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Date : 19980108


Dossier : IMM-3241-95

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 8 JANVIER 1998 EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EN CHEF ADJOINT

ENTRE :

     FRANCIS HOGAN,

     Requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     Intimé.

     ORDONNANCE

     VU la demande de contrôle judiciaire visant une décision en date du 6 novembre 1995, après lecture des documents déposés à l'appui et par les motifs d'ordonnance exposés en ce jour.


     LA COUR ORDONNE le rejet de la demande. Si les parties entendent solliciter de la Cour la certification d'une question, elles disposeront d'un délai de 10 jours à partir de la date de cette décision.


" James A. Jerome "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau


Date : 19980108


Dossier : IMM-3241-95

ENTRE :

     FRANCIS HOGAN

     Requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     Intimé.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME :

[1]      L'affaire devait être entendue le 21 mars 1997. À la demande des parties, cependant, l'affaire a été renvoyée sine die afin d'être tranchée sans comparution personnelle des parties ou de leurs avocats, une fois qu'aurait été rendue publique la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Williams [1997] 2 C.F. 646 (refus d'autorisation de pourvoi en C.S.C., 16 octobre 1997).

[2]      Le requérant a émigré d'Angleterre avec ses parents, son frère et sa soeur et, le 22 mars 1978, s'est vu accorder le statut de résident permanent au Canada. Entre le mois de février 1983 et le mois de février 1993, le requérant a été déclaré coupable de 18 infractions criminelles, y compris 6 actions indécentes, un acte d'outrage à la pudeur, ainsi que de trois incitations à des contacts sexuels, deux cas de voies de fait, et une tentative d'entrave à la justice. Il s'est vu imposer des sentences allant d'une peine assortie du sursis à une peine d'un an d'emprisonnement.

[3]      Le requérant a fait l'objet d'une mesure d'expulsion ordonnée dans la cadre d'une enquête d'immigration qui s'est tenue le 30 mars 1994. Il a immédiatement fait appel devant la Section d'appel de l'immigration. L'appel devait être entendu le 9 novembre 1995.

[4]      Dans l'intervalle, le 10 juillet 1995, est entré en vigueur le paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (édicté par L.C. 1985, ch. 15, art. 13). Le 18 octobre 1995, le Ministre a fait savoir à l'avocat du requérant qu'il envisageait de rendre un avis déclarant que le requérant était un danger pour le public. Le 25 octobre 1995, l'avocat du requérant a transmis au Ministre une argumentation très complète. Selon les pièces jointes à ce document, le requérant avait fait beaucoup de progrès dans sa lutte contre les problèmes qui l'avaient porté à commettre des actes d'exhibitionnisme et qu'il avait en fait achevé un programme destiné aux auteurs d'infractions sexuelles. Le requérant est marié, il bénéficie d'un droit de visite à l'égard d'un enfant qu'il tient d'une relation antérieure, et aux besoins duquel il subvient. Sur le plan financier, ses antécédents sont bons, et il est propriétaire d'une entreprise qui emploie trois personnes. Son avocat a en outre joint plusieurs lettres de recommandation émanant de divers membres de la communauté.

[5]      En plus des arguments développés par le requérant, le délégué du Ministre a examiné les Commentaires et Recommandation rédigés par l'agent chargé de l'examen du dossier, les renseignements consignés dans l'Avis transmis au requérant (rapport prévu à l'article 27, rapport circonstancié, mesure d'expulsion, synthèse policière, évaluation psychologique et préalable au prononcé de la peine, certificat de condamnation et d'instance ainsi que des lettres émanant d'un agent de probation, d'un psychologue et d'un psychiatre).

[6]      Se fondant sur ces renseignements, le 30 octobre 1995, l'agent chargé du dossier recommandait qu'il soit demandé au Ministre de rendre un avis déclarant que le requérant constituait un danger pour le public. Le jour suivant, le chef de section donnait son aval à cette recommandation et, le 6 novembre 1995, après examen des renseignements présentés, le délégué du Ministre rendait un avis, conformément au paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration, selon lequel le requérant constituait un danger pour le public au Canada.

[7]      Le 13 novembre 1996, le requérant recevait l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire visant la décision du Ministre le déclarant un danger pour le public.

[8]      Dans sa demande de contrôle judiciaire, le requérant soulève quatre questions, dont trois ont été tranchées par des arrêts récents de la Cour d'appel fédérale. Il fait d'abord valoir que le Ministre a commis une erreur de droit et a outrepassé sa compétence en rendant un avis de dangerosité alors que son appel était en instance devant la Section d'appel de l'immigration aux termes mêmes du paragraphe 13(4) de la Loi sur l'immigration. La Cour d'appel fédérale a eu l'occasion de se pencher sur la question dans l'affaire Lannie Wai Har Tsang et. autres c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, A-179-96, arrêt en date du 11 février 1997. Il s'agissait, dans cette affaire, du droit du répondant d'interjeter appel devant la Section d'appel de la Commission de l'Immigration et du Statut de réfugié dans les cas où un avis de dangerosité avait été émis alors qu'un appel, interjeté avant 1995, avait été entendu mais pas encore tranché. La question portée devant la Cour était la suivante :

     Lorsqu'un appel est interjeté avant le 10 juillet 1995 par un répondant devant la Section d'appel de l'immigration (SAI) relativement à une personne parrainée qui appartient à l'une des catégories non admissibles prévues aux alinéas 19(1)(c), (c.1), (c.2) ou (d) de la Loi sur l'Immigration, et que l'audience de la SAI a commencé après le 10 juillet 1995, le fait que le Ministre a exprimé l'avis que la personne parrainée constitue un danger pour le public éteint-il le droit d'appel que possède le répondant en vertu des par. 77(3.01) de la Loi et 15(3) du projet de loi C-44 et met-il ainsi fin à la compétence de la SAI à l'égard de l'appel?         

[9]      À la page 6 de l'arrêt, le juge Marceau, écrivant au nom de la Cour d'appel fédérale, a déclaré : "...Je n'ai aucune difficulté à répondre par l'affirmative comme le juge des requêtes l'a lui-même fait. À mon avis, la disposition transitoire du projet de loi C-44 ne permet pas d'autre réponse."

La thèse développée par l'avocat du requérant, selon laquelle le droit d'appel demeure si l'audience commence avant que le Ministre ne rende sa décision, a été écartée par la Cour d'appel fédérale. J'estime que le raisonnement adopté dans l'affaire Tsang s'applique également en l'espèce.

[10]      Le second motif sur lequel se fonde l'avocat du requérant pour solliciter l'annulation de la décision du Ministre voulant que le requérant constitue un danger pour le public, est l'invalidité de cette décision puisque, selon lui, celle-ci porte atteinte aux droits garantis au requérant par l'article 7 de la Charte. Cet argument a été écarté par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Williams, précitée. Dans l'affaire Sadegh c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, IMM-1325-96, en date du 22 mai 1997, j'ai résumé de la manière suivante les conclusions à laquelle la Cour d'appel fédérale était parvenue dans l'affaire Williams :

         La première question soumise à la Cour d'appel dans l'arrêt Williams, précité, consistait à savoir si ce processus de formulation d'un avis faisait intervenir les droits que l'article 7 de la Charte conféraient au requérant. La Cour a conclu que non, essentiellement parce que, même si le requérant avait perdu le droit d'interjeter appel auprès de la Commission d'appel de l'immigration, ce droit avait été remplacé par la possibilité de demander un contrôle judiciaire.         

[11]      L'avocat du requérant soutient également que le Ministre n'a pas respecté les principes de justice naturelle ou l'équité procédurale en délivrant à l'encontre du requérant un avis de dangerosité, étant donné que le requérant n'a pas eu l'occasion d'être entendu et qu'on ne lui a fourni aucun motif à l'appui de l'avis en question. Là aussi, la question a été tranchée dans l'arrêt Williams, précité, et, ainsi que je l'ai déclaré dans l'affaire Sadegh, précitée :

         Après avoir conclu que le paragraphe 70(5) de la Loi n'était pas imprécis, la Cour a traité de la question de la justice fondamentale et de l'obligation de motiver une décision. Dans l'arrêt Williams, précité, la Cour d'appel a décrété qu'il n'est pas nécessaire de motiver une décision quand la loi ne l'exige pas explicitement ou que le processus décisionnel est d'une nature purement discrétionnaire. Cependant, des motifs peuvent être obligatoires lorsqu'une décision n'est manifestement pas prise dans le cadre de procédures ordinaires ou n'est apparemment pas fondée sur les fait pertinents.         
         Dans ses motifs, la Cour d'appel a conclu dans l'arrêt Williams, précité, qu'une décision rendue aux termes du paragraphe 70(5) n'est pas une décision de nature judiciaire ou quasi judiciaire soumise à l'application de principes juridiques, mais plutôt un avis émis de bonne foi qui repose sur les probabilités que la personne en question est - ou n'est pas - un risque pour la société canadienne. En conclusion, le juge Strayer a décrété que " dans de telles circonstances, les exigences en matière d'équité sont minimes et ont sûrement été respectées pour des motifs identiques à ceux que j'ai donnés pour conclure que les exigences de justice fondamentale, le cas échéant, ont été respectées."         

[12]      Je suis par conséquent convaincu que la décision en question est conforme aux règles de l'équité. Le requérant avait été informé du fait que le Ministre envisageait d'émettre à son encontre un avis de dangerosité. Il avait également été informé des documents sur lesquels le Ministre se fonderait. Il a eu largement l'occasion de présenter des arguments écrits au Ministre et de les accompagner des documents dont il voulait faire état, occasion dont le requérant a d'ailleurs profitée par l'intermédiaire de son avocat. Le Ministre n'est pas tenu d'entendre le requérant, pas plus qu'il n'est tenu de motiver sa décision.

[13]      La seule question restant à trancher est celle de savoir si le Ministre a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait. Le requérant fait notamment valoir que c'est à tort que le Ministre a méconnu ou négligé certains éléments, y compris des témoignages d'experts ainsi que des éléments d'appréciation fournis par un de ses fonctionnaires et qui, semble-t-il, auraient corroboré la thèse du requérant selon laquelle ce dernier ne constitue pas un danger pour le public au Canada.

[14]      Pour répondre à cette question, il n'y a pas lieu pour moi de dire si, après examen du dossier, j'estime que celui-ci incite à telle ou telle conclusion. D'après l'arrêt Williams, précité, " Il s'agit en l'espèce de savoir s'il est possible d'affirmer avec certitude que le délégué du Ministre a agi de mauvaise foi, en tenant compte de facteurs ou d'éléments de preuve dénués de pertinence, ou sans égard au dossier. " En l'espèce, rien ne porte à penser qu'il n'ait pas été tenu compte des éléments produits par le requérant pour étayer sa thèse. On ne décèle, en outre, aucun indice de mauvaise foi ou du fait qu'on aurait tenu compte de critères ou de preuves non pertinents. En fait, compte tenu de l'ensemble des éléments versés au dossier, on ne peut pas dire que l'avis du Ministre est déraisonnable.

[15]      La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée. Si les parties entendent solliciter la certification d'une question, elles disposeront d'un délai de 10 jours à partir de la date de cette décision.


" James A. Jerome "

J.C.A.

OTTAWA (ONTARIO)

Le 8 janvier 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-3241-95
INTITULÉ :                  FRANCIS HOGAN c. MINISTRE DE LA
                     CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

AFFAIRE ENTENDUE SANS COMPARUTION DES AVOCATS SUR LA BASE DES

OBSERVATIONS SOUMISES PAR ÉCRIT CONFORMÉMENT À LA RÈGLE 324

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE L'HONORABLE JAMES A. JEROME, J.C.A.

DATE :                  LE 8 JANVIER 1998

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun                                  POUR LE REQUÉRANT
George Thomson                          POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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