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     IMM-1907-96



ENTRE

     UNITY GWANZURA,

     requérante,


     et


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE SUPPLÉANT HEALD


     Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la "Commission") a conclu que la requérante n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.

Les faits

     La requérante est une citoyenne du Zimbabwe; elle allègue craindre avec raison d'être persécutée du fait de son appartenance à un groupe social. Le ratio de la décision a quo est que le dossier n'établit pas l'existence d'une preuve adéquate à l'égard de l'omission de l'État de fournir une protection.

     La soeur de la requérante est venue au Canada pour ne pas avoir à marier un certain Joseph Kambasha. Conformément au droit coutumier du Zimbabwe et par suite des pressions exercées par ses parents, la requérante a remplacé sa soeur, en janvier 1992, à titre de conjointe de M. Kambasha. M. Kambasha était beaucoup plus âgé que la requérante et commettait à son endroit des actes de violence, tant physiques que sexuels. La requérante était constamment assujettie au contrôle et à la supervision de son mari. Elle a tenté de s'enfuir à plusieurs reprises. Toutefois, sa famille l'a chaque fois renvoyée chez M. Kambasha. La requérante s'est plainte au poste de police local. Il n'a pas été tenu compte de ces plaintes et on a conseillé à la requérante de retourner chez son mari. En mars 1993, la requérante a tenté de s'enfuir en Zambie. Cette tentative a échoué et les autorités de la Zambie ont renvoyé la requérante au Zimbabwe.

     La requérante est une personne instruite selon les normes du Zimbabwe. Elle travaillait à plein temps comme secrétaire, emploi qu'elle a exercé jusqu'à ce qu'elle s'enfuie au Canada. Son emploi était fort bien rémunéré selon les normes locales.

     En janvier 1995, M. Kambasha a poignardé la requérante, qui a dû être hospitalisée. Lorsqu'elle a reçu son congé, la requérante a habité chez un cousin à Harare. Le 28 mai 1995, elle s'est enfuie au Canada en passant par le Portugal et les États-Unis.

La décision de la Commission

     La Commission a fait remarquer que les femmes qui sont contraintes de se marier et qui sont victimes de violence peuvent appartenir à un groupe social aux fins de la reconnaissance du statut de réfugié. Il a également été concédé que la requérante avait été [TRADUCTION] "contrainte, en vertu du droit coutumier, à contracter un mariage auquel elle voulait échapper, et qu'elle estimait que sa situation était intenable et traumatisante"1. Toutefois, en ce qui concerne le témoignage de la requérante, la Commission a fait remarquer ceci : [TRADUCTION] "[...] la revendicatrice a exagéré les actes de violence et la surveillance2 auxquels son mari la soumettait et, par conséquent, la gravité du mal qu'elle craignait, et elle a fait des déclarations inexactes au sujet de sa capacité de s'extirper de cette situation."

     La Commission a en outre conclu qu'en fait, la requérante jouissait d'une indépendance considérable et qu'elle avait tardé d'une façon déraisonnable à quitter M. Kambasha. Cette conclusion était fondée sur les éléments suivants :

     a)      la requérante gagnait un "salaire fort intéressant";
     b)      la requérante a pu conserver son passeport et obtenir des visas sud-africains au moins deux fois;
     c)      la requérante pouvait conserver l'argent qu'elle gagnait dans un pays où le salaire d'une femme mariée est souvent directement versé au mari;
     d)      la requérante n'a pas craint de se plaindre à plusieurs reprises de son mari auprès des services de police locaux;
     e)      la requérante a pu se rendre chez un avocat et prendre des dispositions pour les deux voyages qu'elle a effectués en dehors du pays.

     La Commission a eu outre conclu que la requérante avait tardé d'une façon déraisonnable à quitter le Zimbabwe, compte tenu de [TRADUCTION] "la situation de violence dans laquelle elle se trouvait".

     On a fait remarquer que la requérante avait un passeport valide, suffisamment d'argent pour payer son voyage et une soeur qui habitait au Canada, pays pour lequel un citoyen du Zimbabwe n'a pas à obtenir de visa. Voici ce que la Commission a conclu :

     [TRADUCTION]

     Le fait qu'elle ne s'est pas extirpée de la situation de violence dans laquelle elle se trouvait censément, compte tenu des possibilités qui s'offraient à elle à cet égard [...] est incompatible avec le témoignage qu'elle a présenté au sujet du mal sérieux que son mari lui a censément fait et qu'elle craint censément, et elle n'a pas agi comme le ferait une personne raisonnable qui se trouverait dans la situation alléguée.

Les questions en litige

1.      La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en concluant que la requérante n'avait pas établi que l'État omettait de lui fournir une protection?
2.      La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en concluant que la requérante avait tardé d'une façon déraisonnable à quitter le Zimbabwe?

La protection fournie par l'État

     Lors de l'audience relative au statut de réfugié, deux formes de persécution ont été avancées, soit d'une part le fait que le mari, M. Kambasha, se livrait à des actes de violence directs à l'endroit de la requérante et qu'il l'avait entre autres poignardée, et d'autre part les pressions sociales et psychologiques qui avaient été exercées pour protéger le mariage à cause des lois et coutumes traditionnelles.

     La Commission a conclu que la requérante avait omis d'établir que la protection légale disponible était inefficace. J'estime que la Commission pouvait raisonnablement tirer cette conclusion. Le Zimbabwe est une pays qui est dans une période de transition. La pratique concernant le remplacement des femmes n'a pas été entièrement prohibée. La Commission a retenu l'idée selon laquelle le droit coutumier et traditionnel s'applique encore au Zimbabwe. Cette idée est compatible avec la documentation pertinente. Par conséquent, je conclus que la Commission n'a pas commis d'erreur susceptible de révision en concluant que, pendant toute la période pertinente, l'État n'avait pas omis de fournir une protection.

Retard déraisonnable

     La Commission a fait des remarques au sujet du fait que la requérante avait tardé [TRADUCTION] "à s'extirper de la situation de violence dans laquelle elle se trouvait censément"3. La Commission a fait remarquer que la revendicatrice avait amplement eu la possibilité de quitter le Zimbabwe entre 1992 et 1995, année où elle a finalement quitté son pays pour venir au Canada. Voici ce que la Commission a dit : [TRADUCTION] "Elle avait un passeport valide, suffisamment d'argent pour payer son voyage, et une soeur au Canada, pays pour lequel un citoyen du Zimbabwe n'a pas à avoir de visa [...].4" Compte tenu de ces faits, la Commission a conclu ceci : [TRADUCTION] "Le fait qu'elle ne s'est pas extirpée de la situation de violence dans laquelle elle se trouvait censément, compte tenu des possibilités qui s'offraient à elle à cet égard comme il en a ci-dessous été fait mention, est incompatible avec le témoignage qu'elle a présenté au sujet du mal sérieux que son mari lui a censément fait et qu'elle craint censément, et elle n'a pas agi comme le ferait une personne raisonnable qui se trouverait dans la situation alléguée5."

     À mon avis, la Commission pouvait raisonnablement tirer cette conclusion selon le dossier, et sa conclusion ne devrait pas être modifiée.

Conclusion

     Puisque j'ai conclu, pour les motifs susmentionnés, que la Commission n'a pas commis d'erreur susceptible de révision dans les circonstances de l'espèce, il s'ensuit que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

Certification

     À mon avis, aucun fondement n'a été établi selon le dossier en vue de la certification d'une question grave de portée générale conformément à l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.

     "Darrel V. Heald"

     Juge

Toronto (Ontario)

Le 10 juillet 1997


Traduction certifiée conforme     

                                     C. Delon, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER





No DU GREFFE :                  IMM-1907-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :          UNITY GWANZURA
                         ET
                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION.

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 9 juillet 1997



MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      du juge suppléant Heald en date du 10 juillet 1997



ONT COMPARU :


     Unity Gwanzura,                      pour la requérante

     Ann Margaret Oberst,                  pour l'intimé



PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


     4, rue Lisa                          pour la requérante

     App. 1414

     Brampton (Ontario)

     L6T 4B6

     George Thomson                      pour l'intimé

     Sous-procureur général du Canada



COUR FÉDÉRALE DU CANADA




No du greffe :      IMM-1907-96


Entre :


UNITY GWANZURA
requérante,

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.



MOTIFS DE L'ORDONNANCE
__________________

1      Dossier de demande de la requérante - page 12.

2      Dossier de demande de la requérante - page 12.

3      Dossier de demande de la requérante - page 13.

4      Dossier de demande de la requérante - page 13.

5      Dossier de demande de la requérante - pages 13 et 14.

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