Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040406

Dossier : IMM-2682-03

Référence : 2004 CF 533

Ottawa (Ontario), le mardi 6 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                      AMARBIR SINGH PADDA et

                                                   RAVINDERPAL SINGH PADDA

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Amarbir Singh Padda et Ravinderpal Singh Padda sont des frères et sont citoyens de l'Inde. Ils présentent la présente demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu'ils n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. Amarbir Singh Padda et Ravinderpal Singh Padda sont entrés au Canada le 13 octobre 2001 et ils ont respectivement présenté leur demande d'asile le 21 janvier 2002 et le 18 février 2002. Ils fondaient leur demande sur la prétendue persécution qu'ils subissaient du fait des opinions politiques qu'on leur imputait. Amarbir Singh Padda est le plus jeune des frères (âgé de 24 ans) et est le demandeur principal. Son frère Ravinderpal est âgé de 28 ans et il fonde sa demande sur celle de son jeune frère.

[2]                Les deux frères vivaient dans l'État du Penjab en Inde. Ils affirment que, en mai 2000, ils sont allés dans l'État du Jammu-et-Cachemire afin de rendre visite à un camarade d'université nommé Abdul Rashid. Ils affirment que, le lendemain de leur arrivée, les policiers ont fait une descente dans la maison d'Abdul Rashid et les ont arrêtés, eux et Abdul Rashid. Les demandeurs affirment maintenant qu'Abdul Rashid était, ce qu'ils ne savaient pas à ce moment, membre d'une organisation militante cachemirienne connue sous le nom de Lashkar-e-Toiba (LeT). Les policiers ont accusé les frères d'avoir des liens avec le LeT. Les demandeurs affirment qu'ils ont été détenus en prison pendant dix jours au cours desquels ils ont subi cinq jours de torture. Ils ont été libérés après que leur père eut payé un pot-de-vin aux policiers. Les frères affirment que par la suite leurs blessures ont été soignées dans un hôpital et qu'ils se sont ensuite cachés. Ils affirment que leurs noms ont été placés sur une liste nationale de militants, de sorte qu'il n'y a aucun endroit en Inde où ils pourraient être en sécurité. Par conséquent, ils se sont enfuis au Canada avec l'aide de passeurs de clandestins. Ils affirment que les policiers ont continué à se rendre à la maison familiale parce qu'ils étaient à leur recherche.

[3]                La Commission a rejeté leur demande selon laquelle ils étaient des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger parce qu'elle a conclu qu'ils n'avaient pas fourni des éléments de preuve dignes de foi au soutien de leur demande.

[4]                Les demandeurs affirment que la Commission, lorsqu'elle a tiré cette conclusion, a commis des erreurs à l'égard des points ci-après mentionnés. Premièrement, ils affirment que la Commission a fait des interruptions excessives au cours des interrogatoires principaux par leur avocat et qu'en agissant ainsi elle a omis de respecter les principes de justice naturelle et d'équité en matière de procédure. Les demandeurs affirment que la façon selon laquelle la Commission a agi soulève une crainte raisonnable de partialité. Deuxièmement, les demandeurs affirment que la Commission n'a pas énoncé des motifs valables à l'égard de sa conclusion selon laquelle ils n'étaient pas dignes de foi. Finalement, les demandeurs affirment que la Commission a omis de tenir correctement compte de la preuve documentaire. La preuve documentaire appuie soi-disant la preuve des demandeurs. En outre, les demandeurs font valoir que la Commission était tenue d'examiner la question de savoir s'il existait un fondement objectif à leur demande.


[5]                Passons à la première erreur alléguée. J'ai lu la transcription de l'audience à deux reprises. Je suis convaincue que les interventions de la Commission, bien qu'à mon avis elles aient été excessives, n'ont pas atteint un point où l'avocat des demandeurs a été empêché de défendre pleinement leur cause. Je fais cette affirmation parce que les demandeurs n'ont signalé aucun aspect de leur demande qu'ils ont été empêchés de faire valoir. La Commission a le droit, selon ce qu'a déclaré la Cour d'appel fédérale, de faire une « intervention énergique visant à clarifier certaines contradictions dans la preuve » ; voir l'arrêt Mahendran c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 549 (C.A.). Cela est particulièrement vrai lorsqu'une formation prend part à un processus non accusatoire comme les auditions de revendications du statut de réfugié dans lesquelles, comme dans la présente affaire, personne ne comparaît pour s'opposer à la revendication; voir la décision Paramo-Martinez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 261 (1re inst.).

[6]                Je suis de plus convaincue, selon mon examen de la transcription, que les questions de la Commission avaient pour but de clarifier des contradictions ou des invraisemblances réelles ou perçues et résultaient de l'absence réelle ou perçue de réponse directe à certaines questions. Les demandeurs ne m'ont pas convaincue qu' « une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » estimerait qu'il y a là une crainte raisonnable de partialité; voir l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394.

[7]                Malgré ma conclusion selon laquelle la façon d'agir de la Commission ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle ou ne crée pas une crainte de partialité, on peut s'inquiéter des interventions longues et fréquentes de la Commission lors des interrogatoires principaux des demandeurs. Je cite deux exemples. Premièrement, durant l'interrogatoire d'Amarbir Singh Padda, il y a eu l'échange suivant :

[TRADUCTION]

Q :            Que vous est-il arrivé lorsque vous étiez au poste de police?

R :            Le lendemain, le lendemain, le jour suivant, un inspecteur de police est venu. Il était accompagné d'un policier. Il m'a fait sortir de la cellule de détention. Il m'a conduit à la salle d'accompagnement et il a pris mes empreintes digitales. Il m'a retourné dans la cellule de détention. Ensuite, il a prétendu ce qui suit contre moi. Il m'a dit : [TRADUCTION] « Votre ami a des liens avec les militants cachemiriens » . Il m'a dit : [TRADUCTION] « Vous êtes avec lui. Vous êtes son compagnon et vous êtes également un militant » . La même chose pour mon frère. Tout ce qui m'est arrivé; on a également pris ses empreintes digitales.


Q :            Nous lui demanderons ce qui lui est arrivé. Dites-nous ce qui vous est arrivé à vous.

R :            Lorsque le policier m'a dit : [TRADUCTION] « C'est l'accusation contre vous » , il y avait deux policiers avec l'inspecteur et ils m'ont dit : [TRADUCTION] « Vous êtes avec eux. Dites-nous quels sont les projets de ces militants. Qui sont vos compagnons? Que faites-vous? Où allez-vous? Qui sont les gens que vous tuez? » . Pour rendre la situation claire, j'ai répondu : [TRADUCTION] « Abdul Rashid est un de mes amis. Je ne fais que lui rendre visite. Nous avons étudié ensemble » . Je les ai beaucoup suppliés.

Ensuite, ils ont commencé à me battre. Ils m'ont torturé. Sur la plante de mes pieds, ils ont frappé et ils m'ont frappé dans le dos et sur les jambes. J'avais l'impression que les muscles à l'intérieur étaient brisés. Sur les cuisses, j'avais des caillots de sang. Je sentais des caillots de sang partout, de couleur rougeâtre. La même chose sur les fesses. Ils me posaient ces questions. Ils me disaient : [TRADUCTION] « Nous allons vous tuer » .

PRÉSIDENT DE l'AUDIENCE :           Vous ne semblez pas très affecté par ce que vous avez vécu Monsieur. Vous ne semblez pas très affecté par ce que vous avez vécu Monsieur. Je trouve que votre ton est plutôt neutre. Plutôt surprenant, si ce que vous avez vécu était si terrible que ce que vous dites.

R :            Une personne qui a subi cela est prudente.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Veuillez continuer.

PAR M. SANDHU :

Q :            Que vous est-il arrivé d'autre au poste de police?

R :            Ils prétendaient sans cesse ce qui suit : [TRADUCTION] « Vos liens et ceux de votre frère sont des liens avec des militants cachemiriens » . Ils me battaient et me torturaient régulièrement.

Q :            Avez-vous déjà été associé à une organisation militante? Non. Avez-vous déjà eu des liens avec une organisation militante? Avez-vous eu des liens?

R :            Non, Monsieur.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Monsieur, dites-vous que pendant dix jours, ils ont dit « Vous êtes lié à une organisation militante » et vous disiez « Non, nous ne le sommes pas » , ils disaient « Oui, vous l'êtes » , « Non, nous ne le sommes pas » , et cela s'est poursuivi pendant dix jours?

R :            Les quatre ou cinq premiers jours, il y a eu plus de torture.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Monsieur, ce n'est pas ma question.


R :            Même après coup.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Ma question est, jusqu'à maintenant la seule conversation que j'ai entendue entre vous et les policiers est qu'ils disaient « Vous êtes membre de l'organisation militante » et vous disiez « Non, nous ne le sommes pas » . Comment cela a-t-il pu se poursuivre pendant cinq jours, dix jours? Je veux dire, ils ont certainement dit autre chose. Pourquoi les policiers seraient-ils stupides au point de dire « Vous faites partie des militants? » , vous dites « Non, nous n'en faisons pas partie » . Je veux dire, il doit y avoir autre chose, Monsieur.

M. SANDHU :        Tout de même, il nous a dit qu'ils lui posaient d'autres questions, mais une fois de plus je le lui demande.

Q :            M. Padda, qu'est-ce que les policiers vous demandaient pendant votre détention?

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Et qu'avez-vous répondu?

M. SANDHU :        Oui, que...

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Ayons la conversation.

R :            Ils m'ont dit : [TRADUCTION] « Votre ami a des liens avec le groupe militant Lashkar-e-Toiba. Vous êtes avec lui » .

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Attendez un instant.

R :            [TRADUCTION] « Vous êtes l'un d'eux » .

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Attendez. Attendez. « Votre ami a des liens avec le Lashkar-e-Toiba. » Leur avez-vous demandé sur quoi ils se fondaient pour dire cela?

R :            Non, je ne l'ai pas fait.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Et ont-ils dit : « Regardez, nous avons des preuves. Voici des photographies de lui avec des guérilleros. Voici ce que nous avons trouvé chez lui » ?

R :            Non, rien de cette sorte Monsieur.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Alors sur quoi se fondent-ils pour dire qu'il est membre du Lashkar-e-Toiba?

R :            Il est possible qu'ils connaissaient mieux Abdul Rashid au Cachemire que je le connaissais. Moi, j'ai seulement étudier avec lui. C'est le seul lien que j'avais avec lui.


PAR M. SANDHU :

Q :            Quel autre...            

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Monsieur... excusez.

PAR M. SANDHU :

Q :            D'accord. Qu'est-ce que les policiers vous ont demandé en plus?

R :            Ils ne demandaient que cela.

Q :            Quoi d'autre...

R :            [TRADUCTION] « Quels sont vos liens avec lui? »

Q :            Quoi d'autre... vous nous avez dit qu'ils vous avaient demandé quels étaient les projets des militants. Qu'est-ce qu'il y avait à l'égard de ces projets?

R :            Ils demandaient : [TRADUCTION] « Quels sont vos projets? Qu'est-ce que vous faites? Qu'allez-vous faire à l'avenir avec vos compagnons? Où vivent-ils? » C'est cette sorte de questions qu'on me demandait.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Et qu'avez-vous dit?

R :            J'ai dit : [TRADUCTION] « Je suis innocent. Je ne sais rien. Je suis venu au Cachemire seulement pour rendre visite à mon ami Abdul Rashid » . Je les ai suppliés. Ils ne m'écoutaient pas du tout.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Bien, Monsieur, cela ... vous savez, après la première fois que vous avez dit cela, vous dites qu'ils sont revenus et qu'ils vous ont demandé les mêmes questions encore, qu'ils vous ont battu encore, et qu'ils sont revenus le lendemain, vous ont demandé les mêmes questions encore et vous avez dit la même chose?

R :            Oui.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Monsieur, que savez-vous du Lashkar-e-Toiba?

R :            En regardant la télévision ou en lisant le journal.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Certainement. Où sont-ils situés?

R :            Lashkar-e-Toiba?

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Hum! LeT.


R :            J'ai entendu dire qu'ils sont du Pakistan et qu'ils luttent pour le Cachemire en Inde.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Oui, ils sont des combattants pakistanais qui vont au Cachemire. Maintenant, pensez-vous que les policiers savent qu'ils sont des combattants pakistanais qui vont au Cachemire?

R :            Le monde entier le sait.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Oui, d'accord. Alors, lorsqu'ils vont au Pakistan - au Cachemire, qu'est-ce qu'ils transportent habituellement?

R :            Comment le saurais-je Monsieur?

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Bien, le monde entier le sait, n'est-ce pas? Ils transportent des armes lourdes comme des AK-47, des munitions, des explosifs. Maintenant, pensez-vous que les policiers savent cela?

R :            Ils doivent le savoir.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Certainement. Ils font leurs descentes. Ils restent dans des endroits comme des madrasa et ils font leurs descentes, puis ils retournent au Pakistan. Hum? Savez-vous de qui ils obtiennent du financement?

R :            Non, Monsieur.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Avez-vous déjà entendu parler de l'Inter-Services Intelligence Agency?

R :            Non, Monsieur.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Vous avez grandi en Inde, vous avez étudié à l'université et vous n'avez jamais entendu parler de l'ISI? ISI.

R :            J'en ai entendu parler, Monsieur, mais je ne m'y suis jamais intéressé.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Certainement. Bien, c'est cette agence qui fournit le financement à LeT. Savez-vous comment ils font ce financement?

R :            Non.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Vous ne lisez pas les journaux?

R :            Je lis le journal et j'écoute les nouvelles à la télévision.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Bien, nous avons de nombreux documents dans ce dossier qui font état que le financement provient de la vente de drogues, d'importation de faux et de la vente d'armes. Un réseau narcoterroriste perfectionné. Ces renseignements proviennent de la police, Monsieur. Maintenant, où Abdul Rashid se situe-t-il dans tout cela?


R :            Je ne sais pas, Monsieur. Tout ce que je sais, c'est qu'il étudiait avec moi. Il ne m'a jamais rien mentionné à l'égard de ces choses.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Le point est, Monsieur, pourquoi la police, qui informe les médias de la façon dont fonctionne cette organisation narcoterroriste financée par des Pakistanais, pourrait croire qu'Abdul Rashid, qui étudie la majorité du temps au Penjab, ait des liens avec cette organisation narcoterroriste secrète? Le LeT ne recrute pas de jeunes habitants locaux pour son réseau. Il est très secret. Les membres font sauter un Parlement ou autre chose de la sorte. Tout cela se retrouve dans les documents contenus dans ce dossier, Monsieur.

Alors je dis, comment la police peut-elle être si - vous savez, qu'est-ce qui peut l'amener à Abdul Rashid? Ils n'ont pas - enfin, vous n'avez pas dit que les policiers avaient trouvé quelque chose chez lui. Ils n'ont pas trouvé des explosifs ou des AK-47ou des ceintures de munitions. Ce que vous dites à l'égard des policiers, Monsieur, est à mon avis pratiquement insensé compte tenu de la documentation sur le pays. Cela donne à penser qu'ils ne sont pas intelligents, qu'ils n'ont pas de cerveaux. Alors, vous savez, que - qu'avez-vous à dire?

R :            Tout ce que je peux dire, Monsieur, il a étudié avec moi pendant deux ans. Pendant les congés, il retournait dans son village. Au moment de (inaudible), notre long congé...

[8]                L'interrogatoire principal de Ravinderpal Singh Padda débute comme suit :

[TRADUCTION]

Q :            M. Ravinder Singh Padda, je m'adresserai à vous en vous appelant M. Padda. Cela vous va?

R :            Oui.

Q :            Vous étiez présent ici dans cette pièce lorsque votre frère a témoigné sous serment.

R :            Oui, Monsieur.

Q :            Si vous n'êtes pas d'accord avec votre frère à l'égard de tout ce qu'il a déclaré ici au cours de son témoignage et que vous voulez faire des commentaires, vous pouvez le faire.

R :            Je suis d'accord avec lui.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Juste pour le dossier, Monsieur, pouvez-vous dire à l'égard de quoi vous êtes d'accord avec votre frère? À l'égard de quoi êtes-vous d'accord, Monsieur?


M. SANDHU :        C'est - je pense, M. le Président, que c'est une question très vague et je m'oppose à cette question parce que la question est celle de savoir s'il est d'accord, s'il est d'accord avec son frère à l'égard de tout ce qu'il a déclaré ou s'il est d'accord à l'égard de quelque chose? Ce qu'il devrait dire, même...

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Je ne sais pas.

M. SANDHU :        C'est très difficile, cette question, ce « à l'égard de quoi êtes-vous d'accord » , que...

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Enfin, je ne lui demande pas à l'égard de quoi il est d'accord. Qu'est-ce qu'il dit, « Je suis d'accord » ? « Je suis d'accord » à l'égard de quoi? C'est ma question. Votre question était « Vous avez entendu le témoignage de votre frère ce matin » .

M. SANDHU :        C'est exact.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          « Êtes-vous d'accord avec votre frère à l'égard de ce qu'il a déclaré » , je pense. N'est-ce pas exact?

M. SANDHU :        C'est exact, à l'égard de tout ce qu'il a déclaré sous serment.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          À l'égard de tout ce qu'il a déclaré. Maintenant, il a déclaré « Je suis d'accord, alors...

M. SANDHU :        À l'égard de tout ce qu'il a dit.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Alors dites-vous : « Je suis d'accord avec mon frère à l'égard de tout ce qu'il a déclaré? » , est-ce ce que vous dites?

R :                            Oui.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Est-ce ce que vous avez demandé? Est-ce - est-ce ce que vous vouliez savoir?

M. SANDHU :        C'est ce que je lui ai demandé et ce que je voulais savoir. S'il n'est pas d'accord avec son frère à l'égard de quoi que ce soit qu'il a déclaré, il peut le dire, il peut faire des commentaires.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Oui. Voulez-vous corriger quelque chose?

M. SANDHU :        Oui.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Oui, certainement. Non, ça va.


M. SANDHU :        C'est ce que j'ai l'intention de...

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Je pense que nous sommes sur la même longueur d'onde.

[9]                Bien que la Commission ait un intérêt légitime à ce que les audiences aient lieu de façon expéditive, toutes les audiences doivent être complètes et justes et doivent être tenues conformément aux principes d'équité en matière de procédure et aux principes de justice naturelle. Cela signifie que la Commission devrait en tout temps être, et sembler être, un décideur impartial qui écoute attentivement et patiemment le témoignage rendu devant elle. La Commission ne devrait pas sembler avoir décidé une affaire avant que tout le témoignage ait été entendu et ne devrait pas sembler prendre fait et cause et descendre dans l'arène. Les questions posées par le tribunal devraient être posées d'une manière qui n'est pas exagérément agressive ou litigieuse. La Commission devrait favoriser une atmosphère qui facilite la possibilité pour un demandeur de témoigner calmement, franchement et honnêtement. L'avocat devrait avoir une certaine possibilité de clarifier des éléments de preuve confus à l'égard d'une question. Si l'avocat ne clarifie pas une confusion, la Commission peut lui demander de clarifier une partie du témoignage ou d'apporter des précisions sur un point. Cela favorise la capacité pour la Commission d'écouter attentivement le témoignage d'une façon impartiale.


[10]            Je répète que les demandeurs n'ont signalé aucun aspect de leur demande qu'ils ont été empêchés de faire valoir. Je ne crois pas que la façon d'agir de la Commission était exagérée au point de porter atteinte aux principes de justice naturelle ou d'équité en matière de procédure. Cependant, il aurait été préférable pour la Commission qu'elle ait écouté plus patiemment, qu'elle ait permis à l'avocat de finir son interrogatoire principal avant d'intervenir et qu'elle n'ait pas posé de questions dont certaines peuvent être qualifiées de questions litigieuses.

[11]            Passons maintenant à la deuxième erreur alléguée. J'accepte que certaines des préoccupations de la Commission à l'égard de la crédibilité se rapportent à des questions accessoires aux demandes présentées par les demandeurs. Par exemple, la Commission estimait improbable qu'Amarbir Singh Padda n'ait pas demandé à son père à qui le chef du village s'était adressé pour obtenir la libération d'Amarbir Ravinderpal.


[12]            De même, au moins deux conclusions quant à l'invraisemblance semblaient être fondées sur des notions canadiennes d'application de la loi et avoir été tirées sans qu'il ait été tenu compte de la preuve documentaire. Précisément, la Commission a conclu qu'il était improbable que les demandeurs aient été arrêtés simplement parce qu'ils étaient identifiés comme des amis d'Abdul Rashid et qu'il était improbable que les policiers les aient accusés d'être membres de LeT sans avoir fourni de preuve qui corroborait l'accusation. Cependant, la preuve documentaire établit que les policiers et les forces de sécurité en Inde ne respectent pas toujours les règles de droit et que les sikhs, les Cachemiriens et quiconque soupçonné d'être un militant politique peuvent être arrêtés et poursuivis où qu'ils aillent, même s'ils n'ont jamais vraiment été arrêtés. Le rapport de 2001 du Département d'État américain énonçait que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la question de la torture [TRADUCTION] « avait signalé que les forces de sécurité torturaient systématiquement des gens au Jammu-et-Cachemire afin de les forcer à avouer leurs activités militantes et à révéler des renseignements à l'égard d'individus soupçonnés d'être des militants ou qu'elles infligeaient des peines à ceux qui étaient soupçonnés d'appuyer des militants ou de sympathiser avec eux » .

[13]            Malgré ces erreurs, je suis également convaincue qu'un certain nombre des préoccupations de la Commission à l'égard de la crédibilité étaient bien fondées selon la preuve et qu'elles ne peuvent pas être qualifiées de manifestement déraisonnables. À cet égard, la Commission a conclu ce qui suit :

i)           Les demandeurs n'ont pas donné une explication convaincante quant aux raisons pour lesquelles ils se seraient rendus à Jammu ou au Cachemire alors qu'ils savaient que la situation y était [TRADUCTION] « vraiment mauvaise » . C'était particulièrement le cas étant donné qu'Amarbir Singh Padda était étudiant en sciences politiques à l'université, qu'il lisait les journaux trois ou quatre fois par semaine et qu'il regardait les nouvelles à la télévision afin d'être au courant de la situation politique.

ii)          La Commission a conclu que le témoignage d'Abdul à l'égard de son emprisonnement manquait de naturel et de véracité.

iii)          La description faite par les demandeurs selon laquelle les enquêteurs n'avaient aucune connaissance du rôle sikh dans le réseau narcoterroriste auquel collaboraient maintenant des militants sikhs et des extrémistes cachemiriens était invraisemblable.

iv)         La description faite par les demandeurs quant à l'hôpital où ils avaient soi-disant été examinés et traités pendant plus de dix jours contredisait la description de l'hôpital faite dans les documents médicaux.


v)          Amarbir Singh Padda a fait auprès de la Commission de fausses représentations en présentant un document falsifié au soutien de sa demande.

vi)         Les demandeurs n'ont pas expliqué de façon satisfaisante les raisons pour lesquelles ils avaient attendu un an après leur entrée au Canada avant de présenter leur demande d'asile.

vii)         Amarbir Singh Padda a dit à un agent principal d'immigration que les policiers s'étaient rendus chez ses parents à cinq ou six reprises après que son frère et lui se sont enfuis à Delhi et au Canada. Cependant, Ravinderpal Singh Padda a dit au même agent principal d'immigration que les policiers s'étaient rendus à trois reprises chez leurs parents pendant qu'ils étaient encore en Inde et à plus de 30 reprises après le départ du pays. La Commission n'a pas accepté leur explication selon laquelle la divergence sur cette question dépendait d'une erreur de l'agent d'immigration ou de l'interprète.

viii)        Les deux rapports médicaux fournis par chacun des demandeurs étaient rédigés de façon presque identique. La description de leurs blessures était identique. Bien que des méthodes similaires de torture aient pu être utilisées dans chacun des cas, il était peu vraisemblable que leurs blessures aient été identiques et aient été décrites textuellement de la même manière.

[14]            Ces conclusions sont suffisantes, à mon avis, pour appuyer la décision de la Commission selon laquelle les demandeurs n'ont pas présenté d'éléments de preuve clairs et convaincants permettant d'établir qu'ils étaient des personnes qui craignaient avec raison d'être persécutées en Inde ou qu'ils étaient des personnes à protéger. Les conclusions de la Commission ne sont pas manifestement déraisonnables. En outre, la preuve documentaire n'est pas suffisante par elle-même pour établir la véracité du témoignage des demandeurs ou pour repousser les conclusions quant à la crédibilité, selon ce que les demandeurs semblent prétendre.


[15]            Passons à la dernière erreur alléguée. Je suis convaincue, compte tenu de la conclusion quant à la crédibilité tirée par la Commission, qu'il n'y avait rien qui permettait de faire un lien entre les demandeurs et la preuve documentaire. Ceux qui sont perçus comme des militants peuvent bien être exposés à un danger en Inde, mais les demandeurs n'ont pas réussi à établir qu'ils étaient ainsi perçus.

[16]            Il s'ensuit que la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

[17]            L'avocat des demandeurs a proposé deux questions aux fins de la certification. L'une se rapportait à la question de savoir si le fait d'interrompre des demandeurs et de se lancer dans des discussions inutiles avec eux porte atteinte aux principes d'équité en matière de procédure ou aux principes de justice naturelle. L'autre se rapportait à la question de savoir si un tribunal a l'obligation de tenir compte de la preuve documentaire indépendante afin de tirer la [TRADUCTION] « bonne conclusion » . Le ministre s'est opposé à la certification de ces deux questions.

[18]            À mon avis, la jurisprudence à l'égard de ces questions est claire. Aucune question grave n'est soulevée et aucune question ne sera certifiée.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« Eleanor R. Dawson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-2682-03

INTITULÉ :               AMARBIR SINGH PADDA et al.

                                                                                          demandeurs

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                                                                             défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 31 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LA JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 6 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Baldev S. Sandhu                                              POUR LES DEMANDEURS

Pauline Anthoine                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Darwent Law Office                                          POUR LES DEMANDEURS

Calgary (Alberta)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.