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     Date: 19990803

     Dossier: IMM-120-99


ENTRE


DENIS SHEHU

(par sa tutrice à l 'instance EMINE XHELILAJ),


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE SIMPSON


[1]      Denis Shehu (le demandeur), âgé de 12 ans, est un citoyen albanais qui revendique au Canada le statut de réfugié au sens de la Convention. Sa tutrice à l'instance est sa tante, Emine Xhelilaj.

[2]      Le demandeur a quitté l'Albanie le 6 novembre 1997 pour se rendre en avion aux États-Unis en passant par l'Italie; il est arrivé aux États-Unis le 7 novembre. Il est entré au Canada à Niagara Falls (Ontario) le 8 novembre 1997 et a présenté sa revendication le 10 novembre 1997.

[3]      La formation, composée de deux membres, a entendu la revendication du demandeur le 27 octobre 1998 et a rendu sa décision le 4 décembre 1998.

LES FAITS

[4]      L'historique du renversement du régime communiste en Albanie constitue le noeud du litige. En 1992, le parti communiste a été remplacé par le parti démocratique. Il est resté au pouvoir jusqu'aux élections, en juin 1997. À ce moment-là, le parti démocratique avait perdu la confiance des électeurs à cause de l'échec de stratagèmes pyramidaux par suite desquels de nombreux Albanais avaient perdu leurs épargnes. Par conséquent, en juin 1997, le parti socialiste a gagné les élections. Le parti socialiste serait apparemment une réincarnation de l'ancien parti communiste.

[5]      Le demandeur revendique le statut de réfugié au sens de la Convention en alléguant que sa vie est en danger à cause des opinions politiques de son père. Le père est un membre actif, qui ne mâche pas ses mots, du parti démocratique en Albanie. Il a été persécuté par les membres du parti socialiste. Il s'est enfui de la maison familiale, située à Vlore, en Albanie; à l'heure actuelle, il se cache en Grèce. Le père du demandeur craint que, selon la tradition albanaise, son seul fils soit persécuté s'il retourne en Albanie. Le père du demandeur sera ci-après désigné comme étant le " père ".

[6]      Voici une chronologie des événements qui ont donné lieu à la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. Cet historique est fondé sur l'exposé qui figure dans le Formulaire de renseignements personnels du demandeur :

Février-mars 1997 - Le gouvernement du parti démocratique a perdu le contrôle du pays et en particulier de la ville de Vlore. Une bande de membres du parti socialiste a menacé de tuer le père, qui était un membre éminent du parti démocratique. La plupart des menaces avaient été proférées par un voisin qui s'appelait Arif Qafoku (le voisin). Ce voisin était un communiste intransigeant qui avait été membre de la police secrète albanaise sous l'ancien régime communiste.
Avril 1997 - Le père a été gravement battu par une bande de socialistes lorsqu'il a refusé de s'engager à cesser de travailler pour le parti démocratique.
Mai 1997 - Après avoir été battu, le père a envoyé sa famille (et notamment le demandeur) vivre avec un membre de la famille dans une autre ville (à Shkoder). Le père est resté à Vlore. Son employeur, qui était également membre du parti démocratique, et lui ont de nouveau été battus parce qu'ils refusaient de renoncer à couper les liens avec le parti, et l'employeur s'est vu obligé de fermer l'atelier où il travaillait. L'un des agresseurs était un homme qui s'appelait Broka, qui est maintenant membre de la police secrète.
Juin 1997 - Le père a fait campagne pour le parti démocratique avant les élections, qui devaient avoir lieu le 29 juin 1997. Il était un observateur au bureau de scrutin, mais il a refusé de signer les résultats de l'élection à cause d'irrégularités. Par conséquent, il a été gravement battu et il a passé cinq jours à l'hôpital. La maison du demandeur, à Vlore, a été brûlée la nuit où le père a été battu.
Juillet 1997 - Les frères du père ont transféré celui-ci à l'hôpital, à Tirana, pour sa sécurité. Lorsqu'il a obtenu son congé, le père est allé retrouver sa famille à Shkoder.
Juillet-novembre 1997 - La famille du demandeur est demeurée cachée à Shkoder. Elle a entendu dire que le parti socialiste avait tué cinq membres du parti démocratique et a appris que leur voisin était de nouveau membre de la police secrète.
6 novembre 1997 - On a envoyé le demandeur au Canada pour vivre avec la soeur du père, à Toronto.
Décembre 1997 - Le père s'est enfui en Grèce.

LA DÉCISION DE LA COMMISSION

[7]      La Commmission n'a pu constater l'existence d'aucun lien entre la persécution dont le père avait été victime et la définition de " réfugié au sens de la Convention ". La Commission a conclu que le voisin était l'unique agent de persécution et que les divergences d'opinions qui existaient entre le père et lui, tout en étant initialement fondées sur des motifs politiques, étaient maintenant de nature entièrement personnelle.

LA QUESTION EN LITIGE

[8]      Le demandeur allègue que la Commission a commis une erreur en qualifiant les motifs pour lesquels le père avait été persécuté comme étant de nature personnelle plutôt que politique.

ANALYSE

[9]      Je ne puis constater dans la preuve l'existence d'aucun fondement justifiant la conclusion de la Commission selon laquelle le père était persécuté pour des raisons personnelles plutôt que politiques. De fait, il est clair, à mon avis, que la persécution dont le père était victime était entièrement attribuable à la position qu'il avait prise en tant que partisan du parti démocratique. Dans ces conditions, même si c'était le voisin, que le père connaissait personnellement, qui se livrait aux actes de persécution, la persécution était néanmoins fondée sur des motifs politiques. Il existe donc un lien avec la définition de " réfugié au sens de la Convention ".

CONCLUSION

[10]      Une ordonnance accueillant la demande de contrôle judiciaire et prévoyant la tenue d'une nouvelle audience est rendue.



     " Sandra J. Simpson "

     Juge

Toronto (Ontario),

le 3 août 1999.

Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-120-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      DENIS SHEHU

     (par sa tutrice à l'instance EMINE XHELILAJ)

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :      le mardi 27 juillet 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)


MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Simpson en date du 3 août 1999


ONT COMPARU :

Michael T. Crane      pour le demandeur

Stephen J. Gold      pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal T. Crane      pour le demandeur

Avocat

200-166, rue Pearl

Toronto (Ontario)

M5H 1L3

Morris Rosenberg      pour le défendeur

Sous-procureur général

du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date: 19990803
     Dossier: IMM-120-99

ENTRE
DENIS SHEHU
(par sa tutrice à l 'instance
EMINE XHELILAJ),
demandeur,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


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