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             Date : 20000216

    Dossier : T-1750-99

ENTRE :

     WILLIAM HALL

   demandeur

                    et

   LA BANDE INDIENNE DAKOTA TIPI,

SA MAJESTÉ LA REINE, LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

   défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER


[1]         Le demandeur, William Hall, est membre de la bande indienne Dakota Tipi (la bande) et réside hors de la réserve. Selon le règlement électoral de la bande, il n'a donc pas le droit de vote aux élections du Conseil de bande. Il a intenté une action pour obtenir un jugement déclarant que le règlement contrevient à l'art. 15 de la Charte parce qu'il porte atteinte à son droit à l'égalité et que les dispositions habilitantes de la Loi sur les Indiens sont également inconstitutionnelles parce qu'elles visent à déléguer le pouvoir d'édicter des règlements inconstitutionnels. Un avis de question constitutionnelle a été signifié, conformément à l'art. 57 de la Loi sur la Cour fédérale. Les procureurs généraux des provinces n'ont pas jugé opportun d'intervenir à l'action. Sa Majesté la Reine, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le Procureur général du Canada (appelés conjointement « la Couronne » ) sont désignés comme défendeurs dans la demande. La Couronne présente une requête pour être mise hors de cause au motif qu'aucune réparation n'est recherchée de sa part et qu'elle n'est pas une partie dont la présence est nécessaire.

[2]             L'absence de désir de la Couronne de défendre le règlement de la bande est sans aucun doute due à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) [1999] 2 R.C.S. 203. Dans cette affaire, la Cour suprême a conclu que le par. 77(1) de la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5, qui exigeait que les membres de la bande résident habituellement dans une réserve pour avoir le droit de vote aux élections de la bande, était inconstitutionnel car il portait atteinte au droit à l'égalité des membres de la bande qui ne résidaient pas dans la réserve. Étant donné que cette même question est soulevée dans la présente action, dans le contexte de la procédure électorale coutumière de la bande, la Couronne estime peut-être que l'issue est prévisible et qu'elle ne touche pas les dispositions législatives fédérales d'une manière plus importante que ne l'a fait l'arrêt Corbiere, la présente action portant sur les dispositions d'un règlement électoral d'une bande en particulier.

[3]         De toute manière, la requête pour mise hors de cause de la Couronne fait l'objet de deux motifs d'opposition. Le premier motif est que la Couronne est liée par l'issue du litige, et le second est que la Couronne a un pouvoir de surveillance sur les affaires des bandes indiennes et qu'elle doit donc être visée par tout jugement favorable au demandeur obligeant la bande à respecter les droits que lui garantit la Constitution.


[4]         La Couronne présente sa requête en vertu de la règle 104 (1) des Règles de la Cour fédérale (1998), qui prévoit :


104. (1) At any time, the Court may

(a) order that a person who is not a proper or

necessary party shall cease to be a party; or

104. (1) La Cour peut, à tout moment, ordonner :

a) qu'une personne constituée erronément comme partie ou une partie dont la présence n'est pas nécessaire au règlement des questions en litige soit mise hors de cause;



[5]         La Couronne prétend qu'étant donné que la déclaration ne recherche aucune réparation de sa part, celle-ci n'est pas une partie dont la présence est nécessaire. En outre, la présence de la Couronne n'est pas nécessaire pour assurer le respect de toute décision que pourrait rendre la Cour puisque l'autre défenderesse est la bande, qui est tenue de se conformer à la Charte.


[6]         Le demandeur admet que la bande doive se conformer à la Charte, mais il souhaite que la Couronne soit partie à l'instance afin qu'elle soit tenue par le jugement d'exercer son pouvoir de surveillance pour veiller à ce que les règlements de la bande soient conformes à toute ordonnance de la Cour. Le demandeur cite la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Eldridge c. P.G. C.-B., [1997] 3 R.C.S. 624, à l'appui de la proposition qu'un gouvernement ne peut pas se libérer de son obligation de se conformer à la Charte en la déléguant à une autre entité. Dans l'affaire Eldridge, la question en litige était l'obligation de la B.C. Medical Services Commission, qui finançait les services hospitaliers en Colombie-Britannique, de financer les services d'interprètes gestuels pour les sourds dans les hôpitaux. La Cour suprême a conclu que la commission était un outil d'application de la politique gouvernementale et qu'elle était par conséquent liée par la Charte. Dans la présente affaire, la bande est directement liée par la Charte, de sorte que la question du pouvoir délégué ne se pose pas en tant que moyen d'établir l'application de la Charte. Pour la même raison, le pouvoir de surveillance de la Couronne sur les bandes indiennes n'est pas une question litigieuse, les bandes elles-mêmes étant liées par la Charte de même que par toute ordonnance de la Cour relativement au respect de la Charte.

[7]         Dans l'état actuel des actes de procédure, je suis d'avis d'accorder la requête. Le demandeur a indiqué dans sa plaidoirie qu'il demanderait l'autorisation de modifier la déclaration pour chercher à obtenir des réparations directement de la part de la Couronne. Il n'a pas mentionné la nature précise des réparations recherchées, mais il a dit qu'elles porteraient sur les obligations de surveillance et de fiduciaire de la Couronne. Dans ces circonstances, la Cour examinerait généralement la possibilité de reporter la requête de la Couronne pour permettre au demandeur de présenter sa requête afin que les deux requêtes soient tranchées en même temps. Cela viserait à réduire le nombre d'interventions requises pour que les questions en litige soient soumises à la Cour. En l'espèce, je ne suis pas convaincu qu'un ajournement soit opportun étant donné qu'une simple modification à la partie de la déclaration portant sur les redressements recherchés ne changerait rien au fait qu'il y a une partie en l'instance à qui la Cour peut ordonner l'exécution de toutes les mesures visées par la demande de réparations. Ajouter un autre défendeur n'ajoutera pas aux redressements pouvant être obtenus par le demandeur.


[8]             Naturellement, le demandeur est libre de présenter une requête pour permission de modifier les actes de procédure de la façon jugée opportune par lui et ses conseillers. Mais, dans l'état actuel des actes de procédure, la Couronne n'est pas une partie dont la présence est nécessaire. Pour ce motif, la Cour ordonne que Sa Majesté la Reine, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le Procureur général du Canada cessent d'être désignés comme parties défenderesses et que l'intitulé de la cause soit modifié en conséquence.

[9]         La Couronne a droit aux dépens dûment taxés.

ORDONNANCE

Pour les motifs susmentionnés, la Cour ordonne :

1.             Sa Majesté la Reine, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le Procureur général du Canada cessent d'être parties à la présente action;

2.             L'intitulé de la cause est modifié pour enlever toute mention de Sa Majesté la Reine, du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et du Procureur général du Canada.

              « J.D. Denis Pelletier »        

                 Juge

Winnipeg (Manitoba)

Le 16 février 2000

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.


            COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

    AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                            T-1750-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         WILLIAM HALL c. LA BANDE INDIENNE DAKOTA TIPI ET AUTRES

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     le 15 février 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE PELLETIER

EN DATE DU :                                                 16 février 2000

ONT COMPARU

Georgina Garrett pour le demandeur

Norman Boudreau pour la défenderesse

Cheryl B. Morrison

Min. de la Justice

301 -310 Broadway pour la défenderesse

Winnipeg (Man.)    R3C 0S6 Sa Majesté la Reine

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Cherniak Smith

Barristers & Solicitors

100, Osborne St., deuxième étage

Winnipeg (Man.) R3L 1Y5       pour le demandeur

Booth Dennehy Ernst & Kelsch

Barristers & Solicitors

307, Broadway

Winnipeg (Man) R3C 0V5       pour la défenderesse

Morris Rosenberg              pour la défenderesse

Sous-procureur général du Canada                                                                             Sa Majesté la Reine

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