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     Dossier : T-2408-91

OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI 15 MAI 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN J. URIE

E n t r e :

     MERCK & CO. INC. et

     MERCK FROSST CANADA INC.

     demanderesses

     et

     APOTEX INC.

     défenderesse


     ORDONNANCE


     La requête de la défenderesse/requérante est rejetée avec dépens.



     John J. Urie

                                         Arbitre





Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.




     Dossier : T-2408-91

OTTAWA (ONTARIO), LE MERCREDI 17 MAI 2000

EN PRÉSENCE DE L"ARBITRE JOHN J. URIE

E n t r e :

     MERCK & CO. INC. et

     MERCK FROSST CANADA INC.

     demanderesses

     et

     APOTEX INC.

     défenderesse


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE


Dans la présente requête, la défenderesse/requérante sollicite les réparations suivantes :

     a)      une ordonnance enjoignant à chacune des demanderesses de remettre à la défenderesse un affidavit portant sur les points litigieux soulevés dans le présent renvoi relatif à la comptabilisation des profits réalisés par la défenderesse grâce à la contrefaçon du brevet;
     b)      une ordonnance déclarant qu"il est loisible à la défenderesse d"interroger au préalable des représentants de chacune des demanderesses au sujet des points litigieux soulevés dans le présent renvoi;
     c)      les dépens de la présente requête.

Voici les faits qui nous intéressent en ce qui concerne la présente requête :

Le juge MacKay a rendu son jugement le 22 décembre 1994 au terme de l"instruction de la présente action. Il a statué que la défenderesse avait contrefait le brevet des demanderesses et il a ordonné la tenue d"un renvoi pour déterminer les dommages subis par les demanderesses ou les profits réalisés par la défenderesse au cours de la période de contrefaçon. Dans une ordonnance subséquente, le juge MacKay a confirmé le droit des demanderesses de choisir entre des dommages-intérêts ou une comptabilisation des profits réalisés par la défenderesse grâce à la contrefaçon du brevet des demanderesses.

La Cour d"appel fédérale a accueilli l"appel en partie, mais a confirmé les conclusions de contrefaçon tirées par la Section de première instance au sujet de certaines quantités de la drogue en litige de la défenderesse. La demande d"autorisation de former un pourvoi des décisions de la Cour d"appel devant la Cour suprême du Canada a été rejetée.

Dans son ordonnance du 4 juillet 1997, le protonotaire adjoint Giles a notamment déclaré qu"à la suite de l"interrogatoire préalable d"un représentant bien informé de la défenderesse, les demanderesses auraient à choisir entre des dommages-intérêts ou une comptabilisation des profits réalisés par la défenderesse dans les 30 jours de la fin de l"interrogatoire préalable. Il a également déclaré ce qui suit, au paragraphe 4 :

     [TRADUCTION]
     4.      Pour le cas où les demanderesses choisiraient la comptabilisation des profits réalisés par les défenderesses, il n"y a aura pas d"interrogatoire préalable ou de communication préalable de documents aux demanderesses, sauf entente contraire des parties ou ordonnance contraire de la Cour.

Le paragraphe 11 de l"ordonnance prévoyait également ce qui suit :


     [TRADUCTION]
     11.      Les parties peuvent, en tout temps avant la date fixée pour l"audition du renvoi, demander à la Cour de rendre une ordonnance enjoignant à une partie de produire des documents et d"être interrogée au préalable sur toute question soulevée par la Cour ou l"arbitre au cours du renvoi.

Les demanderesses ont choisi la comptabilisation des profits.

Le juge en chef adjoint m"a désigné en vertu de la règle 153 pour agir à titre d"arbitre en ce qui concerne la comptabilisation des profits de la défenderesse.

Par une lettre datée du 12 novembre 1999, l"avocat de la défenderesse a proposé des dates pour la remise de la liste de documents des demanderesses et pour l"interrogatoire au préalable des représentants des demanderesses par la défenderesse. Dans une télécopie portant la même date, l"avocat des demanderesses a refusé de fournir une liste de documents ou de produire tout témoin en vue de leur interrogatoire préalable au motif que la défenderesse n"avait pas droit à une telle comptabilisation des profits. L"avocat a renouvelé son refus le 18 janvier 2000, le 7 mars 2000 (date à laquelle il s"est dit d"avis que la manière dont les demanderesses comptabilisaient leurs dépenses était sans intérêt) et le 10 mars 2000.

Tous les événements qui précèdent ont conduit au dépôt de la présente requête, qui a été présentée à Ottawa le 15 mai 2000.

L"avocat de la défenderesse soutient que, tant selon les règles relatives aux arbitres qu"en pratique, un renvoi se déroule de la même façon qu"un procès et que, par conséquent, tout comme dans un procès, les parties au renvoi disposent des mêmes droits à un interrogatoire préalable et à la communication d"une liste de documents que ceux que les parties possèdent dans le cadre de l"instruction d"une action. À l"appui de cet argument, l"avocat fait valoir que l"ordonnance par laquelle le protonotaire adjoint a ordonné la tenue d"un renvoi portant sur la comptabilisation des profits envisageait, à ses paragraphes 4 et 11, précités, que bien que les parties n"aient pas droit à un interrogatoire préalable de plein droit, celui-ci peut avoir lieu si les parties s"entendent ou si la Cour l"ordonne. Cette disposition est, selon lui, renforcée et appuyée par le sens évident du paragraphe 11. Il a donc le droit de réclamer la tenue d"un interrogatoire préalable ainsi que la communication de documents. À mon sens, il n"a le droit de les réclamer que s"il réussit à me convaincre que l"ordonnance par laquelle le protonotaire en chef a déclaré qu"il n"y aurait ni interrogatoire préalable, ni communication préalable de documents est injustifiée, compte tenu des objectifs visés en l"espèce par la tenue d"un tel interrogatoire préalable et par la production d"une telle liste comme dans tout procès. À cet égard, mentionnons notamment les objectifs suivants :

     a)      permettre à la partie adverse de connaître les éléments de preuve auxquels elle doit répondre;
     b)      obtenir des aveux afin d"être dispensé de la nécessité de présenter des preuves formelles ou pour ébranler la cause de la partie adverse;
     c)      faciliter un règlement;
     d)      pour définir le terrain du débat;
     e)      pour éviter toute surprise au procès.

Tous ces objectifs sont bien connus et sont acceptables. Mais, comme l"avocat des demanderesses l"a soutenu énergiquement, ils ne sont pas pertinents, étant donné que l"instance vise à calculer les profits réalisés par la défenderesse par suite de la contrefaçon. Ainsi que le juge Addy l"a souligné dans le jugement Teledyne Industries Inc. c. Lido Industrial Products Ltd. , (1982) 68 C.P.R. (2e) 204, à la page 209 :

     Lorsque le défendeur, comme en l'espèce, a été jugé coupable et qu'on lui a ordonné de rendre des comptes, cette dernière obligation lui incombe entièrement et sans réserve. À cet égard, le propriétaire des biens n'a absolument aucune preuve à fournir. Le jugement oblige le contrefacteur à rendre compte de la totalité du montant de tous les revenus qu'il a perçus par suite de l'usage des biens. Le fait de ne pas déclarer ce montant, par négligence ou sciemment, pourrait fort bien rendre le contrefacteur coupable d'outrage au tribunal. Le montant ainsi déclaré devient payable au propriétaire légitime des biens et ne pourrait être réduit que par la déduction des frais ou débours que le contrefacteur peut établir, par preuve directe, avoir effectivement engagés. Dans le cas d'une demande en dommages-intérêts, la charge de la preuve incombe au demandeur.
     Contrairement à ce que l'arbitre a dit dans l'affaire Dubiner c. Cheerio Toys précitée, et que le juge a apparemment approuvé en étudiant le rapport, je ne peux pas accepter que dans le cas où une personne qu'un tribunal a jugée coupable d'avoir détourné des biens et doit rendre compte de tous les bénéfices illicites qui en découlent, il puisse, de quelque manière que ce soit, incomber à la personne lésée d'établir ces bénéfices.

Ces énoncés sont à mon avis bien fondés en droit et ils n"ont pas été remis en question par la Cour d"appel fédérale, lorsqu"elle a statué sur l"appel interjeté de ce jugement. Dans ces conditions, j"estime qu"aucun des objectifs précités tirés des observations écrites de la défenderesse n"est pertinent dans le cas d"un renvoi portant sur une comptabilisation de profits, dans lequel il ne saurait " [...] de quelque manière que ce soit, incomber à la personne lésée d'établir ces bénéfices " (voir également l"arrêt Lubrizol c. Imperial Oil Ltd. (le juge Hugessen), (1996) 71 C.P.R. (3e) 26, à la page 34).

Ainsi que le juge McNair l"a déclaré dans le jugement Reading & Bates Construction Co. c. Baker Energy Resources Corp. et autre , (1988) 24 C.P.R. (3e) 66, à la page 74 :

     De toute évidence, les questions [des frais à déduire lors du calcul des profits] doivent être jugées suivant le critère juridique de leur pertinence au regard des bénéfices réalisés par la défenderesse grâce à la contrefaçon du brevet.

Ainsi, par exemple, les méthodes utilisées par la défenderesse pour effectuer les calculs en question pour des raisons qui sont peut-être propres à son entreprise n"ont à mon avis absolument rien à voir avec les méthodes de calcul utilisées par les demanderesses. Il en va de même pour tous les autres exemples cités par la défenderesse pour exiger l"interrogatoire préalable des demanderesses.

Par conséquent, la requête de la défenderesse est rejetée.

     John J. Urie

                                         Arbitre


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     Dossier : T-2408-91



                             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
                             DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                         E n t r e :

                                 MERCK & CO. INC. et

                             MERCK FROSST CANADA INC.


     demanderesses

                                     et


                                 APOTEX INC.

     défenderesse






                             MOTIFS DE L"ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              T-2408-91

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MERCK & CO. INC. et autres c. APOTEX INC.

LIEU DE L"AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :          Le 15 mai 2000

MOTIFS DE L"ORDONNANCE prononcés par le juge Urie le 17 mai 2000



ONT COMPARU :

Me Alexander Macklin                  pour les demanderesses
Me Nando de Luca                      pour la défenderesse


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling, Strathy & Henderson              pour les demanderesses

Ottawa (Ontario)

Goodman, Phillips & Vineberg              pour la défenderesse

Toronto (Ontario)

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