenship under section 5 or subsection 11(1) or take the oath of citizenship if,

(a) during the three year period immediately preceding the date of the person's application, or

(b) during the period between the date of the person's application and the date that the person would otherwise be granted citizenship or take the oath of citizenship,

the person has been convicted of an offence under subsection 29(2) or (3) or of an indictable offence under any Act of Parliament, other than an offence that is designated as a contravention under the Contraventions Act.


Annexe B de la Loi constitutionnelle de 1982, partie I, Charte canadienne des droits et libertés, ch. 11 (R.-U.)

[L.R.C., 1985, Appendice II n ° 44] (la Charte)

1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

[...]

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

(2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.

Canadian Charter of Rights and Freedoms, being Part I of the Constitution Act, 1982, Schedule B, Canada Act, 1982, 1982, c. 11 (U.K.)

[R.S.C., 1985, Appendix II No. 44](the Charter)

1. The Canadian Charter of Rights and Freedoms guarantees the rights and freedoms set out in it subject only to such reasonable limits prescribed by law as can be demonstrably justified in a free and democratic society.

[...]

15. (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

(2) Subsection (1) does not preclude any law, program or activity that has as its object the amelioration of conditions of disadvantaged individuals or groups including those that are disadvantaged because of race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.


L'AVIS DE DEMANDE

L'avis de demande déposé par les demandeurs est ainsi libellé :

[traduction] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de l'honorable Denis Coderre, ancien ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Par lettre communiquée au demandeur le 3 juillet 2002, l'honorable Denis Coderre a décidé de ne pas attribuer la citoyenneté canadienne au demandeur. La demande de certificat de citoyenneté du demandeur a par conséquent été rejetée.

Le demandeur sollicite les réparations suivantes :

1. Un bref decertiorari annulant la décision en date du 3 juillet 2003 par laquelle l'honorable Denis Coderre a rejeté la demande du demandeur;

2. Un bref demandamus enjoignant au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration défendeur d'attribuer la citoyenneté canadienne au demandeur et de lui délivrer un certificat de citoyenneté en vertu de l'article 12 de la Loi sur la citoyenneté;

3. Le montant intégral des dépens extrajudiciaires, en vertu de l'article 400 des Règles de la Cour fédérale (1998);

4. Toute autre réparation que la Cour peut juger bon d'accorder.

Voici les moyens invoqués au soutien de la demande :

1. Le rejet par le défendeur de la demande de certificat de citoyenneté présentée par le demandeur constitue de la discrimination fondée sur l'article 3 de la Loi sur la citoyenneté, qui force les enfants adoptifs, comme le demandeur, à se soumettre à la procédure de naturalisation, ce qui porte atteinte à leur droit au même bénéfice et à la même protection de la loi au sens de l'article 15 de la Charte, étant donné que les enfants biologiques ne sont pas forcés de se soumettre à la procédure de naturalisation et se voient accorder un droit automatique à la citoyenneté.

2. En rejetant la demande de citoyenneté du demandeur, le défendeur a assujetti le demandeur à un traitement discriminatoire, en appliquant la Mesure intérimaire, en tant qu'enfant adopté entre le 31 décembre 1946 et le 15 février 1977, par opposition à un enfant adopté après le 15 février 1977, portant ainsi atteinte au droit du demandeur au même bénéfice et à la même protection de la loi au sens de l'article 15 de la Charte, étant donné que les enfants adoptés entre le 31 décembre 1946 et le 15 février 1977 sont assujettis aux interdictions de la loi énumérées à l'article 22 de la Loi sur la citoyenneté alors que les interdictions prévues à cet article ne s'appliquent pas aux enfants adoptés après le 14 février 1977;

3. Le défendeur a de façon générale agi contrairement à la loi.


PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

[15]       Le mémoire des demandeurs renferme un argument solide et convaincant. Ils affirment en effet que l'alinéa 3(1)e) de la Loi est inconstitutionnel et qu'il établit une discrimination entre les enfants naturels et les enfants adoptifs nés à ltranger de citoyens canadiens. Sans les citer explicitement, les demandeurs reprennent essentiellement les motifs du juge Linden dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. McKenna, [1999] 1 C.F. 401 (C.A.) (McKenna). Les demandeurs affirment que l'alinéa en question n'est pas sauvegardé par l'article premier de la Charte parce qu'il ne satisfait pas au critère du lien rationnel et de l'atteinte minimale.


[16]       Les demandeurs font par ailleurs valoir que la mesure intérimaire établit une distinction entre les enfants adoptés après le 15 février 1977 et ceux qui ont été adoptés avant cette date. Les enfants adoptés entre le 31 décembre 1946 et le 15 février 1977 doivent se plier à des formalités plus lourdes et se soumettre à des conditions plus rigoureuses telles que des contrôles de sécurité et la vérification de leurs antécédents criminels. Si ces vérifications révèlent que l'intéressé a déjà été inculpé pour une infraction, l'article 22 de la Loi lui interdit de prêter le serment de citoyenneté. Les personnes qui revendiquent la citoyenneté canadienne du fait de leur adoption ultérieure à 1977 n'ont pas à se soumettre à ces formalités. Les demandeurs affirment que cette distinction constitue de la discrimination fondée sur lge (un des motifs énumérés de discrimination) et qu'en vertu de l'article 15 de la Charte, cette distinction est interdite, dans la mesure de son incompatibilité avec les droits garantis par la Charte. Suivant les demandeurs, le critère du lien rationnel n'est pas respecté en l'espèce et la mesure intérimaire ne peut se justifier par l'application de l'article premier de la Charte.

[17]       À titre subsidiaire, les demandeurs affirment que M. Worthington n'est de toute façon pas visé par l'article 22 de la Loi. Une personne incarcérée en vertu des lois d'un pays étranger ne saurait tomber sous le coup de l'article 22 parce que l'interdiction ne vaut que pour les personnes qui sont incarcérées « en application d'une disposition législative en vigueur au Canada » ou en vertu d'une « loi fédérale » . Dans sa lettre du 30 décembre 2002, CIC précise bien que le détenu incarcéré dans un pénitencier ne peut prêter le serment de citoyenneté ou obtenir la citoyenneté. Les demandeurs affirment qu'il s'agit là d'un exposé inexact du droit et que c'est donc à tort que la demande de citoyenneté a été rejetée.


[18]       Le défendeur explique que, dans leur demande de contrôle judiciaire, les demandeurs cherchent à contester deux décisions distinctes : la décision portant rejet de la demande fondée sur l'article 3 et la décision de l'ancien ministre de ne pas recommander au gouverneur en conseil d'exercer son pouvoir discrétionnaire de manière à lui octroyer la citoyenneté en vertu du paragraphe 5(4) de la Loi. La décision relative à l'article 3 n'a rien à voir avec la décision prise le 3 juillet 2003 par l'ancien ministre. Le défendeur souligne qu'outre le fait qu'une demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance (article 302 des Règles), les défendeurs n'ont pas contesté la décision portant sur l'article 3 au moment oùelle a été prise (le 30 août 2002). Ils n'ont pas présenté de demande de contrôle judiciaire, le délai prescrit pour introduire une demande de contrôle judiciaire de la décision portant sur l'article 3 avait pris fin depuis longtemps et la Cour ne peut donc en connaître. Le ministre défendeur affirme donc que la Cour devrait rejeter sommairement la demande, dans la mesure où les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d'une décision portant sur l'article 3 de la Loi.

[19]       Le défendeur admet que l'ancien ministre s'est fié à des renseignements erronés pour se prononcer sur la demande présentée par M. Worthington en vertu du paragraphe 5(4). Comme il purge une peine dans un établissement carcéral des États-Unis, le demandeur n'est de toute évidence pas visé par les interdictions contenues à l'article 22 de la Loi. Le défendeur en déduit que la décision de l'ancien ministre devrait être annulée et que la question devrait lui être déférée pour qu'il prenne une nouvelle décision en se fondant sur des éléments d'information exacts. Pour ce qui est du bref de mandamus, le défendeur se reporte au paragraphe 5(4) de la Loi et signale que le pouvoir qui y est prévu est conféré au gouverneur en conseil. La Cour n'est donc pas habilitée à recommander la prise d'une mesure administrative.


[20]       Finalement, le ministre défendeur affirme que l'avis de demande est sans objet. Cet argument repose sur le fait que les parties conviennent que la décision de l'ancien ministre doit être annulée. Comme les demandeurs n'ont pas réussi à faire valoir d'arguments en ce qui concerne les dispositions impératives de l'article 5 de la Loi, il n'y a plus de litige tangible et concret entre les parties et les questions soulevées par les demandeurs sont devenues théoriques. Toute décision qui obligerait le ministre à attribuer la citoyenneté équivaudrait à une immixtion dans une des fonctions de l'organe législatif. Dans le cas qui nous occupe, la question se complique par le fait que le gouverneur en conseil n'a jamais eu l'occasion de se prononcer sur la demande de citoyenneté de M. Worthington. Le défendeur affirme que les demandeurs obtiendront la réparation qu'ils sollicitent dans leur avis de demande dans la mesure où la loi le permet. On peut résoudre les véritables questions litigieuses en annulant la décision à l'examen et en renvoyant l'affaire au ministre pour qu'il prenne une nouvelle décision en suivant les directives que la Cour jugera bon de lui donner.

ANALYSE

[21]       Je commence par la demande de bref de mandamus. L'arrêt Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 (C.A) demeure l'arrêt de principe en matière de brefs de mandamus. Ainsi que je l'ai précisé lors de l'instruction de la demande, aucun argument n'a été avancé en ce qui concerne la demande formulée par les demandeurs à cet égard. Les conditions préalables articulées dans l'arrêt Apotex, précité, doivent être réunies pour que la Cour puisse accorder la réparation sollicitée. Comme on ne m'a présenté ni observations ni arguments sur ces conditions, je ne suis pas disposée à accorder cette réparation.

[22]       Quant à la demande d'annulation de la « décision en date du 3 juillet 2003 par laquelle l'honorable Denis Coderre a rejeté la demande du demandeur » , je vais accorder cette réparation. C'est une réparation qui est réclamée par les demandeurs et c'est une réparation qui, comme le ministre défendeur en convient, devrait être accordée.


[23]       Quant à l'argument des demandeurs - par opposition à leur demande de réparation - suivant lequel je devrais profiter de l'occasion pour déclarer, en vertu de l'article 15 de la Charte, que l'article 3 de la Loi et la mesure intérimaire sont tous les deux inconstitutionnels au motif qu'ils sont discriminatoires, je dois décliner leur invitation.

[24]       Ce n'est pas parce qu'une question constitutionnelle est soulevée que la Cour doit nécessairement la trancher. En fait, en droit canadien, l'usage veut que le juge qui peut trancher une affaire sans aborder une question constitutionnelle doit le faire (R.J. Sharpe, K.E. Swinton et K. Roach, The Charter of Rights and Freedoms, 2nd ed. (Toronto, Irwin Law, 2002), à la page 97). La Cour doit s'assurer qu'il existe un contexte factuel adéquat avant de pouvoir examiner une loi en fonction des dispositions de la Charte, surtout lorsque le litige porte sur les effets de la loi contestée (Danson c. Ontario (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 1086, à la page 1099). Les faits en litige sont ceux qui concernent les parties au litige. Ces faits sont précis et doivent être établis par des éléments de preuve recevables (idem). Les décisions relatives à la Charte ne doivent pas être rendues dans un vide factuel. Essayer de le faire banaliserait la Charte et produirait inévitablement des opinions mal motivées. Le fondement factuel n'est donc pas une simple formalité qui peut être ignorée et, bien au contraire, son absence est fatale (MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357, à la page 361).


[25]       La présente demande est truffée de difficultés. La nature du contrôle judiciaire est une de ces difficultés. Les instances en contrôle judiciaire ont une portée limitée. Elles visent essentiellement à réviser une décision en vue d'en vérifier la légalité. La Cour qui procède au contrôle judiciaire est liée [sauf dans des circonstances exceptionnelles qui ne s'appliquent pas en l'espèce] par le dossier dont le juge ou l'office qui a rendu la décision était saisi et elle est limitée par ce dossier. Par souci dquité pour les parties et pour le tribunal dont la décision est révisée, cette restriction est nécessaire (Bekker c. Canada, (2004), 323 N.R. 195 (C.A.F.) (Bekker). Le tribunal saisi de la demande de contrôle judiciaire doit se fonder sur le dossier tel qu'il lui est présenté et s'en tenir aux critères applicables au contrôle judiciaire (McKenna, précité, au paragraphe 6).

[26]       Je n'ai pas l'intention de passer en revue chacune des difficultés soulevées par la présente demande. Je vais me contenter de traiter brièvement de quelques-unes. Aucun des demandeurs n'a souscrit d'affidavit. L'affidavit qui a été produit à l'appui de la demande est celui de l'avocat du cabinet qui représente les demandeurs. Bien que cette lacune ne porte pas nécessairement un coup fatal à la demande de contrôle judiciaire, en l'espèce, elle constitue une nette violation de l'article 81 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, modifiées (les Règles). Le déclarant n'a en effet pas une connaissance personnelle d'une grande partie des faits qu'il relate dans son affidavit.


[27]       Il n'y a pas de dossier certifié conforme du tribunal. Aucune demande en ce sens n'a été présentée en vertu de l'article 317. Les documents qui ont été versés au dossier des demandeurs et qui sont annexés à l'affidavit de l'avocat sont ceux qui ont été reçus du directeur par intérim de la Direction des droits du public en réponse à la demande formulée par l'avocat en vue d'obtenir une copie du dossier de M. Worthington. La communication de certains renseignements a été refusée au motif qu'ils remplissaient les conditions requises pour bénéficier d'une exemption en vertu d'articles déterminés de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. 1985, ch. A-1. Le refus de communiquer ces renseignements n'a pas été contesté étant donné qu'il semble qu'aucunes plaintes en ce sens n'aient été adressées au Commissaire à l'information. J'ai donc affaire aux documents qui ont été communiqués à l'avocat des demandeurs plutôt qu un dossier certifié conforme du tribunal.

[28]       Le dossier du demandeur ne renferme pas d'avis de question constitutionnelle et je n'en trouve aucun dans le dossier de la Cour. Il est évident que l'avis de demande vise non seulement le défendeur, mais également chacune des provinces ainsi que le Nunavut et qu'il a été signifié aux divers procureurs généraux. L'article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, modifiée, prévoit que, sauf ordonnance contraire, l'avis de question constitutionnelle doit être signifié au procureur général du Canada et à ceux des provinces au moins dix jours avant la date à laquelle la question constitutionnelle doit être débattue. L'article 69 exige que l'avis soit rédigé selon la formule 69. Bien que le défendeur ne conteste pas la conception que les demandeurs ont de l'avis en question, j'estime qu'il ressort de la jurisprudence qu'on ne peut tenir pour acquis que la Loi sur les Cours fédérales et les Règles ont été respectées à cet égard. Les observations formulées par le juge Létourneau dans l'arrêt Bekker, précité, aux paragraphes 8 et 9 sont à propos :


La Cour d'appel n'examinera pas une question de nature constitutionnelle sans qu'un avis ait été signifié au procureur général du Canada et à celui de chaque province : voir Gitxsan Treaty Society c. Hospital Employees Union et al. (1999), 238 N.R. 73 (C.A.F.); Giagnocavo c. M.R.N. (1995), 95 D.T.C. 5618, où la Cour d'appel fédérale a statué qu'elle n'avait pas compétence pour entendre la question. Cet avis n'est pas qu'une simple formalité ou technicalité que la Cour peut ignorer ou à l'égard de laquelle elle peut accorder une dispense : voir La Reine c. Fisher (1996), 96 D.T.C. 6291, où la Cour d'appel fédérale a décidé que l'avis doit être donnédans tous les cas où la validité constitutionnelle ou l'applicabilité d'une loi est remise en question de la manière décrite à l'article 57, notamment dans une instance portée devant la Cour de l'impôt et régie par la procédure informelle. Effectivement, un juge ne peut de lui-même soulever une question constitutionnelle sans donner un avis au procureur général : voir Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l'Î-P-É, [1997] 3 R.C.S. 3.

L'objet de cet avis est utile, voire essentiel. Le procureur général, que ce soit celui du Canada ou d'une province, est chargé d'assurer l'application des lois et de défendre la constitutionnalité de celles qu'édicte le Parlement ou l'assemblée législative provinciale, selon le cas. L'avis lui permet de s'acquitter de cette fonction : au sujet de la fonction elle-même, voir Thorson c. Canada (Procureur général), [1975] 1 R.C.S. 138, à la page 146; Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607, au paragraphe 28; Miron c. Trudel, [1995] 2 R.C.S. 418. Il a également pour effet d'informer les procureurs généraux provinciaux des contestations visant des lois fédérales qui pourraient avoir des répercussions sur leurs provinces, même si l'obligation d'appuyer la constitutionnalité de ces lois n'est pas la leur. C'est pourquoi l'avis doit donner aux destinataires des renseignements satisfaisants en ce qui concerne les faits pertinents donnant lieu à la question constitutionnelle et au fondement juridique de cette question, faute de quoi il sera jugé insuffisant et la Cour présumera qu'il n'y a aucune question sérieuse à trancher : voir Gitxsan Treaty Society c. Hospital Employees Union et al., déjà cité. Enfin, il permet de veiller à ce qu'aucune injustice ne soit faite à l'endroit des représentants élus qui ont édicté la loi et de la population qu'ils représentent : voir Eaton c. Conseil scolaire du comtéde Brant, [1997] 1 R.C.S. 241, aux pages 264 et 265, par le juge Sopinka.


[29]       En ce qui concerne les moyens avancés, l'argument que la mesure intérimaire est inconstitutionnelle parce que l'article 22 de la Loi crée une discrimination fondée sur lge se trouve neutralisépar l'argument subsidiaire des demandeurs (avec lequel le défendeur est d'accord). L'article 22 ne s'applique pas à M. Worthington. Le droit auquel il aurait étéportéatteinte doit être celui de la personne qui formule la contestation. Ainsi, tout argument tiréde l'article 22 constitue une tentative de faire valoir les droits d'autrui. En principe, on ne peut invoquer la violation des droits qui sont garantis à une autre personne par la Charte (R. c. Edwards, [1996] 1 R.C.S. 128; Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342). L'exception limitée prévue dans l'arrêt Ministre de la Justice du Canada c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575 -lorsqu'une personne démontre qu'elle est directement touchée ou qu'elle a, à titre de citoyen, un intérêt véritable quant à la validitéde la loi, et qu'il n'y a pas d'autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour -ne peut être invoquée dans l'abstrait. Les demandeurs n'ont présentéen l'espèce ni élément de preuve ni argument démontrant qu'ils remplissent les conditions préalables pour pouvoir bénéficier de cette exception.

[30]       La thèse du défendeur suivant laquelle les demandeurs n'ont pas demandéle contrôle judiciaire du rejet de la demande présentée en vertu de l'article 3 n'est pas dénuée de fondement. Au paragraphe 6 de son affidavit, l'avocat des demandeurs explique que [traduction] « la demande fondée sur l'article 3 a étérefusée en raison du fait que Duane est un enfant adoptif » . Les avocats des deux parties ont fait savoir à la Cour que M. Worthington avait présentéune nouvelle demande en vertu de l'article 3 de la Loi. Il semble que le délai imparti pour demander le contrôle judiciaire du rejet de la demande fondée sur l'article 3 soit expirédepuis longtemps. L'ordonnance prorogeant le délai imparti pour déposer la demande de contrôle judiciaire vise le refus opposépar le ministre en vertu du paragraphe 5(4).


[31]       En revanche, l'argument que les demandeurs ont fait valoir à l'audience, en l'occurrence que l'inconstitutionnalitéréside dans la procédure suivie pour prendre la décision prévue au paragraphe 5(4), mérite dtre examiné. Les demandeurs soutiennent que, parce que les demandes fondées sur l'article 3 sont détournées vers l'article 5, la constitutionnalitéest en cause. Ils veulent contester la constitutionnalitéde l'article 3 pour ce motif et ils soutiennent qu'il s'agit d'un processus qui stale dans le temps.

[32]       Suivant une certaine jurisprudence, le nouvel exercice d'un pouvoir discrétionnaire donne lieu à une nouvelle décision (Independent Contractors and Business Assn. c. Canada (Ministre du Travail), (1998) 225 N.R. 19 (C.A.F.)). Il existe aussi des décisions dans lesquelles la Cour a interprétél'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales de façon assez large pour en faire relever une décision mouvante, qui stale dans le temps (Puccini c. Canada (Directeur général, Services de l'administration ministérielle, Agriculture Canada), [1993] 3 C.F. 557 (C.F. 1re inst.); Hunter c. Canada (Commissaire du Service correctionnel), [1997] 3 C.F. 936 (C.F. 1re inst.); Mennes c. Canada (Procureur général), (1998), 158 F.T.R. 215 (protonotaire); Schwarz Hospitality Group Ltd. c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), (1999), 167 F.T.R. 288 (protonotaire).


[33]       La question qui se pose est celle de savoir si les demandeurs ont bien respectéces paramètres. Après examen des conclusions écrites des demandeurs, j'estime qu'on ne peut pas dire que le défendeur ntait pas au courant que les demandeurs envisageaient la possibilitéde contester la constitutionnalitéde l'article 3. Le problème, c'est que les conclusions écrites ne permettent pas de savoir avec certitude comment ou pourquoi il en était ainsi. Le défendeur perçoit ces conclusions comme une attaque portée contre deux décisions distinctes. Lors du débat, les demandeurs ont préciséet clarifiéleurs conclusions écrites. L'idée du processus qui stale dans le temps est logique mais, comme je n'ai pas eu l'avantage d'entendre les plaidoiries des parties, je n'arrive pas à dissocier celles-ci des conclusions écrites. Ainsi, le défendeur ntait pas en mesure d'y répondre et on ne devrait pas s'attendre à ce qu'il le fasse sans avoir d'abord reçu un préavis. Les conséquences ne sont pas négligeables. Dans l'arrêt McKenna, précité, la Cour d'appel fédérale a statuéà l'unanimitéque le paragraphe 3(1) de la Loi était à première vue discriminatoire. Dûment avisé, le défendeur voudra probablement aborder la question de l'article premier de la Charte en présentant des arguments et des éléments de preuve.


[34]       De plus -et cela me ramène à la nature du contrôle judiciaire -, il n'y a rien qui permette de penser que le ministre disposait dléments au sujet de la demande fondée sur l'article 3 lorsqu'il a pris sa décision en vertu du paragraphe 5(4). Ainsi que je l'ai déjà signalé, le tribunal qui procède au contrôle judiciaire doit s'en tenir au dossier qui était soumis à l'auteur de la décision. Or, il ressort des pièces versées au dossier des demandeurs que le ministre disposait uniquement de la note de service. Certes, le ministre devait savoir que le dossier concernait une personne adoptée, mais rien ne permet d'affirmer qu'il en savait plus au sujet du dossier de M. Worthington. On ne peut reprocher la situation aux demandeurs. Il semble que M. Worthington n'ait pas demandéque la question soit examinée en vertu du paragraphe 5(4) ni qu'il était au courant qu'un tel examen était justifié. En soi, cette situation n'est pas normale, car la politique sur la mesure intérimaire précise bien, en ce qui concerne le paragraphe 5(4), que « [l]a personne devra être informée qu'il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire et devra également fournir toutes les preuves justificatives pour répondre aux exigences de base concernant l'adoption » .

[35]       Je pourrais continuer en évoquant d'autres problèmes, mais cela serait inutile. J'estime qu'on en a assez dit pour bien démontrer que la Cour serait totalement malvenue d'accepter l'invitation des demandeurs à examiner la constitutionnalitéde l'article 3 dans ces conditions. Le fondement factuel est insuffisant, compte tenu des éléments de preuve admissibles.


[36]       La demande de contrôle judiciaire sera accueillie et la décision prise par le ministre le 3 juillet 2003 sera annulée. L'affaire lui sera renvoyée pour qu'il prenne une nouvelle décision. Le défendeur a suggéréà la Cour d'assortir le renvoi de directives destinées au ministre. Je vais ordonner que le dossier intégral de M. Worthington ainsi que mes motifs d'ordonnance et mon ordonnance soient communiqués au ministre lors du réexamen de la demande de M. Worthington. Je n'oublie pas l'argument des demandeurs suivant lequel ils vont de toute façon revenir devant le tribunal parce que, même si sa demande est accueillie, M. Worthington devra prêter le serment de citoyennetéet que cette condition ne s'appliquent pas aux enfants biologiques. Même si cela est vrai, les demandeurs slèvent contre le fait que les personnes qui tombent sous le coup de l'article 22 ne sont pas autorisées à prêter le serment de citoyenneté. Il ressort par ailleurs aussi de la correspondance échangée entre M. Worthington et les fonctionnaires canadiens qu'il a hâte de prêter serment (dossier des demandeurs, à la page 370). On ne peut que spéculer pour le moment sur la possibilitéd'une éventuelle demande.

[37]       La dernière question à régler est celle des dépens. Les demandeurs réclament les frais extrajudiciaires dans leur demande. Ils ont maintenu cette position à l'audience. Les dépens extrajudiciaires sont l'exception et ne sont en principe adjugés que lorsqu'une des parties a agi de façon répréhensible, scandaleuse ou outrageuse (Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santénationale et du Bien-être social), (2000), 265 N.R. 90 (C.A.F. ), Amway Corp. c. Canada, [1986] 2 C.T.C. 339 (C.A.F.); Baker c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817). Je ne suis pas convaincue que la conduite du défendeur justifie l'adjudication des dépens au tarif des dépens extrajudiciaires. Compte tenu des facteurs énumérés à l'article 400 des Règles et plus précisément des facteurs prévus aux alinéas a), e), g), i) et k) du paragraphe (3), et exerçant le pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré, je condamne le défendeur à payer aux demandeurs la somme globale de 3 500 $ à titre de dépens (y compris les débours et la TPS).


ORDONNANCE

LA COUR ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire, ANNULE la décision du ministre et RENVOIE l'affaire au ministre pour qu'il prenne une nouvelle décision; ORDONNE que, lors du réexamen, le dossier intégral du demandeur Duane Edward Worthington ainsi que les présents motifs d'ordonnance et la présente ordonnance soient communiqués au ministre; CONDAMNE le défendeur à payer aux demandeurs la somme globale de 3 500 $ à titre de dépens (y compris les débours et la TPS).

        « Carolyn A. Laydon-Stevenson »       

      Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                                    T-247-04

INTITULÉ:                                        DUANE EDWARD WORTHINGTON et autre

c.

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 4 octobre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :

COMPARUTIONS :             

Ali Amini                                                         POUR LE DEMANDEUR

Pamela Larmondin                                        POUR LE DÉFENDEUR

Gordon Lee       

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Amini Carlson s.r.l.                                         POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


                                       SCHEDULE "A"

                                                 to the

Reasons for Order and Order dated November xx, 2004

                                                    in

DUANE EDWARD WORTHINGTON and HELEN CHARLOTTE WORTHINGTON

v.

          MINISTER OF CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

                                              T-247-04

Operations Memoranda

Citizenship Policy (CP)

Manual: CP

OM number: CP 01-05

Date: July 16, 2001

NHQ policy file no. 3008-1

IMM 0750: 2001-42

Title:

Interim measure concerning persons adopted by a Canadian citizen residing outside of Canada

PURPOSE

The purpose of this note de service is to announce a change in the treatment of citizenship applications for persons legally adopted by Canadians residing outside Canada.


This measure is necessary to fill the legal vacuum created by the case law on adoption (the McKenna case) and to accommodate individuals who have no other alternative for becoming a Canadian citizen. The decision of the Federal Court of Appeal in McKenna has made it difficult to continue to refuse citizenship to persons adopted by Canadians abroad on the ground that they do not have permanent resident status in Canada. CIC had tabled a bill, C-16, in the last Parliamentary session that contained a provision designed to allow citizenship to be granted to adopted persons without requiring them to meet the criterion of permanent residence. Other criteria were also included to ensure that the adoption is legal, that the interests of the child are protected and that no fraud is being perpetrated to obtain entry to Canada or Canadian citizenship. CIC is still committed to this approach and the Minister intends to table this bill again.

Consequently, this interim measure only concerns applications relating to persons whose permanent residence is outside Canada. Such a person may be a minor or of the age of majority when the application is made, provided that he or she was adopted while under 18 years of age. In the case of a person adopted after that age, namely as an adult, that person will have to obtain permanent residence in Canada and make his or her citizenship application pursuant to subsection 5(1) of the Citizenship Act, like any other new immigrant.

Until the department tables new citizenship legislation, applications concerning minors adopted by Canadian parents residing in Canada will continue to be processed under paragraph 5(2)(a) of the Citizenship Act. These persons will then have to satisfy the permanent residence criterion established by this provision.

BACKGROUND

Under the Citizenship Act, a foreign child who has been adopted by a Canadian parent may only be granted citizenship after obtaining permanent residence.

In 1998, the Federal Court of Appeal determined, in the McKenna case, that the Citizenship Act contained a distinction between natural-born children and adopted children in regard to the obtaining of citizenship. In the first place, this distinction was found to be discriminatory because it requires permanent residence of a child legally adopted by a Canadian citizen, while a child born of a Canadian outside Canada is a citizen from birth. In light of the McKenna decision, it would be difficult to refuse citizenship to a foreign child legally adopted by a Canadian on the ground that the child is not a permanent resident of Canada or does not meet the medical or security requirements contained in the Immigration Act.

In response to this new case law, a provision had been developed in C-16 which allowed citizenship to be granted to adopted children regardless of their place of residence. New criteria for granting citizenship had been selected in order to minimize the discrimination between natural-born children and adopted children, while safeguarding the interests of the child and taking risks of fraud into account.

While awaiting the coming into force of new citizenship legislation, or the amendment of the existing statute, measures must be taken to accommodate Canadians who have adopted children outside Canada who live abroad permanently or who cannot satisfy the criteria of paragraph 5(2)(a) of the Citizenship Act.

Procedure:


Commencing July 16, 2001, all requests for information, certification or granting of citizenship that concern a person born outside Canada who has been adopted by a Canadian citizen and who is unable to obtain permanent resident status because they resided outside of Canada at the time of the adoption and continue to reside outside of Canada shall be forwarded to the Case Management Branch, to the attention of Ms. Linda Hill, Director, Case Review.

Under the Citizenship Act, the alternative offered to persons legally adopted by Canadians residing outside Canada is the discretionary power of the Governor in Council to grant citizenship to persons who do not meet the criteria of the Act (subsection 5(4)). Since the permanent residence criterion is considered discriminatory with respect to the granting of citizenship to children legally adopted by Canadians, it becomes difficult to continue to refuse citizenship for that reason alone. The measure now proposed seeks to offer an alternative to persons who are penalized by the existing law and who have no other alternative for becoming citizens.

As soon as an application is received, a citizenship officer in the Case Management Branch shall be responsible for contacting the person concerned, by mail, to inform the person of the possibility of obtaining citizenship through the discretionary power of the Governor in Council provided for in subsection 5(4). The person shall be informed that this power is discretionary, and shall be required to provide all the evidence required to meet the basic requirements concerning adoption. The criteria involved were essentially those developed in the former citizenship legislation (section 8 of Bill C-16). They aim to ensure protection for the child, for the parents and for overall Canadian policy on citizenship and immigration. These criteria are :

The person must have been adopted by a Canadian after December 31st, 1946.

The person must have been less than 18 years of age at the time of the adoption.

The adoption must have been done in the best interests of the adopted person.

The adoption must have created a genuine parent-child relationship between the adopted child and the adopting parent.

The adoption must have been done in accordance with the law of the place of adoption and of the place of residence of the adopting parent.

The adoption must not have been done solely for the purpose of evading legal obligations relating to immigration or citizenship.

The Case Management Branch shall consider every case on its individual merits, make a report to the Minister, and the Minister shall make a favourable or unfavourable recommendation, as the case may be, to the Governor in Council concerning the granting of citizenship.

All persons 14 years of age or older shall swear the oath of citizenship in order to become Canadians.

Note:


If the adoption took place between December 31st, 1946 and February 15, 1977, the person in question is subject to the prohibitions of the law as set forth in section 22 of the Citizenship Act. If the person was adopted after February 14, 1977, the criminal prohibitions provided for in that section shall not apply and may not prevent the granting of citizenship or the swearing of the oath.


ANNEXE "A"

Notes de service sur les opérations

Politiques de citoyenneté(CP)

Guide: CP

NSO no: CP 01-05

Date: 16 juillet 2001

No de référence de la politique à l'AC: 3008-1

IMM 0750: 2001-42

Titre:

Mesure intérimaire concernant les personnes adoptées par un citoyen canadien résidant à ltranger

OBJET

Le but de cette note de service est d'annoncer une modification dans le traitement des demandes de citoyennetévisant des personnes légalement adoptées par des Canadiens résidant à l'étranger.

Cette mesure s'avère nécessaire pour combler le vide juridique créépar la jurisprudence en matière d'adoption (affaire McKenna) et permettre de traiter le cas des personnes qui n'ont pas d'autres alternatives pour devenir citoyen. En effet, à la suite de la décision de la Cour d'appel fédérale dans cette affaire, il serait difficile de continuer de refuser la citoyennetéaux personnes adoptées par des Canadiens à l'étranger sous le motif qu'ils n'ont pas la résidence permanente au pays. CIC a déposéun projet de loi sur la citoyenneté(C-16), au cours de la dernière session parlementaire, qui contient une disposition visant l'attribution de la citoyennetéaux personnes adoptées sans qu'elles ne doivent satisfaire au critère de résidence permanente. D'autres critères ont également étéprévus afin de s'assurer que l'adoption est légale, que l'intérêt de l'enfant est protégéet qu'il ne s'agit pas d'une fraude pour obtenir l'entrée au Canada ou la citoyennetécanadienne. CIC demeure favorable à cette approche et la ministre a l'intention de déposer à nouveau ce projet de loi.


En conséquence, cette mesure intérimaire ne touche que les demandes concernant des personnes dont la résidence permanente est à l'étranger. Il peut s'agir d'une personne majeure ou mineure au moment de la demande, à condition qu'elle ait étéadoptée alors qu'elle était âgée de moins de 18 ans. S'il s'agit d'une personne adoptée après cet âge, soit à titre d'adulte, la personne devra obtenir la résidence permanente au Canada et faire sa demande de citoyennetéen vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyennetéau même titre qu'un nouvel immigrant.

Jusqu'à ce que le Ministère dépose la nouvelle législation sur la citoyenneté, les demandes visant des mineurs adoptés par des parents canadiens résidant au Canada continueront d'être traitées en vertu de l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté. Ces personnes mineures devront donc satisfaire au critère de résidence permanente prévue par cette disposition.

CONTEXTE

En vertu de la Loi sur la citoyenneté, un enfant étranger qui a étéadoptépar un parent canadien ne peut se voir attribuer la citoyennetéqu'après avoir obtenu la résidence permanente.

En 1998, la Cour fédérale d'appel a conclu, dans l'affaire McKenna, que la Loi sur la citoyennetécomportait une distinction entre les enfants naturels et les enfants adoptés pour l'obtention de la citoyenneté. Àprime abord cette distinction a étéjugée discriminatoire puisqu'elle consiste à exiger la résidence permanente à un enfant légalement adoptépar un citoyen canadien, alors que l'enfant néd'un Canadien à l'étranger est citoyen dès la naissance. Étant donnécette décision, il serait difficile de refuser la citoyennetéà un enfant étranger légalement adoptépar un Canadien parce qu'il n'est pas résident permanent du Canada ou qu'il ne répond pas aux exigences médicales ou sécuritaires que prévoit la Loi sur l'immigration.

Compte tenu de cette nouvelle jurisprudence, une disposition avait étéprévue dans le projet de loi C-16 permettant l'attribution de la citoyennetéaux enfants adoptés sans égard à leur lieu de résidence. De nouveaux critères d'attribution avaient étéchoisis de manière à diminuer le plus possible la discrimination entre les enfants naturels et les enfants adoptés tout en sauvegardant les intérêts de l'enfant et en tenant compte des risques de fraude.

En attendant l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi, ou la modification de la loi actuelle, des mesures doivent être prises pour accommoder les Canadiens qui ont adoptédes enfants à l'étranger et qui y vivent de façon permanente ou qui ne peuvent satisfaire les critères de l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté.

Procédure :

Àcompter du 16 juillet 2001, toutes les demandes d'information, d'attestation ou d'attribution de la citoyennetéconcernant une personne née à l'étranger qui a étéadoptée par un citoyen canadien et qui se voit dans l'impossibilitéd'obtenir le statut de résident permanent en raison du fait qu'elle résidait à l'extérieur du Canada au moment de l'adoption et continue de résider à l'extérieur par la suite, devront être acheminées à la Direction générale du règlement des cas, à l'attention de Madame Linda Hill, Directrice de la révision des cas.


En vertu de la Loi sur la citoyenneté, l'alternative qui s'offre aux personnes légalement adoptées par des Canadiens résidant à l'étranger est le pouvoir discrétionnaire du Gouverneur en conseil d'attribuer la citoyennetéà des personnes qui ne satisfont pas les critères de la loi(paragraphe 5(4)). Étant donnéque le critère de résidence permanente est considérédiscriminatoire pour l'attribution de la citoyennetéaux enfants légalement adoptés par des Canadiens, il devient difficile de continuer à refuser la citoyennetépour ce seul motif. La présente mesure vise donc à offrir une solution de rechange aux personnes qui sont pénalisées par la loi actuelle et qui n'ont pas d'autres alternatives pour devenir citoyens.

Dès réception des demandes, un agent de citoyennetéà la division du règlement des cas sera responsable de contacter la personne concernée, par courrier, pour l'informer de la possibilitéd'obtenir la citoyennetéen vertu du pouvoir discrétionnaire du gouverneur en conseil que prévoit le paragraphe 5(4). La personne devra être informée qu'il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire et devra également fournir toutes les preuves justificatives pour répondre aux exigences de base concernant l'adoption. Les critères sont essentiellement ceux établis dans l'ancien projet de loi sur la citoyenneté(article 8 du Projet de loi C-16). Ils visent à assurer une protection tant pour l'enfant et les parents que pour la politique canadienne générale en matière de citoyennetéet d'immigration. Ces critères sont :

La personne doit avoir étéadoptée par un Canadien après le 31 décembre 1946;

La personne doit être âgée de moins de 18 ans au moment de l'adoption ;

L'adoption doit avoir étéfaite dans l'intérêt supérieur de l'adopté;

L'adoption doit avoir crééun véritable lien de filiation entre l'adoptéet le parent adoptant;

L'adoption doit avoir étéfaite conformément au droit du lieu de l'adoption et du lieu de résidence du parent adoptant ;

L'adoption ne doit pas avoir étéfaite uniquement dans le but d'éluder les obligations légales en matière d'immigration ou de citoyenneté.

Tous les cas seront étudiés au mérite par la Direction du règlement des cas, qui fera un rapport à la Ministre, et la Ministre fera ensuite une recommandation favorable ou défavorable, selon le cas, au Gouverneur en conseil concernant l'attribution de la citoyenneté.

Toutes les personnes âgées de 14 ans et plus devront prêter le serment de citoyennetépour devenir des citoyens canadiens.

Note:

Si l'adoption a eu lieu entre le 1er janvier 1947 et 15 février 1977, la personne est sujette aux interdictions de la loi prévues à l'article 22 de la Loi sur la citoyenneté. Si la personne a étéadoptée après le 14 février 1977, les interdictions criminelles prévues à cet article ne s'appliquent pas et ne peuvent empêcher l'attribution de la citoyennetéou la prestation du serment.

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