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Date : 20000301


Dossier : T-1616-98

Ottawa (Ontario), le 1er mars 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


demandeur


et


KEE KWONG CHAN

défendeur


JUGEMENT

     VU l'appel, fondé sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, qui a été formé pour le compte du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration contre la décision, datée du 30 juin 1998, dans laquelle un juge de la citoyenneté a approuvé la demande de citoyenneté du défendeur,

LA COUR ORDONNE que la décision du juge de la citoyenneté datée du 30 juin 1998 soit annulée.

« Eleanor R. Dawson »

                                         juge

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.





Date : 20000301


Dossier : T-1616-98


ENTRE :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


demandeur


et


KEE KWONG CHAN


défendeur


MOTIFS DU JUGEMENT

(exposés à l'audition, le 22 février 2000, à Toronto)


LE JUGE DAWSON


[1]      Il s'agit d'un appel, fondé sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, qui a été formé pour le compte du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration contre la décision, datée du 30 juin 1998, dans laquelle un juge de la citoyenneté a approuvé la demande de citoyenneté du défendeur.

[2]      Le défendeur n'a pas comparu en vue de s'opposer à l'appel.

[3]      Le présent appel porte sur la détermination que le juge de la citoyenneté a faite selon laquelle le défendeur a satisfait à l'exigence en matière de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. Cet alinéa exige que le demandeur de citoyenneté ait résidé au Canada pendant au moins trois des quatre années qui ont immédiatement précédé le dépôt de la demande. Le demandeur a présenté sa demande de citoyenneté le 16 janvier 1997. Il ressort du dossier qu'au cours de la période pertinente, le défendeur a été physiquement présent au Canada pendant 748 jours. Il lui manquait donc 347 jours pour satisfaire à l'exigence minimale. Voici les périodes pendant lesquelles le défendeur a été absent du Canada au cours de la période de quatre ans qui a précédé la date du dépôt de sa demande :

         Périodes d'absence          Nombre de journées

    

         93/05/26 au 93/11/05          163

         94/02/28 au 94/04/22          53

         94/06/20 au 94/11/20          153

         95/02/26 au 95/09/21          207

         95/11/25 au 96/02/22          89

         96/09/15 au 96/11/01          47


Les deux premières périodes d'absence étaient des voyages à Hong Kong. Pour chacune des quatre dernières absences, la demande de citoyenneté indique que le demandeur se trouvait [TRADUCTION] « à Hong Kong/aux É.-U. A. » . Dans chaque cas, le motif invoqué pour justifier l'absence était le suivant : [TRADUCTION] « affaires/séjour auprès de parents âgés » .

[4]      Dans Lam c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1999] J.C.F. no 410, T-1310-98 (26 mars 1999) (C.F. 1re inst.), le juge Lutfy (tel était alors son titre) a examiné les trois courants jurisprudentiels de notre Cour concernant l'interprétation de l'exigence en matière de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. En ce qui concerne cette jurisprudence, il a dit, au paragraphe 14 :

         À mon avis, le juge de la citoyenneté peut adhérer à l'une ou l'autre des écoles contradictoires de la Cour, et, s'il appliquait correctement aux faits de la cause les principes de l'approche qu'il privilégie, sa décision ne serait pas erronée.

[5]      Pour ce qui est de la norme de contrôle applicable à l'appel d'une décision d'un juge de la citoyenneté devant notre Cour, il a conclu, au paragraphe 33 :

         La norme appropriée, dans les circonstances, est une norme qui est proche de la décision correcte. Cependant, lorsqu'un juge de la citoyenneté, dans des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu à l'alinéa 5(1)c), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence. C'est dans cette mesure qu'il faut faire montre de retenue envers les connaissances et l'expérience particulières du juge de la citoyenneté durant la période de transition.

[6]      En l'espèce, les motifs que le juge de la citoyenneté a exposés sont les motifs du formulaire type imprimé, auxquels le juge a ajouté des notes manuscrites. Les motifs du formulaire type imprimé mentionnent : [TRADUCTION] « Après avoir examiné le questionnaire sur la résidence et d'autres pièces et documents qui ont été produits, et compte tenu de la déclaration d'intention et des faits dignes de foi que le demandeur a présentés dans le cadre de l'audition, j'ai conclu qu'il avait établi sa résidence. . . et centralisé son mode de vie au Canada le 21 juin 1992, qu'il a maintenu sa résidence et son mode de vie centralisé au Canada, et que pendant de telles absences temporaires, il n'avait pas l'intention de résider ailleurs qu'au Canada » .

[7]      Dans la partie manuscrite des motifs, le juge dit :

         [TRADUCTION] Le demandeur possédait un magasin de confection sur mesure à Hong Kong et à Toronto. Il devait se rendre à Hong Kong de temps à autre pour gérer son magasin, qu'il a depuis vendu à un ami. Il exploite présentement son magasin de Toronto en compagnie de son épouse. Il prenait également soin de ses parents âgés à Hong Kong.

[8]      Les motifs du formulaire type imprimé concluent que le demandeur [TRADUCTION] « satisfait pleinement à l'exigence en matière de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, dans le cadre que le juge en chef adjoint Thurlow (tel était alors son titre) a établi dans Re: Papadogiorgakis, no T-872-78 » .

[9]      Le principe énoncé dans Papadogiorgakis a été affirmé de nouveau par le juge Dubé dans Re : Ho, [1997] J.C.F. no 1747, T-2871-96 (15 décembre 1997) (C.F. 1re inst.) :

         Comme je l'ai dit à de nombreuses reprises, la résidence au Canada aux fins d'obtenir la citoyenneté n'implique pas la présence physique en tout temps. Le lieu où réside une personne n'est pas celui où elle travaille, mais bien celui où elle retourne après avoir travaillé. Donc, un demandeur de la citoyenneté qui élit domicile de façon évidente et définitive au Canada, dans l'intention bien claire d'avoir des racines permanentes dans ce pays ne doit pas être privée de la citoyenneté simplement parce qu'il doit gagner sa vie et celle de sa famille en travaillant à l'étranger. Les indices les plus éloquents du maintien de la résidence sont l'établissement permanent d'une personne et de sa famille dans le pays.

[10]      Il était loisible au juge de la citoyenneté d'adopter ce courant jurisprudentiel pour interpréter l'exigence applicable en matière de résidence. Il reste à savoir si les faits de l'espèce ont été convenablement appliqués aux principes de cette approche.

[11]      Comme je l'ai déjà mentionné, aucun motif n'a été exposé pour étayer la conclusion des motifs du formulaire type imprimé selon laquelle le demandeur avait centralisé son mode de vie au Canada le 21 juin 1992. Cette conclusion n'était pas manifestement étayée par le dossier dont disposait le juge de la citoyenneté.

[12]      Pour ce qui est de l'explication que le demandeur a fournie concernant ses absences prolongées du Canada, l'avocate du demandeur a dit, dans les observations écrites qu'elle a présentées au juge de la citoyenneté pour le compte de ce dernier, que les absences [TRADUCTION] « étaient de nature temporaire; il s'est rendu à Hong Kong pour fermer son magasin de confection sur mesure, et ses absences se sont prolongées, car il a dû fournir une aide physique et morale à ses parents âgés, qui ne peuvent se rendre au Canada parce qu'ils sont trop vieux pour voyager » . Le juge de la citoyenneté n'a pas expliqué sa conclusion que le demandeur a dû se rendre à Hong Kong [TRADUCTION] « pour gérer son magasin, qu'il a depuis vendu à un ami » .

[13]      À mon avis, il aurait fallu un témoignage digne de foi pour concilier la preuve écrite dont le juge de la citoyenneté disposait en ce qui concerne les revenus du demandeur pendant la période allant de 1994 à 1996 et la prétention selon laquelle le demandeur s'était établi au Canada de façon permanente, mais qu'il s'en était absenté parce qu'il devait gérer le magasin de confection sur mesure qu'il a vendu à un ami à un moment que l'on ignore.

[14]      Notre Cour ne dispose d'aucun élément de preuve en ce qui concerne tout témoignage, le cas échéant, qui aurait été fait devant le juge de la citoyenneté pour compléter le dossier.

[15]      En ce qui concerne l'explication selon laquelle le demandeur a pris soin de ses parent âgés à Hong Kong, le seul élément de preuve dont dispose notre Cour dans le cadre du présent appel au sujet de l'obligation du demandeur de prendre soin de ses parents âgés est une lettre du Dr Chan, de l'hôpital Kwong Wah de Hong Kong, confirmant l'état de santé actuel de la mère du demandeur et son état de santé en mars et décembre 1997; cette preuve n'est pas pertinente en ce qui concerne la période de quatre années qui a immédiatement précédé la date de la demande de citoyenneté.

[16]      Le dossier ne contient pas de preuve sur la cause ou la durée des absences du demandeur aux États-Unis.

[17]      Vu la preuve que contenait le dossier dont disposait le juge de la citoyenneté, l'absence de preuve en ce qui concerne quel autre élément de preuve, le cas échéant, a été présenté au juge de la citoyenneté, et le fait que les motifs du juge de la citoyenneté ne renvoient pas à des éléments de preuve étayant toutes les conclusions qu'il a tirées, je suis convaincue que le présent appel doit être accueilli.

[18]      La décision du juge de la citoyenneté datée du 30 juin 1998 est annulée.



« Eleanor R. Dawson »

                                             juge


Ottawa (Ontario)

Le 1er mars 2000.




Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              T-1616-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MCI c. KEE KWONG CHAN

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE MARDI 22 FÉVRIER 2000

MOTIFS DE JUGEMENT EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE DAWSON

EN DATE DU :              MERCREDI 1ER MARS 2000



ONT COMPARU :


Mme Geraldine Macdonald                          POUR LE DEMANDEUR

Aucune comparution                              POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Sous-procureur général du Canada                      POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

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