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Date : 19971104

 

Dossier : T-421-97

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

ENTRE :

  FAULDING (CANADA) INC.

  demanderesse

  - ET -

  PHARMACIA S.P.A.

  défenderesse

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]  La défenderesse sollicite en application du paragraphe 700(3) des Règles de la Cour fédérale et du paragraphe 60(3) de la Loi sur les brevets, une ordonnance obligeant la demanderesse à déposer un cautionnement pour dépens supplémentaire de 220 227,99 $. La demanderesse avait déjà obtenu une ordonnance enjoignant de verser un cautionnement pour dépens de 12 000 $. Elle soulève deux questions. Premièrement, elle fait valoir qu’elle a déjà versé un cautionnement suffisant et qu’aucun autre cautionnement n’est requis. Subsidiairement, la demanderesse fait valoir que le cautionnement supplémentaire approprié est bien inférieur aux 220 227,99 $ demandés. Je suis d’avis que le cautionnement de 12 000 $ versé, conformément à l’ordonnance de la juge Tremblay-Lamer, ne constitue pas un cautionnement pour dépens suffisant, aux termes du paragraphe 700(3), jusqu’au procès.

[2]  Comme l’énonce le juge Strayer dans la décision Electec Ltd. v. Comstock Canada (1989), 24 C.P.R. (3d) 137 (F.C.T.D.), à la page 140 :

 

[traduction]
Le paragraphe 700(3) habilite la Cour [traduction] « quand elle le juge à propos » à ordonner au demandeur dans une action en invalidation de brevet de verser un cautionnement pour dépens [traduction] « avant de prendre toute autre mesure » [...]

 

[3]  Le juge ajoute à la page 141 :

 

[traduction] [...] le titulaire du brevet bénéficie ainsi d’une certaine protection en cas d’attaques frivoles contre un brevet obtenu en bonne et due forme et à l’égard duquel une certaine présomption légale de validité a été établie [...]  [Renvoi omis.]

 

[4]  Le juge Strayer conclut ainsi :

 

[traduction] Le cas échéant, l’ordonnance porte sur le versement d’un [traduction] « cautionnement pour dépens » [...]

 

[5]  Il poursuit aux pages 141 et 142 :

 

[traduction] [...] La conclusion qui s’impose est que le titulaire de brevet défendeur doit bénéficier d’une protection pour les frais engagés, protection qui est normalement assurée par le versement du « cautionnement pour dépens » accordé par un tribunal. Le montant approprié du cautionnement doit être établi à la discrétion du tribunal, qui déterminera également si les conditions préalables visées à l’article 446 ont été remplies. Le paragraphe 62(3) dispose que le montant du cautionnement doit être fixé dès le début, et le paragraphe 700(3) prévoit qu’il pourra être ajusté à un moment ultérieur.

 

[6]  Je ne crois pas qu’un montant de cautionnement pour dépens suffisant a été versé. Je dois par conséquent examiner les facteurs sur lesquels repose habituellement une ordonnance de versement d’un « cautionnement pour dépens ». Toutefois, comme le fait remarquer le protonotaire Hargrave dans la décision International Hollowcore Engineering Inc. c Ultra-Span Technologies Inc., 12 août 1997, dossier de la Cour T-626-97 (CF 1re inst.), à la page 5 :

 

[...] En l’espèce, il faut tenir compte du nouveau tarif B qui reflète davantage que l’ancien les coûts réels du litige.

 

[7]  Je suis conscient de la complexité des contentieux en matière de brevet, mais je suis d’avis que la colonne du milieu du tarif B est plus appropriée; cependant, à ce stade-ci de l’instance, l’extrémité supérieure de la fourchette de la colonne 3 ne devrait pas être utilisée. Je suis d’avis également que je n’ai pas à tenir compte du facteur de la résidence puisque c’est le titulaire du brevet qui est censé bénéficier d’une protection, peu importe que le demandeur soit résident ou non au sens du paragraphe 60(3) de la Loi sur les brevets et du paragraphe 700(3) des Règles de la Cour fédérale. La question de savoir si l’extrémité supérieure de la fourchette de la colonne 3 du tarif B ou d’une autre colonne est appropriée pourra être tranchée après le procès, quand les dépens auront été établis.

[8]  J’ai remarqué que la défenderesse a inscrit le temps consacré à l’audition de la requête en précisions dans son mémoire de frais. Cependant, à l’issue de la requête, le protonotaire a adjugé des dépens à la demanderesse et l’appel a été rejeté. Il n’y a pas lieu de tenir compte du temps consacré aux requêtes instruites par le protonotaire Giles et le juge en chef adjoint puisque les dépens de la requête ont déjà été adjugés. Je comprends que l’affaire a été portée en appel. Je remarque par ailleurs que la défenderesse a inscrit cinq heures de comparution relativement à une requête pour laquelle seulement 2,5 heures sont consignées au sommaire du registraire. Cette incohérence soulève des questions quant à l’exactitude de certains autres chiffres.

[9]  Je souscris par conséquent à l’évaluation de la demanderesse selon laquelle les honoraires d’avocat engagés à ce jour à l’égard de l’instance devraient s’établir à 1 900 $. Je vais maintenant examiner les frais qui seront engagés à court terme pour l’interrogatoire préalable et l’interrogatoire oral des parties. Je suis d’accord avec la demanderesse quand elle affirme que le montant du cautionnement le plus approprié s’établit à 25 800 $. Je suis également d’accord avec les honoraires de 2 300 $ établis par la demanderesse pour les procédures préalables à l’instruction et à l’audience. Comme il est très difficile à ce stade de savoir si les services d’un avocat adjoint seront requis, je souscris à la proposition de la demanderesse à cet égard.

[10]  Sans égard aux modifications apportées dernièrement aux Règles en vue de faire concorder les dépens adjugés et les frais réels d’un contentieux, je conviens avec la demanderesse qu’une bonne partie des débours se calcule selon une échelle plus appropriée sur un mémoire de dépens avocat-client que sur un mémoire de frais entre parties. Ainsi, en ce qui concerne les frais de photocopie et comme le juge Teitelbaum l’a affirmé dans la décision Diversified Products Corp. c Tye-Sil Corp. (1990), 34 C.P.R. (3d) 267 (1re inst.), à la page 276 :

 

[traduction] [...] Les photocopies ne constituent un débours admissible que si elles sont essentielles à la conduite de l’action. Elles visent à défrayer le plaideur du coût réel de la photocopie. [...]

 

[11]  La défenderesse ne m’a pas remis de preuve attestant le coût réel de la photocopie et je n’ai rien alloué à cet égard. Je ne puis pas non plus établir de frais réels de transmission par télécopieur. À ce jour, les débours se chiffrent à 307,06 $. La défenderesse a également inclus dans le cautionnement pour dépens les honoraires d’un interprète qui ont été engagés lors des interrogatoires préalables, tel qu’il est prévu à l’article 465.1 des Règles :

 

[traduction] [...] la partie qui interroge s’assure de la présence et paie les honoraires et débours d’un interprète indépendant et compétent chargé d’interpréter fidèlement

   

 

 

  a)  la prestation de serment ou l’affirmation solennelle;

 

 

 

  b)  les questions posées à la personne qui est interrogée;

 

 

 

  c)   les réponses à ces questions.

 

[12]  Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu d’inclure les honoraires d’un interprète. Les frais de déplacement devraient être réduits de moitié étant donné qu’à ce stade, les services d’un seul avocat devraient être autorisés. Les débours à court terme s’élèvent donc à 12 900 $. Pour le moment, il est très difficile de prévoir les frais afférents aux services d’expert, tout particulièrement ceux qui seront engagés strictement d’ici au procès. Je suis d’avis qu’il serait utile de suivre les recommandations formulées par le protonotaire Hargrave dans la décision Tough Traveler, Inc. v. Taymor Industries, Ltd. (1994), 59 C.P.R. (3d) 186, à la page 190 (CF 1re inst.) :

 

Pour déterminer le montant approprié de la garantie pour les dépens, j’ai également tenu compte d’autres éléments, y compris le fait que [traduction] « un montant doit être prévu pour tenir compte de l’inextinguible flamme de l’optimisme humain et des chances que le montant des frais réclamés reste intact après la taxation » (Procon Ltd., précité, à la p. 571); que chaque cause, y compris celle-ci, ne sera pas nécessairement contestée jusqu’au bout et que, par conséquent, le montant de la garantie pour les dépens pourrait être quelque peu inférieur; que la garantie pour les dépens ne doit pas être illusoire mais qu’en même temps, elle ne doit pas être abusive au point d’empêcher la demanderesse d’exercer un recours légitime en droit; et que si la garantie pour les dépens s’avérait insuffisante, la défenderesse pourrait toujours présenter une requête pour en augmenter le montant ultérieurement.

 

[13]  À mon avis, il serait raisonnable d’accorder le tiers seulement des frais liés à des services d’expert demandés qui s’élèveraient à ce stade à 8 000 $ US (11 200 $ CA). J’admettrais aussi des frais de déplacement et d’hébergement pour les experts de 2 333 $, et des frais de consultation des clients de 5 000 $. Les débours totaux à court terme s’élèvent à 18 533 $. Même si la date du procès a été fixée, comme c’était le cas dans la décision Richter Gedeon Vegyészeti Gyar Rt c Merck & Co. (1996), 66 CPR (3d) 36 (CF 1re inst.), le juge Denault n’était pas disposé à [traduction] « exclure la possibilité d’un règlement ou d’un procès moins long que prévu » (aux pages 39 et 40). Le juge Denault a estimé que les débours prévus étaient trop incertains et il les a refusés. Pour la même raison, je n’ai pas accordé d’honoraires ou de débours liés au procès. Je rends néanmoins la présente ordonnance sous réserve du droit de la défenderesse de demander une majoration du cautionnement pour dépens immédiatement après le procès.

[14]  J’ai accordé des dépens de 61 740,06 $ jusqu’ici afin de couvrir les frais potentiels qui seront engagés durant l’interrogatoire préalable, y compris pour les conférences préparatoires et les avis d’admission des faits. La demanderesse ayant fourni un cautionnement pour dépens de 12 000 $ seulement, elle devra verser 49 740,06 $ supplémentaire au titre du montant dont elle est redevable. L’adjudication des dépens pour la présente requête suivra l’issue de la cause.

  ___________________________________

  JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 4 novembre 1997

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