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     IMM-2710-96

OTTAWA (Ontario), le mardi 14 octobre 1997

EN PRÉSENCE DE Mme le juge Reed

Entre :

     ZHU, YONG QI,

     ZHU, XIU QIN,

     ZHU, YAN QIN,

     requérants,

     - et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

1.      La demande de Xiu Qin Zhu est retirée;
2.      La décision du 10 juin 1996, concernant Yan Qin Zhu est infirmée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen.

                             B. Reed

                                                    

                                     Juge

Traduction certifiée conforme         

                             Laurier Parenteau

     IMM-2710-96

Entre :

     ZHU, YONG QI,

     ZHU, XIU QIN,

     ZHU, YAN QIN,

     requérants,

     - et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

     Les requérantes demandent à faire infirmer la décision d'une agente des visas qui a été prise à Beijing le 10 juin 1996. Dans cette décision, il a été statué que les requérantes Yan Qin Zhu et Xiu Qin Zhu n'étaient pas des enfants à charge du requérant Yong Qi Zhu. Les filles étaient âgées de 19 ans au moment où la demande de visa d'immigrant a été reçue et elles n'ont pu convaincre l'agente des visas qu'elles avaient fréquenté l'école à plein temps1. Peu avant l'audition de la demande de contrôle judiciaire, la Cour a été informée que Xiu Qin Zhu retirait sa demande. Elle est mariée et ne souhaite plus venir au Canada. La décision de l'agente des visas pose plusieurs difficultés dont l'effet cumulatif m'amène à la conclusion que la décision doit être infirmée.

     Dans la lettre adressée aux requérantes, l'agente des visas déclare ceci :

     [TRADUCTION]         
     [...] Bien que des documents aient été déposés à l'appui de leur demande [les demandes des deux soeurs], ces documents ne constituent pas une preuve acceptable attestant qu'elles sont étudiantes à plein temps.         

Dans l'affidavit déposé dans cette demande, l'agente indique qu'elle a conclu que les documents sur lesquels les requérantes appuyaient leurs revendications étaient frauduleux. Les documents déposés à l'appui de la demande de Yan Qin étaient les suivants : un certificat d'une école secondaire de la ville de Guangzhou, délivré le 1er août 1992; un permis d'étudiant d'une école normale de niveau intermédiaire de la province de Guangdong, indiquant le 1er septembre 1992 comme date d'inscription à l'école; un diplôme d'études supérieures délivré le 10 juillet 1995 par le bureau de l'éducation de la province de Guangdong; un relevé de notes d'une école normale de Guangzhou indiquant septembre 1995 comme date d'inscription; un permis d'étudiant de l'école normale de Guangzhou délivré le 5 octobre 1995; un certificat notarié d'une étude de notaires de la ville de Guangzhou, dans la province de Guangdong, en République populaire de Chine émis le 11 juillet 1995; un passeport de la République populaire de Chine délivré en mai 1995 indiquant que la titulaire est "étudiante". Tous ces documents sont-ils frauduleux ou certains d'entre eux seulement?

     Dans ses notes, l'agente des visas mentionne cinq raisons pour lesquelles elle n'a pas été convaincue que Yan Qin était étudiante à plein temps et il faut supposer que ce sont les mêmes raisons qui l'ont amenée à conclure que les documents étaient frauduleux : (1) au cours de l'entrevue, Yan Qin avait d'abord dit qu'elle fréquentait l'école de 18 à 20 semaines par année, mais elle s'est reprise pour indiquer qu'il s'agissait de 22 semaines par session, à raison de deux sessions par année; (2) la requérante n'avait pas son propre numéro Hokou; (3) quand on lui a demandé si elle connaissait le numéro de téléphone de l'école qu'elle fréquentait, la requérante a répondu rapidement et ensuite elle a donné une raison non satisfaisante pour expliquer pourquoi elle connaissait le numéro (elle dit qu'elle a dû téléphoner à l'école quelquefois pour informer les autorités qu'elle était malade - l'agente des visas a jugé l'explication douteuse parce que la requérante a indiqué qu'elle fréquentait un pensionnat); (4) le coût des études dans un pensionnat est prohibitif et l'agente des visas doute que les parents de la requérante aient les moyens de payer ces études; (5) l'agente des visas a consulté le CD-ROM de la Commission d'État de l'éducation de la République populaire de Chine, qui dresse la liste de toutes les écoles postsecondaires officiellement reconnues, et n'y a pas trouvé l'école que la requérante prétend avoir fréquentée.

     L'avocat de la requérante fait valoir que celle-ci n'a pas commis une grave erreur en indiquant d'abord qu'elle fréquentait l'école de 18 à 20 semaines par année pour ensuite préciser qu'il s'agissait de 22 semaines par session. Il est facile de confondre année et session. J'accepte cet argument.

     Le fait que la requérante n'ait pas eu son propre numéro Hokou, dans le contexte de l'espèce, est difficile à accepter comme raison justifiant le rejet du témoignage. Il n'y a rien dans le dossier qui explique ce qu'est un numéro Hokou. L'agente des visas, qui a mis en doute l'authenticité de la demande de l'aînée (Zhu Qin), a déclaré qu'elle s'était posée des questions sur la demande parce que Xiu Qin avait un numéro Hokou différent du reste de la famille. À cause de cette différence, l'agente des visas s'est demandée si Xiu Qin était en fait la fille de Yong Qi; dans ses motifs, l'agente utilise ce numéro comme une preuve de l'existence de relations familiales. Xiu Qin a déclaré qu'elle avait un numéro différent parce qu'elle était dans un pensionnat. En rejetant les observations de Yan Qin, l'agente des visas a indiqué comme motif que Yan Qin n'avait pas un numéro Hokou différent de celui du reste de la famille. Dans ce contexte, l'agente des visas a utilisé le numéro comme une preuve du lieu de résidence (même si ne n'est qu'en tant qu'étudiante).

     L'avocate de l'intimé fait valoir que les explications données par les deux filles à l'agente des visas étaient tout simplement incohérentes et que, puisque le fardeau de convaincre l'agente des visas leur incombait, l'agente était en droit de rejeter leurs deux demandes. Cela n'est pas raisonnable. L'agente des visas travaillait à Beijing depuis dix mois. Elle a indiqué qu'elle connaissait un peu l'importance des numéros Hokou. C'est une différence dans ces numéros qui l'a amenée à douter de la relation de l'aînée avec le père. Il n'est pas plausible qu'elle ne sache pas comment ces numéros sont attribués ou qu'elle n'ait pas pu facilement s'informer à ce sujet. Il est raisonnable de s'attendre que l'agente des visas adopte une méthode de travail cohérente.

     Pour ce qui a trait à la troisième raison mentionnée pour rejeter la demande de Yan Qin, je résume l'argument de l'avocat qui fait valoir, essentiellement, que la requérante a été placée dans une situation sans issue : l'agente des visas a décidé que Yan Qin ne disait pas la vérité parce qu'elle a été capable de répondre rapidement quand on lui a demandé le numéro de téléphone de l'école. Mais Yan Qin n'aurait pas été crue davantage si elle n'avait pas répondu ou si elle avait hésité à répondre à cette question. Yan Qin a expliqué pourquoi elle connaissait le numéro, et cette explication semble raisonnable à première vue (même si les pensionnaires se trouvent rarement à la maison) - elle connaissait le numéro parce qu'elle téléphonait au pensionnat pour faire savoir qu'elle était malade; l'agente des visas a refusé d'accepter cette explication. Encore une fois, si la requérante n'avait donné aucune explication, l'agente des visas aurait considéré qu'elle mentait. L'agente des visas s'attendait-elle à ce que la requérante connaisse le numéro de téléphone ou non? Il ne fait aucun doute que le raisonnement qui a été utilisé est étrange.

     Les quatrième et cinquième motifs donnés par l'agente des visas pour rejeter l'affirmation de la requérante indiquant qu'elle était étudiante à plein temps, se fondent sur des conclusions ou des éléments de preuve à l'égard desquels la requérante n'a pas eu la possibilité de faire des observations, ou dont elle n'a pas été informée. La requérante n'a pas eu la possibilité de faire des observations sur la conclusion de l'agente des visas selon laquelle le coût des études était prohibitif pour ses parents. Il peut y avoir une explication raisonnable. Son père se trouve au Canada depuis 1990 et il a un revenu canadien. Curieusement, l'agente des visas a aussi fait référence à la famille comme étant une famille de fermiers illettrés, mais il y a des lettres au dossier, que l'époux a écrites à son épouse, et auxquelles l'agente des visas se réfère ailleurs dans ses motifs. En utilisant la liste des écoles sur CD-ROM, l'agente des visas s'est appuyée sur une preuve extrinsèque consultée après l'entrevue et elle n'a pas donné à la requérante la possibilité de faire ses observations à ce sujet. Cela peut ne pas constituer en soi un manquement aux règles de l'équité, mais compte tenu de toutes les difficultés que pose cette décision, qui ont été indiquées ci-dessus, leur effet cumulatif exige que la demande soit infirmée.

     Des éléments de preuve postérieurs à la décision ont été déposés par les requérants et par l'intimé. Les deux avocats, je pense, ont reconnu en même temps que ces éléments de preuve ne doivent pas être pris en compte dans l'examen d'une décision. En général, seules les pièces dont le décideur était saisi sont pertinentes. On a signalé à mon attention la décision de Mme le juge Simpson dans Memarpour c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1995), 104 F.T.R. 49, qui fait une mise en garde contre les dépenses inutiles des fonds publics. Selon moi, cette décision signifie que la Cour doit refuser d'annuler une décision en s'appuyant sur une "erreur sans conséquence" se rapportant à la preuve dont était saisie le tribunal. Je souscris à cette opinion, mais celle-ci n'est pas applicable en l'espèce. Les éléments de preuve postérieurs à la décision, et fournis par la requérante, expliquent pourquoi elle n'avait pas de numéro Hokou distinct. Les éléments de preuve postérieurs à la décision fournis par l'intimé sont une preuve par ouï-dire qui indique que l'adjoint de l'agente des visas a finalement communiqué avec l'école que les requérantes ont dit fréquenter (l'école qui ne figurait pas sur le CD-ROM), et a confirmé que les requérantes n'avaient pas fréquenté cette école. Je n'ai pas tenu compte de ces renseignements postérieurs à la décision. Dans les circonstances de l'espèce, cela ne fait qu'embrouiller davantage la situation.

     Enfin, l'avocat des requérantes demande que, si je décide de renvoyer l'affaire pour nouvel examen par un autre agent des visas, la Cour donne des directives pour que ce nouvel examen soit fait rapidement. Je note que tout ce qui concerne ce dossier fait ressortir que la décision a été prise trop rapidement par l'agente des visas. Il se peut que le bureau des visas de Beijing n'ait pas suffisamment d'employés pour s'occuper de la charge de travail. Il se peut qu'il y ait des problèmes d'organisation là-bas. La Cour ne peut pas savoir qu'elle est la véritable situation, mais le dossier fait ressortir que bon nombre des problèmes que soulève cette décision sont le résultat d'un examen trop rapide de la situation des requérantes et d'une décision prise précipitamment. Je suis convaincue que le bureau des visas réexaminera la demande de cette requérante aussitôt que possible.

     Pour les motifs indiqués ci-dessus, la décision du 10 juin 1996 ayant trait à Yan Qin Zhu est infirmée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen.

OTTAWA (Ontario)

le 14 octobre 1997

                             B. Reed

                                                    

                                     Juge

Traduction certifiée conforme         

                             Laurier Parenteau

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              IMM-2710-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      YONG QI ZHU ET AL. c.
                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 3 octobre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE Mme LE JUGE REED

DATE :                  le 14 octobre 1997

ONT COMPARU :

Michael Crane                      POUR LES REQUÉRANTS

Sally Thomas                          POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane                      POUR LES REQUÉRANTS

Toronto (Ontario)

George Thomson                      POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

__________________

1 Le paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration, DORS/78-172, dispose comme suit :
     "Fille à charge" : Fille [...]
     b)      soit qui est inscrite à une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement et y suit à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle, et qui :
         (i)      d'une part, y a été inscrite et y a suivi sans interruption ce genre de cours depuis la date de ses 19 ans ou, si elle était déjà mariée à cette date, depuis la date de son mariage,          (ii)      d'autre part, selon l'agent d'immigration qui fonde son opinion sur les renseignements qu'il a reçus, a été entièrement ou en grande partie à la charge financière de ses parents et que la date de ses 19 ans ou, si elle était déjà mariée à cette date, depuis la date de son mariage; [...]

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