Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                                  Date : 20040617

                                                                                                                             Dossier : T-1845-03

                                                                                                                     Référence : 2004 CF 860

ENTRE :

                                                            NEDELJKO LISTES

                                                                                                                                         Demandeur

                                                                          - et -

                                           PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          Défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         La présente demande de contrôle judiciaire vise l'annulation de la décision de la Section d'appel (la Section d'appel) de la Commission nationale des libérations conditionnelles (la CNLC), rendue le 9 septembre 2003, confirmant la décision de la CNLC, datée du 4 avril 2003, refusant la semi-liberté et la libération conditionnelle totale du demandeur en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi).

[2]         Nedeljko Listes est âgé de plus de 70 ans et il est présentement détenu au Centre fédéral de formation à Laval, un établissement à sécurité minimale, où il purge, depuis le 12 septembre 1995, une première peine d'emprisonnement à perpétuité pour les meurtres au second degré de son épouse et de son fils.


[3]         La Section d'appel a jugé que la décision de la CNLC était juste, raisonnable et appuyée par de nombreux rapports psychologiques et psychiatriques.

[4]         Le demandeur reproche à la Section d'appel d'avoir rendu une décision manifestement déraisonnable et contraire aux principes énoncés aux articles 100 à 102 de la Loi qui se lisent comme suit :


100. La mise en liberté sous condition vise à contribuer au maintien d'une société juste, paisible et sûre en favorisant, par la prise de décisions appropriées quant au moment et aux conditions de leur mise en liberté, la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants en tant que citoyens respectueux des lois.


100. The purpose of conditional release is to contribute to the maintenance of a just, peaceful and safe society by means of decisions on the timing and conditions of release that will best facilitate the rehabilitation of offenders and their reintegration into the community as law-abiding citizens.



101. La Commission et les commissions provinciales sont guidées dans l'exécution de leur mandat par les principes qui suivent_:

a) la protection de la société est le critère déterminant dans tous les cas;

b) elles doivent tenir compte de toute l'information pertinente disponible, notamment les motifs et les recommandations du juge qui a infligé la peine, les renseignements disponibles lors du procès ou de la détermination de la peine, ceux qui ont été obtenus des victimes et des délinquants, ainsi que les renseignements et évaluations fournis par les autorités correctionnelles;

[. . .]

d) le règlement des cas doit, compte tenu de la protection de la société, être le moins restrictif possible;

[. . .]


101. The principles that shall guide the Board and the provincial parole boards in achieving the purpose of conditional release are

(a) that the protection of society be the paramount consideration in the determination of any case;

(b) that parole boards take into consideration all available information that is relevant to a case, including the stated reasons and recommendations of the sentencing judge, any other information from the trial or the sentencing hearing, information and assessments provided by correctional authorities, and information obtained from victims and the offender;

[. . .]

(d) that parole boards make the least restrictive determination consistent with the protection of society;

[. . .]



102. La Commission et les commissions provinciales peuvent autoriser la libération conditionnelle si elles sont d'avis qu'une récidive du délinquant avant l'expiration légale de la peine qu'il purge ne présentera pas un risque inacceptable pour la société et que cette libération contribuera à la protection de celle-ci en favorisant sa réinsertion sociale en tant que citoyen respectueux des lois.


102. The Board or a provincial parole board may grant parole to an offender if, in its opinion,

(a) the offender will not, by reoffending, present an undue risk to society before the expiration according to law of the sentence the offender is serving; and

(b) the release of the offender will contribute to the protection of society by facilitating the reintegration of the offender into society as a law-abiding citizen.



[5]         Il appert des nombreux rapports au dossier que le demandeur fait montre d'une absence totale de réhabilitation depuis le début de sa sentence, qu'il souffre d'une fragilité psychologique importante et qu'il arbore des troubles de la personnalité ainsi que des traits paranoïaques (voir les documents intitulés « Évaluation en vue d'une décision, 17 février 2003 » , « Suivi du plan correctionnel, numéro de rapport 7, 17 février 2003 » et « Compte rendu d'évaluation psychologique/psychiatrique - Centre fédéral de formation, 23 janvier 2003 » aux onglets nos 5, 6 et 7 respectivement du dossier du 15 décembre 2003 soumis par la CNLC). Selon les mêmes rapports, le demandeur n'a effectué aucune remise en question; il continue à se voir comme étant une victime et sa motivation à s'impliquer dans divers traitements est nulle. Dans les circonstances, je suis d'opinion qu'à l'instar de la CNLC, la Section d'appel a correctement évalué le cas du demandeur selon les principes généraux énoncés aux articles 100 à 102 de la Loi.


[6]         Le demandeur soumet plus particulièrement que la CNLC n'est pas arrivée au règlement le moins restrictif possible tel que le prévoit le paragraphe 101d) de la Loi. Il souligne que la CNLC est d'avis qu'un traitement d'ethnopsychiatrie semble être pour lui le seul traitement approprié. Comme ce traitement n'est pas disponible dans le centre de détention, le demandeur reproche à la CNLC de lui refuser une semi-liberté pour qu'il puisse en profiter à l'extérieur. Tout comme le défendeur, je suis d'avis que la CNLC n'a pas erré dans son évaluation à cet égard. Une révision du dossier et des motifs de la décision démontre clairement que la CNLC était d'avis que même si le seul traitement efficace et disponible pour le demandeur était une ethnopsychiatrie, le fait que celui-ci ne démontre aucune ouverture en ce sens suggère que ce traitement n'est pas viable. Selon le « Suivi du plan correctionnel, numéro de rapport 7, 17 février 2003 » (le rapport #7), le demandeur résiste à la possibilité de réamorcer un suivi psychothérapeutique comme celui qu'il avait débuté jadis à la clinique d'ethnopsychiatrie. De plus, ce rapport indique que le demandeur ne veut rien savoir des plans de réinsertion proposés et qu'il démontre une fermeture complète au sujet de son cas. Dans sa décision, la CNLC a tenu compte du fait que le demandeur a déjà tenté de poursuivre un tel traitement à l'extérieur sans succès et aussi du fait qu'il ne démontre aucun intérêt pour sa réhabilitation. Ainsi, je suis d'avis que le paragraphe 101d) de la Loi a dûment été pris en compte dans l'évaluation du cas du demandeur et qu'en maintenant la décision de la CNLC, la Section d'appel n'a pas erré.


[7]         Enfin, le demandeur fait valoir que la CNLC n'a pas tenu compte de toute l'information pertinente disponible telle que prévue au paragraphe 101b) de la Loi. Il note que selon le rapport psychologique daté du 23 janvier 2003, son risque de récidive est de faible à modéré; il souligne en outre que selon l'indice statistique du Service correctionnel du Canada, il appartient à la catégorie de 4 détenus sur 5 qui ne commettront pas d'acte criminel après leur libération. Toutefois, une lecture des rapports au dossier démontre que ces allégations sont faites hors contexte. D'abord, l' « Évaluation en vue d'une décision, 17 février 2003 » indique que la réinsertion sociale du demandeur doit être réajustée à faible. Puis, selon ce même rapport, le risque associé à la mise en liberté du demandeur est trop élevé puisque ce dernier n'a aucune ressource à l'extérieur et que la récidive avant l'expiration de la peine est un risque inacceptable dans les circonstances. Enfin, ce rapport explique que la conclusion que le demandeur appartient à la catégorie de 4 détenus sur 5 qui ne commettront pas d'acte criminel après leur libération est tout à fait irréaliste à la lumière de l'évaluation complète du cas du demandeur. Il y a aussi le rapport #7 qui précise que cette cotation ne reflète aucunement l'évaluation de la capacité du demandeur de pouvoir fonctionner dans la société sans récidiver puisque cette prédiction ne tient compte ni de la fragilité du cas, ni de la capacité du demandeur de s'inventer des histoires. Selon le rapport #7, le potentiel de réinsertion sociale du demandeur doit être réajusté à faible puisqu'il ne veut rien savoir des plans de réinsertion proposés et qu'il démontre une fermeture complète au sujet de son cas. Je suis donc d'avis que les griefs du demandeur en ce qui a trait à l'évaluation de la preuve par la CNLC sont sans fondement. Il ressort au contraire de toute la documentation que la CNLC a tiré des conclusions raisonnables sur la base des nombreuses informations dont elle disposait et que la Section d'appel était en conséquence bien justifiée de ne pas intervenir.

[8]         En conclusion, je suis d'avis que la décision de la Section d'appel repose sur une base factuelle raisonnablement bien appréciée et que ce tribunal a correctement appliqué les articles 100, 101 et 102 de la Loi.

[9]         En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.

                                                               

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 juin 2004


                                                               COUR FÉDÉRALE

                                     NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                       T-1845-03

INTITULÉ :                                                      NEDELJKO LISTES c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                               Le 12 mai 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                  Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                          Le 17 juin 2004            

COMPARUTIONS :

Me Pierre Tabah                                                POUR LE DEMANDEUR

Me Michelle Lavergne                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Labelle, Boudrault, Côté & Associés    POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.