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Date : 20000907


Dossier : IMM-3545-99



ENTRE :

     Julio Cesar GOCHEZ

     Lorena Esperanza CARCAMO SANTOS

     Blanca Leticia CARCAMO MARTINEZ

     Carlos Mauricio CARCAMO MARTINEZ

     Claudia Lorena CARCAMO MARTINEZ

     Demandeurs


     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Défendeur



     MOTIFS D'ORDONNANCE


LE JUGE DUBÉ :

[1]      Cette demande de contrôle judiciaire vise une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration ("la section du statut") rendue le 17 juin 1999 à l'effet que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.


[2]      Le demandeur principal, son épouse et leur trois enfants sont citoyens du Salvador. Il allègue avoir travaillé au service d'une entreprise privée à titre de "secrétaire" à partir du mois d'août 1990, avoir été témoin d'un meurtre perpétré par quatre policiers le 5 mai 1998, avoir reçu des appels menaçants, et que le 15 juin 1998, lui-même et sa conjointe ont été agressés par un groupe de policiers ou d'ex-policiers.

[3]      La section du statut a refusé sa demande de réfugié au motif que le demandeur n'était pas crédible. Elle a axé sa décision sur deux documents (P-4 et P-5). Le premier document vient de son employeur et se lit comme suit, tel que traduit de l'espagnol en français:

À travers la présente, il est certifié que Monsieur Julio Cesar Gochez, a travaillé à "Tramitaciones Ramos" comme visiteur de clients à domicile, depuis le 8 août 1990 et ce, jusqu'au 18 juin 1998.
Émise à San Salvador, le 11 janvier 1999

[4]      La section du statut a vu une contradiction entre le poste "visiteur de clients à domicile" et celui de "secrétaire" tel que rapporté par le demandeur dans son FRP. Confronté à cette apparente contradiction, le demandeur a expliqué au Tribunal, tel qu'en fait foi la transcription, que son travail consistait à obtenir des permis de conduire, archiver des documents, prendre les coordonnés des clients. Pour ce faire, il passait environ 70% de son temps au bureau et 30% à l'extérieur à rencontrer les clients.


[5]      Le demandeur a déclaré que s'il avait lui-même obtenu la lettre directement de son employeur il aurait insisté pour que sa fonction soit décrite comme "secrétaire". La lettre en question a été obtenue par l'entremise de son frère au Salvador.

[6]      À mon sens, cette apparente contradiction n'est pas suffisante pour justifier une conclusion de non-crédibilité. Il est indéniable que le demandeur a effectivement travaillé au service de son employeur pendant huit ans. La description exacte de son emploi n'est pas centrale à sa demande de réfugié.

[7]      Le deuxième document retenu par la section du statut est le certificat médical obtenu par le demandeur de son médecin le lendemain de l'agression. Le document traduit de l'espagnol vers le français se lit comme suit:

La soussignée, médecin général, membre du collège des médecins no : 5330, certifie qu'au dossier médical de Monsieur JULIO CESAR GOCHEZ, apparaît une consultation en date du 15 juillet 1998, en raison de : Flagellation occasionnée avec des objets contondants, ayant causé un "politraumatismo" (traumatisme) au visage, thorax antérieur et postérieur, abdomen et membres supérieurs et inférieurs et, en présentant des ecchymoses et lacérations qui méritent des soins simples quotidiens et incapacité de travail pour 8 jours. Émis à San Salvador, le 2 février 1999

[8]      Le Tribunal accuse le demandeur de manque de crédibilité vu qu'il a déclaré dans son FRP que l'agression avait eu lieu le 15 juin 1998 et qu'il avait vu le médecin le lendemain, soit le 16 juin 1998. Par contre, comme on le voit au certificat précité, la date de la consultation est le 15 juillet 1998. À l'audition, le demandeur a fait valoir qu'il s'agissait là d'une erreur commise par le médecin. Par ailleurs, la description de la flagellation dans le certificat correspond à la description du sévice infligé au demandeur lors de son agression tel que rapporté au FRP. L'extrait suivant en fait foi:

... Je n'ai pu offrir aucune résistance. Ils m'ont amené à un endroit pas très loin mais obscur, là ils m'ont lié les mains, ils m'ont fait mettre à genoux et avec un revolver sur ma tête ils ont commencé à me frapper dans l'estomac, dans la poitrine et dans le visage, j'ai roulé au sol je ne sais pas combien des fois et ils me donnaient des coups de pied comme si j'étais un ballon. Je saignais de la bouche et du nez et je les priais d'arrêter de me frapper, un d'eux m'a dit "tais-toi, fils de chienne" et ils m'ont levé et ils m'ont fait mettre à genou à nouveau en me disant que ce n'était pas un jeu.

[9]      La section du statut ne conclut pas que l'agression n'a pas eu lieu. Évidemment, ce n'est pas le rôle d'un juge siégeant en contrôle judiciaire de tirer ses propres conclusions en matière de crédibilité, à moins que celles d'un Tribunal soient déraisonnables. En l'espèce, les deux erreurs soulevées par la section du statut ne sont pas nécessairement imputables au demandeur. Le médecin a pu se tromper de date et la personne au bureau de l'employeur a pu décrire la fonction du demandeur à sa façon. Il n'y a aucun indice de mauvaise foi de la part du demandeur dans le sens qu'il n'avait rien à gagner en changeant la date de son agression ou la description des fonctions qu'il occupait.

[10]      Dans les circonstances, je crois qu'il est juste et équitable de retourner cette affaire à une section du statut composée de membres différents pour une nouvelle audition. Dans l'entretemps, le demandeur aura l'opportunité de faire corriger les documents précités. Le nouveau conseil pourra concentrer son attention sur les éléments fondamentaux à la base de la demande originale et non sur des contradictions apparentes de nature périphérique.

[11]      Les deux procureurs et le juge sont d'accord qu'il n'y a pas ici de question d'importance générale à être certifiée.





OTTAWA, Ontario

le 7 septembre 2000

    

     Juge

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