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Date : 19990810

Dossier : IMM-3873-99

ENTRE :

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,

demandeur,

et

CARLOS ALBERTO PERREIRA

DA SILVA,

défendeur.

MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]    Dans la présente demande, le demandeur cherche à obtenir qu'il soit sursis à la libération du défendeur jusqu'à ce que la présente demande de contrôle judiciaire soit tranchée ou, de façon subsidiaire, jusqu'à ce que ce dernier soit renvoyé du Canada. Le défendeur est un citoyen du Brésil et un résident permanent du Canada. Il a obtenu le droit de s'établir au Canada le 22 décembre 1992, son épouse, Mme Prussick, ayant parrainé sa demande. Ils se sont séparés le 22 mai 1995. Le défendeur a, à quatre reprises, désobéi à des ordonnances dans lesquels la Cour lui interdisait tout contact, direct ou indirect, avec Mme Prussick. Ces ordonnances lui interdisaient de se rendre à l'appartement et au lieu de travail de Mme Prussick.

[2]    Le 23 juin 1995, à environ 3 h 30, le défendeur s'est introduit dans l'appartement de Mme Prussick, qui se trouvait au 16e étage d'un immeuble, en passant par la porte du balcon, qui n'était pas verrouillée. Il est clandestinement entré dans l'immeuble, s'est rendu sur le toit, a défoncé une fenêtre pour aller à l'intérieur, et s'est hissé d'un étage pour atteindre le balcon (affidavit de Murray Wilkinson, à la p. 00032). Madame Prussick n'a pas, semble-t-il, été blessé par le défendeur à cette occasion.

[3]    Le 30 juin 1995, le défendeur a confronté Mme Prussick à son travail, à l'étude de l'avocat Herbert Williamson, sur la rue Hornby, un peu après midi. Le défendeur a poignardé Mme Prussick trois fois à la poitrine. Herbert et Arlene Williamson l'ont arrêté. En s'enfuyant du bureau, le défendeur a menacé les Williamson avec son couteau. Il a également menacé Perry Jansen, qui travaillait près de là. Le juge du procès a conclu que [TRADUCTION] « l'agression à coups de couteau était le point culminant de la jalousie grandissante qu'éprouvait M. Da Silva depuis le 22 mai, date à laquelle Mme Prussick avait mis fin au mariage » .

[4]    L'une des blessures subies par Mme Prussick était tout près de son coeur, qui n'a cependant pas été directement touché. Par contre, l'auriculaire de sa main droite a été si gravement blessé qu'il a fallu faire appel aux services d'un chirurgien plasticien. Madame Prussick a été blessée de façon permanente et elle porte des cicatrices visibles.

[5]    Le 18 octobre 1996, le défendeur a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans et demi pour voies de fait graves, une peine consécutive d'un an pour introduction par effraction, une peine concurrente de trois mois pour chacune des accusations d'agression armée, et une peine concurrente de trois mois pour possession d'une arme dangereuse (affidavit de Murray Wilkinson, à la p. 00083).

[6]    Le défendeur est devenu admissible à la libération conditionnelle de jour le 29 septembre 1997, à la libération conditionnelle totale le 29 mars 1998 et à la libération d'office le 29 mai 1999, et la date d'expiration du mandat qui le vise est le 27 juillet 2000. Voici ce que la Commission nationale des libérations conditionnelles a dit en refusant d'accorder la libération conditionnelle totale au défendeur le 13 novembre 1998 :

[TRADUCTION] Vous vous êtes présenté à l'audience devant la Commission d'une façon qui permet de douter que vous vous êtes défait de vos tendances criminogènes. Vous minimisez la nature de votre comportement violent et blâmez la victime. Vous avez dit plus d'une fois que vous ignoriez pourquoi vous avez commis à l'égard de votre épouse les actes de violence qui vous sont reprochés. Bien que vous prétendiez accepter que vous êtes responsable des infractions que vous avez commises, vous maintenez que vous avez agi de façon raisonnable en violant les ordonnances de non-communication qui vous visaient. Vous avez peu d'appréciation ou de respect pour l'espace des gens qui vous sont proches et à l'égard de la dynamique de la violence dont vous avez fait preuve à l'égard de votre épouse. Vous comprenez peu la colère intense qui sous-tend votre comportement à l'égard de votre épouse. La Commission se demande jusqu'à quel point vous vous êtes détaché de votre ancienne conjointe sur le plan affectif et avez résolu votre dépendance affective. Aucun plan de libération n'a été présenté qui permettrait de gérer efficacement le risque que vous récidiviez, et il n'existe aucune acceptation ou confirmation en matière de résidence de la part de la collectivité. Pour toutes ces raisons, la Commission a conclu que vous risqueriez de récidiver si vous étiez libéré et, en conséquence, elle refuse de vous accorder la libération conditionnelle totale[1].

[7]         Le défendeur a été libéré à la date de sa libération d'office, soit le 29 mai 1999. Il a alors été remis au demandeur, et une révision des motifs de la détention a eu lieu le 2 juin 1999. Il a été libéré moyennant une caution de 5 000 $, mais il était incapable de verser une telle somme. Une autre révision des motifs de sa détention a eu lieu, le 8 juin 1999, et il a été détenu. La révision suivante a eu lieu le 8 juillet 1999; à cette occasion, l'arbitre a statué qu'il constituait un risque pour la société canadienne.

[8]         Monsieur Da Silva a été libéré par l'arbitre Wojtowicz le 6 août 1999 sur le fondement qu'il ne constituait plus un danger pour le public. Il ne fait aucun doute que l'arbitre disposait d'éléments de preuve pouvant servir à réfuter cette conclusion. Le dernier arbitre avait commis une erreur de droit lorsqu'il avait refusé d'examiner les décisions des autres arbitres : Senga c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration[2]. En outre, le dernier arbitre avait commis une erreur de fait en disant : [TRADUCTION] « Aucune preuve n'établit que vous avez eu de quelconques problèmes avant cet incident, et l'incident mineur a mené à cet incident majeur, soit l'agression armée. Vous n'êtes pas de ces personnes qu'on décrit comme étant des psychopathes incorrigibles. À tous les égards, vous êtes un homme normal qui, dans une situation particulière, a réagi de façon criminelle » .

[9]         Le défendeur a fait preuve d'une montée systématique de violence, ce qui démontre l'erreur de fait que l'arbitre a commise. L'arbitre a tiré sa conclusion malgré cette montée de violence et les violations des ordonnances de non-communication. L'arbitre a dit qu'il ne voyait là aucune tendance à l'inconduite.

[10]       La montée de violence est évidente. Voici le paragraphe 10 (p. 3) de l'affidavit que Murray Wilkinson a signé le 6 août 1999 :

[TRADUCTION] J'ai également fait valoir à l'arbitre qu'un développement était survenu depuis la révision du 8 juillet 1999 des motifs de la décision, développement qui ne se reflétait pas dans le dossier dont il disposait. J'ai avisé l'arbitre Wojtowicz que Phil Cottrell, un agent de liberté conditionnelle du bureau de Victoria auquel se rapporte le défendeur, m'avait informé qu'après la révision du 8 juillet 1999 des motifs de la décision, le défendeur lui avait téléphoné pour lui dire qu'il voulait être transféré du Vancouver Pretrial Centre à l'établissement William Head. Il a dit qu'il ferait n'importe quoi pour être transféré. Le défendeur a encore une fois téléphoné à M. Cottrell le lendemain, cette fois pour lui dire qu'il serait prêt à commettre un crime, violant ainsi les conditions de sa libération conditionnelle, pour être transféré. Monsieur Cottrell m'a avisé que le défendeur semblait alors se comporter de façon anormale. J'ai ensuite conclu mes observations.

[11]       Le paragraphe 14 de cet affidavit stupéfie complètement ce juge dans la mesure où il décrit l'appréciation que l'arbitre a faite de la personnalité du défendeur et de la probabilité que ce dernier commette d'autres actes criminels.

[12]       Il s'agit d'événements récents qui rendent ce juge peu enclin à permettre la libération du défendeur moyennant une caution relativement facile à verser. La prépondérance des inconvénients et la sécurité du public sont en faveur du demandeur. La demande est accueillie. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                (Signé) « F. C. Muldoon »

                                                                                                            Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 10 août 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                               IMM-3873-99

INTITULÉ DE LA CAUSE : MCI c. CARLOS ALBERTO PERREIRA DA SILVA

LIEU DE L'AUDIENCE :                  VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 7 AOÛT 1999

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR LE JUGE MULDOON

EN DATE DU :                                   10 AOÛT 1999

ONT COMPARU :

KIM SHANE                                                                           POUR LE DEMANDEUR

DEAN PIETRANTONIO                                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

KIM SHANE

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                           POUR LE DEMANDEUR

DEAN PIETRANTONIO                                                      POUR LE DÉFENDEUR



              Observations écrites supplémentaires du demandeur, aux pp. 3 et 4.

                Décision du juge McKeown (IMM-1922-98, 12 avril 1999).

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