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Date : 19990505


Dossier : IMM-2496-98

Entre :

     YAI FLORENCE FUTILA MAYEKE

     Partie demanderesse

     - et -

     LE MINISTRE

     Partie défenderesse

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER :

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire interjetée à l"encontre de la décision de la section du statut de réfugié selon laquelle la demanderesse n"est pas une réfugiée au sens de la Convention.

[2]      La demanderesse est citoyenne de la République Démocratique du Congo (RDC) [ex-Zaïre]. Elle prétend avoir une crainte bien fondée de persécution en raison d"opinions politiques imputées et de son appartenance à un groupe social particulier.

[3]      La demanderesse opérait une terrasse à côté de sa maison. Le 5 décembre 1996, selon son FRP, alors qu"elle prenait une commande, des soldats seraient entrés, auraient menottés sept clients ainsi que la demanderesse et les auraient conduits en prison.

[4]      Celle-ci fut emprisonnée pendant quinze jours. Elle allègue avoir été brutalisée et avoir été violée à deux reprises.

[5]      Le 21 décembre 1996, durant la nuit, elle est libérée. Elle explique qu"un gardien est venu la chercher et l"a conduite à la porte arrière où à l"extérieur, une jeep les attendaient.

[6]      Après avoir quitté la prison, elle affirme avoir constaté que son beau-frère ainsi qu"un ami, major de l"armée étaient dans la jeep. La même nuit elle sera conduite en pirogue à Brazzaville chez une amie de sa mère où elle s"y cache jusqu"à son départ pour le Canada. Le 4 février 1997 elle revendique le statut de réfugié.

[7]      La demanderesse a déposé en preuve un document attestant qu"elle a subi un avortement spontané deux mois après son arrivée au Canada. Le tribunal n"a pas mentionné ce document dans ses motifs.

[8]      La Section du statut a conclu que la demanderesse n"était pas crédible et que sa revendication n"avait pas un minimum de fondement.

[9]      Le tribunal a accepté que la situation en RDC soit instable, mais a rejeté le témoignage de la demanderesse comme étant non crédible plus particulièrement à cause de certaines contradictions quant à son évasion.

[10]      Dans ce dossier, il est pertinent de noter qu"au début de l"audience, le tribunal a assuré la demanderesse qu"il ne demanderait aucune question au sujet des viols1. Le tribunal a donc dirigé ses questions sur les événements postérieurs aux viols.

[11]      Cependant, puisque les viols étaient les éléments centraux de la revendication, il était déraisonnable, à mon avis, de conclure à la non crédibilité de la demanderesse en évaluant sa crédibilité uniquement sur les incidents qui ont suivi immédiatement ces agressions. Lorsqu"il a constaté avoir des doutes quant à sa crédibilité sur des faits collatéraux, le tribunal aurait dû permettre à la demanderesse de témoigner sur l"élément central de sa revendication. Une telle omission constitue un déni de justice naturelle.

[12]      Dans l"affaire Joseph2, le tribunal avait informé la requérante qu"elle ne serait pas obligée de témoigner au sujet des viols parce qu"on les avait acceptés comme prouvés. Puis, la revendication a été rejetée pour un manque de crédibilité. Une demande de contrôle judiciaire fut accordée, entre autres, en raison du fait que le tribunal aurait dû permettre à la revendicatrice de témoigner au sujet des viols dont elle a été victime.

             There are several areas where the Board's decision is questionable and which support referring the matter back to the Board. The first area is with respect to the rapes suffered by the applicant. At the outset of the hearing, the Board informed the applicant that she need not testify as to the rapes because the Board was accepting them as fact from the applicant's PIF. However, the Board then found that the rapes were not connected to the applicant's involvement in the march and hence her political opinion. Since this was clearly a basis for the negative decision, she should have been given an opportunity to testify as to the rapes and the circumstances behind them (Velauthar v. M.E.I. (1992), 14 N.R. 239 (F.C.A.)).3             

[13]      De plus, en se concentrant sur les événements postérieurs aux viols, le tribunal a ignoré les effets qu"une telle expérience pourrait avoir chez la demanderesse. Les directives données par la présidente de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié sont pertinentes :

     Les revendicatrices du statut de réfugié victimes de violence sexuelle peuvent présenter un ensemble de symptômes connus sous le nom de syndrome consécutif au traumatisme provoqué par le viol, et peuvent avoir besoin qu"on leur témoigne une attitude extrêmement compréhensive.4         

[14]      En particulier, la difficulté de concentration et la perte de mémoire sont inclues dans la liste des symptômes.5 En l"espèce les contradictions relevées portent essentiellement sur des incidents concernant l"évasion (par exemple, les personnes qui étaient présentes dans la jeep à ce moment là) et la confusion pouvait être expliquée par le traumatisme provoqué par les viols.

[15]      Finalement, je conclus que le tribunal a erré aussi en ignorant le document médical au sujet de l"avortement spontané subi par la demanderesse juste après son arrivée au Canada. Le défendeur prétend que ce document ne prouve pas nécessairement l"existence d"un lien entre l"avortement et les événements allégués. Cependant, il n"appartient pas au défendeur de parvenir à cette conclusion. Il est de la juridiction du tribunal d"évaluer la preuve. Je suis d"accord avec le juge Evans dans Cepeda-Gutierrez6 lorsqu"il dit que plus le document est pertinent, plus il est important que le tribunal le mentionne. Dans la présente affaire, je trouve que ce document est très pertinent et qu"il incombait au tribunal d"en traiter explicitement.

[16]      La demande de contrôle judiciaire est accordée et le dossier est retourné au SSR pour être reconsidéré par un panel nouvellement constitué.

[17]      Aucun des avocats n"a recommandé la certification d"une question.

    

                                     JUGE

MONTRÉAL (QUÉBEC)

Le 5 mai 1999.

[18]     

     Section de première instance de

     la Cour fédérale du Canada


Date : 19990505


Dossier : IMM-2496-98

Entre :

     YAI FLORENCE FUTILA MAYEKE

     Partie demanderesse

     ET

     LE MINISTRE

     Partie défenderesse

    

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

    

[19]     

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DE LA COUR :      IMM-2496-98

INTITULÉ :      YAI FLORENCE FUTILA MAYEKE

     Partie demanderesse

     ET
     LE MINISTRE

         Partie défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :      MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 4 mai 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU      5 mai 1999

COMPARUTIONS :

Me Mimi Beaudry      pour la partie demanderesse

Me Michel Pépin      pour la partie défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Mimi Beaudry      pour la partie demanderesse

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)      pour la partie défenderesse


__________________

1      Voir le Dossier du Tribunal à la p. 430.

2      Joseph c. Le Ministre (le 9 mars 1994), IMM-2623-93 (1ère inst.).

3      Ibid.

4      Revendicatrices du statut de réfugié craignant d"être persécutées en raison de leur sexe (le 9 mars 1993), à la p. 9.

5      Ibid. à la p. 17.

6      Cepeda-Gutierrez c. Le Ministre de la citoyenneté et de l"immigration (le 6 octobre 1998), IMM-596-98 (1ère inst.).

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