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Date : 19990609


Dossier : T-1892-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 9 JUIN 1999

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE PINARD

ENTRE


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


appelant,


et


Su-Chen Chiu,


intimée.


O R D O N N A N C E

     L"appel est accueilli. La décision que le juge de la citoyenneté, Pam Glass, a rendue le 4 septembre 1998 est annulée pour le motif qu"au moment où l"intimée a demandé la citoyenneté canadienne, elle ne remplissait pas les conditions de résidence prévues à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi sur la citoyenneté. Par conséquent, la demande que l"intimée a présentée en vue d"obtenir la citoyenneté canadienne est rejetée.

                             Yvon Pinard
                                         Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


Date : 19990609


Dossier : T-1892-98

ENTRE


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


appelant,


et


Su-Chen Chiu,


intimée.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]      Il s"agit d"un appel interjeté par le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté , L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi) contre la décision que le juge de la citoyenneté, Pam Glass, a rendue le 4 septembre 1998. L"appelant maintient que l"intimée ne remplissait pas les conditions de résidence prévues à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi.

[2]      L"intimée a déclaré, en répondant au questionnaire sur la résidence, qu"elle s"était absentée du Canada pour fréquenter une université aux États-Unis, où elle avait commencé à

étudier en septembre 1992; l"intimée a étudié à Ann Arbour, au Michigan, jusqu"après le 25 décembre 1996, soit la date à laquelle elle a demandé la citoyenneté.

[3]      Dans la décision par laquelle elle approuvait la demande de l"intimée, le juge de la citoyenneté a fait les observations suivantes :

         [TRADUCTION]         
         La demanderesse est une étudiante âgée de 27 ans qui effectue une maîtrise dans une université américaine; elle est arrivée au Canada en 1990. Elle a fait 12 années d"études à Taïwan, deux années et demie d"études au Canada et six années d"études aux États-Unis. Selon les calculs effectués par la Cour, il manque à la demanderesse 627 jours sur la durée de résidence nécessaire. J"ai eu une entrevue avec la demanderesse et j"ai examiné son dossier. La preuve qui a été versée au dossier montre que les cours que la demanderesse est en train de suivre ne sont pas offerts au Canada. Je recommande que la demande soit approuvée.         

[4]      Les conditions de résidence prévues à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi sont les suivantes :

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

[ . . . ]

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

     (i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and
     (ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

[ . . . ]

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante:

     (i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent;
     (ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent.

[5]      Dans Re Pourghasemi (1993), 19 Imm. L.R. (2d) 259, à la page 260, mon collègue, Monsieur le juge Muldoon, énonce les objectifs sous-tendant cette disposition de la Loi :

         [...] vise à garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d'acquérir, au préalable la possibilité quotidienne de "se canadianiser". Il le fait en côtoyant les Canadiens au centre commercial, au magasin d'alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d'automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l'ascenseur, à l'église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple - en un mot là où l'on peut rencontrer des Canadiens et parler avec eux - durant les trois années requises. Pendant cette période, le candidat à la citoyenneté peut observer la société canadienne telle qu'elle est, avec ses vertus, ses défauts, ses valeurs, ses dangers et ses libertés. Si le candidat ne passe pas par cet apprentissage, cela signifiera que la citoyenneté peut être accordée à quelqu'un qui est encore un étranger pour ce qui est de son vécu, de son degré d'adaptation sociale, et souvent de sa pensée et de sa conception des choses. Si donc le critère s'applique à l'égard de certains candidats à la citoyenneté, il doit s'appliquer à l'égard de tous. Et c'est ainsi qu'il a été appliqué par Mme le juge Reed dans Re Koo , T-20-92, 3 décembre 1992 [publié dans (1992), 59 F.T.R. 27, 19 Imm.L.R. (2d) 1], encore que les faits de la cause ne fussent pas les mêmes.         

(Voir également Re Afandi (6 novembre 1998), T-2476-97 (C.F. 1re inst.); MCI c. Kam Biu Ho (24 novembre 1998), T-19-98 (C.F. 1re inst.); MCI c. Chen Dai (6 janvier 1999), T-996-98 (C.F. 1re inst.), MCI c. Chung Shun Paul Ho (1er mars 1999), T-1683-96 (C.F. 1re inst.) et MCI c. Fai Sophia Lam (28 avril 1999), T-1524-98 (C.F. 1re inst.).)

[6]      Cette cour a statué qu"une interprétation correcte de l"alinéa 5(1)c ) de la Loi n"oblige pas une personne à être physiquement présente au Canada pendant toute la période de 1 095 jours prescrite lorsqu"il existe des circonstances spéciales et exceptionnelles. Toutefois, j"estime que la présence réelle au Canada demeure le facteur le plus pertinent et le plus important lorsqu"il s"agit d"établir si une personne avait sa " résidence " au Canada au sens de cette disposition. Comme je l"ai dit à maintes reprises, une absence trop longue, quoique temporaire, pendant cette période minimum est contraire à l"esprit de la Loi , qui permet déjà à une personne qui a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent de ne pas résider au Canada pendant l"une des quatre années précédant la date à laquelle elle demande la citoyenneté.

[7]      Par conséquent, étant donné qu"en l"espèce, l"intimée s"est absentée du Canada pendant de longues périodes (elle n"a été présente au Canada que pendant 468 jours, de sorte qu"il lui manque 627 jours sur les 1 095 jours nécessaires), je conclus que la conclusion que le juge de la citoyenneté a tirée, à savoir que l"intimée remplissait les conditions de résidence prévues par la Loi est tout à fait déraisonnable et qu"elle résulte d"une application erronée de l"alinéa 5(1)c ) de la Loi.

[8]      Même si en raison de la règle 300 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles), qui sont entrées en vigueur le 25 avril 1998, un appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté n"est plus un appel de novo , il s"agit néanmoins d"un appel. La règle 300c ) prévoit que la partie 5, qui renferme de simples règles de procédure, s"applique " aux appels interjetés en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté ". Aucune disposition de la Loi sur la citoyenneté , de la Loi sur la Cour fédérale ou des Règles ne prévoit qu"un appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté est une demande de contrôle judiciaire. De fait, la règle 300 prévoit uniquement que la partie 5 s"applique à différents genres d"instances et notamment aux demandes de contrôle judiciaire, aux appels interjetés en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté , aux appels interjetés en vertu de l"article 56 de la Loi sur les marques de commerce , aux renvois d"un office fédéral en vertu de la règle 320, aux demandes présentées en vertu du Code d"arbitrage commercial, aux demandes pour l"enregistrement, la reconnaissance ou l"exécution d"un jugement étranger [...]. À mon avis, cela veut simplement dire que les appels interjetés en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté , comme les demandes de contrôle judiciaire d"une mesure administrative et toutes les autres instances mentionnées dans la règle 300, sont régis par les règles de procédure énoncées dans la partie 5. En d"autres termes, un appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté n"est plus un appel de novo , mais il continue néanmoins à être un appel qui, en vertu des Règles, est traité sur le plan de la procédure de la même façon qu"une demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, pareil appel n"est pas une demande de contrôle judiciaire au sens de l"article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale . La Cour n"est donc pas assujettie aux restrictions imposées par le paragraphe 18.1(3)1 de cette loi et peut simplement annuler la décision rendue par le juge de la citoyenneté si, comme en l"espèce, cette décision ne satisfait pas au critère applicable de la décision correcte.

[9]      Par conséquent, l"appel est accueilli et la décision du 4 septembre 1998 du juge de la citoyenneté est annulée pour le motif qu"au moment où l"intimée a demandé la citoyenneté canadienne, elle ne remplissait pas les conditions de résidence énoncées à l"article 5(1)c ) de la Loi. Par conséquent, la demande que l"intimée a présentée en vue d"obtenir la citoyenneté canadienne est rejetée.

                             Yvon Pinard
                                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

LE 9 JUIN 1999

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      T-1892-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration c. Su-Chen Chiu
LIEU DE L"AUDIENCE :      Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L"AUDIENCE :      le 20 mai 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE PINARD EN DATE DU 9 JUIN 1999.

ONT COMPARU :

Kim Shane      pour l"appelant

Vancouver (C.-B.)

Gerald Martin      pour l"intimée

Vancouver (C.-B.)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg      pour l"appelant

Sous-procureur général du Canada

Lim et associés      pour l"intimée

Avocats

__________________

     18.1 (3) On an application for judicial review, the Trial Division may          (a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or          (b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.
         18.1 (3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut :          a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;          b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

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