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Date : 20040303

Dossier : T-123-04

Référence : 2004 CF 317

Ottawa (Ontario), le 3 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                                              NEIL MCFADYEN

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La Cour est saisie d'une requête présentée par écrit par le demandeur en vue d'obtenir l'instruction conjointe, l'une immédiatement après l'autre, des demandes de contrôle judiciaire qu'il a présentées respectivement dans le dossier T-123-04 et dans le dossier T-77-04. À l'audience, le défendeur a donné son assentiment à ce volet de la requête.

[2]                Dans sa requête, il demande également à la Cour d'ordonner que ses demandes de contrôle judiciaire soient instruites comme s'il s'agissait d'une action, conformément au paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, 2002, ch. 8, art. 14. Le défendeur conteste cette demande.

[3]                Le paragraphe 18.4(2) est ainsi libellé :


(2) Elle peut, si elle l'estime indiqué, ordonner qu'une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s'il s'agissait d'une action.

(2) The Federal Court may, if it considers it appropriate, direct that an application for judicial review be treated and proceeded with as an action.


[4]                Dans le jugement Office des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard c. Canada (Ministre de l'Agriculture), [1992] A.C.F. no 636 (C.F. 1re inst.) (QL), le juge Muldoon déclare ce qui suit :

L'article 18.4 de la Loi sur la Cour fédérale dispose clairement qu'en règle générale, une demande de contrôle judiciaire ou un renvoi présenté à la Section de première instance est instruit comme s'il s'agissait d'une requête. En vertu de cet article, ces matières doivent être entendues et jugées « à bref délai et selon une procédure sommaire » . Exceptionnellement, le paragraphe 18.4(2) prévoit qu'une demande de contrôle judiciaire peut être instruite comme s'il s'agissait d'une action. Cependant, c'est dorénavant par voie de requête qu'il est préférable de procéder et il ne faut pas déroger à ce principe en l'absence de motifs très clairs. (Non souligné dans l'original.)

[5]                Dans le jugement Macinnis c. Canada (Procureur général), [1994] 2 C.F. 464 (C.A.), le juge Décary cite les propos suivants tenus par le juge Reed dans le jugement Derrickson c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), (1993), 63 F.T.R. 292 (C.F. 1re inst.), à la page 298 :


[...] en matière de contrôle judiciaire, le rôle du tribunal consiste à examiner la décision contestée, mais non à se substituer à l'instance qui l'a rendue. (Non souligné dans l'original.)

[6]                Le juge Décary confirme ce qui suit dans l'arrêt Macinnis, aux paragraphes 10 et 11 :

Le juge Strayer, dans l'arrêt Vancouver Island Peace Society, et le juge Reed, dans l'arrêt Derrickson, ont mentionné qu'il est important de se rappeler la vraie nature des questions auxquelles la Cour doit répondre dans une procédure de contrôle judiciaire, et de considérer la pertinence d'utiliser la preuve déposée par affidavit pour répondre à ces questions. Par conséquent, un juge commettrait une erreur en acceptant qu'une partie puisse seulement présenter la preuve qu'elle veut au moyen d'un procès si cette preuve n'était pas liée aux questions très précises auxquelles la Cour doit répondre. La complexité, comme telle, des questions de faits ne saurait être prise en considération si les affidavits contradictoires des experts qui s'appuient sur ces faits se rapportent aux questions soumises au tribunal plutôt qu'aux questions soumises à la Cour. Par conséquent, supposer qu'on pourra mettre au jour une preuve cachée n'est pas une raison suffisante pour ordonner la tenue d'un procès [voir note 10 ci-dessous]. Un juge peut être justifié de statuer autrement s'il a de bonnes raisons de croire qu'une telle preuve ne pourrait être mise au jour qu'au moyen d'un procès. Mais le vrai critère que le juge doit appliquer est de se demander si la preuve présentée au moyen d'affidavits sera suffisante, et non de se demander si la preuve qui pourrait être présentée au cours d'un procès pourrait être supérieure.

[...] L'affirmation que les questions liées à la Charte ne peuvent être correctement tranchées qu'au moyen d'un procès bat en brèche les arrêts innombrables rendus par la présente Cour, la Cour suprême du Canada et d'autres cours à la suite d'une demande ou d'un autre moyen sommaire, ou lors de l'appel de ces décisions. Il n'y a absolument aucun motif d'accorder un traitement spécial aux litiges où la Charte est invoquée. (Non souligné dans l'original.)

[7]         Le demandeur soutient que la Cour devrait faire droit à sa requête pour trois raisons : la première tient à la crédibilité, la deuxième aux éléments de preuve portant sur les données de comparaison que le ministère des Finances a refusé de fournir, et la troisième concerne la Charte. Le demandeur affirme que, sans interrogatoire préalable ou contre-interrogatoire des témoins, il ne sera pas en mesure de se décharger du fardeau de la preuve de manière à obtenir gain de cause dans ses demandes de contrôle judiciaire.


[8]         Sur la question de la crédibilité, je suis d'accord avec le demandeur pour dire que des témoignages de vive voix seraient préférables à des affidavits, mais, conformément au critère posé dans l'arrêt Macinnis, j'estime que la preuve présentée au moyen d'affidavits sera suffisante.

[9]         Pour ce qui est des éléments de preuve manquants portant sur des données de comparaison, le demandeur soutient que, s'il réussit à interroger convenablement les témoins, il sera peut-être en mesure de présenter de nouveaux éléments de preuve qui aideraient sa cause. Cet argument est à mon avis d'ordre spéculatif. Quant aux questions relatives à la Charte, elles peuvent régulièrement être tranchées dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire (Macinnis).

[10]       Je n'estime donc pas indiqué d'ordonner que les demandes de contrôle judiciaire soient instruites comme s'il s'agissait d'une action.

[11]       Pour les motifs que je viens d'exposer, le second volet de la requête du demandeur est rejeté sans frais.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         Le premier volet de la requête est accueilli. Les demandes de contrôle judiciaire présentées dans les dossiers T-123-04 et T-77-04 seront instruites ensemble, l'une immédiatement après l'autre.

2.         Le second volet de la requête est rejeté sans frais. Les demandes de contrôle judiciaire ne seront pas instruites comme s'il s'agissait d'une action.

                                                                              _ Michel Beaudry _              

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-123-04

INTITULÉ :                                        NEIL MCFADYEN

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 2 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 3 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Neil McFadyen                                     POUR LE DEMANDEUR

(pour son propre compte)

Richard Casanova                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Neil McFadyen                                     POUR LE DEMANDEUR

(pour son propre compte)

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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