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Date : 20040623

Dossier : IMM-5115-04

Référence : 2004 CF 894

Toronto (Ontario), le 23 juin 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

                                                                   YAN HUA LI

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                                             

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(Prononcés à l'audience puis mis par écrit pour plus de clarté)


[1]                Mme Li, une citoyenne de la Chine, possède une formation d'ingénieure et est une adepte d'une forme de bouddhisme qu'on appelle Tian Dao. Elle sollicite un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi, exécution qui doit maintenant avoir lieu le 18 juillet 2004. La requête a été déposée prématurément le 7 juin. Elle était accompagnée d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire d'une décision défavorable rendue relativement à un examen des risques avant renvoi (ERAR). Aucune mesure de renvoi n'avait été prise à cette date. La présente affaire a été ajournée du 14 au 21 juin pour qu'on puisse entreprendre les démarches préalables nécessaires aux fins du renvoi. L'entrevue relative au renvoi a eu lieu le 16 juin et la convocation pour se présenter aux fins du renvoi a été délivrée le 17 juin.

[2]                Le défendeur a soulevé plusieurs questions préliminaires devant être examinées avant que la demande de sursis ne soit jugée au fond. Premièrement, il a demandé que la Cour ordonne que l'intitulé soit modifié de façon à ce que le « Solliciteur général du Canada » remplace le « ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration » en tant que partie ayant qualité de défenderesse, ce que fait la Cour en l'espèce. Le défendeur a également soutenu que la requête demeurait prématurée parce qu'on n'avait pas demandé à l'agent d'exécution de surseoir au renvoi. Comme il n'y a rien au dossier qui permette à l'agent d'exécution d'exercer son pouvoir discrétionnaire limité de surseoir au renvoi, je ne vois aucune raison de ne pas donner suite à la requête.

[3]                Quant aux questions de nature plus substantielle, le défendeur a soulevé une objection à la requête en sursis fondée sur le fait que la demande principale d'autorisation et de contrôle judiciaire était hors délai. La décision relative à l'ERAR, rendue le 5 mars 2004, a été communiquée à la demanderesse le 10 mai 2004. Par la suite, la demanderesse disposait d'un délai de quinze jours pour déposer sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire. Cette demande a été déposée le 7 juin, soit, selon mes calculs, douze jours après l'expiration du délai prévu. Une demande de prorogation de délai a été déposée à la même occasion.

[4]                Le défendeur s'est fondé sur l'arrêt Canada (Procureur général) c. Hennelly, [1999] A.C.F. no 846, (1999) 244 N.R. 399 (l'arrêt Hennelly), dans lequel la Cour d'appel fédérale a énoncé les principes régissant l'exercice du pouvoir discrétionnaire permettant d'accorder une prorogation de délai. Pour obtenir une prorogation de délai, le demandeur doit démontrer :

1. une intention constante de poursuivre sa demande;

2. que la demande est bien fondée;

3. que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai; et

4. qu'il existe une explication raisonnable justifiant le retard.

[5]                Le défendeur a soutenu que, suivant ce critère, la demanderesse ne devrait pas se voir accorder une prorogation du délai fixé pour déposer sa demande et, qu'en l'absence d'une demande principale valable, elle ne pouvait pas demander de sursis à l'exécution de sa mesure de renvoi.


[6]                Le défendeur a prétendu que la demanderesse n'avait pas démontré une intention constante de poursuivre sa demande et qu'elle n'avait pas fourni d'explication raisonnable justifiant le retard. La demanderesse n'a pas fait preuve de diligence dans la recherche de mesures réparatoires au moyen des recours qui s'offraient à elle. La demanderesse est arrivée pour la première fois au Canada en 2000 munie d'un visa pour gens d'affaires et elle a attendu dix jours avant de déposer sa demande d'asile. Cette demande a été rejetée en février 2002, et une demande ultérieure d'autorisation et de contrôle judiciaire déposée à la Cour a été rejetée en juillet 2002. La demanderesse n'a pas demandé d'examen des risques avant renvoi en vertu de l'ancienne Loi sur l'immigration et elle a présenté sa demande d'établissement fondée sur des considérations humanitaires et sa demande d'ERAR en novembre 2003 et en janvier 2004 respectivement, seulement lorsqu'il est devenu évident que le défendeur solliciterait son renvoi.

[7]                Le défendeur a cité la décision récente Akpataku c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2004 CF 698, dans laquelle la Cour a appliqué les principes de l'arrêt Hennelly et a rejeté une demande de prorogation du délai fixé pour le dépôt d'une demande d'autorisation dans le contexte d'une requête en sursis.

[8]                La demanderesse a prétendu qu'elle avait une intention constante de poursuivre sa demande, mais qu'elle ne comprenait pas très bien la nature de la procédure, qu'elle était angoissée et qu'elle avait besoin de temps pour prendre des dispositions financières et se trouver un avocat.

[9]                Relativement à la question de savoir si la demande est « bien fondée » conformément au deuxième volet du critère de l'arrêt Hennelly, le défendeur a prétendu qu'il n'y a rien dans le dossier de requête déposé par la demanderesse qui indique que l'agente d'ERAR a commis une erreur. En conséquence, il n'y a aucune « question sérieuse » ou « cause défendable » qui justifierait l'octroi d'une autorisation ou qui pourrait ultimement mener à une conclusion d'erreur susceptible de contrôle.

[10]            Dans ses observations verbales, la demanderesse a prétendu que l'agente d'ERAR avait commis une erreur en n'acceptant pas le fait qu'elle risquait d'être persécutée en Chine parce qu'elle pratiquait la religion Tian Dao et, plus particulièrement, elle a soutenu que l'agente avait commis une erreur en n'accordant pas suffisamment d'importance à sa preuve documentaire, notamment un avis de son ancien employeur suivant lequel elle avait été renvoyée parce qu'elle pratiquait une religion illégale. Cet avis avait été jugé non crédible par la Commission lors de l'audience relative au statut de réfugié tenue en 2002. Comme nouvel élément de preuve, la demanderesse avait soumis une sommation de police qui aurait été décernée en avril 2003; elle avait déposé le texte original en chinois de ce document accompagné d'une traduction anglaise non certifiée.


[11]            L'agente d'ERAR a fourni des motifs détaillés analysant la situation en Chine relativement à la pratique du Tian Dao ainsi que les risques auxquels pouvait être exposée la demanderesse si elle continuait de pratiquer sa religion à son retour dans ce pays. À mon avis, l'agente a dûment examiné l'ensemble de la preuve dont elle était saisie, y compris la preuve documentaire soumise par la demanderesse. Elle était autorisée à remettre en question la crédibilité de cette preuve. Relativement au nouveau document, la demanderesse n'avait pas fourni d'explication raisonnable quant à la raison pour laquelle la police chinoise continuerait de s'intéresser à elle trois ans après son départ de la Chine, alors qu'il n'y avait aucune preuve indiquant qu'elle s'intéressait à elle lorsque résidait en Chine. En outre, il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve objectifs au dossier indiquant que d'autres adeptes du Tian Dao étaient à ce moment victimes de persécution en Chine.

[12]            En conséquence, je ne suis pas convaincu que la demanderesse respecte le volet du bien-fondé de la demande du critère de l'arrêt Hennelly, lequel permet l'octroi d'une prorogation du délai fixé pour le dépôt d'une demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire. Sans une telle prorogation de délai, il n'y a pas de « question sérieuse » devant la Cour. C'est la conclusion à laquelle est arrivé le juge MacKay dans la décision Shellner c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 554, relativement à une requête semblable en sursis. Le juge MacKay, toutefois, a examiné la requête en sursis dont il était saisi en supposant qu'une question sérieuse avait été soulevée. Cela me semble une façon prudente d'agir.

[13]            En supposant que la décision de l'agente d'ERAR soulève une question sérieuse à juger ou une cause défendable, la preuve au dossier n'appuie pas la conclusion que la demanderesse subirait un préjudice irréparable si elle était renvoyée en Chine. À mon avis, il n'y a aucune raison d'intervenir relativement à la façon dont le ministre s'est acquitté de son obligation d'appliquer la Loi et la prépondérance des inconvénients penche en faveur du défendeur. Par conséquent, la demanderesse n'a pas respecté les deuxième et troisième volets du critère de l'arrêt Toth c. Canada (M.E.I.) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), et la présente demande est rejetée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

14.               L'intitulé est modifié de façon à ce que le Solliciteur général du Canada remplace le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration en tant que partie défenderesse dans la présente instance.

15.               La requête visant l'obtention d'un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi prévue pour le 18 juillet 2004 est rejetée.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-5115-04

INTITULÉ :                                                    YAN HUA LI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 21 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 23 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Peter Wuebbolt                                                 POUR LA DEMANDERESSE

Margherita Braccio                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Salvatore Campese                                            POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


COUR FÉDÉRALE

                                                         Date : 20040623

                                            Dossier : IMM-5115-04

ENTRE :

YAN HUA LI                   

                                                            demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

                                                                  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                       


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