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Date : 20040930

Dossier : IMM-2318-03

Référence : 2004 CF 1339

Ottawa (Ontario), le 30 septembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                          SURAJ NARAYAN DEO

                                                                                                                                           demandeur

                                                                          - et -

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, (la Commission), datée du 17 mars 2003, rejetant l'appel interjeté contre la décision d'un agent des visas de ne pas reconnaître que Lalita Sushil Lata (Mme Lata) était membre de la catégorie des parents au sens du Règlement sur l'immigration, 1978, DORS/78-172 (le Règlement), au motif que son mariage avec le demandeur n'avait pas été contracté de bonne foi.


[2]                Le demandeur sollicite une ordonnance en vue d'annuler la décision de rejeter la demande parrainée de résidence permanente de son épouse et de renvoyer la demande à un tribunal différemment constitué de la Commission pour une nouvelle décision. Subsidiairement, le demandeur sollicite une déclaration selon laquelle le mariage entre le demandeur et Mme Lata avait été contracté de bonne foi, au sens du paragraphe 2(1) du Règlement.

Contexte

[3]                Le demandeur, Suraj Narayan Deo (le demandeur), est né aux Fidji et il a obtenu le statut de résident permanent du Canada, le 20 octobre 1994.

[4]                Le 18 février 1989, le demandeur a épousé Suman Lata Deo et le mariage a été annulé en vertu d'un jugement exécutoire le 13 avril 2000.

[5]                Pendant la procédure de divorce, le demandeur affirme que sa soeur lui a présenté Mme Lata qui avait déjà été mariée à un résident permanent canadien.

[6]                Le demandeur et Mme Lata se sont mariés lors d'une cérémonie civile aux Fidji, le 13 avril 2000.

[7]                Après la cérémonie civile, le demandeur est retourné au Canada. Il a voulu parrainer la demande de résidence permanente de Mme Lata de manière à ce qu'elle puisse immigrer au Canada.

[8]                Dans une lettre datée du 15 octobre 2001, la demande de résidence permanente de Mme Lata a été refusée par l'agent des visas qui était convaincu, conformément au paragraphe 4(3) du Règlement, que Mme Lata avait épousé son répondant (le demandeur) « principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et qu'elle n'a[vait] pas l'intention de vivre en permanence avec [son époux] » .

[9]                Puisque Mme Lata ne faisait pas partie de la catégorie des parents, l'agent des visas a décidé qu'elle faisait partie de la catégorie des personnes non admissibles au Canada, conformément à l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration, 1976, L.R.C. 1985, ch. I-2.

[10]            Le demandeur affirme être retourné aux Fidji en juillet 2002 et avoir épousé Mme Lata au cours d'une cérémonie religieuse devant environ cinq cents amis et parents. Le demandeur affirme qu'après le mariage, il est parti avec Mme Lata pour une lune de miel de cinq jours au Muskart Cove Resort.


[11]            L'appel de la décision de l'agent des visas, interjeté par l'appelant, a été entendu le 17 mars 2003. Le tribunal formé d'un seul membre a rejeté l'appel dans une décision rendue de vive voix, le même jour. Le demandeur a reçu la décision écrite de la Commission le 7 avril 2003.

[12]            Il s'agit du contrôle judiciaire de la décision de la Commission selon laquelle Mme Lata n'est pas membre de la catégorie du regroupement familial au sens du Règlement.

Motifs de la Section d'appel de l'immigration, Commission de l'immigration et du statut de réfugié

[13]            Dans cette décision, datée du 17 mars 2003, la Commission a affirmé que le témoignage du demandeur et celui de Mme Lata n'étaient, de façon générale, ni crédibles, ni dignes de foi. En outre, la Commission a affirmé que leur preuve contenait un certain nombre de contradictions et incohérences importantes qui n'avaient pas été éclaircies de façon satisfaisante et que les témoignages étaient plutôt vagues, voire évasifs, à certains égards et contenaient très peu de détails.


[14]            La Commission a relevé un certain nombre de contradictions au sujet des circonstances dans lesquelles s'étaient tenus le mariage et la cérémonie religieuse. Aucune explication satisfaisante n'avait été fournie concernant la raison pour laquelle il n'y avait eu qu'une cérémonie civile en avril 2000, alors que les deux familles du couple se trouvaient aux Fidji à ce moment-là. La Commission a dit qu'il ne semblait y avoir aucune raison plausible qui expliquerait pourquoi, s'il s'agissait d'une relation authentique, les deux cérémonies, tant civile que religieuse, ne s'étaient pas tenues en même temps.

[15]            La Commission a affirmé que les actions du demandeur ne révélaient pas l'intention de former un véritable couple marié. Le demandeur a attendu plus de deux ans avant de rendre visite à Mme Lata et la cérémonie religieuse n'a eu lieu que plusieurs mois après le refus de la demande de résidence permanente de Mme Lata, même si aucun souci financier n'empêchait l'appelant de retourner aux Fidji. En outre, la Commission a affirmé que la preuve concernant la raison pour laquelle la cérémonie religieuse avait eu lieu aux Fidji était contradictoire. Le demandeur a dit qu'ils avaient prévu que Mme Lata obtienne son visa et que la cérémonie religieuse ait lieu au Canada, alors que Mme Lata a dit qu'elle voulait d'abord obtenir son visa avant que le couple ne se marie aux Fidji et qu'ils reviennent au Canada ensemble.

[16]            Toutefois, la Commission a jugé que la contradiction directe dans les témoignages concernant le recours à une méthode de contraception était « des plus déconcertante » . Le demandeur a dit qu'il n'en utilisait pas, mais que Mme Lata prenait la pilule parce qu'ils ne voulaient pas qu'elle soit enceinte pendant qu'ils étaient séparés. Par contre, Mme Lata a dit, dans son témoignage, qu'ils n'avaient pas recours au contrôle des naissances parce qu'ils désiraient tous les deux avoir des enfants. Selon la Commission, cette contradiction a gravement miné la valeur des dépositions des deux témoins.

[17]            Même si le demandeur et Mme Lata avaient dit qu'ils communiquaient fréquemment entre le Canada et les Fidji, la Commission a conclu que la preuve ne corroborait pas l'étendue de la prétendue communication. Premièrement, le couple avait démontré que chacun avait une connaissance superficielle de l'autre et ils avaient été particulièrement vagues concernant les raisons pour lesquelles ils s'étaient mariés et leur situation respective. À l'appui de cette conclusion, la Commission a affirmé que le témoignage du couple était contradictoire dans les domaines suivants :

1.          la nature réelle des liens qui unissaient les membres de la famille de Mme Lata et Mme Lata elle-même;

2.          la question de savoir si Mme Lata avait réellement travaillé aux Fidji (Mme Lata a affirmé qu'elle avait travaillé pendant de longues périodes aux Fidji alors que le demandeur a dit que Mme Lata n'avait jamais travaillé);

3.          les cadeaux qui avaient été échangés lors du mariage;

4.          le genre de travail que Mme Lata pourrait accomplir dans l'avenir.

[18]            La Commission n'a pu conclure que le témoignage des deux personnes concernant l'évolution de leur relation et le degré de connaissance qu'elles avaient l'une de l'autre était crédible. Compte tenu des contradictions et incohérences de leur témoignage, la Commission a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Lata avait contracté ce mariage principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada comme parent.

[19]            La Commission a également conclu que Mme Lata n'avait pas l'intention de vivre en permanence avec le demandeur. Cette conclusion a été fondée sur le témoignage conflictuel et les questions de crédibilité déjà mentionnées et le fait que Mme Lata avait d'autres proches parents au Canada, si bien qu'elle pouvait choisir de vivre ailleurs qu'avec l'appelant. La Commission a dit (à la page 3 de sa décision) :

[...] En me fondant sur la preuve dont j'ai été saisi, j'arrive à la conclusion que la demandeure [Mme Lata¸] ne s'est pas préoccupée d'apprendre ou de mémoriser une bonne quantité d'informations au sujet de l'appelant [demandeur] et de sa situation, ou qu'elle a fourni une preuve fabriquée parce que ce mariage n'a pas été contracté de bonne foi et qu'elle n'a pas l'intention de vivre avec l'appelant.

[20]            Compte tenu de ces conclusions, la Commission a dit que Mme Lata n'était pas membre de la catégorie du regroupement familial au sens du Règlement et elle a rejeté l'appel du demandeur.

Observations du demandeur

[21]            Le demandeur prétend que les conclusions négatives en matière de crédibilité de la Commission sont [traduction] « manifestement abusives, arbitraires et déraisonnables » compte tenu des déclarations détaillées de Mme Lata et du demandeur concernant leur relation, les célébrations du mariage, la lune de miel et leurs projets d'avenir.


[22]            En outre, le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en concluant qu'il y avait des incohérences dans leurs témoignages concernant les cérémonies, tant religieuse que civile, du mariage et il soutient que la conclusion négative en matière de crédibilité de la Commission n'était pas fondée sur la preuve, mais sur ses propres opinions subjectives. En outre, le demandeur prétend que le témoignage sur cette question n'était même pas pertinent concernant la détermination des motifs du mariage et de leur intention de vivre ensemble.

[23]            Le demandeur prétend que la preuve non contredite dont la Commission était saisie était la suivante : 1) le demandeur et Mme Lata ont choisi de se marier lors d'une cérémonie civile en avril 2000 pour qu'il puisse parrainer l'immigration de sa femme au Canada pour ensuite, lorsque sa femme aurait obtenu son visa, tenir la cérémonie religieuse soit au Canada, soit aux Fidji; 2) lorsque la demande de Mme Lata a été refusée, le couple a voulu tenir la cérémonie religieuse parce qu'ils s'ennuyaient l'un de l'autre et parce que, selon leurs traditions culturelles, ils n'avaient pas encore consommé le mariage; 3) la cérémonie religieuse a eu lieu devant cinq cents amis et parents, puis il y a eu la lune de miel. Le demandeur affirme que, compte tenu de ce témoignage et de la preuve corroborante, la Commission a commis une erreur de fait et de droit lorsqu'elle a tiré ses conclusions.

[24]            Le demandeur soutient qu'il n'y a aucune incohérence entre son témoignage et celui de Mme Lata concernant les circonstances de la cérémonie religieuse et qu'il était [traduction] « tout à fait arbitraire, abusif, et absolument non fondé » que la Commission en arrive à une conclusion négative en matière de crédibilité sur cette question.

[25]            Le demandeur prétend qu'il n'y a aucune incohérence dans la preuve dont la Commission a été saisie concernant la méthode de contraception. Il avait dit qu'il croyait que sa femme prenait un contraceptif oral alors qu'elle a déclaré qu'elle n'en prenait pas.

[26]            En se fondant sur la transcription de l'audience, le demandeur fait valoir que contrairement à la conclusion de la Commission, il n'y a aucune incohérence concernant les membres de la famille de Mme Lata qui vivent au Canada, l'expérience de travail de sa femme (il a dit qu'elle ne travaillait pas à l'heure actuelle et n'a pas dit qu'elle n'avait jamais travaillé) ou les cadeaux échangés lors du mariage. Le demandeur prétend que les conclusions de la Commission étaient donc illogiques et arbitraires.

[27]            Le demandeur soutient que la Commission n'a pas tenu compte d'éléments de preuve pertinents concernant le but du mariage avec Mme Lata et leur intention de vivre ensemble de façon permanente au Canada, notamment les lettres, photos, comptes de téléphone et les témoignages dont elle était saisie. Tant le demandeur que Mme Lata ont dit qu'ils avaient déjà été mariés et divorcés. Ces deux personnes voulaient être unies en permanence par les liens du mariage. Compte tenu de cette preuve, le demandeur prétend que les conclusions de la Commission étaient tout à fait déraisonnables et sans fondement.


[28]            En citant la décision Meelu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 25 (1er inst.)(QL), le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle n'a ni examiné, ni analysé les intentions et motivations du demandeur touchant le mariage pour ensuite tirer des conclusions négatives.

[29]            En outre, le demandeur fait valoir que la Commission a commis une erreur en affirmant qu'il y avait des « contradictions » et « incohérences » concernant la connaissance que le demandeur et Mme Lata avaient l'un de l'autre, alors que la Commission n'a pas décrit ces problèmes en se fondant sur toute la preuve.

[30]            Le demandeur prétend que la Commission n'a pas appliqué les deux volets du critère établi au paragraphe 4(3) du Règlement et dans Horbas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1985] 2 C.F. 359 (C.F. 1re inst.) et qu'elle a donc commis une erreur.

[31]            Le demandeur allègue que la Commission n'a pas effectué une analyse détaillée de l'intention de Mme Lata de vivre de façon permanente avec le demandeur et que sa conclusion sur cette question est manifestement déraisonnable. Le demandeur prétend que, compte tenu de toute la preuve dont la Commission était saisie, la seule conclusion raisonnable était que Mme Lata avait réellement l'intention de vivre de façon permanente avec le demandeur.

[32]            Somme toute, le demandeur soutient que les conclusions de la Commission sont illogiques, qu'elles ne sont pas fondées sur la preuve, qu'elles sont manifestement déraisonnables, arbitraires, abusives et donc susceptibles de contrôle par la Cour.


Observations du défendeur

[33]            De l'avis du défendeur, toutes les questions soulevées par le demandeur dans ses observations forment un seul argument, savoir que la Commission a tiré une conclusion de fait susceptible de contrôle qui justifie l'intervention de la Cour. Le défendeur prétend que les arguments du demandeur ne sont pas fondés.

[34]            Selon le défendeur, les passages de la transcription de l'audience sur lesquels le demandeur s'est fondé ne l'aident pas puisqu'ils étayent davantage les conclusions de la Commission selon lesquelles les témoignages étaient vagues, voire évasifs et contenaient peu de détails.

[35]            Le défendeur soutient qu'il était loisible à la Commission de conclure que le demandeur et Mme Lata connaissaient quelques renseignements de base seulement concernant l'un l'autre et qu'ils n'avaient jamais discuté ensemble de leurs avenir ou projets. Le défendeur ajoute que les témoignages entendus par la Commission démontrent que le couple avait mémorisé les dates, les noms et les taux de salaires importants, mais qu'il n'était pas en mesure de donner des détails qui permettraient de conclure qu'il s'agissait d'une relation ou d'un mariage authentique.

[36]            Le défendeur soutient que la Commission a examiné l'ensemble de la preuve dont elle était saisie et qu'elle a conclu d'une manière raisonnable que le mariage du couple n'avait pas été contracté de bonne foi.


[37]            Il est important de souligner, selon le défendeur, que le demandeur n'a pas contesté précisément la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur et Mme Lata avaient fait des déclarations contradictoires concernant l'utilisation d'une méthode de contraception, et qu'il a tout simplement dit que la conclusion était abusive ou arbitraire.

[38]            Le défendeur prétend que la décision Meelu, précitée, sur laquelle le demandeur se fonde, appuie, en fait, davantage la position du défendeur parce que dans cette affaire, les faits étaient moins favorables que les faits en l'espèce et que la Cour avait néanmoins reconnu le bien-fondé de la conclusion de la Commission selon laquelle les parties ne s'étaient pas mariées de bonne foi. En outre, conformément aux directives de la Cour dans Meelu, précité, la Commission a effectué une analyse complète de l'intention de Mme Lata de vivre avec le demandeur et elle a appuyé sa décision négative non seulement sur des conclusions tirées des motifs de se marier qu'avait Mme Lata mais aussi sur le fait que cette dernière avait des parents proches au Canada et qu'elle ne se souvenait pas de certains renseignements concernant son mari ou sa situation. Puisque, selon le défendeur, il était tout à fait loisible à la Commission de prendre cette décision, la Cour ne devrait pas intervenir.


[39]            Le défendeur soutient que même si la Cour aurait peut-être tiré des conclusions différentes, la Cour doit faire preuve de retenue à l'égard de la décision de la Commission. Lorsque la Commission exerce le pouvoir discrétionnaire que lui confère la loi de bonne foi et qu'elle ne s'est pas fondée sur une preuve non pertinente ou extrinsèque, le défendeur soutient que l'intervention judiciaire n'est pas justifiée : voir par exemple, Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1983] A.C.F. no 129 (C.A.)(QL), Miranda c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 437 (1re inst.)(QL).

[40]            Le défendeur demande à la Cour de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

Questions en litige

[41]            Voici les questions en litige en l'espèce :

1.          La Commission a-t-elle appliqué les critères appropriés aux faits en l'espèce?

2.          Le demandeur a-t-il établi d'autres motifs permettant à la Cour d'annuler la décision de la Commission?

Dispositions législatives applicables

[42]            La Loi sur l'immigration, précitée, est aujourd'hui abrogée, mais l'article 192 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) prévoit que lorsqu'un avis d'appel a été déposé avant l'entrée en vigueur de la LIPR, l'appel se poursuit en conformité avec les dispositions de l'ancienne loi. Ainsi, c'est la Loi sur l'immigration et les Règlements pris en vertu de celle-ci qui s'appliquent en l'espèce plutôt que la LIPR.

[43]            Le paragraphe 6(2) de la Loi sur l'immigration, précitée, prévoit :

6(2) Ont droit de s'établir les immigrants qui n'appartiennent pas à une catégorie non admissible et qui remplissent les conditions prévues à la présente loi et à ses règlements.

6(2) Any Canadian citizen or permanent resident may, where authorized by the regulations, sponsor the application for landing of

(a) any person who, in relation to the Canadian citizen or permanent resident, is a member of the family class; and

. . .

[44]            L'alinéa 4(1)a) du Règlement autorise un citoyen canadien ou un résident permanent à parrainer la demande d'établissement de son conjoint, mais le paragraphe 4(3) du Règlement dit :

4 (3) La catégorie des parents ne comprend pas le conjoint qui s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et non dans l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.

4(3) The family class does not include a spouse who entered into the marriage primarily for the purpose of gaining admission to Canada as a member of the family class and not with the intention of residing permanently with the other spouse.

Analyse et décision

[45]            Question 1

La Commission a-t-elle appliqué les critères appropriés aux faits en l'espèce?


Le demandeur, un résident permanent du Canada, a le droit de parrainer la demande d'établissement de son épouse comme membre de la catégorie des parents, sauf si elle est non admissible en vertu du paragraphe 4(3) de la Loi sur l'immigration, précitée. La jurisprudence qui fait autorité concernant cet article est la décision Horbas, précitée, aux pages 608 et 609, dans laquelle le juge Strayer (aujourd'hui juge de la Cour d'appel fédérale) a dit :

[...] Il ne faut pas perdre de vue que ce paragraphe ne peut servir de fondement au rejet d'une telle demande que si le conjoint parrainé s'est marié principalement dans le but d'immigrer et s'il n'a pas l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.

[46]            Le demandeur semble dire que la Commission a commis une erreur soit en n'appliquant pas le critère à deux volets établi par le paragraphe 4(3) du Règlement et par Horbas, précité, soit en analysant les intentions de Mme Lata concernant son mariage et non celles du demandeur. Je ne saurais être d'accord avec aucun de ces arguments.

[47]            J'ai examiné la décision de la Commission et je suis d'avis que la Commission a bien appliqué les deux volets du critère. La Commission a discuté des raisons qui l'avaient amenée à

conclure qu'une partie du témoignage, tant du demandeur que de Mme Lata, n'était pas crédible et que le mariage avait été contracté afin que Mme Lata puisse immigrer au Canada. Ces raisons comprenaient ce que la Commission a qualifié d'incohérences et de contradictions dans la preuve produite par le couple. En appliquant le deuxième volet du critère de la décision Horbas, précitée, la Commission pouvait se fonder sur ces conclusions et inférences concernant les raisons pour lesquelles Mme Lata avait épousé le demandeur. Comme l'a dit le juge Denault dans Canada (Procureur général) c. Bisla (1994), 88 F.T.R. 312 au paragraphe 12 :

[...] La jurisprudence Horbas a certes défini un critère double, mais cela ne signifie pas nécessairement que les réponses se rapportant au premier élément du critère ne peuvent pas servir à l'analyse du second élément. Autrement dit, le témoignage selon lequel l'intéressé a contracté mariage principalement dans le but de se faire admettre au Canada peut entrer en ligne de compte lorsqu'il s'agit d'examiner s'il a l'intention de vivre en permanence avec le conjoint répondant.


[48]            En l'espèce, la Commission ne s'est pas fondée uniquement sur ses préoccupations en matière de crédibilité mentionnées plus tôt dans ses motifs, mais elle a constaté que Mme Lata avait de la famille au Canada, si bien qu'elle avait d'autres choix concernant son lieu de résidence. Ce raisonnement m'amène à conclure que la Commission a régulièrement soumis les faits à l'épreuve du droit.

[49]            En outre, l'argument selon lequel la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte des motivations et intentions du demandeur ne saurait être retenu. Les termes clairs du paragraphe 4(3) du Règlement, ainsi que de décisions telles que Bisla, précitée, établissent (au paragraphe 10) que ce sont les motivations et intentions du demandeur parrainé (en l'espèce, Mme Lata) et non de l'époux répondant (en l'espèce, le demandeur) qui sont visées par l'examen de la Commission. Certes, les intentions, motivations et témoignage de l'époux répondant sont très pertinents dans le cadre de la tâche qui incombe à la Commission, mais en fin de compte, c'est le conjoint parrainé, qui demande son admission au Canada, dont l'admissibilité doit être établie. La Commission n'a pas mal appliqué cette partie du critère.

[50]            Question 2

Le demandeur a-t-il établi d'autres motifs permettant à la Cour d'annuler la décision de la Commission?


Les autres arguments soumis par le demandeur visent principalement les conclusions de fait de la Commission et ses conclusions en matière de crédibilité. La Commission doit fait l'objet d'une très grande retenue pour ce qui concerne ses conclusions de fait et ses conclusions en matière de crédibilité. Il y avait des incohérences entre le témoignage du demandeur et celui de Mme Lata. Il y avait une preuve nettement contradictoire concernant l'utilisation des moyens de contraception. Mme Lata a dit qu'elle n'utilisait pas de moyen de contraception parce que le couple voulait des enfants et le demandeur a dit que Mme Lata prenait un contraceptif oral parce qu'ils ne voulaient pas qu'elle soit enceinte pendant qu'ils étaient séparés. Le demandeur et Mme Lata ont donné un témoignage différent concernant les cadeaux qu'ils s'étaient faits lors de leur mariage.

[51]            La Commission a également dit qu'il n'y avait aucune explication satisfaisante concernant la question de savoir pourquoi le demandeur et Mme Lata ne s'étaient pas mariés à la fois civilement et religieusement puisque la plupart des membres des deux familles se trouvaient aux Fidji lors de la cérémonie civile.

[52]            Je suis d'avis que les conclusions tirées par la Commission concernant les preuves contradictoires et le moment où les cérémonies du mariage ont eu lieu et qui sont décrites en détail aux paragraphes 50 et 51 ci-dessus sont des conclusions qu'une personne raisonnable pourrait tirer et qu'il était loisible à la Commission de tirer. Je suis convaincu que la Commission avait des motifs de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que le mariage avait été contracté principalement aux fins d'obtenir l'admission au Canada de Mme Lata comme membre de la catégorie des parents.

[53]            La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[54]            Les parties n'ont proposé aucune question grave de portée générale pour certification.

                                        ORDONNANCE

[55]            LA COUR ORDONNE que le contrôle judiciaire soit rejeté.

                                                                            _ John A. O'Keefe _              

                                                                                                     Juge                         

Ottawa (Ontario)

Le 30 septembre 2004

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                   IMM-2318-03

INTITULÉ :                                  SURAJ NARAYAN DEO

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :            CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 20 MAI 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                 LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                 LE 30 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Satnam S. Aujla                               POUR LE DEMANDEUR

Robert Drummond                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aujla Merchant Law Group             POUR LE DEMANDEUR

Calgary (Alberta)

Morris Rosenberg, c.r.                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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