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Date : 19990128


Dossier : IMM-1101-98

Entre :

     PETRU CATALIN CIOBANU

     IOANA DENISA CIOBANU

     VASILICA CIOBANU

     Partie requérante

Et:

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     Partie intimée

     MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire interjetée à l'encontre de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de refugié (le tribunal) rendue le 17 février 1998 selon laquelle les requérants ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

[2]      Les requérants sont des citoyens de la Roumanie. Petru Catalin Ciobanu est le requérant principal. Il est accompagné de son épouse et de leur fille mineure.

[3]      Depuis la chute du communisme, les autorités roumaines ont procédé à la répartition des terres qui avaient été confisquées sous le régime communiste. Les requérants ont été désavantagés par la redistribution. En effet, le maire de la localité où ils habitaient a octroyé à un de ses amis un terrain que convoitait la grand-mère du requérant principal. Le requérant a alors fomenté une manifestation ayant pour but de démettre le maire de ses fonctions. Le 14 avril 1995, une centaine de personnes se sont rassemblées devant la mairie pour manifester contre le maire. M. Ciobanu et quelques autres manifestants sont entrés dans la mairie et ont forcé le maire à écrire une lettre de démission. Durant la manifestation, des gens ont commis des vols et du vandalisme. Le maire a été menacé.

[4]      Le même soir, deux policiers se sont présentés à la maison du requérant et lui ont demandé de déposer une déclaration au sujet des événements de la journée. Le demandeur a refusé. Alors, les policiers l'ont bousculé et l'ont amené de force. Au poste de police, il a écrit une déclaration; un policier l'a lue, a traité le requérant de menteur et l'a battu. Il a été relâché le lendemain matin. Le requérant a ensuite appris que les manifestants qui l'avaient accompagné au bureau du maire ont aussi été interrogés.

[5]      Le 10 mai, des policiers munis d'un mandat de perquisition ont fouillé son domicile et celui de sa grand-mère. Comme le requérant refusait toujours de changer sa déclaration du 14 avril, les policiers l'ont détenu et battu. Il a finalement signé une nouvelle déclaration déjà écrite, sans la lire, et les policiers l'ont alors libéré.

[6]      Le 12 mai 1995, le requérant a quitté la région pour se réfugier à Bucarest. Son épouse, restée à la maison, a reçu des visites et des appels répétés des policiers et a constaté que la maison était surveillée. Un ami du requérant lui a affirmé que les policiers possédaient des preuves l'incriminant au sujet des événements du 14 avril 1995.

[7]      Le 16 juin 1995, l'épouse du requérant principal a été violée par un des deux policiers qui s'étaient présentés à la maison dans le but de le retrouver. Suite à cet incident, la famille Ciobanu s'est rendue au Canada et a déposé une demande de statut de réfugié le 11 juillet 1995. Ils craignent d'être persécutés par les forces policières en raison de leur opposition politique aux autorités de leur localité.

[8]      Les faits en l'espèce ne sont pas contestés. Le rôle du tribunal était de déterminer si le requérant risquait d'être persécuté par les autorités pour ses opinions politiques sous le couvert de poursuites criminelles. Il n'y a pas lieu de déterminer si le requérant est coupable des actes qu'on lui reproche. Plutôt, il faut regarder si les poursuites intentées pour l'infraction alléguée ne sont qu'un prétexte pour sanctionner les opinions politiques du requérant. Souvent, un délinquant politique risque de se voir infliger un châtiment excessif ou arbitraire pour un délit prétendument commis. Par contre, si une personne est poursuivie pour un acte punissable et le traitement qu'elle encourt est conforme à celui qui est prévu par le droit général du pays en question, la crainte de ces poursuites, en elle-même, ne confère pas à cette personne la qualité de réfugié.

[9]      Il appartient aux requérants d'établir un lien entre leur crainte de persécution et l'un des cinq motifs prévus dans la Convention1. La question de l'existence d'un lien entre la crainte de persécution et les motifs prévus dans la Convention est une question de fait qui relève de la compétence du tribunal2.

[10]      Le tribunal a décidé que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention car ils n'ont pas établi existait une possibilité raisonnable de persécution en Roumanie pour un motif relié à la définition de réfugié. Je suis d'avis que cette conclusion est raisonnable et bien fondée en vertu de la preuve soumise. En effet, la preuve documentaire révèle qu'un tribunal roumain a examiné les agissements du maire et a décidé qu'il n'avait aucunement violé la loi sur la répartition des terres. Suite à la manifestation, le maire a été réintégré dans ses fonctions avec l'appui des autorités régionales. De même, la preuve révèle que le requérant avait des raisons personnelles pour se venger du maire. C'est lui qui a fomenté la manifestation du 14 avril 1995. Pendant la manifestation, des gens ont commis des vols, du vandalisme et le maire a été violenté. Apparemment, la police possédait des preuves incriminant le requérant.

[11]      Le tribunal a conclu que les actes du requérant n'étaient pas politiques mais visaient plutôt la protection de ses intérêts personnels. Les gestes posés étaient disproportionnés aux circonstances pour être politiquement excusables, d'autant plus qu'au autre maire a été élu en 1996. De même, le traitement subi par le requérant ne démontre pas un acharnement politique de la part des autorités à son endroit. Il n'a jamais été détenu pendant plus de 24 heures. Les policiers ont obtenu un mandat avant de procéder à la perquisition. D'autres manifestants ont également été interrogés. L'enquête semble s'être déroulée en conformité avec les lois roumaines. Le requérant a été battu; cependant, tel que mentionné par le tribunal, "la bêtise policière et les techniques peu évoluées d'enquête ne justifient pas à coup sûr un recours à la protection internationale en l'absence de preuve crédible de la volonté de la police de persécuter". Enfin, la preuve ne démontrait pas que la requérante avait été violée en raison des agissements de son mari. Elle aurait plutôt été victime d'un crime isolé.

[12]      J'estime que la décision du tribunal n'est ni arbitraire ni déraisonnable. Par conséquent, la demande est rejeté.

                                     JUGE

OTTAWA, Ontario

Le 28 janvier 1999

__________________

     1 Rizkallah c. M.E.I. (1992) 156 N.R. 1 (C.A.F.)

     2 Leon Orellana c. M.C.I. (19 septembre 1995) IMM-3520-94 (C.F. 1ère instance)

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