Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

        



Date : 19991022


Dossier : T-2238-98

ENTRE:

     SERGE DE-NOBILE

     Demandeur

     - et -



     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Défendeur







     MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE BLAIS



[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision au troisième palier, rendue par le Service correctionnel Canada (S.C.C.) en date du 3 novembre 1998, qui a maintenu l"appel logé par le demandeur, lui accordant une rémunération de grade "3" à partir du 15 mai 1998.




LES FAITS

[2]      À l"époque des événements, le demandeur est détenu dans l"établissement Drummond. Il travaillait à la cuisine tous les jours de la semaine et gagnait une rémunération de grade "5", soit de 110.00$ toutes les deux semaines.


[3]      Le 10 mai 1998, le demandeur a été suspendu pour avoir embrassé la cuisinière, Madame Cécile Lemay. Le lendemain, il fut placé en isolement préventif. Il fut congédié de son poste, suite à la révision de son cas, et condamné à deux semaines d"activités restreintes. Pendant cette période, le demandeur ne pouvait être assigné à un nouveau programme et continuait à être privé de rémunération.


[4]      Le demandeur trouva un emploi la semaine suivante, mais on refusa de le laisser travailler, puisqu"une sanction de deux semaines s"appliquait à ceux ayant été congédiés. Il porta une plainte, mais elle fut refusée. Il présenta alors une demande de revue externe le 19 juin 1998, qui lui aurait été également refusée. Son grief au deuxième palier fut également refusé le 23 septembre 1998. Le demandeur logea un grief au troisième palier soulevant l"illégalité de l"Ordre permanent 730. Ce grief fut accueilli le 3 novembre 1998.

LA DÉCISION AU TROISIÈME PALIER

[5]          Nous notons que le Comité avait indiqué que le "sujet s"était trouvé un emploi à CORCAN qui voulait l"embaucher immédiatement." Cependant le comité refusa puisque selon eux, "le sujet devait faire sa sanction administrative de deux (2) semaines"
         Nous concluons donc, qu"étant donné que les industries CORCAN acceptait immédiatement votre candidature pour débuter une nouvelle affectation, le Comité des programmes aurait dû accepter votre nouvelle affectation à cette date, soit le 14 mai 1998, date de la révision de votre cas afin de respecter l"objectif principal de la DC 730 qui encourage la participation des détenus aux programmes dans le but de les aider à atteindre les objectifs établis dans le Plan correctionnel. Le grade "0" s"appliquait donc seulement pour la période du 10 mai 1998 (date de votre suspension) au 14 mai 1998 (date de votre congédiement) puisqu"une nouvelle affectation était possible. Votre grief est donc maintenu à cet effet et votre niveau de rémunération sera ajusté en conséquence, c"est-à-dire niveau 0 du 10 mai au 14 mai 1998 et niveau 3 à partir du 15 mai 1998 et ce, puisque vous auriez pu bénéficier d"une affectation reliée à votre Plan correctionnel à ce moment-là.

LES PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR

[6]      Le demandeur argumente que le geste posé n"avait rien de répréhensible, n"avait aucune connotation sexuelle, avait été posé dans le contexte de la Fête des Mères pour remercier Madame Lemay, qui était assez âgée pour être sa mère, de sa bonté à son endroit. Ce geste ne méritait pas un rapport d"offense.

[7]      Le fait que Madame Lemay, n"avait pas utilisé son alarme personnelle, démontre qu"elle ne se sentait pas agressée ou menacée. Ce n"est que le lendemain qu"elle a fait part à l"administration de l"incident démontrant ainsi le caractère trivial et sans conséquence du geste. De plus, elle a informé ses supérieurs qu"elle n"avait aucune objection à ce que le demandeur continue à occuper son poste.

[8]      Le demandeur soutient qu"un simple avertissement était suffisant, vu que le geste n"avait aucun caractère sexuel. Il fait valoir qu"il y a eu nettement abus de droit et de procédure, puisqu"il était déraisonnable d"imposer cinq sanctions, aussi drastiques et lourdes de conséquences pour un incident aussi banal et insignifiant.

[9]      Il maintient que l"officier Roussel était inapte a siéger, compte tenu de ses commentaires trois jours avant l"audition, que s"il ne tenait qu"à lui, il l"expédierait à Port Cartier, un pénitencier à sécurité maximale. Il argumente que lors de l"audition, l"officier Roussel aurait appelé Madame Lemay et l"aurait même rencontrée seul pendant quinze minutes et suite à une audition sommaire, le demandeur était condamné à payer 10.00$ d"amende. De plus, le grade de rémunération est passé du niveau 5 au niveau 0.

[10]      Il soutient qu"il a été réintégré à la cuisine alors que Madame Lemay y travaille toujours, ce qui prouvait que la décision initiale de le congédier, constituait une décision intempestive et non justifiée.

[11]      Il fait valoir que l"admission de faute et de responsabilité qui apparaît à la réponse de troisième palier, de même que la réparation y indiquée, sont nettement insuffisantes. Il indique que la décision de troisième palier est incorrecte car l"on aurait dû y annuler le congédiement du demandeur, qui constituait un abus de droit.

[12]      Le demandeur réclame une rémunération de grade "5" pour toute la période concernée. Il demande 11, 400.00$ en dommages-intérêts pour les jours de ségrégation. Au surplus, il réclame 5 000.00$ pour des dommages moraux pour congédiement abusif et injustifié.

LES PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR

[13]      Le défendeur soutient qu"il n"était pas déraisonnable de conclure que le demandeur pouvait être suspendu de son assignation à la cuisine. Le paragraphe 27 de la DC #730, prévoit qu"un détenu peut être suspendu en raison de son comportement. En l"espèce, le demandeur a embrassé une employée du SCC dans un endroit isolé en lui demandant de garder le secret. L"employée a rempli un rapport d"infraction dans lequel elle mentionne qu"elle considère ce geste inacceptable et déplacé.

[14]      En vertu du paragraphe 28 de la DC #730, le Comité avait une discrétion, lors de la révision, de mettre un terme à la participation au programme. Le Comité n"a pas outrepassé son pouvoir vu que le geste posé le 10 mai 1998, était inacceptable dans un contexte carcéral.

[15]      La décision du 3 novembre n"est pas déraisonnable. Elle est conforme au paragraphe 22 de la DC #730. De plus, on a accordé au demandeur une rémunération de niveau 3 à partir du 15 mai 1998, date à laquelle il aurait pu être assigné à CORCAN.

[16]      L"attribution au niveau 3 est conforme aux paragraphes 17, 18 et 19 de la DC #730, puisque son assignation était une affectation à un nouveau domaine.

[17]      La Cour ne peut octroyer les recours du demandeur.



QUESTIONS EN LITIGE

     -      La décision du 3 novembre 1998 est-elle entachée d"une erreur?
     -      La Cour a-t-elle la compétence d"octroyer les recours demandés?

ANALYSE

La décision du 3 novembre 1998 est-elle entachée d"une erreur?

[18]      Les arguments du demandeur concernant la décision de l"officier Roussel doivent être rejetés. C"est la décision rendue le 3 novembre 1998 qui fait l"objet du contrôle judiciaire et seuls les arguments soulevés lors du grief au troisième palier, seront retenus.

[19]      Le paragraphe 22 de la DC #730 prévoit qu"un détenu sera privé de sa rémunération lors de la suspension. Conformément au paragraphe 28 de la DC, le cas du demandeur a été révisé dans les cinq jours et le Comité a décidé de le congédier de son affectation à la cuisine, le 14 mai 1998. Le détenu a été alors privé d"une rémunération du 10 au 14 mai 1998. Le Comité du grief au troisième palier a conclu que le demandeur a droit à une rémunération de niveau "3" puisqu"il s"est trouvé un nouvel emploi le 15 mai 1998 et ce, conformément aux paragraphes 17, 18, 19 de l"O.P. qui indiquent :

     17.      Le troisième niveau de rémunération s"applique aux détenus qui sont affectés dans un domaine relié à leur plan correctionnel.
     18.      Le quatrième niveau de rémunération s"applique aux détenus qui ont un rendement satisfaisant au programme qu"on leur a assigné dans le cadre de leur plan correctionnel depuis au moins (3) mois.
     19.      Le cinquième niveau de rémunération s"applique aux détenus dont le rendement dans tous les domaines de son affectation au programme est coté "excellent" pour une période précisée dans le plan correctionnel du détenu pour trois (3) mois, la plus courte période retenue.

[20]      Vu qu"il s"agit d"un nouvel emploi suite à un congédiement de son ancienne affectation pour comportement inacceptable, le demandeur ne satisfait pas les exigences des paragraphes 18 et 19 de l"OP.

[21]      Le demandeur n"a pas réussi à démontrer que la décision du 3 novembre 1998, rendue en sa faveur, est déraisonnable. La cessation de la rémunération est conforme à la DC #730, ainsi que l"attribution du niveau "3".

La Cour a-t-elle la compétence d"octroyer les recours demandés?

[22]      Le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur la Cour Fédérale édicte:


18.1(3)Sur présentation d"une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut :

a) ordonner à l"office fédéral en cause d"accomplir tout acte qu"il a illégalement omis ou refusé d"accomplir ou dont il a retardé l"exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler ou infirmer ou renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu"elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l"office fédéral.

18.1(3) On an application for judicial review, the Trial Division may


(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or


(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

[23]      Le paragraphe 18.1(3) ne prévoit pas l"octroi des dommages-intérêts. La Cour fédérale n"a pas alors la compétence d"octroyer les dommages-intérêts demandés.

[24]      En conséquence, la demande de révision judiciaire est rejetée.







                         Pierre Blais

                         Juge


OTTAWA, ONTARIO

Le 22 octobre 1999


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.