Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19990115


Dossier : IMM-2190-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 15 JANVIER 1999.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :


Jaime Ronaldo GALVEZ GALLARDO,


demandeur,


et


LE MINISTRE,


défendeur.


ORDONNANCE

     Par les motifs que j"ai exposés dans la présente affaire, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

" Max M. Teitelbaum "

                                         J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 19990115


Dossier : IMM-2190-98

ENTRE :


Jaime Ronaldo GALVEZ GALLARDO,


demandeur,


et


LE MINISTRE,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

INTRODUCTION

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision de la Section du statut de réfugié (la Commission), qui a conclu que le demandeur n"était pas un réfugié au sens de la Convention.

LES FAITS

[2]      Le demandeur, un citoyen du Chili âgé de 39 ans, fonde sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention sur le fait qu"on lui impute des opinions politiques.

[3]      À l"époque pendant laquelle le demandeur a fréquenté l"université (1978-1985), il y avait d"importants mouvements gauchistes sur le campus. Il n"a pas pris part à ces mouvements et il a été harcelé par d"autres étudiants parce que, à son avis , les socialistes le considéraient comme un espion travaillant pour le gouvernement militaire. En 1984, le demandeur a été arrêté par les forces de sécurité gouvernementales pour fins d"interrogation; il a été détenu pendant 18 heures.

[4]      Après ses études universitaires, le demandeur a vécu paisiblement avec sa famille pendant cinq années, au cours desquelles il a donné des leçons privées de mathématique. Même s"il n"avait aucun problème, il ne se sentait pas à l"aise et il ressentait une certaine crainte.

[5]      À la suite des élections de 1990, le demandeur a commencé à se sentir davantage menacé par les socialistes. Il s"est installé au Venezuela en compagnie des autres membres de sa famille, où ils ont fondé une petite entreprise de construction. Il a vécu au Venezuela de 1991 à janvier 1996. Le demandeur est retourné une fois au Chili pour demander à une femme de l"épouser, mais cela n"a pas fonctionné.

[6]      En mai 1993, au Venezuela, un employé chilien de l"entreprise de construction s"est disputé avec le demandeur à propos d"une maison qui appartenait à l"entreprise et qu"il voulait acheter. L"employé a menacé le demandeur avec un fusil.

[7]      En septembre 1994, au Venezuela, un compatriote chilien a accusé le demandeur d"avoir insulté son fils âgé de treize ans. L"homme a attaqué le demandeur à l"aide d"une barre de fer. À la suite de cet incident, la famille du demandeur a embauché un gardien pour protéger la demeure familiale et le demandeur a cessé de travailler et commencé à passer ses journées à la maison.

[8]      Le demandeur a revendiqué le statut de réfugié au Canada le 23 janvier 1996, sur le fondement qu"il ne pouvait rentrer au Chili parce qu"il y avait des ennemis et qu"il ressentait toujours une certaine crainte quand il s"y trouvait.

La décision de la Commission

[9]      Voici la décision de la Commission :

                 [TRADUCTION]                 
                      La formation ne doute pas que le revendicateur ressent de la crainte. Il a été extrêmement honnête en présentant son récit et son attitude dénotait le fait qu"il avait vraiment peur. Un certificat médical (pièce P-7) décrit le revendicateur comme étant très anxieux et déprimé.                 
                      Cependant, sa revendication du statut de réfugié n"est tout simplement pas fondée. Le revendicateur a été malmené à l"université et il a commencé à ressentir une grande crainte. Il a vécu paisiblement avec sa famille après ses études universitaires, mais il ressentait toujours de la crainte. Il ne lui est cependant rien arrivé pendant ce temps. Au Venezuela, le revendicateur a subi deux attaques personnelles en quatre ans.                 
                      Sa revendication n"a pas le minimum de fondement requis. Il n"est pas un réfugié au sens de la Convention.                 

LES QUESTIONS LITIGIEUSES

[10]      La Commission a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu"elle a déterminé que la crainte subjective du demandeur était sincère mais qu"elle n"était pas fondée aux termes de la définition de réfugié au sens de la Convention?

[11]      La Commission a-t-elle commis une erreur de fait et de droit et a-t-elle fait une analyse erronée de la preuve relative à la question des opinions politiques imputées?

LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

[12]      Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur de droit lorsque, après avoir conclu que sa crainte subjective et son récit étaient authentiques, elle a jugé que sa revendication n"avait pas le minimum de fondement requis.

[13]      Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur de droit lorsqu"elle a mal interprété l"expression " opinions politiques imputées " : la question était de savoir si le mouvement étudiant considérait le demandeur comme un espion travaillant pour le gouvernement militaire et non si la Commission considérait que le demandeur s"était livré à des activités politiques.

[14]      Le défendeur soutient que la crainte du demandeur d"être persécuté n"était pas raisonnable, vu qu"aucun élément de preuve n"établissait de lien entre son récit et la définition de réfugié au sens de la Convention.

[15]      Le défendeur prétend également qu"aucun élément de preuve n"a été produit concernant les opinions politiques que des groupes gauchistes auraient imputées au demandeur; cette hypothèse a été avancée par le demandeur, mais elle n"a pas été accepté par la Commission.

L"ANALYSE

[16]      La jurisprudence a établi que la définition de réfugié au sens de la Convention exige tant une crainte subjective qu"une crainte objective d"être persécuté1. Le demandeur doit établir non seulement qu"il craint d"être persécuté, mais que cette crainte est également fondée sur le plan objectif.

[17]      En outre, comme l"a dit le juge MacGuigan de la Cour d"appel fédérale, il incombe au demandeur d"établir qu"il fait lui-même l"objet de persécution pour un motif visé par la Convention.

                 Pour avoir gain de cause, les demandeurs du statut de réfugié doivent établir qu'ils font eux-mêmes l'objet de persécution pour un motif visé par la Convention. Cette persécution doit être dirigée contre eux, soit personnellement, soit en tant que membres d'une collectivité1.                 

[18]      En l"espèce, la Commission a examiné la revendication du demandeur et a reconnu qu"il avait une crainte subjective. Cependant, elle a considéré que les difficultés subies par le demandeur découlaient du fait qu"il " a été malmené à l"université et [qu"]il a commencé à ressentir une grande crainte ", et non du fait qu"il était persécuté.

[19]      Bien que la Commission ait trouvé le demandeur crédible pour ce qui est de sa crainte subjective, elle n"a pas considéré que sa crainte d"être persécuté était fondée sur le plan objectif. La Commission souligne le fait que le demandeur a vécu paisiblement à la maison après ses études universitaires et que, même s"il ne lui était rien arrivé pendant cette période, il ressentait toujours de la crainte. La Commission fait également remarquer que les deux attaques (en fait, il y en a eu trois) que le demandeur a subies au Venezuela étaient de nature personnelle. En ce qui concerne la troisième attaque, que la Commission n"a pas mentionnée, à l"occasion de laquelle il a failli être happé par une voiture que conduisait l"un des individus qui l"avaient déjà attaqué, je suis convaincu qu"il s"agissait également d"une attaque de nature personnelle. Le fait que la Commission n"a pas mentionné la troisième attaque n"est pas suffisant pour que j"annule la décision de cette dernière, vu que cela n"est pas lié à la question de fond concernant la persécution.

[20]      En ce qui concerne l"argument que les opinions politiques imputées au demandeur étaient à l"origine de ses difficultés, j"accepte la prétention du défendeur selon laquelle il s"agit d"une hypothèse avancée par le demandeur et non d"un fait. Aucun élément de preuve autre que les remarques faites par d"autres étudiants alors qu"il fréquentait l"université n"étaye la prétention du demandeur selon laquelle il s"agissait d"attaques à motivations politiques.

[21]      J"ai lu la transcription de l"audition et je ne peux que souscrire à la prétention du défendeur selon laquelle le demandeur a omis de produire des éléments de preuve établissant qu"il a été persécuté et qu"il est un réfugié au sens de la Convention.

[22]      Je suis donc convaincu que la décision de la Commission de rejeter la revendication du statut de réfugié déposée par le demandeur était raisonnable et fondée sur la preuve dont elle disposait.

CONCLUSION

[23]      Le demandeur a une crainte subjective. Cependant, cette crainte n"est pas fondée sur le plan objectif. Il incombait au demandeur de satisfaire aux deux volets du critère afin d"établir que sa revendication avait un minimum de fondement.

[24]      Le demandeur n"a pas réussi à établir qu"il est un réfugié au sens de la Convention.

[25]      Je rejette la demande de contrôle judiciaire.

[26]      Ni l"autre ni l"autre partie n"a proposé de question méritant d"être certifiée.


" Max M. Teitelbaum "

                                         J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 15 janvier 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-2190-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Jaime Rolando Galvez Gallardo c. Le ministre

LIEU DE L"AUDIENCE :          Montréal (Québec)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 6 janvier 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

EN DATE DU :              15 janvier 1999

ONT COMPARU :

M. Michael Goldstein                              POUR LE DEMANDEUR

Mme Josée Paquin                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Michael Goldstein                              POUR LE DEMANDEUR

M. Morris Rosenberg                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

     Rajudeen c. M.E.I., [1984] 55 N.R. 129; Adjei c. M.E.I., [1989] 2 C.F. 680; Valentin c. M.E.I., [1991] 3 C.F. 390; Thirunavakkarasu c. M.E.I., [1994] 1 C.F. 589; et Chan c. M.E.I., [1995] 187 N.R. 321, à la page 336.

     Rizkallah c. M.E.I. (1992), 156 N.R. 1 (C.A.F.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.