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     Date : 19980909

     Dossier : IMM-122-98

Ottawa (Ontario), le 9 septembre 1998

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE MULDOON

Entre :

     CARTUSHA JANE SKYERS,

     demanderesse,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

LA COUR accorde à la demanderesse jusqu'à la fermeture des bureaux du greffe le jeudi 12 novembre 1998, pour informer la Cour et le défendeur, sous serment ou au moyen d'une déclaration solennelle, des mesures qu'elle pourra avoir prises pour satisfaire aux conditions des ordonnances de la Cour en date du 23 mars et du 9 juin 1998, à défaut de quoi la Cour réglera péremptoirement sa demande. Subsidiairement, si l'on parvient à convaincre la Cour qu'il y a lieu de rendre une autre ordonnance favorable, la Cour recevra, après signification des avis appropriés, toutes les observations que le défendeur souhaite faire avant de régler la présente affaire.

                                 F.C. Muldoon

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     Date : 19980909

     Dossier : IMM-122-98

Entre :

     CARTUSHA JANE SKYERS,

     demanderesse,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      La demanderesse a présenté une demande en vue de faire annuler la décision de l'agent d'immigration F. Clark (dossier 3294-22938261) en date du 29 décembre 1997 indiquant qu'il n'y avait pas suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pour justifier le traitement de la demande que la demanderesse a présentée à l'intérieur du Canada, aux termes du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration.

[2]      La Cour a été touchée par la situation difficile de la demanderesse et, le 23 mars 1998, elle lui a accordé une injonction interlocutoire pour suspendre le renvoi " sur une base intérimaire jusqu'à ce que toutes les procédures pouvant être prises dans le cadre de la présente instance aient suivi leur cours *** ".

[3]      La demanderesse avait sollicité l'autorisation de demander la suspension ou l'annulation de la mesure de renvoi prise contre elle le 12 mai 1995, aux termes des alinéas 27(2)a) (c'est-à-dire qu'elle fait partie d'une catégorie de personnes non admissibles), 19(1)b) (qu'elle n'est pas en mesure de subvenir à ses besoins) et 19(1)c) (qu'elle a été reconnue coupable d'une infraction au Canada) de la Loi.

[4]      L'affidavit de Theresa Herreria, déposé par le défendeur résume par souci de commodité les renseignements concernant la demanderesse qui sont entreposés dans le système de soutien aux opérations des bureaux locaux (S.S.O.B.L.) du ministère du défendeur. Les paragraphes suivants de l'affidavit sont notés :

         [TRADUCTION]                 
         3.      Le S.S.O.B.L. indique que la demanderesse est entrée au Canada en provenance de Trinidad et Tobago en 1980 à titre de visiteur.                 
         4.      Le S.S.O.B.L. indique que la demanderesse est demeurée au Canada en vertu d'un permis du ministre valide du 7 juin 1985 au 9 juin 1986 et du 13 septembre 1988 au 13 avril 1989.                 
         5.      Le S.S.O.B.L. indique que le 7 avril 1992 la demanderesse a été reconnue coupable de tentative de fraude pour une somme de plus de 1 000 $, infraction pour laquelle une peine avec sursis et un an de probation lui ont été imposés. La demanderesse avait contrefait la signature de sa voisine sur un chèque qu'elle lui avait volé.                 

     *** *** ***

         7.      Le S.S.O.B.L. indique que le 25 juin 1996 la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a statué que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.                 
         8.      Le S.S.O.B.L. indique que le 21 août 1996 la demanderesse a reçu une réponse négative à sa demande d'évaluation en tant que personne appartenant à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (CDNRSRC).                 
         9.      Le S.S.O.B.L. indique que le 20 février 1997 la demanderesse a demandé la résidence permanente au Canada.                 
         10.      Le S.S.O.B.L. indique que le 18 septembre 1997 la demanderesse a demandé l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire concernant la mesure de renvoi qui avait été prise contre elle. Le 29 septembre 1997, la Cour fédérale a rejeté la requête de la demanderesse en vue d'obtenir une suspension de cette mesure de renvoi. Le 20 février 1998, la Cour fédérale a rejeté la demande d'autorisation en vue d'intenter une procédure de contrôle judiciaire.                 
         11.      Le S.S.O.B.L. indique que le 3 octobre 1997 le ministre a ordonné que le renvoi de la demanderesse soit différé jusqu'à ce qu'une décision soit prise concernant sa demande de résidence permanente.                 
         12.      Le S.S.O.B.L. indique que le 15 décembre 1997 la demanderesse s'est présentée à une entrevue concernant sa demande de résidence permanente au Canada. Les notes de cette entrevue consignées dans le S.S.O.B.L. indiquent ce qui suit :                 
             a)      Bien que la demanderesse ait déclaré qu'elle avait travaillé pendant environ sept ans depuis les dix-sept années qu'elle vit au Canada, elle n'a fourni aucune preuve d'emploi.                 
             b)      Sa condamnation au criminel a été prise en compte.                 
             c)      Il a été noté qu'elle avait de la famille dans laquelle elle pouvait retourner à Trinidad et avec qui elle est demeurée en contact permanent.                 
             d)      Il est indiqué que l'engagement d'aide du mari de la demanderesse n'inclut pas les deux personnes à charge de celle-ci étant donné qu'il estime ne pas pouvoir subvenir aux besoins financiers et autres de ces deux personnes.                 
             e)      Il a été conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pouvant justifier son admission aux termes de l'article 114 de la Loi sur l'immigration.                 
         13.      Le S.S.O.B.L. indique que la demande de résidence permanente présentée par la demanderesse a été refusée le 22 décembre 1997.                 
         14.      Le S.S.O.B.L. indique que la demanderesse a touché des prestations d'assistance sociale pendant nombre de ses années de résidence au Canada.                 
         15.      Le S.S.O.B.L. indique que la demanderesse est retournée à Trinidad à plusieurs reprises sans aucun problème depuis son arrivée au Canada en 1980.                 

[5]      L'agent d'immigration n'a fourni aucune raison à la demanderesse pour avoir rejeté sa demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire qu'elle a présentée à l'intérieur du Canada, mais il a simplement écrit ceci :

         [TRADUCTION]                 
         ***                 
         J'ai soigneusement examiné votre demande et votre situation personnelle et j'ai conclu qu'il n'y a pas suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pour justifier une dispense d'application des exigences normales posées par la Loi.                 
         Les droits de 500 $ que vous avez payés pour présenter votre demande ne sont pas remboursables.                 
         Étant donné que vous faites l'objet d'une mesure de renvoi, cette lettre sera transmise au CIC chargé des détentions et des renvois. Ce bureau communiquera avec vous sous peu pour prendre des mesures en vue de votre renvoi.                 
         Je regrette de ne pouvoir vous communiquer une décision favorable. Le refus de traiter votre demande de l'intérieur du Canada ne vous empêche nullement de présenter une demande à l'étranger.                 

L'expérience démontre cependant que les chances que la demande présentée à l'étranger soit accueillie, une fois qu'elle aura quitté le Canada, sont à toutes fins pratiques inexistantes. La situation ne lui est donc vraiment pas favorable, mais il y a deux côtés à cette histoire. Il est difficile de savoir ce que l'agent d'immigration a compris des mots " d'ordre humanitaire ". Les notes de l'agent au S.S.O.B.L. ont été produites et elles ne révèlent qu'un refus dur et froid, ce qui est tout le contraire de ce qu'on doit entendre par l'expression " pour des raisons d'ordre humanitaire ".

[6]      Ce qui semble défavoriser le plus la demanderesse, c'est sa déclaration de culpabilité en 1992 pour une tentative de fraude. La demanderesse, qui n'était pas représentée par un avocat, a expliqué à l'audience qu'elle avait été impliquée dans un accident, et qu'après que ses prestations de maladie eurent été épuisées, elle n'avait plus de source de revenu. À cette époque, elle était séparée de son premier mari, qui la battait, et elle avait dû demander des prestations d'assistance sociale, mais celles-ci tardaient à venir en raison d'un différend concernant sa situation au Canada. Elle était désespérée quand elle a trouvé un chèque fait à l'ordre de sa voisine et elle a essayé de le négocier dans un Mini-Mart, mais le commis a eu des soupçons, la demanderesse s'est énervée et la police a été appelée sur les lieux. Elle raconte que le juge provincial a eu de la sympathie pour elle et l'a libérée moyennant un an de probation. Elle a déclaré qu'elle n'a jamais récidivé, ayant appris de cette erreur et étant maintenant persuadée qu'elle n'aurait jamais dû commettre cette erreur de jugement.

[7]      Il ne faut pas minimiser un tel crime, mais il ne faut pas non plus laisser de côté la clémence dont a fait preuve le juge qui a prononcé la sentence, puisqu'il aurait pu lui imposer dix ans de prison comme peine maximale pour cette tentative de fraude. Qui n'a pas déjà entendu à maintes reprises dans les facultés de droit, dans les tribunes publiques et même au Parlement qu'une personne qui n'a rien à manger est en quelque sorte justifiée de voler un morceau de pain. Ce scénario se voit rarement dans un État providence, mais dans le cas de la demanderesse, les prestations d'assistance sociale tardaient à venir. Elle se trouvait presque dans la situation de la personne indigente qui vole un morceau de pain. Soit que l'agent d'immigration n'a pas compris cette situation, soit qu'il en a fait fi. La Cour frémit à la seule pensée de maintenir cette décision.

[8]      Dans cette affaire, la Cour a déjà rendu deux ordonnances intérimaires, afin de donner à la demanderesse la possibilité de rechercher d'autres redressements appropriés. Elle pourrait par exemple demander le pardon pour sa condamnation, pardon auquel elle est devenue admissible en avril 1998. La demanderesse n'a pas indiqué au greffe qu'elle s'était prévalue de cette possibilité.

[9]      Le défendeur a demandé à la Cour de régler définitivement cette affaire, et cette demande est raisonnable. La Cour accorde à la demanderesse jusqu'à la fermeture des bureaux du greffe le jeudi 12 novembre 1998, pour informer la Cour et le défendeur, sous serment, des mesures qu'elle pourra avoir prises pour satisfaire aux conditions des ordonnances de la Cour en date du 23 mars et du 9 juin 1998, à défaut de quoi la Cour réglera péremptoirement sa demande. Si l'on parvient à convaincre la Cour qu'il y a lieu de rendre une autre ordonnance favorable, la Cour recevra alors les observations que le défendeur souhaite lui présenter.

                                 Juge

Ottawa (Ontario)

le 9 septembre 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  IMM-122-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          CARTUSHA JANE SKYERS c. MCI

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE MULDOON

DATE :                      le 9 septembre 1998

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Cartusha Jane Skyers                  EN SON PROPRE NOM

Malton (Ontario)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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