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Date : 20040225

Dossier : IMM-2850-03

Référence : 2004 CF 279

Toronto (Ontario), le 25 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN                                

ENTRE :

                                                   FRANCIS SEBASTIAN NDOTO

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur est un citoyen de la Tanzanie âgé de 20 ans. Il dit craindre avec raison la persécution dans son pays du fait de son adhésion au Front civique uni (CUF), parti d'opposition. Il dit aussi craindre avec raison d'être persécuté par la police parce qu'il a fait des démarches pour intenter des poursuites en justice contre elle après la mort de son père pendant une manifestation en janvier 2001.


[2]                Dans ses motifs datés du 26 mars 2003, la Commission a conclu que le récit du demandeur était crédible. Toutefois, en se fondant sur une preuve documentaire récente, la Commission a conclu qu'une entente intervenue entre les dirigeants du CUF et du Parti révolutionnaire « Chama Cha Mapinduzi Party » (CCM) avait eu comme résultat la cessation de la violence en Tanzanie. Vu ce changement dans la situation au pays, la Commission a conclu que le demandeur ne s'exposerait pas à un risque de torture ou d'autres mauvais traitements s'il rentrait dans ce pays.

Questions en litige

[3]                La présente demande ne soulève vraiment que deux questions :

1.        La Commission a-t-elle commis une erreur en tenant compte du changement dans la situation en Tanzanie entre janvier 2002 et mars 2003?

2.        La Commission a-t-elle omis de tenir compte de la menace que représentait la police pour le demandeur?

Norme de contrôle


[4]                C'est par une conclusion de fait que l'on répond à la question de savoir si le changement de la situation dans le pays est tel qu'il a un effet sur le bien-fondé de la crainte de persécution du demandeur. La norme de contrôle applicable à ce genre de conclusion de fait est la décision manifestement déraisonnable. Voir la décision Conkova c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 300.

Première question en litige : La Commission a-t-elle commis une erreur en tenant compte du changement dans la situation en Tanzanie entre janvier 2002 et mars 2003?

[5]                Le demandeur prétend que tout changement de la situation dans le pays doit être suffisamment important et durable pour annuler ce qui constituait auparavant une crainte fondée de persécution selon la décision Biakona c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no 391. Il dit que la Commission a omis de fournir des motifs clairs pour expliquer pourquoi un changement de cette nature s'était produit dans la situation au pays en Tanzanie entre le moment où le demandeur a quitté le pays en janvier 2002 et le moment de l'audition de la demande d'asile en mars 2003.


[6]                Le statut de réfugié est établi en fonction de la situation dans le pays au moment de l'audition de la demande d'asile. Dans la présente affaire, la Commission a conclu que le demandeur pouvait avoir eu une crainte fondée de persécution en janvier 2002, après son arrestation et sa détention et par suite de la mort de son père et son frère pendant des manifestations politiques antérieures. Toutefois, la Commission a ensuite examiné attentivement les changements survenus dans les relations entre le CUF et le CCM suite à l'entente intervenue entre les deux groupes en janvier 2002. Elle a constaté que la plupart des accusations d'ordre criminel portées contre des membres du CUF pour leurs activités au cours des manifestations avaient été retirées et que des gens qui avaient fui la violence commençaient à rentrer chez eux en sécurité. Elle a aussi constaté que, contrairement à la situation antérieure, il y avait un engagement de la communauté internationale pour assurer que le processus de paix soit durable.

[7]                L'exposé de la Commission était suffisant et démontrait clairement que la situation actuelle dans ce pays ne justifiait pas la crainte que le demandeur avait du CCM et qui avait contribué à sa décision de s'enfuir du pays. De plus, la Commission a clairement indiqué qu'elle avait préféré la preuve documentaire au témoignage du demandeur en raison de la nature désuète et partisane de ce témoignage. Par conséquent, la décision de la Commission sur cette question ne peut être considérée manifestement déraisonnable.

Deuxième question en litige : La Commission a-t-elle omis de tenir compte de la menace que représentait la police pour le demandeur?

[8]                Le demandeur prétend que la Commission a omis de tenir compte de son témoignage en personne et de ses autres observations concernant la menace précise à laquelle il s'expose face à la police, et qui résulte de sa tentative d'intenter des poursuites judiciaires après la mort de son père. Il prétend que ces renseignements étaient très pertinents pour sa demande et que la Commission a commis une erreur en ne les examinant pas. Au soutien de son affirmation, il cite la décision Singh c. Canada (Secrétaire d'État) (1994), 80 F.T.R. 132.


[9]                On présume que la Commission a bien tenu compte de tous les éléments de preuve qui lui étaient soumis, même si ces éléments de preuve ne sont pas précisément mentionnés dans les motifs (Florea c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 598; Hassan c. Canada (M.E.I.), (1992) 147 N.R. 317). Il existe également une présomption selon laquelle la Commission a bien tenu compte de tous les éléments de preuve qui lui étaient soumis à moins de preuve du contraire. Néanmoins, la Commission a l'obligation d'examiner de façon précise les éléments de preuve qui sont essentiels à la demande du demandeur.

[10]            Le dossier de la Cour contient de longs témoignages concernant la relation entre la police et la famille du demandeur après la mort de son père. En particulier, comme le rapportent les pages 241 à 248 et les pages 255 à 256 du dossier de la Cour, le demandeur a témoigné que la police avait « soupçonné » sa famille après que celle-ci eut fait enquête sur la mort du père et qu'il croyait qu'on avait tiré sur son frère en raison de son lien avec la famille.

[11]            Dans ses motifs, la Commission a clairement reconnu que le demandeur prétendait que la police l'avait harcelé parce que la famille avait fait des démarches pour intenter des poursuites en justice contre elle. Toutefois, la Commission a par la suite relié la question de l'adhésion au CUF et la question de la crainte de représailles de la part de la police. À la page 2 de ses motifs, elle a donc dit :


Il affirme que sa famille a été victime de harcèlement de la part de la police parce qu'elle a fait des démarches pour intenter des poursuites en justice. Le 1er mai 2001, la police a tiré sur le frère du demandeur d'asile, qui est décédé par la suite à l'hôpital. Le demandeur a signalé l'incident à la police, mais aucune mesure n'a été prise. Après le décès de son frère, le demandeur d'asile s'est installé avec sa mère chez son oncle à Kisimajogoo; la maison de celui-ci a été incendiée le 19 octobre 2001 par des membres du Parti révolutionnaire (CCM) en raison de l'appui de ses occupants au CUF. Le 9 décembre 2001, le demandeur d'asile et six autres membres du CUF ont été arrêtés parce qu'ils auraient mis le feu aux bureaux du CCM dans la région de Mkunazini. Le demandeur a été remis en liberté le 1er janvier 2002, après que son oncle eut déposé une caution. Des dispositions ont alors été prises pour permettre au demandeur de fuir la Tanzanie.

[12]            De la même façon, dans la conclusion de ses motifs, la Commission a traité des deux questions en même temps. À la page 9 de ses motifs, elle dit :

De l'avis du tribunal, il n'y a pas de possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté à son retour en Tanzanie. Le demandeur ne s'expose pas à une menace àsa vie, ni au risque de traitements ou peines cruels et inusités ni au risque de torture s'il retourne en Tanzanie.

[13]            Je ne vois rien de manifestement déraisonnable à relier ces deux questions. Les deux questions ont été examinées et la même conclusion a été tirée en ce qui les concerne.

[14]            Par conséquent, il n'y a aucune raison d'annuler la décision de la Commission.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée.

                                                                 « Konrad von Finckenstein »           

                                                                                                     Juge                               

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                       IMM-2850-03

INTITULÉ :                      FRANCIS SEBASTIAN NDOTO

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 24 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :      LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :     LE 25 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Stella Anaele                       POUR LE DEMANDEUR

Marina Stefanovic                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Torlaw Holdings                  POUR LE DEMANDEUR

North York (Ontario)

           

Morris Rosenberg                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


             COUR FÉDÉRALE

Date : 20040225

Dossier : IMM-2850-03

ENTRE :

FRANCIS SEBASTIAN NDOTO

                                                           

                                          demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

                                                                                     

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                    

                                                           


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