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Date : 20000926

Dossier : IMM-5107-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 26 SEPTEMBRE 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE J.-E. DUBÉ

ENTRE :

MAN SHIK SEO

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                     

Juge

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules, LL.B.


Date : 20000926

Dossier : IMM-5107-99

ENTRE :

MAN SHIK SEO

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 21 septembre 1998 par une agente des visas, qui avait rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse dans la catégorie des immigrants indépendants, présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale[1] (la Loi).


1. Les faits

[2]         La demanderesse a été évaluée à l'égard de la profession de spécialiste en télécommunications, informatique (CNP 2183-162). Voici le nombre de points qu'elle a obtenus :

Âge                                                                           10

Facteur professionel                                                10

Formation                                                                15

Expérience                                                                06

Emploi réservé                                                         00

Facteur démographique                                            08

Études                                                                      15

Anglais                                                                     00

Français                                                                    00

Personnalité                                                             04

                                                            

Total                                                                        68

[3]         Il manquait donc deux points à la demanderesse pour atteindre le total requis de 70 points. Comme on peut le constater, l'agente des visas ne lui a accordé aucun point pour le facteur de l'emploi réservé au motif que cet emploi n'avait pas encore été approuvé par le ministère du Développement des ressources humaines du Canada (DRHC). L'agente des visas ne lui a pas non plus accordé de points pour le facteur de la langue.

[4]         La demanderesse soutient que plusieurs éléments auraient dû être considérés par l'agente des visas, notamment sa capacité d'écrire en anglais et l'offre d'emploi qu'elle avait reçue. Les autres éléments soulevés par la demanderesse, en lien avec le facteur de la personnalité, étaient le double comptage et le fait que ses deux enfants étudiaient présentement au Canada en vertu de visas d'étudiants.


2. L'offre d'emploi

[5]         En fait, la demanderesse s'est vue offrir un poste d'analyste de l'information de gestion dans la section du développement des télécommunications de l'information de Terracom et Web Design Needs de Winnipeg (Manitoba). Dans son affidavit, l'agente des visas dit que [traduction] « cette offre n'a pas été approuvée par le ministère du Développement des ressources humaines du Canada, comme l'exige le règlement » .

[6]         Dans l'affaire Naviwala c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[2], le juge Joyal a conclu que le seul fait que l'agent des visas n'ait pas tenu compte, lors de l'examen du facteur de la personnalité, entre autres choses, d'une offre d'emploi faite au requérant, ne constituait pas une question « suffisamment importante ou pertinente pour influer quant au fond sur l'appréciation que l'agent des visas a faite. » Dans la présente affaire, d'autres éléments ont convaincu l'agente des visas que la demanderesse ne disposait pas des qualités personnelles requises.

3. Autres éléments liés au facteur de la personnalité


[7]         Au paragraphe 15 de son affidavit, l'agente des visas explique pourquoi elle n'a accordé que 4 points à la demanderesse pour le facteur de la personnalité. La demanderesse ne s'adaptait pas facilement, c'est-à-dire que même si elle avait déjà passé trois mois au Canada, qu'elle avait suivi un cours d'anglais et qu'elle avait vécu dans un environnement anglophone, elle n'était pas capable de communiquer en anglais lors de son entrevue. La demanderesse a travaillé pendant plus de vingt ans pour la même compagnie et n'a jamais changé d'employeur ou vécu dans un autre pays. (Selon moi, cela ne constitue pas en soi un manque de faculté d'adaptation). La profession envisagée de la demanderesse nécessite une formation continue, des études en informatique et des aptitudes en anglais, choses qui font défaut à la demanderesse. De plus, les hommages qu'elle a reçus pour souligner sa contribution au travail ne faisaient pas état d'un effort particulier de sa part pour améliorer ses habiletés. La demanderesse n'a pas vraiment fait d'effort pour devenir employable au Canada.

4. Le double comptage

[8]         Comme je l'ai mentionné précédemment, l'agente des visas a tenu compte d'éléments relatifs à la connaissance de l'anglais dans son analyse de la faculté d'adaptation de la demanderesse : celle-ci [traduction] « ne faisait pas particulièrement preuve d'une faculté d'adaptation » . Ce commentaire se rapportait à la faculté d'adaptation de la demanderesse à l'environnement canadien et ne constitue pas un double comptage.

5. La capacité d'écrire en anglais


[9]         La demanderesse soutient que l'agente des visas n'a pas respecté son devoir d'agir équitablement en n'évaluant pas sa capacité d'écrire en anglais. Dans son affidavit, l'agente des visas a conclu que dans le meilleur des cas, la demanderesse parlait, lisait et écrivait « difficilement » en anglais. Habituellement, l'agente des visas évalue la capacité d'écrire d'un demandeur en lui dictant un texte, mais, dans la présente affaire, elle était d'avis que cela aurait été inutile étant donné que la demanderesse ne comprenait pas ses questions et qu'elles devaient communiquer par l'entremise d'un interprète. Dans ces circonstances, on peut comprendre pourquoi l'agente des visas considérait inutile de faire écrire la demanderesse en anglais.

6. Exercice positif du pouvoir discretionnaire de l'agente des visas

[10]       La demanderesse allègue que l'agente des visas aurait dû tenir compte de l'offre d'emploi mentionnée précédemment pour déterminer s'il y avait des motifs qui pouvaient l'amener à exercer positivement son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'alinéa 11(3) du Règlement sur l'immigration (le « Règlement » ). Cet article permet à un agent des visas d'exercer son pouvoir discrétionnaire quand le nombre de points accordés ne reflète pas les chances de ce demandeur de réussir à s'établir au Canada. Elle affirme aussi que l'agente des visas n'a pas tenu compte du soutien que ses deux fils, qui sont au Canada, auraient pu lui fournir.

[11]       Selon moi, l'agente des visas n'était pas obligée d'exercer son pouvoir discrétionnaire car la demanderesse ne lui en avait pas fait la demande[3]. Relativement au pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas, le juge Rothstein s'est exprimé comme suit :


[Le paragraphe 11(3)] ne dit pas dans quelles conditions l'agent des visas exerce le pouvoir discrétionnaire qui y est prévu. Rien ne l'empêche de l'exercer de son propre chef s'il le juge indiqué. Mais si c'est le demandeur qui veut qu'il l'exerce, il semblerait qu'il faut qu'il en fasse la demande sous une forme ou sous une autre.

[12]       Dans l'affaire Yedla c. Canada (Ministre de la Citoynneté et de l'Immigration)[4], j'ai appliqué la décision du juge Rothstein dans une affaire où il ne manquait que deux points au demandeur pour atteindre le minimum de 70 points. J'ai ajouté ce qui suit :

Le Règlement ne prévoit pas de forme particulière de demande visant à obtenir que l'agent des visas exerce le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 11(3). Je suppose que le demandeur qui connaît le paragraphe 11(3) du Règlement demanderait verbalement à l'agent des visas d'exercer son pouvoir discrétionnaire s'il avait l'impression, à la fin de l'entrevue, que sa demande risquait de ne pas être accueillie. Cependant, on s'attend à ce que le demandeur fasse valoir ses meilleurs arguments et énumère à l'agent des visas tous les facteurs qui militeraient en sa faveur.

7. Le dispositif

[13]       Par conséquent, je ne peux conclure que l'agente des visas a agi de mauvaise foi, qu'elle a tenu compte de facteurs non pertinents, ou qu'elle a omis de tenir compte de facteurs pertinents. Même si un juge pourrait être tenté d'ajouter deux points en faveur d'un demandeur, il ne peut substituer sa propre évaluation à celle de l'agent des visas, sauf si cette évaluation était déraisonnable. À mon avis, dans les circonstances, la décision de l'agente des visas n'était pas déraisonnable.


[14]       En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Nous convenons tous qu'il n'y a aucune question de portée générale à certifier.

OTTAWA (Ontario)

Le 26 septembre 2000

                                                 

Juge

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 IMM-5107-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                MAN SHIK SEO c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                     WINNIPEG

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 18 SEPTEMBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE DUBÉ

EN DATE DU :                                     26 SEPTEMBRE 2000

ONT COMPARU

M. Edward Rice                                                            POUR LA DEMANDERESSE

Mme Jessica Cogan                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Edward Rice                                                            POUR LA DEMANDERESSE

Winnipeg (Manitoba)

M. Morris Rosenberg                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]            L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]            [1998] A.C.F. no 69 (C.F. 1re inst.)

[3]            Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 152 F.T.R. 316.

[4]            [1999] A.C.F. no 1963 (C.F. 1re inst.).

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