Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date: 19990126

     Dossier: T-1703-97

Entre :

     GÉRALD DUBÉ

     Requérant

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     - et -

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Intimés

     Dossier: T-668-98

Entre :

     GÉRALD DUBÉ

     Requérant

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     - et -

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     - et -

     MINISTÈRE DU REVENU NATIONAL

     Intimés

     MOTIFS DES ORDONNANCES

LE JUGE PINARD :

[1]      Il s'agit de deux demandes de contrôle judiciaire entendues ensemble du consentement des parties. La première, dans le dossier T-1703-97, vise la décision rendue le 10 juillet 1997 par la directrice du Bureau des services fiscaux (le "BSF") de Jonquière (Québec), confirmant le rejet, recommandé par un comité d'équité, de la demande du requérant, faite vers le 25 juin 1997, pour faire annuler les pénalités et intérêts qui lui ont été imposés en raison de la production tardive de ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1990 à 1995. La deuxième, dans le dossier T-668-98, vise une décision semblable rendue le 30 juillet 1997 par le directeur du BSF de Sherbrooke (Québec), confirmant le rejet, recommandé par un comité d'équité, de la demande du requérant, faite vers le 3 octobre 1996, pour faire annuler les pénalités et intérêts à lui imposés en raison de la production tardive de sa déclaration d'impôt personnelle pour l'année d'imposition 1989.

[2]      Devant moi, l'avocate du requérant a indiqué que la question en litige fondamentale, dans les deux cas, était celle de savoir si le requérant avait bénéficié de toute l'équité procédurale requise.

[3]      C'est le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la "Loi") qui accorde au ministre du Revenu national la discrétion de renoncer, en tout ou en partie, à quelque pénalité ou intérêt payable par un contribuable. Cette disposition se lit comme suit:

220(3.1). The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to (5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.


220(3.1). Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

[4]      Pour faciliter l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, le ministre a mis en place des lignes directrices qui sont contenues dans la Circulaire d'information 92-2. Le paragraphe 10 de cette Circulaire s'avère particulièrement pertinent:

10. The following factors will be considered when determining whether or not the Department will cancel or waive interest or penalties:

     (a) whether or not the taxpayer or employer has a history of compliance with tax obligations;
     (b) whether or not the taxpayer or employer has knowingly allowed a balance to exist upon which arrears interest has accrued;


10. Le Ministère tiendra compte des points suivants dans l'étude des demandes d'annulation des intérêts ou des pénalités ou de renonciation à ceux-ci :

     a) si le contribuable ou l'employeur a respecté, par le passé, ses obligations fiscales;
     b) si le contribuable ou l'employeur a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés;
    

(c) whether or not the taxpayer or employer has exercised a reasonable amount of care and has not been negligent or careless in conducting their affairs under the self-assessment system;

(d) whether or not the taxpayer or employer has acted quickly to remedy any delay or omission.


     c) si le contribuable ou l'employeur a fait des efforts raisonnables et s'il n'a pas fait preuve de négligence ni d'imprudence dans la conduite de ses affaires en vertu du régime d'autocotisation;
     d) si le contribuable ou l'employeur a agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission.

[5]      Au sujet de l'exercice de semblable pouvoir discrétionnaire, la Cour suprême du Canada, dans Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8, a exprimé ce qui suit:

         . . . C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision. . . .                 

[6]      Dans le contexte d'une demande d'annulation des pénalités et intérêts fondée sur le paragraphe 220(3.1) de la Loi, rien dans cette loi, pas plus que dans la Circulaire d'information 92-2, m'indique que le ministre doit accorder au requérant la possibilité de répondre à ses objections, que le ministre est obligé de statuer ou prendre position sur les faits invoqués par le requérant dans sa demande, que le ministre doit offrir au requérant la possibilité de se faire entendre oralement, ou que le ministre doit rendre une décision motivée. À mon sens, il est suffisant, sauf dans des cas exceptionnels, de simplement accorder au requérant la possibilité de faire des représentations écrites (voir La Reine c. Barron et al., 97 DTC 5121, une décision de la Cour d'appel fédérale concernant l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire similaire contenu au paragraphe 152(4.2) de la Loi).

[7]      Dans le présent cas, la preuve au dossier révèle que le requérant a pu pleinement exposer ses prétentions à chacun des comités chargés de l'étude de ses demandes adressées respectivement au BSF de Jonquière et au BSF de Sherbrooke. Bien plus, le premier avocat du requérant s'est même vu offert l'opportunité, dans les deux cas, de faire des représentations additionnelles. La nouvelle avocate du requérant soumet cependant que les prétentions de ce dernier n'ont pas été correctement appréciées. À cet égard, elle ne m'a pas satisfait que le pouvoir discrétionnaire accordé par la Loi n'a pas été exercé de bonne foi, pas plus qu'on se soit fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la Loi. De la preuve au dossier, il appert clairement que le directeur ou la directrice du BSF, selon le cas, a, outre les prétentions écrites du requérant, considéré la recommandation détaillée d'un comité d'équité, lequel, dans chaque cas, a notamment tenu compte des éléments énoncés au paragraphe 10 de la Circulaire d'information 92-2. À cet égard, il était tout à fait approprié que les comités d'équité recueillent comme ils l'ont fait l'information disponible sur le dossier fiscal du requérant afin de connaître son comportement face à ses obligations fiscales dans le régime d'autocotisation. Cette connaissance du dossier fiscal du requérant n'a en rien créé l'existence alléguée d'une "apparence de partialité qui teinte son dossier d'équité". À mon avis, une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, ne croirait pas que, selon toute vraisemblance, consciemment ou non, les instances décisionnelles en cause pouvaient rendre des décisions injustes (voir Committee for Justice and Liberty et al. c. L'Office national de l'énergie et al., [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394).

[8]      Comme, à mon sens, la preuve disponible permettait à la directrice du BSF de Jonquière et au directeur du BSF de Sherbrooke de raisonnablement conclure comme ils l'ont fait, l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée. En conséquence, les deux demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 26 janvier 1999


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.