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                                                                    IMM-502-96

 

 

 

ENTRE :

 

 

 

VLADIMIR KOMARNITSKI,

                                    NATALIA KOMARNITSKI,

ROMAN KOMARNITSKI,

 

                                                                   requérants,

 

 

ET :

 

 

              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION,

 

 

                                                                       intimé.

 

 

 

                     MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

LE JUGE DENAULT

 

      Les requérants, Vladimir et Natalia Komarnitski[1], et leur fils, Roman, cherchent à obtenir le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que les requérants n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, aux termes du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’Immigration.  Les requérants prétendent que la Commission a commis une erreur de droit en évaluant leur crédibilité.

 

      Invoquant la Loi israélienne sur le retour, les requérants ont quitté l’U.R.S.S. pour se rendre en Israël, en août 1992.  Lors de leur séjour en Israël de septembre 1992 à mars 1994, les membres de la famille Komarnitski, qui avaient obtenu la citoyenneté israélienne, ont dû déménager à plusieurs reprises en raison des actes de violence qu’ils subissaient.  Ces actes, qui ont poussé les Komarnitski à revendiquer le statut de réfugié peu après leur arrivée au Canada le 21 mars 1994, ont été commis en raison de la nationalité et de la religion des membres de la famille étant donné que, malgré leur origine juive, ils sont des Catholiques pratiquants

 

      Lors des auditions devant la Commission les 24 et 31 octobre 1995, les requérants ont témoigné relativement aux incidents et événements décrits dans leurs FRP et celle de leur fils.  Voici certains des actes sur lesquels ils ont fondé leur revendication du statut de réfugié : des attentats répétés contre la vie de Vladimir commis par ses collègues de travail, à son lieu de travail, entre octobre 1992 et décembre 1993; l’impossibilité, pour Natalia, de se trouver et de conserver un emploi en raison de sa nationalité et de sa religion et le fait qu’elle a subi de la violence verbale et physique répétée; le fait que Roman a subi, à partir de septembre 1992, de la violence physique et verbale répétée de la part d’élèves de son école et d’enfants de son voisinage, ce qui a forcé les requérants à lui faire changer d’école cinq fois en une année et demie; le fait que même si Roman a dû être hospitalisé après avoir été battu par six enfants de son voisinage, la police a décidé de mettre fin à l’enquête; le refus de la police de mener une enquête, à une autre occasion, suite à la commotion que Roman a subie après avoir été happé par une automobile à un passage pour piétons.  Les requérants soutiennent qu’ils n’ont pu obtenir la protection de la police et que leurs tentatives en vue d’obtenir de l’aide d’organismes tels le Forum zioniste et Histadrut n’ont eu aucun effet.

 

      En prenant sa décision défavorable, la Commission a conclu que le témoignage des requérants avait été si exagéré que ceux-ci n’avaient aucune crédibilité.  Cette conclusion négative de la Commission en ce qui concerne la crédibilité des requérants se fondait, du moins en partie, sur le fait qu’elle insistait pour que les requérants expliquent les divergences qui existaient entre leur témoignage et l’ensemble de la preuve documentaire.  À cet égard, la Commission a eu le raisonnement suivant :

 

Confrontés à plusieurs éléments de cette preuve documentaire, les demandeurs n’ont pas été en mesure d’infirmer dans leurs répliques l’intégrité et la véracité de la preuve documentaire déposée et nous sommes d’avis que leurs témoignages ont été nettement exagérés[2].

 

La Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en fondant sa conclusion en matière de crédibilité sur des contradictions ou incohérences externes, contrairement au principe énoncé par le juge MacGuigan dans Luis Fernando Soto Y Giron c. M.E.I.[3].  Après avoir examiné toute la preuve dont je dispose, je suis d’avis que la Commission a tiré une conclusion de fait de façon abusive, c’est-à-dire qu’elle a commis une erreur de droit lorsqu’elle s’est fondée sur des incohérences externes en tirant une conclusion défavorable en ce qui concerne la crédibilité des requérants.

 

      Il s’ensuit nécessairement que la décision finale de la Commission, soit que les requérants n’ont pas été persécutés et que, par conséquent, ils ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention, a été entachée d’une erreur de droit.  En conséquence, la décision de la Commission est annulée.


ORDONNANCE

 

      La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.  La décision de la Commission est annulée et l’affaire est envoyée à une autre formation de la Commission pour qu’elle procède à une nouvelle audition de celle-ci.

 

 

OTTAWA, le 6 juin 1997.

 

 

 

 

 

          PIERRE DENAULT         

                                                J.C.F.C.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme       ___________________________

                                    Bernard Olivier, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                 AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

NO DU GREFFE :                              IMM-502-96

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            Vladimir Komarnitski,

                                                            Natalia Komarnitski,

                                                            Roman Komarnitski

                                                            - c. -

                                                            Le ministre de la Citoyenneté

                                                            et de l’Immigration

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 8 avril 1997

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE DENAULT

 

EN DATE DU :                                  8 avril 1997

 

 

ONT COMPARU :

 

Me Julius Grey

Me Kim Mancini

                                                                                    POUR LES REQUÉRANTS

 

 

Me Michel Synnott

                                                                                    POUR L’INTIMÉ

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Grey Casgrain

Montréal (Québec)

                                                                                    POUR LES REQUÉRANTS

 

 

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                                                                                    POUR L’INTIMÉ



[1]La Cour fait remarquer que le nom des requérants a été épelé parfois « KOMERNICKI » et parfois « KOMARNITSKI » dans les procédures d’immigration qui ont précédées la présente demande de contrôle judiciaire.  Elle fait également remarquer que le nom des requérants s’épèle « KOMARNITSKI ».

[2]Décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Section du statut de réfugié) en date du 24 novembre 1995, à la page 5.

[3]A-387-89 (C.A.F.), 28 mai 1992, aux pages 1 et 2.  Faisant référence à la conduite de la SSR dans Giron, le juge MacGuigan dit :

 

La Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié («la Commission») a choisi de fonder en grande partie sa conclusion en l'espèce à l'égard du manque de crédibilité, non pas sur des contradictions internes, des incohérences et des subterfuges, qui constituent l'essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits, mais plutôt sur l'invraisemblance des critères extrinsèques, tels que le raisonnement, le sens commun et la connaissance d'office, qui nécessitent tous de tirer des conclusions que les juges des faits ne sont pas mieux placés que les autres pour tirer.

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